Accueil🇫🇷Chercher

Solange Bertrand

Solange Bertrand, née le à Montigny-lès-Metz (alors annexé à l'Empire allemand), morte dans la même ville le , est une artiste peintre, graveuse et sculptrice française.

Solange Bertrand
Solange Bertrand, dans sa maison de la rue de Reims, à Montigny-les-Metz, au début des années 2000.

Biographie

Née du mariage de Léon Bertrand et Lucie Herman[1], Solange Bertrand exprime très jeune son goût pour la création qu’elle développe auprès de Victor Prouvé à l’École des beaux-arts de Nancy de 1934 à 1938[2], puis aux Beaux-Arts de Paris, mais ne se consacre entièrement à la peinture qu’après la Seconde Guerre mondiale durant laquelle elle se mobilise auprès des enfants comme infirmière diplômée d’État[3].

Laissant son tempérament s’exprimer, Solange Bertrand, par son œuvre, balade le spectateur à travers des allées et venues picturales, passant aisément de la figuration au sujet abstrait. Car pour l’artiste ce qui compte n’est pas tant la représentation que la force et l’émotion qui se dégagent du tableau. Ces deux idées se retrouvent dans le trait qui donne de l’intensité à ses portraits et particulièrement dans les regards. La très large gamme des couleurs utilisée, tantôt vives, voire agressives, tantôt feutrées, transparentes, ou au contraire avec une forte densité de matière, témoignent de la diversité des émotions et des climats qu'elle livre au spectateur.

Elle rencontre Henri Matisse dans son atelier parisien en 1948, puis Pablo Picasso chaque été de 1950 à 1954 à Golfe-Juan[2] (elle exécute son portrait en 1950[4]). Elle nourrira durablement une admiration profonde pour ces deux maîtres et conservera toujours près d'elle un tableau de Picasso reproduit de tête à la suite d'une exposition, l'hommage au maître (visible en arrière-plan de la photo). Cette influence se retrouve dans les nombreux arlequins qu'elle produit après guerre. Son œuvre préférée reste toutefois La ronde de Matisse.

« Immeuble-paquebot », 3 boulevard Victor, Paris

Elle se partage entre sa maison natale du 35, rue de Reims à Montigny-lès-Metz et Paris où elle dispose d'un atelier dans « l'immeuble-paquebot » du 3, boulevard Victor[1].

Artiste trop souvent assimilée aux têtes et visages (arlequins et clowns) qu’elle a réalisé, le cœur de son œuvre reste toutefois abstraite et s’inscrit dans le courant de l'abstraction lyrique auquel elle adhère totalement . Sa recherche plastique en la matière débute dès 1945 avec le Carré bleu" notamment, ou "temps et lieu". L’abstraction qui caractérise son œuvre se déploie dans de multiples directions: abstraction géométrique, gestuelle, monochromie... Elle enchaîne les périodes et recherches picturales. En quête permanente de renouvellement elle utilise la peinture noire en bombe aérosol et la technique du pochoir dès les années 1970, offrant à Francis Parent de remarquer « la série de ses Grilles, utilisées comme des pochoirs à travers lesquels la projection de bombe donne naissance à un monde mystérieux de figures allusives et de poésie diffuse »[5]. Francis Parent perçoit cependant que le voyage de Solange Bertrand à Gênes, en 1983, peut constituer un repère important dans l'œuvre de l'artiste : « la découverte des longues plages liguriennes de sable doré impulsera une nouvelle série de tableaux que l'histoire désignera sans aucun doute comme étant le sommet de l'œuvre de Solange Bertrand » : Les imposantes couches d'ocre y suggèrent un désert que « seuls quelques signes fugaces viennent perturber, dernière trace d'une humanité disparue »[5]. On observe ainsi dans l'ensemble de son œuvre de réelles parentés de paysagisme abstrait avec Olivier Debré, Hanna Ben-Dov, Léon Zack, Pierre Tal Coat, Elvire Jan, David Lan-Bar ou Jacques Germain.

