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Vaudès

Vaudès ou Valdès, généralement connu sous le nom de Pierre Valdo, est un marchand de Lyon et prédicateur de l'évangile né en 1140 et mort en 1217[1]. À la suite d'une crise religieuse, il finance une des premières traductions de la bible en langue vernaculaire (le francoprovençal). Il donne tous ses biens pour suivre l'idéal de pauvreté apostolique. Il fonde la fraternité des Pauvres de Lyon, le mouvement vaudois. Il est excommunié en 1184 et son mouvement persécuté.

Vaudès
Statue de Vaudès sur le Mémorial Luther de Worms.
Biographie
Naissance
Décès
Surnom
Pierre Valdo, Valdès
Activités
Autres informations
Condamné pour

Le protestantisme voit en lui un de ses précurseurs. Le Monument à la mémoire de Martin Luther représente Vaudès en soutien de Luther. Le nom Pierre Valdo est gravé sur le Monument international de la Réformation.

Son nom

Son nom, tel qu'il existait en francoprovençal (la langue parlée à Lyon à l'époque) est inconnu. Seules les traductions latines (Valdesius, probablement issue de vallis densa, « vallée touffue », ou Valdus, Valdius, Valdensis, Valdecius) nous sont parvenues. Dans sa profession de foi de 1180, il se nomme lui-même Valdesius.

Rue Pierre Valdo Lyon 5ème

La très répandue appellation Pierre Valdo (Pietro Valdo, Peter Waldo en anglais...), est apocryphe et d'origine italienne. Le prénom Pierre qu'on lui attribue souvent remonte quant à lui à 1368[2], soit plus de 150 ans après la mort de Vaudès. Il s'agit d'une construction a posteriori de la communauté vaudoise de Sankt Peter in der Au, en Autriche, en référence à l'apôtre homonyme[3].

A Genève, Valdès de Lyon est gravé en 2002 au côté d'autres précurseurs du protestantisme sur le Monument international de la Réformation.

En 1980 Giovanni Gonnet conclut son analyse du nom de l'initiateur du mouvement vaudois[4] en conseillant de l'appeler Valdesius, sans prénom, du seul nom "que nous trouvons dans les toutes premières sources d'origine authentiquement vaudoises... qu'on peut facilement traduire par Valdès ou Vaudès". Christine Thouzellier préfère Vaudès qui lui semble plus conforme à la réalité du francoprovençal d'alors[5]. Et pour Gabriel Audisio, la proposition Vaudès est préférée à Valdès car la première évoque plus le Midi à une époque où on ne parlait pas encore le français à Lyon[6]. Mais bon nombre de publications continuent de le nommer Pierre Valdo. Et la formulation sur le Monument international de la Réformation est Valdès de Lyon.

Par souci de précision, il est préférable d'appeler ce personnage Vaudès, ou Valdès sans prénom.

Biographie

Page enluminée de la "bible de Carpentras", traduite en Franco provençal.

Vaudès, peut-ĂŞtre nĂ© Ă  Vaulx-en-Velin, s'Ă©tablit Ă  Lyon oĂą il fit fortune dans le commerce. FrappĂ© de la mort subite de l’un de ses amis dans une rĂ©union de plaisir, il dĂ©cida, vers 1170, de renoncer au monde, abandonnant femme et enfants (il vendit tous ses biens et partagea sa fortune en quatre quarts : une partie pour sa femme, une pour ses filles, une pour ceux qu'il pensait avoir lĂ©sĂ©s et une pour les pauvres) et de travailler dĂ©sormais uniquement Ă  son salut, se conformant ainsi Ă  la « parabole du jeune homme riche » (16-30 Matthieu 19, 16-30) et Ă  l’exemplum d'Alexis de Rome qui avait appliquĂ© cette parabole et dont il avait Ă©coutĂ© un passage de la vie narrĂ©e par un troubadour[7]. Il se consacre Ă  la prĂ©dication de l’Évangile sans ĂŞtre prĂŞtre. Il demande et finance la traduction d'extraits de l’Évangile, au clerc Étienne d’Anse et Ă  Bernard de Ydros qui en assure la copie[8]. Il crĂ©a un mouvement laĂŻc, les Pauvres de Lyon, radical dans son choix de simplicitĂ©, des « hommes nus qui suivent un christ nu »[9]. Ils se considèrent comme de vrais catholiques, ils ne s'opposent pas Ă  l’église mais celle-ci n'accueille pas avec bienveillance leur action, elle finira par les condamner, dès 1184, comme dissidents, schismatiques, puis en 1215 comme hĂ©rĂ©tiques, dĂ©clenchant leur persĂ©cution[9].

