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Éther de glycol

La dĂ©nomination Ă©ther de glycol couvre une famille de produits chimiques dont il existe plus de 80 dĂ©rivĂ©s ; une trentaine au moins Ă©tant produits et utilisĂ©s par l'industrie. En raison de leur toxicitĂ©, ils sont interdits dans les produits d'usages courants, mais ils restent trĂšs utilisĂ©s dans certains processus oĂč ils sont substituĂ©s aux solvants habituels inflammables et/ou rĂ©putĂ©s plus nocifs encore.

Ce sont en effet des solvants amphiphiles ; Ă  la fois solubles dans l'eau et les graisses, ce qui leur confĂšre des propriĂ©tĂ©s trĂšs particuliĂšres apprĂ©ciĂ©es pour de nombreux usages techniques et industriels. Mais cette mĂȘme propriĂ©tĂ© les rend contaminants pour les organismes vivants, animaux notamment. Certains ont une toxicitĂ© reconnue, notamment lors d'exposition en milieu industriel et pour certains mĂ©tiers[1].

Exemples d'éthers de glycol : 2-butoxyéthanol et 2-phénoxyéthanol.

Dans les pays riches oĂč ces produits sont omniprĂ©sents[2], la population gĂ©nĂ©rale en semble largement imprĂ©gnĂ©e, bien qu'Ă  faibles doses. Ses effets chroniques sont mal Ă©valuĂ©s.

Caractéristiques

  • Incolores.
  • Moyennement volatils.
  • Odeur agrĂ©able, lĂ©gĂšrement Ă©thĂ©rĂ©e.

On les classe en deux groupes dont les propriétés sont proches, mais qui ont des toxicités différentes :

  • les dĂ©rivĂ©s de l'Ă©thylĂšne glycol (dits « Ă©thers de type E »), de formule gĂ©nĂ©rale R-O-(CH2-CH2)n-O-R' ;
  • les dĂ©rivĂ©s du propylĂšne glycol (dits « Ă©thers de type P »), de formule gĂ©nĂ©rale R-O-[CH2-CH(CH3)]n-O-R' (isomĂšre alpha).

Production

La production est significative. À titre d'exemple, ce sont en France, environ 30 000 t d'Ă©thers de glycol qui sont utilisĂ©s par an :

  • 17 000 t pour les Ă©thers de la famille Ă©thylĂ©nique ;
  • 12 500 t pour ceux de la famille propylĂ©nique ;
  • huit Ă©thers de glycol Ă©thylĂ©nique et cinq propylĂ©nique sont vendus Ă  plus de 500 t par an.

Ils sont pour moitié utilisés comme agent solvant dans les peintures, encres et colles à raison de 40 % environ de dérivés éthyléniques et 60 % de dérivés propyléniques. Les éthers de glycols éthyléniques tendent à diminuer au profit des éthers propyléniques. Il y a cinq ans, cette répartition était de 75 %/25 %.

Usages

Outre un usage en amont comme solvant, dégraissants, fluides de coupes, agents de nettoyage ou d'extraction par exemple, on en trouve dans les produits courants non alimentaires, tels que peintures, encres, vernis, teintures, colles, adhésifs, détergents, décapants, traitements anticorrosion, nettoyants de vitres, mais aussi dans certains produits pharmaceutiques et cosmétiques, solutions de colorations pour cheveux.

Toxicologie

Leur toxicité varie selon les familles de produit, qui sont métabolisés de façon différente par les organismes. Les éthers de type P (propylénique) sont rapidement éliminés par l'expiration (d'ailleurs souvent déjà dégradés en propylÚne glycol et en alcool puis en dioxyde de carbone).

Au contraire, les Ă©thers de type E (Ă©thylĂ©niques) ne sont pas Ă©liminĂ©s et sont dĂ©gradĂ©s par l'organisme en mĂ©tabolites, dont certaines sont plus toxiques que la molĂ©cule-mĂšre ; les Ă©thers de glycols Ă©thylĂ©niques sont dĂ©gradĂ©s en Ă©thylĂšne glycol (toxique), en aldĂ©hydes, qui donnent eux-mĂȘmes naissance Ă  des acides.

Voies de pénétration et cinétique dans l'organisme

Pour les données récentes, voir le rapport Inserm 2006[3].

De par leurs caractĂ©ristiques chimiques, les Ă©thers de glycol pĂ©nĂštrent trĂšs facilement la barriĂšre cutanĂ©e et les muqueuses animales (la peau des animaux y est plus ou moins permĂ©able ; un contact direct avec sa forme liquide permet une contamination trĂšs significative, mais selon l'Inserm (2006), la peau d'un adulte humain en absorbe deux Ă  trente fois moins que celle du rat (selon le composĂ© considĂ©rĂ©)). On peut penser que l'absorption est plus importante chez les enfants oĂč la peau est plus fine.

