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Tchicaya U Tam'si

Tchicaya U Tam'si (de son vrai nom Gérald-Félix Tchicaya, né à Mpili (Congo Brazzaville) le , décédé à Bazancourt (Oise) le , est un écrivain congolais (République du Congo). Il est le fils de Jean-Félix Tchicaya qui représenta l'Afrique équatoriale au parlement français de 1944 à 1958. Il est considéré comme l'un des grands poètes du continent africain.

Tchicaya U Tam'si
Nom de naissance GĂ©rald-FĂ©lix Tchicaya
Naissance
Mpili (Congo-Brazzaville)
Décès
Bazancourt (Oise) (France)
Activité principale
Poète, romancier, dramaturge
Distinctions
Grand Prix de Poésie du Festival mondial des Arts nègres, Dakar, 1966
Auteur
Langue d’écriture Français
Mouvement rimbaldien africain
Genres

Ĺ’uvres principales

  • Le Mauvais Sang,
  • Feu de brousse,
  • Le Ventre

Biographie

Figure d'ancĂŞtre hemba.

Il passe son enfance à Pointe-Noire, il quitte son pays dès l'âge de 15 ans puis fait des études en France. Il y fait paraître ses premiers poèmes dès 1955. Gérald-Félix Tchikaya prend en 1957 le pseudonyme de U Tam'si (en langue vili celui qui parle pour son pays), pseudonyme que prendra aussi Marcel Ntsoni dit Sony Labou Tansi.

C'est son oncle Pierre Tchicaya de Boempire qui, en apprenant que son neveu GĂ©rald se rendait en France pour ses Ă©tudes, lui aurait dit "Toi, tu t'en vas en France, il faut que tu parles de ton pays". Ce serait donc pour rendre hommage Ă  son oncle qu'il aurait pris ce pseudonyme[1].

Le père « prĂ©destine son fils au mĂ©tier de magistrat mais l'enfant rebelle quitte l'Ă©cole avant son baccalaurĂ©at pour exercer plusieurs petits mĂ©tiers et se livrer Ă  l'Ă©criture ».

À 24 ans, il publie son premier recueil Le Mauvais sang, inspiré de Rimbaud, et il est unanimement considéré comme le poète africain le plus doué de sa génération. Sa voix, qui pourtant refuse de s'associer aux chantres de la négritude, demeure la plus importante qui se soit révélée depuis celle d'Aimé Césaire.

En 1960, au moment des indĂ©pendances africaines, il retourne dans son pays, il met sa plume au service de Patrice Lumumba, mais celui-ci est assassinĂ© ; cela le convainc de partir. Son Ă©criture s'inscrit dans la dĂ©colonisation et la lutte contre le racisme et les discriminations sans pour autant faire partie du mouvement de la nĂ©gritude.

Dans le poème Natte à tisser, U Tam'si écrit :

«  Il venait de livrer le secret du soleil
et voulut écrire le poème de sa vie
pourquoi des cristaux dans son sang
pourquoi des globules dans son rire
il avait l'âme mûre
quand quelqu'un lui cria
sale tête de nègre
depuis il lui reste l'acte suave de son rire
et l'arbre géant d'une déchirure vive
qu'Ă©tait ce pays qu'il habite en fauve
derrière les fauves devant derrière des fauves [2]. »

En 1964, il publie Le Ventre. « L'Afrique venait Ă  peine de conquĂ©rir son indĂ©pendance. Mais face aux jeux obscurs des forces impĂ©rialistes provoquant dans nombre de pays africains, singulièrement au Congo, des antagonismes politiques, des querelles intestines et des luttes tribales, il Ă©tait devenu difficile Ă  quiconque s'est trouvĂ© mĂŞlĂ© au drame du peuple noir, de garder le silence. Le Ventre fut alors un cri de douleur et un chant de deuil.

Patrice Lumumba.

La figure de Patrice Lumumba, martyr de l'indĂ©pendance congolaise, qui sert de toile de fond au recueil, confĂ©rait Ă  la parole du poète une dimension tragique. La rĂ©Ă©dition de Le Ventre enrichi des deux poèmes inĂ©dits, La Conga des mutins et La Mise Ă  mort, s'imposait donc. Aujourd'hui, plus de dix ans après la disparition du poète, on verra que le cri de Tchicaya U Tam'si n'a rien perdu de sa force et que sa parole dense et toujours exigeante se veut le lieu de rencontre de l'homme avec sa terre, l'espace toujours renouvelĂ© d'une quĂŞte passionnĂ©e de sa propre identitĂ©[3]. Â»

Il travaille à l'UNESCO jusqu'en 1986, date à laquelle il prend une retraite anticipée pour se consacrer entièrement à l'écriture, jusqu'à sa mort en 1988 à 56 ans[4] - [5]. Il est aussi l'auteur de quatre romans et de trois pièces de théâtre, mais il demeure avant tout comme poète.