En 1179, Vaudès et un de ses disciples se rendirent à Rome. Ils furent bien accueillis par le pape Alexandre III, mais plus fraîchement par la Curie. Ils durent expliquer leur vision de la foi devant un collège de trois ecclésiastiques et notamment des points qui faisaient alors débat au sein de l'Église comme le sacerdoce universel, l'évangile en langue vulgaire, une plus grande pauvreté de l'Institution. Vaudès et ses amis ne furent pas pris au sérieux, un « comité » auquel participait Walter Map, représentant du roi d'Angleterre Henri II, les questionna sur des points précis de théologie où ils furent incapables de répondre[10]. La rencontre n'aboutit donc à rien, et Vaudès et ses disciples d'abord vus avec méfiance furent condamnés au concile Latran III de cette même année mais non encore excommuniés.

Tout d'abord protégés par Guichard de Pontigny, archevêque de Lyon sensible aux thèses réformatrices du mouvement, ils furent chassés de la ville par son successeur Jean Belles-mains, élu par un chapitre cathédral hostile[a 1]. Excommuniés par le Concile de Vérone en 1184, persécutés, Vaudès et ses disciples s'installèrent dans les hautes vallées du Piémont, puis, en France, dans le Luberon : l'Église vaudoise est née. La doctrine de Vaudès fut condamnée par le Concile de Latran en 1215.

Pierre Valdo représenté en gargouille sur la cathédrale Saint-Jean à Lyon. Le sculpteur le figure la tête creuse, comme un fou, prêchant vers le ciel, au lieu de se prosterner devant son dieu.

Lacordaire, dominicain du XIXe siècle résume ainsi les motifs invoqués par l'église catholique pour ces condamnations : « Il crut impossible de sauver l'Église par l'Église. Il déclara que la véritable épouse de Jésus-Christ avait défailli sous Constantin, en acceptant le poison des possessions temporelles ; que l'Église romaine était la grande prostituée décrite dans l'Apocalypse, la mère et la maîtresse de toutes les erreurs ; que les prélats étaient des Scribes, et les religieux des Pharisiens ; que le pontife romain et tous les évêques étaient des homicides ; que le clergé ne devait avoir ni dîme ni terres ; que c'était un péché de doter les églises et les couvents, et que tous les clercs devaient gagner leur vie du travail de leurs mains, à l'exemple des apôtres ; enfin que lui, Vaudès, venait rétablir sur ses fondements primitifs la vraie société des enfants de Dieu. »[11]

C'est sous son impulsion, payant de sa poche la traduction de plusieurs livres de la Bible en francoprovençal[12] vers 1180, que naîtra un engouement populaire pour la lecture et la propagation de la Bible en langue populaire et non plus en latin. En cela Vaudès est un précurseur de la Réforme. De même, il est précurseur de la réforme en proposant que les laïcs soient prédicateurs de l'évangile, tout croyant seul face à Dieu pouvant porter le message.

Il serait intéressant d'établir un parallèle entre Vaudès et son contemporain François d'Assise : tous deux ont renoncé à la fortune pour Jésus-Christ. Tous deux ont lancé des prédicateurs sur les routes. Vaudès n'était initialement pas contre l'Église[13] mais voulait une Église plus pure, plus simple. Le fait qu'il soit un laïc et ignorant le latin et le domaine de la théologie le discrédita auprès du clergé. À la différence de François, Vaudès niait la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie ce qui expliquerait en partie les accusations d'hérésie de la part de l'Église catholique.

Le mouvement vaudois

Il existe à présent en Italie (avec une diaspora en Amérique latine) une Chiesa Valdese (Eglise vaudoise), dont Vaudès serait l’inspirateur. Les vaudois piémontais réfugiés dans les villages abrités des pentes alpines orientales avaient maintenu les principes des Pauvres de Lyon.

Mis en contact au début du XVIe siècle avec la Réforme genevoise de Jean Calvin et Guillaume Farel, ils s'y rallièrent lors du Synode de Chanforan en 1532. Certains vaudois deviennent protestants et leur francophonie les pousse à financer la première traduction de la Bible en français à partir de l'hébreu et du grec : c'est la Bible dite d'Olivétan (1535), étape importante dans la promotion de la langue française.