La quantitĂ© de produit pĂ©nĂ©trant la peau est variable selon le type d'Ă©ther ; plus le poids molĂ©culaire est faible (EGME > 2PG1ME > EGEE > EGEEA > EGnPE > DEGME > DEGEE > DEGBE), mieux la molĂ©cule pĂ©nĂštre dans la peau et le corps, sans accumulation ni mĂ©tabolisation constatĂ©e dans la peau elle-mĂȘme (ni in vitro, ni in vivo).

La pĂ©nĂ©tration est accrue si ces Ă©thers de glycol sont solubilisĂ©s dans de l'eau ou de l'Ă©thanol. Quand il fait chaud, la pĂ©nĂ©tration est plus importante ; la pĂ©nĂ©tration varie ainsi de 20 Ă  2 800 ÎŒg h−1 cm−2.

Les Ă©thers de glycol passent ainsi dans le sang et se rĂ©pandent dans le corps, avec contamination fƓtale possible[3].

Ils peuvent aussi traverser la muqueuse pulmonaire lors de la respiration (inhalation d'aĂ©rosols du produit ou de particules l'ayant absorbĂ©, en milieu professionnel par exemple) ; des volontaires expĂ©rimentalement exposĂ©s Ă  un air contenant des vapeurs de divers Ă©thers de l’éthylĂšne glycol ont permis de montrer que 50 Ă  80 % de la quantitĂ© inhalĂ©e passait directement la muqueuse pulmonaire (le taux d'absorption varie selon les dĂ©rivĂ©s, et les poumons en absorbent d'autant plus que la concentration dans l'air est Ă©levĂ©e).

Plus rarement ils sont absorbĂ©s par voie digestive, accidentellement, lors d'une tentative de suicide, ou via des aliments contaminĂ©s. Dans ce cas, sauf pour les polyĂ©thers de glycol ayant un nombre de rĂ©sidus Ă©thers supĂ©rieur Ă  5, tous les Ă©thers testĂ©s (voie orale) ont Ă©tĂ© en totalitĂ© absorbĂ©s par l’organisme, un trĂšs faible pourcentage (moins de 5 %) Ă©tant retrouvĂ© dans les fĂšces[3].

Les professionnels semblent de loin les plus exposés à des contaminations aiguës ou chroniques, et ceci dans de nombreux secteurs d'activité (peinture, aéronautique, le bùtiment, mécanique, entreprises de nettoyage, industrie électronique, salons de coiffure, sérigraphie). Environ un million de salariés y seraient ainsi directement exposés.

Ces éthers étant peu volatils, c'est principalement via la peau qu'il pénÚtrent les organismes animaux et humains.

Toxicité aiguë

La toxicitĂ© aiguĂ« existe et semble notamment liĂ©e Ă  la mĂ©tabolisation primaire en Ă©thylĂšne glycol, lequel est un toxique avĂ©rĂ©, provoquant une intoxication dont les symptĂŽmes en cas d'ingestion sont : polyurie (en raison du pouvoir osmotique de l'Ă©thylĂšne glycol), suivie de nausĂ©es et vomissements, Ă©briĂ©tĂ©, puis somnolence et coma. L'intoxication aiguĂ« peut donc ĂȘtre grave en cas de forte exposition et d'ingestion accidentelle. Elle se traduit dans l'organisme par des troubles neurologiques, hĂ©matologiques, mĂ©taboliques et rĂ©naux sĂ©vĂšres ; en particulier une acidose mĂ©tabolique provoque une Ă©lĂ©vation du « trou anionique Â» Ă  la suite de la formation d'acide glycolique produit par une enzyme (l'alcool dĂ©shydrogĂ©nase, ou ADH). Des cristaux d'oxalate de calcium (terme final de la mĂ©tabolisation de l'Ă©thylĂšne glycol) prĂ©cipitent alors dans les tissus, entraĂźnant dans les cas graves une insuffisance rĂ©nale aiguĂ«, un coma, un ƓdĂšme pulmonaire, accompagnĂ©s d'un Ă©tat de choc, avec insuffisance cardiaque et dĂ©faillance multiviscĂ©rale. Une hyperglycĂ©mie, hyperleucocytose et hypocalcĂ©mie peuvent induire des myoclonies, crises de tĂ©tanie et convulsions, avant l'insuffisance rĂ©nale. S'il y a guĂ©rison, des sĂ©quelles rĂ©nales et neurologiques peuvent exister[4].

