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Élisa Lemonnier

Élisa Lemonnier, née Marie Juliette Élisa Grimailh le à Sorèze et morte le à Paris 8e[1], est une éducatrice française, considérée comme la fondatrice de l’enseignement professionnel pour les femmes en France.

Élisa Lemonnier
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Marie Juliette Élisa Grimailh
Nationalité
Activité
Conjoint
Autres informations
Mouvements

Biographie

Fille de Jean Grimailh, d’une famille très anciennement établie à Sorèze, et d’Étiennette-Rosalie Aldebert, dont le grand-oncle maternel, Maurice de Barrau, commandait à Valmy la première ligne d’infanterie, et a contribué par son sang-froid et son intrépidité au gain de la bataille, Élisa est le troisième de cinq enfants et l’ainée des filles. Son père, esprit vif et curieux, cherchait dans la lecture des diversions à la vie monotone d’une petite ville et aimait à instruire ses enfants, à développer leur esprit, à se faire rendre compte de leurs études.

Orpheline de père à douze ans, sa grand-mère, Madame Aldebert, ne vint demeurer avec sa fille qu’après la mort de son gendre, mais elle habitait Sorèze depuis longtemps. Elle est élevée par sa mère et sa grand-mère, femme intelligente, belle, hardie, d’un caractère énergique, un peu altier, entichée de sa noblesse, et qui se vantait volontiers d’avoir été jetée en prison par les Jacobins, en 93. Placée ensuite chez des cousins, les Saint-Cyr du Barrau, elle séjourne les mois d’hiver à Castres et le reste du temps à la campagne, à La Sabartarié, petit village du Tarn situé sur les premières pentes de la montagne Noire. « Les quatre ou cinq années que passa près d'eux la jeune Élisa eurent une grande influence sur le développement de son esprit et sur son cœur[2] », précisera plus tard son mari. Elle y apprend l’histoire, la géographie, la grammaire, la lecture et « les bonnes manières. »

Pendant que les frères ainĂ©s suivaient les cours du collège, Élisa, en compagnie de son jeune frère Émile, frĂ©quentait les classes Ă©lĂ©mentaires et mixtes d’un pensionnat de demoiselles oĂą l’on enseignait non seulement la lecture, l’écriture et la grammaire, mais un peu d’arithmĂ©tique, un peu de gĂ©ographie, un peu d’histoire, un peu de dessin. Revenue en 1820 dans la maison familiale, elle frĂ©quente les filles du directeur du collège de Sorèze, oĂą ses deux frères suivent leur scolaritĂ©. FondĂ© en 1682 par les bĂ©nĂ©dictins pour rĂ©sister Ă  l’influence de l’AcadĂ©mie des protestants de Puylaurens, le collège de Sorèze acquiert vite une large renommĂ©e. Il devient en 1776 l’une des douze Ă©coles royales de France. Toujours placĂ© sous l’autoritĂ© des bĂ©nĂ©dictins, victime de persĂ©cutions religieuses, le collège est sauvĂ© en 1796 par les frères François, puis Raymond-Dominique Ferlus. Les idĂ©es libĂ©rales envahissent dĂ©sormais l’enseignement devenu laĂŻc. Voltaire y est admirĂ© et la reconnaissance du mĂ©rite prime le rang social ou l’importance des terres. Après la chute du Premier Empire, le pouvoir royal restaurĂ© ne supporte pas longtemps cet Ă©tat d’esprit. En 1824, pour justifier une reprise en main du collège, il dĂ©nonce l’indiscipline et l’irrĂ©ligion qui y règnent. Il n’admet pas que, sur 40 professeurs, six seulement affichent des opinions royalistes. En fait, il voit dans ce collège un foyer de contestation politique et, face Ă  la pression du reprĂ©sentant du pouvoir, de nombreux enseignants choisissent de quitter l’établissement. C’est Ă  l’occasion du remplacement de ces professeurs que sont introduites et dĂ©veloppĂ©es les idĂ©es de Saint-Simon (mort en 1825) et dont les disciples, Armand Bazard et Claire Bazard[3] et Prosper Enfantin, se veulent les apĂ´tres d’une sociĂ©tĂ© nouvelle.

C’est dans les salons de François Ferlus, directeur du collège de Sorèze, qu’elle rencontre Charles Lemonnier, professeur de philosophie et adepte du saint-simonisme. Elle l’épouse le 22 août 1831 à Sorèze[4]. Après une brève séparation[5], Charles Lemonnier ayant rejoint Prosper Enfantin et ses apôtres à Ménilmontant, ils se retrouvent à Sorèze où Charles est engagé comme professeur à l’École. Ils y vivent plutôt modestement pendant près de huit ans. Ils sont hébergés chez Jacques Rességuier et ils sont d’actifs militants de l’Église saint-simonienne du Midi. Ils quittent Sorèze peu avant la mort de Raymond Ferlus et la vente de l’École. La famille réside à Bordeaux où Charles Lemonnier devient avocat.

