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Écholocalisation des dauphins

L’écholocalisation des dauphins est la capacité de ces animaux à repérer et situer les aspects importants de leur environnement, particulièrement leurs congénères ou les proies. Sur le principe du sonar actif, elle se base sur la propagation des ondes acoustiques dans l’eau.

Schématisation de l'écholocalisation chez le Grand Dauphin

Origines

L'utilisation du sonar chez les dauphins est une adaptation aux contraintes du milieu aquatique leur permettant de localiser et d'identifier des objets sous l’eau.

En effet, même s’il est possible d’utiliser la vue à faible profondeur (quelques mètres) en journée, l’absence de luminosité (turbidité, profondeur, mauvais éclairement extérieur) rend très vite ce sens inefficace. À l’opposé, le sonar reste toujours opérationnel et permet de repérer les proies ou obstacles à des grandes distances (plusieurs centaines de mètres en basses fréquences). De plus, les ondes acoustiques ne se propagent pas seulement dans l’eau : elles peuvent également traverser des matériaux plus denses, offrant ainsi la possibilité de trouver des poissons cachés sous le sable ou dans les algues. Enfin, le sonar permet aussi d’attaquer les proies à distance par génération d’une forte impulsion acoustique qui les désoriente ou même les assomme.

Écholocation et langage

Fichier audio
Dauphins et baleines du Venezuela
Des difficultés à utiliser ces médias ?
Des difficultés à utiliser ces médias ?
Des difficultés à utiliser ces médias ?

On peut sĂ©parer les ondes acoustiques Ă©mises par les dauphins en deux grands groupes : les sifflements, utilisĂ©s pour communiquer, et les clics servant Ă  l’écholocation[1]. Le langage des dauphins est mal connu et semble complexe. Tout au plus peut on dire qu’il prĂ©sente de grandes variations en fonction du groupe de dauphins Ă©tudiĂ© et des individus. Les sifflements sont bien localisĂ©s en frĂ©quence et se situent plutĂ´t dans les ultrasons (< 25 kHz).

L’utilisation des clics est mieux comprise. Ce sont des signaux très brefs (quelques dizaines de microsecondes) et donc répartis sur une large bande spectrale (la largeur de bande à 3 dB est typiquement d’une cinquantaine de kHz). Utilisés pour l’écholocation, ils sont généralement émis par groupes (trains de clics) ; ils peuvent également être émis seuls pour communiquer.

Plus le dauphin se rapproche de sa proie, plus le train de clics est rapide ; la résolution maximale que peut traiter le cerveau du dauphin est de 600 clics/s.

  • ReprĂ©sentation temporelle d'un clic
    Représentation temporelle d'un clic
  • ReprĂ©sentation frĂ©quentielle d'un clic
    Représentation fréquentielle d'un clic

Fonctionnement

Émission

Écholocation chez les cétacés à dents
Bourse dorsale
Narines osseuses
Mandibule supérieure
Mandibule inférieure
Son sortant
Son entrant

Le dauphin est capable d’émettre diffĂ©rents types de son, de frĂ©quences variables, certains servant Ă  communiquer, d’autres Ă  se repĂ©rer dans l’espace. Le système d’émission chez le dauphin est bien plus complexe que chez l’homme. L’homme n’est en effet capable de produire que du son audible, c’est-Ă -dire entre 20 et 20 000 Hz, c’est la composition physique de ses cordes vocales qui l’impose. Chez le dauphin, une mĂ©canique vibratoire explique aussi la production du son. Le principe est relativement simple, mĂŞme si encore sujet Ă  controverses. Il s’agit du principe des cavitĂ©s de Helmholtz. Le dauphin possède des sacs d’air dont il peut ajuster la taille, afin d’émettre des sons Ă  des frĂ©quences de rĂ©sonances variĂ©es. C’est le mĂŞme principe qui permet d’émettre des sons lorsqu’on souffle Ă  la perpendiculaire d’un goulot de bouteille. Selon la quantitĂ© de liquide dans la bouteille, on pourra Ă©mettre des sons plus ou moins aigus.