Toxicité des faibles doses et de l'exposition chronique

Deux Ă©thers de glycol ont une toxicitĂ© avĂ©rĂ©e. l’Afsset a prĂ©conisĂ© en 2008[5] que la prĂ©vention professionnelle soit renforcĂ©e pour ces deux substances (2-Ă©thoxyĂ©thanol (EGEE) classĂ© reprotoxique de catĂ©gorie 2 et DEGME, classĂ© reprotoxique de catĂ©gorie 3). Ils ne sont autorisĂ©s que pour certains usages industriels. Avant 2008, il existait peu d’études Ă©cotoxicologiques toxicologiques et Ă©pidĂ©miologiques sur les autres Ă©thers de glycol. À la suite de la dĂ©monstration de la toxicitĂ© de certains Ă©thers de glycol (dans les annĂ©es 1980), la directive europĂ©enne 76/769/CEE a imposĂ© une restriction d’usage pour dix molĂ©cules classĂ©es reprotoxiques, (transposĂ©e en France en 1997[6].

En 2003, l’Agence française de sĂ©curitĂ© sanitaire de l’environnement et du travail a Ă©tĂ© saisie sur la question de l’exposition des individus aux Ă©thers de glycol. Une expertise collective de l’Inserm a en 2006 fait un point toxicologiques avant (en ) d’aboutir Ă  un rapport sur l’exposition des professionnels et de la population en France. À partir de ces deux sources, l’AFSSET a rendu un avis sur les connaissances disponibles pour 47 Ă©thers de glycol dont certains sont source de dangers potentiels pour les travailleurs et/ou la population. Ceux qui sont actuellement classĂ©s reprotoxiques sont consacrĂ©s Ă  des usages professionnels et constitueraient 0,4 % du total (soit 130 tonnes par an). L’Afsset signale trois Ă©thers de glycol trĂšs utilisĂ©s en France pour lesquels des incertitudes demeurent ; le propylĂšne glycol monomĂ©thyl Ă©ther (PGME) parce qu’il contient une impuretĂ© reprotoxique de catĂ©gorie 2 (4) difficilement sĂ©parables du produit car de structure chimique trĂšs proche.

L’Afsset Ă©tudie en 2008 la pertinence du seuil lĂ©gal de 0,5 % d’impuretĂ©s contenues dans l’éther de glycol en France. L’Afsset demande des recherches supplĂ©mentaires concernant une autre impuretĂ© de synthĂšse pour le PGEE, un des Ă©thers de glycol les plus utilisĂ©s et de l’éthylĂšne glycol phĂ©nylĂ©ther (EGPhE) un conservateur utilisĂ© dans la moitiĂ© des produits cosmĂ©tiques. L’application de la directive Biocides et/ou du rĂšglement Reach devraient aussi complĂ©ter ces connaissances.

Des dosages urinaires faits en France montrent que la population est rĂ©ellement exposĂ©e Ă  ces produits et Ă  deux de molĂ©cules suspectes (EGPhE et une impuretĂ© du PGME), mais sans conclusion possible sur le risque Ă©tant donnĂ© le manque de valeur de rĂ©fĂ©rence pour la plupart des Ă©thers de glycol (et il en va de mĂȘme pour les indices biologiques d’exposition (IBE). L’Afsset pose aussi la question d’éventuelles synergies entre plusieurs Ă©thers de glycol et/ou de leurs impuretĂ©s « dans le cas oĂč deux impuretĂ©s classĂ©es reprotoxiques sont prĂ©sentes dans un mĂȘme produit Ă  un taux infĂ©rieur Ă  0,5 %, le cumul de leurs taux pourrait excĂ©der le seuil de sĂ©curitĂ© », ce qui invite Ă  rĂ©Ă©valuer certains seuils lĂ©gaux.

L’Afsset insiste aussi Ă  un Ă©tiquetage et une information plus claire et transparente, dont sur les aspects toxicologiques. Le risque Ă©cotoxicologique, plus large est encore moins explorĂ©.

