Sophie (impératrice byzantine)
Sophie (Aelia Sophia), née vers 530, morte en 601 ou peu après, est impératrice consort de l'Empire byzantin de 565 à 578, aux côtés de Justin II.
Particulièrement intéressée par les questions économiques, elle est largement impliquée dans la gestion de l'Empire. Lors des crises de folie de son époux, elle agit comme régente.
Famille
Selon Jean d'Éphèse, Sophie est la nièce de l'Impératrice Théodora[1], épouse de Justinien. Selon Procope, Theodora n'a que deux frères ou sœurs : sa sœur aînée Comito et sa jeune sœur Anastasia[2], l'une d'elles serait donc la mère de Sophie. Comito épouse Sittas en 528[3], qui pourrait donc être son père[4].
Pendant le règne de Justinien (527-565), Théodora arrange le mariage de Sophie avec son neveu Justin[5], fils de Dulcidius et Vigilantia[6].
Impératrice consort
Justinien n'a pas de fils et semble ne pas avoir nommé d'héritier. Quand il meurt en , Justin est son curopalate et donc l'héritier naturel. Il obtient le soutien du Sénat et est proclamé empereur dans les murs du palais, avant que les autres membres de la dynastie aient pu être informés.
Le principal autre aspirant au trône est le consul Justin, cousin du nouvel empereur, réputé pour ses talents de général, et donc pouvant être considéré comme un meilleur choix d'un point de vue militaire. Rappelé dans un premier temps à Constantinople, il est exilé à Alexandrie, où il meurt assassiné en 568[7]. Selon le chroniqueur Jean de Biclar, l'impératrice Sophie est directement responsable du meurtre.
Les témoignages indiquent que dès l'accession au pouvoir de Justin, Sophie a une certaine influence politique sur son époux et sur l'organisation de l'empire. L'historienne Virginie Girod suppose que Sophie fut préparée à devenir impératrice bien avant que Justin ne soit nommé officiellementp. 230-231_8-0">[8], ce que confirme Corippe. Le poète byzantin note qu'elle fut ainsi appelée à accompagner le futur empereur le soir de la mort de Justinien[9].
Une fois au pouvoir, Justin et Sophie donnent l'image d'un couple soudé, l'impératrice n'hésitant pas à seconder son mari dans ses tâches politiquesp. 230-231_8-1">[8]. Dans ses écrits, Corippe fait l'éloge du couple impérial en les décrivant comme « les deux lumières du monde »[10].
Sophie collabore en particulier à la gestion de la politique financière de l'Empire. Ayant trouvé des caisses vides, le couple s’attelle à restaurer la crédibilité du trésor impérial en remboursant les dettes contractées par Justinien auprès des banquiers et des prêteurs d'argent. Selon Théophane, Sophie est chargée de l'examen des dossiers financiers et de leur paiement. En voulant réduire les dépenses et augmenter la trésorerie, le couple impérial est décrit par certains comme cupide, mais le remboursement des anciennes dettes est loué par les contemporains[11].
Sophie prend le nom d'Aelia en reprenant une pratique des dynasties théodosienne et thrace, qui n'avait pas été appliquée par les deux précédentes impératrices. Preuve de son importance, elle est représentée sur les pièces de monnaie byzantine, avec les insignes royaux de son mari, s'inscrivant dans la tradition de certaines Augusta qui l'ont précédé (comme Flaccilla, femme de Théodose le Grand par exemple). Elle est représentée par des peintures et des statues, tandis que son nom est donné à deux palais, un port et un bain public.
En 568, Sophie rappelle le général Narsès, préfet d'Italie, et le pousse à la retraite. Elle lui offre d'occuper un poste important au sein de ses appartements, afin de pouvoir garder une certaine influence sur lui[12]. Plutôt que de rentrer à Constantinople, Narses préfère finir sa vie à Naples, loin du pouvoir.
Vers 569, Justin et Sophia aurait envoyé un fragment de la Vraie Croix à Radegonde, conservé à l'abbaye Sainte-Croix de Poitiers. L'événement est commémoré dans Vexilla Regis par Venance Fortunat. Ils offrent également des reliques au Pape Jean III dans l'espoir d'améliorer leurs relations, alors que la politique religieuse du couple est controversée : selon Jean d'Éphèse et Michel le Syrien, tous deux sont des chrétiens monophysites convertis au chalcédonisme pour gagner la faveur avec leur oncle Justinien. Au cours de leur règne, ils tentent en vain de rapprocher chalcédonisme et monophysisme, dont les adeptes sont encore persécutés
RĂ©gence
Justin est pris de crises de folie[13], au point d'être incapable de gouverner, à partir de la chute de Dara au bénéfice de l'Empire sassanide en . Selon Grégoire de Tours, Sophie est alors la seule dirigeante de l'Empire. Elle négocie avec l'empereur Khosro Ier une trêve de trois ans. Elle appelle auprès d'elle Tibère II Constantin pour la seconder.
Tibère est officiellement nommé César par Justin le . Il est officiellement adopté par Justin, qui en fait par conséquent son héritier.
Sophie et Tibère se trouvent rapidement en conflit à propos des finances de l'empire, Tibère plaidant pour une augmentation des dépenses, notamment militaires.