Si les hommes politiques disparaissent de la mĂ©moire de hommes, les poètes restent parmi les vivants. Tchicaya U Tam'si le savait, lui qui avait prĂ©dit tel un rebelle prophète bantou : 

« Et je serai de la résurrection !
Et l'on portera mon âme sous un dais d'or
dans les foires les nuits d'Ă©quinoxe.
Puis un orage d'ongles racornis au feu Ă©clatera
dont les éclats me troueront l'âme !
Et je supplierai qu'on m'aime debout !
Afin d'être de la résurrection des corps
parce que j'aurai été le pain et le levain
sinon ce fleuve de joie pour un cœur
multipliant mon cœur dans le pardon[6]! »

Il ouvre ainsi la voie de la modernité à d'autres poètes, comme Léopold Congo-Mbemba par exemple, suivant le sillon déjà creusé par Aimé Césaire.

Jugements littéraires

Masque facial enveloppé de cornes (Kwele).

« En 1955, Le mauvais sang de Tchicaya m'avait frappĂ©, m'Ă©tait entrĂ© dans la chair jusqu'au cĹ“ur. Il avait le caractère insolite du message. Et plus encore Feu de brousse avec ses retournements soudains, ses cris de passion. J'avais dĂ©couvert un poète bantou Â», Ă©crivait L.S. Senghor en prĂ©face Ă  la première Ă©dition d'ÉpitomĂ© (1962). Depuis, la voix de Tchicaya U Tam'si s'est affirmĂ©e comme la plus importante qui se soit rĂ©vĂ©lĂ©e depuis celle de CĂ©saire et celle (trop tĂ´t interrompue) de David Diop[7].

Pour Roger Chemain[8], « original et puissant, Tchicaya U'Tamsi qui, tout au long de sa vie d'Ă©crivain n'a cessĂ© d'afficher sa mĂ©fiance envers la nĂ©gritude, comme du reste envers tout dogme ou toute thĂ©orie, laisse une des Ĺ“uvres les plus riches de la littĂ©rature d'Afrique francophone, Ă  la fois profondĂ©ment congolaise, nationale et universelle[9]. »

Poème

« Donc fichu mon destin sauvez seul mon cerveau
Laissez-moi un atout rien qu'un cerveau d'enfant !
OĂą le soleil courait comme un crabe embĂŞtant
OĂą les mers refluaient m'habillaient de coraux...

Ils ne conviendront pas qu'enfant j'eus les boyaux
durs comme fer et la jambe raide et clopant
j'allais terrible et noir et fièvre dans le vent
L'esprit, un roc, m'y faisait entrevoir une eau ;

Et ceux qui s'y baignaient se muaient en soleil
Je m'élançais vers eux des crocs de mon sommeil
Dans ce rut fabuleux ma tête s'est fêlée...

Donc fichu mon destin l'eau qui rouille le fer...
d'un clair de lune froid monte une terre ourlée
le soleil vrille encor franc dans mon poitrail clair. »

— Le mauvais sang, no XVII, p. 27.

Ĺ’uvres

Poésie

  • Le Mauvais Sang, Pierre Jean Oswald, 1955 ; rĂ©Ă©dition avec Feu de brousse et Ă€ triche-cĹ“ur, L'Harmattan. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article [Ouvrage de rĂ©fĂ©rence]
  • Feu de brousse, 1957, Caractères.
  • Ă€ triche-cĹ“ur, 1958, Caractères.
  • ÉpitomĂ©, coll. « L'aube dissout les monstres Â», P. J. Oswald Éditeur, Honfleur 1962.
  • Le Ventre, 1964, suivi de Le Pain ou la Cendre 1978, rĂ©Ă©ditĂ© Ă©d. PrĂ©sence africaine 1999. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Arc Musical, 1970.
  • La Veste d'intĂ©rieur, suivi de Notes de veille, 1977.

Romans

  • Les Cancrelats, Albin Michel, 1980.
  • Les MĂ©duses, Albin Michel, 1982.
  • Les Phalènes, Albin Michel, 1984.
  • Ces fruits si doux de l'arbre Ă  pain, Seghers, 1987.

Théâtre

  • Le Zulu suivi de Vwène Le Fondateur, Nubia, 1977.
  • Le Destin glorieux du marĂ©chal Nnikon Nniku, prince qu'on sort, PrĂ©sence africaine, 1979.
  • Le Bal de N'dinga, Ă©d. L'Atelier imaginaire/Éditions L'Ă‚ge d'Homme : Tarbes,1987.