Effets d'une exposition chronique Ă  de faibles doses

Ils sont mal connus. Certaines donnĂ©es semblent aller dans le sens d'une plus grande sensibilitĂ© de l'ĂȘtre humain par rapport aux autres espĂšces animales. Le suivi de salariĂ©s exposĂ©s aux Ă©thers de glycol a mis en Ă©vidence plusieurs impacts sur la santĂ© :

  • cytopĂ©nies sanguines : les globules blancs (polynuclĂ©aires neutrophiles sont les plus touchĂ©s. Leur dĂ©lĂ©tion semble avoir une origine centrale, mĂ©dullaire. Ceci entraĂźne un impact sur l'immunitĂ©. Ce phĂ©nomĂšne est rĂ©versible : la cytopĂ©nie disparaĂźt aprĂšs arrĂȘt de l'exposition aux Ă©thers de glycols ;
  • infertilitĂ© masculine et fĂ©minine et troubles de la reproduction : les EGME, EGEE et leurs acĂ©tates affectent la fonction reproductive masculine (diminution de la concentration du sperme, oligospermie). Des troubles graves de la fertilitĂ© fĂ©minine ont aussi Ă©tĂ© signalĂ©s dans des professions exposĂ©es : cycles menstruels irrĂ©guliers ou de durĂ©e anormale, difficultĂ©s Ă  concevoir, toxicitĂ© sur l'embryon et avortements spontanĂ©s, ainsi que des malformations congĂ©nitales ;
  • effet gĂ©notoxique, Ă  l'origine de malformations : quelques Ă©thers de glycol pĂ©nĂštrent les noyaux cellulaires et altĂšrent la structure du gĂ©nome, et son fonctionnement, avec de graves consĂ©quences sur la croissance et le dĂ©veloppement cellulaires ;
  • cancĂ©rogĂ©nicitĂ© : elle est discutĂ©e et semble possible en raison de l'effet gĂ©notoxique avĂ©rĂ© d'une partie des Ă©thers de glycol, mais les Ă©pidĂ©miologistes n'ont pas confirmĂ© d'effet cancĂ©rigĂšne direct[7]. Des cas de cancers de l'estomac, du testicule, de leucĂ©mies myĂ©loĂŻdes aiguĂ«s ont Ă©tĂ© rapportĂ©s[8].

Traitement

Les effets de l'éthylÚne glycol sont combattus par un apport hydrique, des bicarbonates en perfusion, l'inhibition du métabolisme de l'éthylÚne glycol par l'alcool éthylique (utilisation délicate en raison des effets secondaires, dont l'ébriété) et élimination des métabolites toxiques par hémodialyse. Des dérivés pyrazolés sont utilisés comme antidote ; 4-méthylpyrazole (4-MP) ou fomépizole [9-12] qui inhibent l'ADH, sans effet secondaire connu[9] - [10] - [11] - [12].

Notes et références

  1. Rapport INRS.
  2. Nisse, C., Labat, L., Thomas, J. et Leroyer, A. (2017), CaractĂ©risation de l’exposition aux Ă©thers de glycol d’un Ă©chantillon de population gĂ©nĂ©rale du Nord–Pas-de-Calais par biomĂ©trologie urinaire, Toxicologie Analytique et Clinique, 29 (4), 418-440 (rĂ©sumĂ©).
  3. « Rapport Inserm 2006 »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?), .
  4. Note sur la toxicitĂ© aigĂŒe de l'Ă©thylĂšne glycol [PDF], sur orpha.net.
  5. Avis de l’Afsset et synthĂšse des connaissances sur les expositions de la population gĂ©nĂ©rale et professionnelle en France (septembre 2008). Voir aussi l'Avis de l’Afsset sur l’impuretĂ© reprotoxique du PGME ()
  6. ArrĂȘtĂ© du 7 aoĂ»t 1997 relatif aux limitations de mise sur le marchĂ© et d'emploi de certains produits contenant des substances dangereuses
  7. Conclusion de [l'expertise collective de l'Inserm, qui répondait aux questions des ministÚres chargés de l'Environnement et de l'Emploi et de la Solidarité sur l'impact des éthers de glycol sur l'environnement et la santé (1999) SynthÚse
  8. Institut national de recherche et de sĂ©curitĂ©, Dossier. Éthers de glycol 2006, www.inrs.fr
  9. Baud F.J., Galliot M., Astier A. et al., Treatment ofethylene glycol poisoning with intravenous 4-methylpyrazole, N. Engl. J. Med., 1988 319: 97-100.
  10. Baud F.J. Bismuth C., Garnier R. et al., 4-methylpyrazole may be an alternative to ethanol therapy for ethylene glycol intoxication in man, J. Toxicol. Cin. Toxicol., 1987, 14: 463-83.
  11. Harry P., Turcant A., Bouachour G. et al., Efficacy of 4-methylpyrazole in ethylene glycol poisoning, Hum. Exp. Toxicol., 1994, 13:61-4.
  12. Brent J., McMartinK, Pillips S. et al., Fomepizole for the treatment of ethylene glycol poisoning. Methylpyrazole for Toxic Alcohols Study Group, N. Engl. J. Med., 1999, 340, 832-8.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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