Quand Charles Lemonnier devient responsable du contentieux des Chemins de fer du Nord, le couple Lemonnier quitte Bordeaux pour s'installer Ă  Paris. Tous deux frĂ©quentent les milieux rĂ©publicains et libĂ©raux parisiens, au sein desquels ils vivent avec enthousiasme et espoir les journĂ©es rĂ©volutionnaires de 1848. Les troubles qui agitent Paris pendant la rĂ©volution montrent la misère et le dĂ©nuement de ces femmes rĂ©duites Ă  la pauvretĂ©, faute d'une qualification professionnelle qui leur permette de trouver un emploi. Pour y remĂ©dier, elle loue un local, rue du Faubourg-Poissonnière, et le transforme en « atelier national de fournitures pour les hĂ´pitaux et les prisons Â». Elle embauche de nombreuses mères de famille et leur apprend, moyennant salaire, Ă  confectionner des couvertures, des blouses, en fonction des besoins, avec les tissus qu'elle achète. Elle envisage la crĂ©ation d'une SociĂ©tĂ© des travailleuses unies, dans l'idĂ©e de permettre aux femmes de concilier obligations domestiques et maternelles et emploi salariĂ©. ConsternĂ©e par la maladresse de ces ouvrières, elle conçoit le projet de donner un vĂ©ritable enseignement professionnel Ă  des jeunes filles afin de leur permettre de gagner leur vie[6].

La militante

En 1856, avec 18 amies, elle crĂ©e la SociĂ©tĂ© de protection maternelle. Il s'agit, selon elle, d'« une rĂ©union de dames et demoiselles […] destinĂ©e Ă  fournir gratuitement au plus grand nombre possible de jeunes filles pauvres l'Ă©ducation et l'instruction professionnelle[2]:28. » De nombreuses personnalitĂ©s l'encouragent Ă  persĂ©vĂ©rer dans son ambition Ă©ducatrice pour libĂ©rer les femmes des consĂ©quences de l'ignorance. Par la querelle des « deux France Â», l'une fidèle Ă  l'Église catholique ultramontaine, l'autre hĂ©ritière des Lumières et laĂŻque, s'expliquent aussi les appuis dont elle bĂ©nĂ©ficie. Plusieurs loges maçonniques accompagnent son projet, moyen appropriĂ© pour elles de s'opposer Ă  l'influence des congrĂ©gations religieuses sur l'esprit des jeunes filles. Le libĂ©ral BarthĂ©lemy Saint-Hilaire, l'actif saint-simonien Arlès-Dufour, Alexandre Dumas père, des gĂ©nĂ©reux reprĂ©sentants de la branche française de la famille Rothschild et la grande artiste peintre animalière Rosa Bonheur, lui accordent leurs soutiens. Elle est aussi soutenue dans son action par la Compagnie parisienne d'Ă©clairage et de chauffage par le gaz, et par la Compagnie des omnibus des dynamiques frères Pereire.

Ainsi accompagnĂ©e politiquement et financièrement, elle crĂ©e en la SociĂ©tĂ© pour l’enseignement professionnel des femmes. Elle loue un atelier et ouvre le , au 9, rue de la Perle Ă  Paris, la première Ă©cole professionnelle pour jeunes filles. Cette Ă©cole rencontre un rapide succès : en dix mois, 80 Ă©lèves sont inscrites pour suivre les cours, elles sont 150 au bout d'un an. Les locaux sont trop petits et elle est obligĂ©e d'en trouver de plus vastes rue du Val-Couture-Sainte-Catherine. Puis deux autres Ă©coles s’ouvrent : une rue Volta et une rue de Rochechouart. Cette institution donne naissance Ă  l’école DuperrĂ© en 1864[7].

En 1890, on dĂ©nombre huit « Ă©coles Lemonnier Â» oĂą environ 500 jeunes filles y suivent l’enseignement. Parmi les enseignantes, Delphine de Cool, qui fut directrice de l'une de ces Ă©coles pour jeunes filles, enseigna l'art de l'Ă©mail sur mĂ©tal.

On compte une école ouverte par Élisa Lemonnier au 23, rue de Turenne[8].