L’œuvre dessiné de Solange Bertrand constitue un corpus autonome important. Les thématiques du couple et de la maternité sont dominantes ainsi que les portraits souvent tracés d’un seul trait. Elle réalise également des dessins abstraits mêlant encre de chine et gouache (monotype) sur des supports variés (papier peint, papier calque ou carbone...). Outre le pochoir, elle réalise de nombreux collages dont certains - des personnages réalisés en 1960 - s'approchent fortement des Nus bleus de Matisse.

Force et tempérament, refus de la facilité, refus de plaire et renouvellement incessant caractérisent le travail de Solange Bertrand : ce qui la place parmi les grands créateurs de notre temps, évoque Francis Parent, c'est qu'« elle aura cherché toute sa vie durant des procédés inconnus, expérimenté des matières nouvelles, découvert et utilisé des moyens inédits »[5]. Son tempérament extrêmement marqué l'éloignera progressivement des réseaux de l'art contemporain la réduisant à une certaine confidentialité.

Privée de descendance, elle poursuit le projet de transmettre son œuvre et patrimoine à la fondation qui porte son nom. Cette dernière voit le jour en 2001 et obtient la reconnaissance d'utilité publique. Elle développe un projet culturel mettant en valeur l’œuvre du peintre en assurant la promotion de l'art contemporain auprès du grand public ou de public ciblé; son siège est à Longwy.

À sa mort en , Solange Bertrand est inhumée au cimetière de Montigny-lès-Metz[6]. Les communes de Montigny-lès-Metz et Ennery (Moselle) possèdent une rue portant son nom.

Distinctions

Publications bibliophiliques

  • Solange Bertrand, Illustrations pour enfants, Ă©ditions Berger-Levrault, 1935.
  • Irma Schweitzer (prĂ©face d'AndrĂ© Maurois), Lueurs dans les tĂ©nèbres, lithographies de Solange Bertrand et Camille Hilaire, 3,000 exemplaires numĂ©rotĂ©s, Paul Even Ă©diteur, Metz, 1947.

Expositions

Expositions personnelles

Expositions collectives

Citations

Dits de Solange Bertrand

  • « Renoncer Ă  l'apparence des choses pour dĂ©couvrir une plus secrète signification de la rĂ©alitĂ©. Le but de l'artiste est de conduire le spectateur au cĹ“ur mĂŞme d'une rĂ©alitĂ© qu'il ignore. » - Solange Bertrand[16]

