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Taula

Une taula (mot catalan signifiant « table ») est un monument mégalithique spécifique à l’île de Minorque, dans les îles Baléares, en Espagne. Les taulas sont des monuments caractéristiques de la culture post-talayotique (IVe siècle av. J.-C. à IIe siècle av. J.-C.). Depuis la fin du XXe siècle, les archéologues s'accordent sur le rôle uniquement symbolique de la taula au sein d'une enceinte à ciel ouvert mais ce sujet a longtemps fait l'objet de vives controverses.

Taula de Torralba d'en Salort.

Description

Une taula est une construction mégalithique constituée de deux blocs de pierre de forme parallélépipédique, soigneusement équarris. Le premier bloc de pierre est dressé verticalement en étant soit planté et calé dans une cavité creusée dans le sol tel un menhir (Torralba d'en Salort, Trepucó), soit posé directement sur le sol rocheux. Le second bloc est posé en équilibre à l'horizontale sur le sommet du premier, l'ensemble formant un « T ». Les taulas mesurent de 2 à 4 m de hauteur[1]. Plusieurs études ont tenté de démontrer, sans succès, l'existence d'un lien supposé de proportion entre les deux éléments de la taula[2]. Les piliers verticaux sont d'un style très homogène alors que les chapiteaux horizontaux adoptent des formes plus variées tout en restant parallélépipédiques[2].

Le pied des taulas sont généralement entourés au sol d'une petite enceinte semi-circulaire constituée de pierres dressées sur chant[1]. L'ensemble est entourée d'une enceinte de murs cyclopéens prenant la forme d'un fer à cheval avec une façade légèrement concave intégrant une entrée orientée sud-est/sud-ouest. A l'origine, l'entrée de l'enceinte était matérialisée par un portail à linteau comportant parfois plusieurs niveaux. Le côté intérieur du mur d'enceinte intègre des pilastres avec base, fût et chapiteau. La partie supérieure du mur comporte des niches, la partie inférieure peut être aménagée avec des bancs[2].

La taula est dressée face à l'entrée de l'enceinte et ses surfaces antérieures, visibles depuis l'entrée, sont mieux travaillées que ses parties postérieures. Contrairement à une impression fréquente, reprise à tort y compris dans la littérature archéologique, la taula n'est pas dressée exactement au centre de l'enceinte mais avec un léger décalage vers l'arrière[2].

28 taulas ont été recensées dans l'île de Minorque[1] mais seuls 7 sont encore debout (dont celle de Binissafullet qui a été restaurée)[2]. Aucun autre monument de ce type n'est connu en dehors de cette île[2].

Fouilles archéologiques

Les fouilles des enceintes entourant les taulas ont mis en évidence la présence récurrente d'un foyer près du côté droit des taulas. D'important niveaux de cendres et de charbons, indiquant la réalisation de bûchers intenses et régulier, accompagnées de restes d'animaux comportant des marques de cuisson ont ainsi été découvert à Torralba d'en Salort et à Sa Torreta de Tramuntana. Ces restes sont très majoritairement composés d'os de chèvres et de moutons, mais des ossements de vaches et de cochons ont aussi été découvert. L'étude des ossements révèle qu'il s'agissait de jeunes animaux dont ne furent consommées que les parties les plus charnues après cuisson[2].

Le mobilier archéologique découvert se compose principalement d'un grand nombre de fragments de céramique, d'origine locale ou importée, de petite taille, pouvant correspondre à une vaisselle individuelle destinée à la consommation de nourriture et de boisson. Les céramiques les plus fréquentes sont des fragments d'amphores puniques importées depuis la colonie voisine d'Ebusus installée sur l'île d'Ibiza qui contenaient du vin. Selon M. Fernández-Mirranda, la fragmentation de ces amphores indique une destruction volontaire dans la cadre d'un rituel. Quelques objets représentant des divinités ont aussi été recueillis lors des fouilles : taureau en bronze de Torralba d'en Salort, figurine égyptienne de Torre d'en Galmés, terres-cuites puniques de Sa Torreta de Tramuntana[2].

Essais d'interprétation

Les premières tentatives d'interprétation (Joan Ramis, J. Armstrong) datent du XVIIIe siècle : elles proposent de voir dans les taulas des autels sacrificiels. En 1892, Émile Cartailhac, après avoir visité plusieurs sites, émet l'hypothèse que la taula est un simple pilier destiné à soutenir le toit de la construction, cette construction pouvant être le siège politico-administratif d'une communauté villageoise. Dans les années 1930, Margaret Alice Murray, qui avait fouillé les enceintes de Trepucó et de Torreta de Tramuntana, propose de voir dans la taula la représentation d'une divinité, l'enceinte délimitant un espace de culte. Murray réfute la thèse de Cartailhac, qui n'a procédé à aucune fouille, car selon elle l'enceinte ne pouvait être recouverte (la taula et les pilastres ne sont pas de la même hauteur et sont trop éloignés les uns des autres)[2].

Le débat se poursuit tout au long du XXe siècle et reprend dans les années 1970 entre L. Péricot et J. Mascaró Pasarius : Péricot accorde à la taula à la fois un rôle fonctionnel comme pilier de la toiture (reprenant l'hypothèse de Cartailhac) et symbolique, a contrario Mascaró Pasarius réfute l'existence d'une toiture et considère que la taula est une symbolisation de la tête d'un taureau en lien avec le culte de cet animal. Dans les années 1980, G. Roselló-Bordoy et L. Pantalamor défendent l'hypothèse structurelle (la taula est un pilier) et rejettent son caractère symbolique tout en accordant une fonction religieuse à l'enceinte. Les fouilles du site de Torralba d'en Salort conduisent M. Fernández-Mirranda à reprendre la thèse de Murray et à exclure la possibilité d'une couverture de l'enceinte. Depuis lors, la thèse désormais admise par les chercheurs des universités des Îles Baléares et de Barcelone accorde un rôle symbolique à la taula au sein d'une enceinte à ciel ouvert[2].

Datation

Les taulas sont des monuments caractéristiques de la culture post-talayotique. Les quelques datations au radiocarbone qui ont pu être réalisées sur les niveaux d'utilisation des enceintes correspondent à une période comprise au IIe siècle av. J.-C. mais la chronologie relative donnée par les céramiques retrouvées sur place indique que les premières utilisations de ces enceintes datent de vers 400 av. J-C.[2].

Folklore

Dans le folklore minorquin, les taulas sont les tables et les pilastres périphériques les sièges de géants qui les utilisaient pour manger durant leur séjour sur l'île avant le Déluge[2].

Notes et références

Annexes

Bibliographie

  • Émile Cartailhac, Monuments primitifs des îles Baléares, Toulouse, Privat, , 80 p. (lire en ligne), p. 19-23
  • Laurent-Jacques Costa, Mégalithismes insulaires en Méditerranée, Errance, coll. « Collection des hespérides », , 128 p. (ISBN 9782877723770), p. 22
  • Elena Sintes Olives, Guide Minorque talayotique : La Préhistoire de l' île, Sant Lluis, Triangle, , 319 p. (ISBN 9788484786405), p. 69-73

Articles connexes

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