Les élèves sont issues de la petite bourgeoisie et de la classe ouvrière aisée car l’école est payante. Élisa prépare elle-même les programmes et fixe les rythmes scolaires. Les cours de français, d'histoire, de géographie, d'arithmétique, de physique et de chimie, de dessin, d'écriture et d'hygiène sont communs à toutes les élèves et sont dispensés le matin. L'après-midi sont enseignés les règles du commerce, la tenue des livres de comptes, le droit civil et commercial, l'anglais, et organisés des ateliers de couture, de confection, de dessin, de gravure sur bois, de peinture sur porcelaine…

La scolarité s'étale sur trois ans ; les familles participent au financement de l'école à raison de douze francs par mois et par jeune fille inscrite. Des bourses peuvent être accordées aux élèves, leurs montants calculés en fonction des ressources familiales. L'enseignement dispensé est laïc. Protestante, Élisa n'a jamais caché sa foi, mais cette exigence de laïcité correspond d'abord, pour elle, à une attitude de respect et de tolérance à l'égard de toutes les confessions. Elle considère que c'est au sein des familles, non dans les écoles, que doit éventuellement s'enseigner et se cultiver la foi religieuse.

L’œuvre d’Élisa Lemonnier précède de vingt ans l'action de Camille Sée et la loi qui instaurera les lycées de jeunes filles. Elle prépare la lente reconnaissance de l'enseignement professionnel et préfigure le combat victorieux des républicains pour la laïcité de l'enseignement public[9].

Postérité

Il existe, depuis 1884, une rue Élisa-Lemonnier dans le 12e arrondissement de Paris. Il existe aussi dans ce même arrondissement un lycée polyvalent Élisa-Lemonnier spécialisé dans les métiers de la coiffure, de la mode, et de la beauté, situé 20, avenue Armand-Rousseau. Sorèze compte également une rue Elisa-Lemonnier.

La Ville de Paris a également inauguré une plaque commémorative en sa mémoire au 9, rue de la Perle, dans le 3e arrondissement[10].

En 1892, puis en 1895, l'Union centrale des arts décoratifs (UCAD) monte une série d'expositions intitulées « Les Arts de la Femme », regroupant une centaine de créatrices et des travaux issus notamment de ces écoles[11].

L’école Duperré considère Elisa Lemmonier comme sa fondatrice[7].

Notes et références

  1. Acte de décès no 838, mairie du 8e arrondissement, Paris.
  2. Charles Lemonnier, Élisa Lemonnier, fondatrice de la Société pour l'enseignement professionnel des femmes, Saint-Germain, L. Toinon, , 46 p., in-8° (lire en ligne), p. 14.
  3. Christine Bard et Sylvie Chaperon, Dictionnaire des féministes : France, XVIIIe-XXIe siècle (ISBN 978-2-13-078720-4 et 2-13-078720-7)
  4. https://bach.tarn.fr/viewer/series/E_serie/5E/TD000018/5E28800401/
  5. Depuis 1830, une fracture idéologique ne cesse d'opposer Enfantin et Bazard : pour Enfantin, l'émancipation de la femme passe nécessairement par la libération de ses instincts sexuels, une liberté amoureuse totale, la constitution de communautés de femmes, ce qui lui apparait d'une immoralité monstrueuse et inacceptable. Elle prend donc le parti de Bazard, ce que ne fait pas Charles. Charles repart pour Paris et Élisa s'en retourne à Sorèze.
  6. Debré et Bochenek 2013, p. 53-59
  7. école Duperré,, Naissance de l'école Duperré en 1864.
  8. Jacques Rougerie, « 1871 : la Commune de Paris », in Christine Fauré (dir.), Encyclopédie politique et historique des femmes, PUF, 1997, pp. 405-431.
  9. Debré et Bochenek 2013, p. 60-62
  10. « Conseil de Paris »
  11. Catalogue de 1895, en ligne.

Annexes

Bibliographie

  • Madame Élisa Lemonnier, nouveau dictionnaire de pĂ©dagogie et d’instruction primaire, Ferdinand Buisson, 1911 (notice en ligne).
  • Jean-Louis DebrĂ© et ValĂ©rie Bochenek, Ces femmes qui ont rĂ©veillĂ© la France, Paris, Arthème Fayard, , 374 p. (ISBN 978-2-213-67180-2).
  • Jeanne Gaillard, Paris, la ville (1852-1870), rĂ©Ă©dition prĂ©parĂ©e par Florence Bourillon et Jean-Luc Pinol, L'Harmattan, 1997 (en ligne).
  • (ca + fr) RenĂ© Ramond et Pierre Ramond, En cèrca d'Elisa : Sorèze et les Saint Simoniens, Institut de estudis occitans Tarn, , 221 p.
  • RenĂ© Ramond et Pierre Ramond, Élisa, une Saint-simonienne au siècle des Ferlus, Anne-Marie Denis, , 215 p. (ISBN 978-2-7574-0103-3).

Liens externes

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