Lorsque le dauphin est en plongée, il emmagasine un certain volume d’air dans ses poumons, et il n’en relâche pas. Comme l’homme et ses deux narines, il possède deux conduits aériens parallèles, auxquels sont fixés des petits sacs d’air de taille variable, ce sont des cavités résonantes. Pour produire les sifflements, le dauphin utilise son larynx, comme l’homme. D’ailleurs, les sifflements sont généralement émis dans la gamme de fréquences audibles. Cependant, la mécanique vibratoire classique ne permet pas d’expliquer les capacités d’émissions à une centaine de kHz. En effet, les tissus du larynx ne peuvent pas vibrer à une fréquence si élevée. Ce sont des tissus contenant un liquide cristallin, les lèvres phoniques, qui génèrent ces fréquences élevées. Ce liquide cristallin a des propriétés de résonance à des fréquences beaucoup plus élevées que les tissus normaux. C’est une propriété bien connue des cristaux. Les sons émis se propagent ensuite dans ce qu’on appelle le melon, la bosse cachée sous le front. Il s’agit d’une boule graisseuse qui joue le rôle d’une lentille acoustique focalisante. Elle permet de diriger une onde acoustique cohérente vers la zone spatiale située devant le dauphin.

La communauté scientifique reste encore divisée sur la capacité du dauphin à émettre deux types de sons en même temps. Cependant, l’asymétrie de ses conduits aériens au niveau des connexions au melon laisse penser à certains scientifiques que cela est possible.

Le dauphin est également capable de contrôler la puissance de ses émissions, contrairement à la chauve souris, qui adapte le gain en réception. Le dauphin émet préventivement à un niveau moins élevé si la cible qu’il poursuit est plus près. Typiquement, le dauphin réduit ses émissions de 6 dB si la distance à sa cible est divisée de moitié au cours du temps (pour un niveau constant en réception, il faut compter -3 dB pour le trajet aller, et -3 dB pour le trajet retour). Enfin, la profondeur à laquelle travaille le dauphin joue sur ses capacités, car la pression influe sur le volume d’air dont le dauphin peut disposer.

Comparaison avec les sonars industriels

Transducteur pour sondeur bathymétrique

Les concepts utilisés sur les sonars artificiels travaillant à une dizaine de kHz sont basés d’une part sur les résonances de Helmholtz, et, d’autre part, sur la résonance de structure cristallines (céramiques). De tels systèmes permettent quand même de travailler en bande relativement large.

RĂ©ception

Pour recevoir les signaux réfléchis par les cibles, les dauphins exploitent des tissus adipeux situés sous leur mâchoire, qui remontent jusqu’à son oreille interne. En effet, les dauphins ne présentent pas d'oreille externe et la transmission des ondes acoustiques est permise par ces tissus adipeux. Le son est donc transmis à l’oreille interne, puis au cerveau, qui l’analyse. Le dauphin peut alors déterminer la distance de la cible, sa taille, ainsi que sa vitesse en exploitant l’effet Doppler.

Il peut aussi sonder sous les sédiments, étant donné que le son se propage sous le sable.

Bandes de fréquences

Spectrogramme de dauphins

La plage de rĂ©ception du dauphin est beaucoup plus large que celle de l’homme, et se situe essentiellement dans les ultrasons : elle va de 100 Hz Ă  environ 250 kHz. La question de la bande d'Ă©mission est plus sensible, les nombreuses Ă©tudes sur le sujet ne s’accordant pas toutes. La plage d’émission dĂ©pend en effet de nombreux paramètres, ainsi que de la mĂ©thode de mesure : l’âge de l’individu, son sexe, le groupe auquel il appartient, son espèce exacte, la pĂ©riode de l’annĂ©e, le type de signal Ă©mis ont une grande influence sur les frĂ©quences d’émission. De manière gĂ©nĂ©rale, on peut dire que le dauphin Ă©met entre 1 et 150 kHz[2].