Œuvres complètes

  • J’étais nu pour le premier baiser de ma mère, Ĺ’uvres complètes I, Gallimard, coll. « Continent noir », 2013.
  • La trilogie romanesque : Les cancrelats – Les mĂ©duses – Les phalènes, Ĺ’uvres complètes II, coll. « Continent noir », 2015.
  • Les fruits si doux de l’arbre Ă  pain – La main sèche – LĂ©gendes africaines, Ĺ’uvres complètes III, Gallimard, coll. « Continent noir », 2018.

Hommage

Un prix international a été créé en hommage à Tchicaya U Tam'si. Ainsi, depuis 1989, le Prix Tchicaya U Tam'si pour la poésie africaine est décerné tous les deux ans à Assilah, au Maroc.

Le Grand Prix de la Mémoire de l'édition 2014 des Grands prix des associations littéraires lui a été décerné.

Notes et références

  1. Joël Planque, Le Rimbaud noir : Tchicaya U Tam'si, FeniXX réédition numérique, (ISBN 978-2-402-15745-2, lire en ligne)
  2. p. 56 de Le mauvais sang, Ă©d. L'Harmattan, 1978.
  3. 4e de couv. de la nouvelle édition du livre Le Ventre suivi de Le Pain ou la Cendre, éd. Présence africaine. (ISBN 9782708706965)
  4. D'après la prĂ©sentation de l'auteur selon la maison d'Ă©dition « PrĂ©sence africaine. Â»
  5. Michel Conil-Lacoste, « Avec GĂ©rald Tchicaya, figure familière de notre rĂ©gion, disparaĂ®t un grand Ă©crivain africain Â», Le Brayon (Seine-Maritime), 7 juin 1988.
  6. Chant IV dans Soul le ciel de soi, Le Ventre, éd. Présence africaine, Paris 1999, p. 115.
  7. 4e de couv. du livre aux éd. L'Harmattan, Paris 1978, (ISBN 9782858020843) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  8. Voir : De Gérald Félix Tchicaya À Tchicaya U TAM'SI par Roger Chemain, Arlette Chemain-Degrange, préface de Jean-Baptiste Tati Loutard, éd L'Harmattan
  9. Dictionnaire universel des littératures, (Tome III, de P à Z), sous la direction de Béatrice Didier, PUF 1994, p. 3742. Document utilisé pour la rédaction de l’article

Voir aussi

Bibliographie

  • Maurice Amuri Mpala-Lutebele, Testament de Tchicaya U Tam'Si, L'Harmattan, Paris, 2008, 257 p. (ISBN 978-2-296-05633-6)
  • Arlette Chemain-Degrange et Roger Chemain, De GĂ©rald FĂ©lix Tchicaya Ă  Tchicaya U’Tam’si : hommage, Paris, L’Harmattan, 2009, 502 p. (ISBN 978-2-296-07555-9)
  • Cyrille François, « Tchicaya U Tam'si GĂ©rald-FĂ©lix », dans Christiane Chaulet Achour, avec la collaboration de Corinne Blanchaud, (dir.), Dictionnaire des Ă©crivains francophones classiques : Afrique subsaharienne, CaraĂŻbe, Maghreb, Machrek, OcĂ©an Indien, Éd. H. Champion, Paris, 2010, p. 438-441 (ISBN 978-2-7453-2126-8)
  • Boniface Mongo-Mboussa, Tchicaya U Tam’Si, le viol de la lune. Vie et Ĺ“uvre d’un maudit, Ă©d. Vents d’ailleurs, 144 pages, 2014. (ISBN 9782364130432)
  • JoĂ«l Planque, Le Rimbaud noir, Tchicaya U Tam'Si, Paris, Moreux, 2000, 159 p. (ISBN 2-85112-010-7)
  • Tchicaya passion (articles d'Henri Lopes, Alain Mabanckou, DieudonnĂ© Niangouna, Wilfried N'SondĂ©), CulturesFrance, 2008, 157 p. (numĂ©ro de Cultures Sud : Notre librairie : revue des littĂ©ratures d'Afrique, des CaraĂŻbes et de l'ocĂ©an Indien, 2008, no 171)
  • Pierre Leroux, Le PrĂŞtre, le traĂ®tre et le rebelle. Figure christique et messianisme dans les Ĺ“uvres de Dambudzo Marechera et Tchicaya U Tam'si, Wissenschaftlicher Verlag Trier, 2019, 234 p. (ISBN 978-3-86821-808-4)
  • Biagio Magaudda, « Entre surrĂ©el et rĂ©el dans Les mĂ©duses ou les orties de mer de Tchicaya U Tam’si. Une frontière poreuse et muable », Études françaises, vol. 58, no 2,‎ , p. 147-159 (lire en ligne)

Filmographie

  • Tchicaya, la petite feuille qui chante son pays, film de LĂ©andre-Alain Baker, Play Film, Paris, 2001, 52 min (DVD), sĂ©lectionnĂ© au Festival d'Amiens en 2001, au FESPACO en 2003. (Diffusion sur France Ă” et TV5)

Liens externes

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