Les chroniqueurs de l'époque indiquent que Sophie tente de séduire Tibère, dont l'épouse, Ino Anastasia, est vue comme une menace. Ino et ses filles ne sont ainsi pas autorisées à entrer dans le Grand Palais de Constantinople. Tibère doit donc résider ainsi avec les siens dans le palais d'Hormisdas, et non dans le Grand Palais
Ino Anastasia quitte finalement Constantinople pour Daphnudium, son précédent lieu de résidence, où elle tombe malade.
Justin nomme Tibère co-empereur en et meurt le . Selon Jean d'Éphèse, Sophie envoie le patriarche Eutychius convaincre Tibère de divorcer d'Ino et de l'épouser elle, ou sa fille Arabia, à la place. Tibère refuse.
Sophia perd son titre d'impératrice consort, que reprend sa rivale Ino Anastasia, pour celui d'Augusta.
Augusta
En tant qu'Augusta, Sophie conserve l'usage d'une section du palais. Fâchée et en désaccord avec les choix financiers du nouvel empereur, elle participe d'après Grégoire de Tours à un complot visant à renverser Tibère et à le remplacer par Justinien, frère cadet du consul Justin assassiné à Alexandrie.
Une fois le complot déjoué, Tibère réagit en saisissant une grande partie de sa propriété et en remplaçant ses fidèles serviteurs par des personnes qu'il sait fidèles. En 579, Sophie se retire au Sophiai, un palais construit en son honneur.
Tibère meurt le . Maurice, un général, lui succède, avec le soutien de Sophie. Grégoire de Tours rapporte qu'elle envisage de l'épouser et d'ainsi reprendre le trône. Maurice épouse finalement Constantina, fille de Tibère et Ino Anastasia, à l'automne 582. Constantina est proclamée à son tour Augusta, comme Sophie et Ino Anastasia. Jean d'Éphèse mentionne que les trois femmes résident dans le Grand Palais, ce qui signifierait qu'elle ait mis un terme à sa retraite.
Des trois, Anastasia meurt la première, vers 593. Constantina et Sophie semblent avoir de bonnes relations. Contrairement à son prédécesseur, l'empereur est particulièrement économe, ce qui engendre du mécontentement de l'armée. En 601, les deux femmes offrent conjointement à l'empereur une précieuse couronne.
La date de décès de Sophie n'est pas connue. L'historienne Virginie Girod suppose qu'elle fut assassinée en novembre 602 lors du coup d’État mené par le général Phocas, qui renversa l'empereur Mauricep. 232-234_14-0">[14].
Descendance
Sophie et Justin ont eu au moins deux enfants :
- Justus, un fils, mort avant 565. Il est inhumé dans l'église de l'archange Michel ;
- Arabia, une fille. Elle est mariée avant la mort de son père au curopalate Baduaire, mort vers 576 en Italie. Ils ont eu une fille, Firmina, dont le sort est inconnu[15].
Références
- (en) « Roman Emperors - DIR Sophia », sur www.roman-emperors.org (consulté le )
- (en) « Procopius of Caesarea : The Secret History », sur Internet History Sourcebooks Project (consulté le )
- (en) Prosopography of the Later Roman Empire, vol. 3, Sittas
- (en) « J. B. Bury: History of the Later Roman Empire • Vol. II Chap. XV (Part 3) », sur penelope.uchicago.edu (consulté le )
- Garland 1999, p. 40.
- (en) Prosopography of the Later Roman Empire, vol. 3, Dulcidius
- (en) « Roman Emperors - DIR Justin II », sur www.roman-emperors.org (consulté le )
- p. 230-231-8" class="mw-reference-text">Girod 2018, VIII, p. 230-231.
- Corippe, Éloge de l’empereur Justin II, 64-65
- Corippe, Éloge de l’empereur Justin II, 163-172
- Garland 1999, p. 43.
- Lynda Garland, Byzantine Empresses, op. cit, p. 49
- Georges Minois, Histoire de Moyen Ă‚gePerrin, coll.Tempus 2019 p. 60
- p. 232-234-14" class="mw-reference-text">Girod 2018, VIII, p. 232-234.
- Prosopography of the Later Roman Empire, vol. 3
Annexes
Articles connexes
Bibliographie
- (en) Lynda Garland, Byzantine Empresses : Women and Power in Byzantium, AD 527-1204, Psychology Press, , 343 p. (ISBN 978-0-415-14688-3, lire en ligne)
- Christian Settipani, Continuité des élites à Byzance durant les siècles obscurs : les princes caucasiens et l'Empire du VIe au IXe siècle, Paris, De Boccard, , 638 p. (ISBN 978-2-7018-0226-8)
- (en) J. R. Martindale, The Prosopography of the Later Roman Empire 2 Part Set : Volume 3, AD 527-641, Cambridge University Press, , 1626 p. (ISBN 978-0-521-20160-5, lire en ligne)
- (en) J. R. Martindale, The Prosopography of the Later Roman Empire 2 Part Set : Volume 3, AD 527-641, Cambridge University Press, , 1626 p. (ISBN 978-0-521-20160-5, lire en ligne)
- (en) J. R. Martindale, The Prosopography of the Later Roman Empire 2 Part Set : Volume 3, AD 527-641, Cambridge University Press, , 1626 p. (ISBN 978-0-521-20160-5, lire en ligne)
- (en) Cyril A. Mango, The Art of the Byzantine Empire 312-1453 : Sources and Documents, University of Toronto Press, , 272 p. (ISBN 978-0-8020-6627-5, lire en ligne)
- Virginie Girod, Théodora, prostituée et impératrice de Byzance, Paris, Tallandier, , 300 p. (ISBN 979-10-210-1822-8).