Le protestantisme vaudois connaîtra une existence difficile, faite de persécutions souvent parallèles à celles subies par leurs coreligionnaires de France. Ce n'est qu'en 1848 (le ) que leur liberté religieuse fut reconnue par la monarchie piémontaise. La Chiesa Valdese se réclame d’une conception non hiérarchique et démocratique de l’Église, considérée comme l’assemblée des croyants.

Hommage

  • Une rue porte son nom Ă  Lyon dans le 5ème arrondissement.

Notes et références

  1. « Pierre Valdo (1140-1217) et les Vaudois - Pierre Valdo est à l’origine du mouvement des Vaudois qui se répand dans le Sud de l’Europe. », sur www.museeprotestant (consulté le )
  2. Ouvrage collectif, Histoire de Lyon, Ă©ditions lyonnaise d'art et d'histoire, 2007, (ISBN 978-2-84147-190-4), p. 189
  3. Gabriel Audisio, Les Vaudois : Naissance, vie et mort d'une dissidence XIIe – XVIe siècles, Éditions Albert Meynier, Turin, 1989, p. 9.
  4. Giovanni Gonnet, Pierre Valdo ou Vaudès de Lyon ? Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme Français, t. 126, 1980, "documents et mélanges" p. 247-250.
  5. Christine Thouzellier, Considérations sur les origines du valdéisme. I Valdesi e l'Europa. Torre Pellice, 1982, p. 3-25.
  6. Gabriel Audisio, Les Vaudois : Naissance, vie et mort d'une dissidence XIIe – XVIe siècles, Éditions Albert Meynier, Turin, 1989, p. 9-10.
  7. Bernard Félix, L'hérésie des pauvres : vie et rayonnement de Pierre Valdo, Labor et Fides, , p. 128
  8. Rudy Damiani, Bibliothèque municipale de Lille et Institut Culturel Italien de Lille, « Pierre Valdo », sur italire.bm-lille.fr (consulté le )
  9. Rudy Damiani, Bibliothèque municipale de Lille et Institut Culturel Italien de Lille, « Les pauvres de Lyon, un mouvement radical », sur italire.bm-lille.fr (consulté le )
  10. Walter Map, De nugis curialium (en).
  11. Vie de Saint Dominique, 1872, chapitre 1
  12. Les Vaudois, de Lyon aux Vallées
  13. Annick Sibué, Luther et la réforme protestante, Eyrolles, 2011, coll. « Eyrolles Pratique », p. 12

Voir aussi

Bibliographie

  • Père Antoine Dondaine, Aux origines du valdĂ©isme, Une profession de foi de Valdès, in «Archivum Fratrum Praedicatorum», 16, Roma, 1946
  • Jean Gonnet et Amedeo Molnár, Les Vaudois au Moyen Ă‚ge, Éditions Claudiana, Turin, 1974
  • Jean Jalla, Pierre Valdo, Éditions « Je sers », Paris et Labor et Fides, Genève, 1934
  • Amedeo Molnár, Storia dei Valdesi, Tome 1 : Dalle origini all'adesione alla Riforma, Éditions Claudiana, Turin, 1989
  • Georges Tourn, Les Vaudois, L'Ă©tonnante aventure d'un peuple-Ă©glise, 1170-1980, Éditions Cahiers de RĂ©veil et Claudiana, Tournon et Turin, 1980, (ISBN 2-902916-05-1) pour l'Ă©dition française, 268 pages
  • Georges Tourn, Pierre Valdo et les vaudois, Éditions OlivĂ©tan, Lyon, 2010, (ISBN 978-2-3547-9105-6)
  • AndrĂ© Pelletier, Jacques Rossiaud, Françoise Bayard et Pierre Cayez, Histoire de Lyon : des origines Ă  nos jours, Lyon, Éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire, , 955 p. (ISBN 978-2-84147-190-4, prĂ©sentation en ligne)
  1. page 189
  • Bernard Appy, Les Vaudois du Luberon, Éditions Ampelos.
  • Bernard FĂ©lix, L'hĂ©rĂ©sie des pauvres, Vie et rayonnement de Pierre Valdo, 224 pages • Labor&Fides • (ISBN 2-8309-1045-1) • 2002.
  • Eugène Arnaud, Les Vaudois du DauphinĂ©, Éditions Ampelos.
  • Henri-Dominique Lacordaire, Vie de saint Dominique, 339 pages • Cerf • (ISBN 978-2-204-08484-0) • 2007, texte intĂ©gral.

Articles connexes

Liens externes

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