Bien entendu, la frĂ©quence des clics Ă©mis dĂ©pend de ce que le dauphin recherche : lorsqu’il balaye son terrain de chasse en quĂŞte d’une proie, Ă©ventuellement Ă  grande distance, il produit des sons Ă  une frĂ©quence plus basse (< 60 kHz). Une fois l’objectif repĂ©rĂ©, il affine sa « vision » en augmentant progressivement la frĂ©quence d’émission, ce qui augmente sa rĂ©solution spatiale mais diminue sa portĂ©e. L’intensitĂ© d’émission peut ĂŞtre très Ă©levĂ©e : jusqu’à 197 dBSPL aux frĂ©quences les plus basses et 209 dBSPL au plus hautes frĂ©quences (> 105 kHz) (le dBSPL Ă©tant un rapport de puissance par unitĂ© de surface)[1].

Interactions avec l’être humain

Utilisation des dauphins

Mine sous-marine

Les sonars des dauphins sont aujourd’hui exploités par les humains, notamment pour la chasse aux mines sous-marines. Ceci est un sujet à controverse, car on utilise les dauphins dans un but militaire. Cependant, il est argumenté que le dauphin détecte si bien les mines qu’il ne peut rien lui arriver. La détection est très difficile avec des sonars industriels, elle repose sur du traitement d’image, alors que la détection par les dauphins est beaucoup plus efficace, car ils peuvent déterminer la composition des matériaux composant les cibles. Les cibles métalliques réfléchissant plus que d’autres. Cela a été très utilisé en Irak, et a permis aux américains d’ouvrir le golfe au marché international une semaine après la fin du conflit.

Filets de pĂŞche

Bien que performant, le sonar ne leur permet pas de dĂ©tecter les filets de pĂŞche (300 000 dĂ©cès/an). C’est pour cela qu’ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s des cibles en plastiques, structures Ă  forte rĂ©flectivitĂ©, qui permettent aux dauphins de les Ă©viter.

Dangers

Le principal danger dû à l’activité humaine, lié au sonar des dauphins, provient des sonars militaires à basses fréquences (notamment ceux de la marine américaine). La réception de signaux acoustiques de forte puissance entraîne essentiellement deux conséquences : d’une part des dommages de l’appareil auditif, et d’autre part des troubles de décompression dus à une remontée trop rapide du dauphin qui cherche à échapper à l’impulsion sonore.

On peut noter une autre source de nuisance sonore qui est celle des grands parcs éoliens offshore, dont les vibrations mécaniques se transmettent au fond marin puis à l’eau elle-même, générant un bruit basse fréquence de forte amplitude.

Il est difficile de trouver des études sérieuses sur le sujet ; néanmoins, il semble[3] que la physiologie du dauphin commun est assez peu sensible à ces menaces, le problème pouvant en revanche venir de la perturbation des communications entre individus.

La pollution sonore émise par l'activité humaine dans les océans oblige les animaux marins à modifier leur comportement ; les dauphins communiquent moins efficacement, leurs sifflements étant de moins en moins complexes[4].

Notes et références

  1. (en) W. L. Au Whitlow, The sonar of dolphins, New-York, Springer-Verlag, , 292 p. (ISBN 978-0-387-97835-2, lire en ligne).
  2. (en) The Physics Factbook.
  3. X. Lurton et L. Antoine, Analyse des risques pour les mammifères marins liés à l’emploi des méthodes acoustiques en océanographie, Rapport de l’Ifremer, , 88 p. (lire en ligne).
  4. « Pollution sonore : les dauphins réduits au silence », sur France Culture, (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • X. Lurton, Acoustique sous-marine : PrĂ©sentation et applications, Ifremer, , 110 p. (ISBN 978-2-905434-92-0, lire en ligne)
  • (en) James T. Fulton, Dolphin Biosonar Echolocation : A Case Study, 96 p. (lire en ligne)
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