RĂ©ception critique

  • « En 1947, elle peignait des arbres, des ombres, des lumières, des eaux qui bougent pour exprimer la mouvance de son univers intĂ©rieur. Peintre, sculpteur, graveur, tentĂ©e par toutes les disciplines, elle semblait aussi impatiente Ă  vivre que ses personnages frĂ©missants… Ă€ cette Ă©poque elle recherchait ce qu'elle appelait "le graphisme pictural" : un trait creusĂ© dans la pâte qui mettait Ă  dĂ©couvert la courbe du dessin, ce qui donnait une singulière acuitĂ© Ă  ses visages de femmes et d'enfants. C'Ă©tait une sorte de gravure sur peinture, appuyĂ©e sur la richesse des fonds. Elle citait alors volontiers la formule d'Alfred de Vigny : "L'art est la nature vue par un tempĂ©rament" et sa joie de vivre Ă©clatait dans ses couleurs. Vers les annĂ©es 60, je la revis. Elle avait connu une Ă©poque gestuelle, abstraite, surrĂ©aliste, et cherchant toujours cette fois Ă  travers l'expression de son propre visage Ă  traduire une vision d'un monde qui me semble particulièrement pessimiste… Au Salon d'automne, aux Peintres tĂ©moins, je retrouvais, de loin en loin, son signe passionnĂ© et grave, et je la vis "muter" de la figuration pseudo-naĂŻve Ă  l'abstraction poĂ©tique, mais sans perdre les valeurs qu'elle extĂ©riorisait par son graphisme, une harmonie de composition et dans sa mouvance mĂŞme. Ă€ mes questions, elle rĂ©pondait en citant la formule cĂ©lèbre : "c'est entre l'Ĺ“il et la main du peintre que se joue tout le mystère de l'art"… Elle nous revient aujourd'hui comme dĂ©pouillĂ©e, ayant trouvĂ© dans son graphisme des raisons suffisantes de peindre. Elle n'a rien perdu de sa pĂ©tulance, de sa disponibilitĂ©,mais on dirait que la sagesse est venue par le pinceau? Au-delĂ  des recherches, des tentations de la couleur, elle a trouvĂ© la facture d'une expression intĂ©rieure qui Ă©tait justement la ligne de force constante de toutes ses pĂ©riodes successives. » - AndrĂ© Parinaud[7]
  • « Solange Bertrand n'a jamais lâchĂ© prise et continue Ă  chercher le nouveau sans souci de plaire. "Quand ce que je fais est plaisant, je m'Ă©cĹ“ure, quand la peinture sĂ©duit, je l'efface" dit-elle. Elle ne s'est jamais installĂ©e et endormie. Solange Bertrand n'a peur de rien, sa main est libre. » - BenoĂ®t Goetz[17]
  • « Les TĂŞtes de Solange Bertrand ne sont jamais de vĂ©ritables "portraits". Tout y est stylisĂ©, mais ici, la plĂ©nitude et la sĂ»retĂ© du trait ne font qu'appuyer l'insondabilitĂ© des regards et, en consĂ©quence, l'Ă©motion de l'âme profonde. Voir dans ces regards vides la beautĂ© intĂ©rieure, mais aussi, avec cette absence d'oreilles et ces lèvres dĂ©finitivement fermĂ©es, l'inquiĂ©tude, l'incommunicabilitĂ© et la solitude irrĂ©mĂ©diable de l'artiste face au monde et Ă  l'humanitĂ©. Sa fragile instabilitĂ© aussi puisque leur composition y est disposĂ©e en guingois. Et si d'autres personnages se dĂ©doublent, c'est pour mieux souligner la dualitĂ© des ĂŞtres humains. » - Francis Parent[5]
  • « Pour Solange Bertrand, le dessin a toujours Ă©tĂ© la prière quotidienne, l'acte gymnique qu'elle s'imposait avant de prendre les pinceaux. La masse des dessins stockĂ©s dans les ateliers de Montigny et de Paris surprend par son importance et sa diversitĂ©. La personnalitĂ© de l'artiste se dĂ©gage de ce contexte et marque de son empreinte ces territoires ignorĂ©s par ses contemporains. Dans la première sĂ©rie des TĂŞtes le dessin trouve la distorsion dans l'Ă©quilibre pour finir par un regard fruit d'un cubisme plus instinctif et ludique qu'analytique. Elle se regarde comme l'Ă©cho de l'art des Ă®les grecques archaĂŻques ou des masques africains au raffinement fin de siècle d'un Cocteau, vu par Picasso et revu Ă  son tour par l'artiste. Dans sa pĂ©riode des Automatismes, tout peut arriver. Et pourtant ses dessins sont structurĂ©s. Rares sont les dessins exĂ©cutĂ©s d'après nature Ă  l'exception de quelques ĂŞtres chers et de quelques notes de voyage. Ainsi paraĂ®t sa pĂ©riode des Bombages. L'artiste ponctuait sa rage par pistolet mis Ă  distance de sa toile. » - Richard Meier[18]
  • « Sa peinture des dĂ©buts tendait Ă  un certain expressionnisme, puis a Ă©voluĂ© Ă  une abstraction relative. » - Dictionnaire BĂ©nĂ©zit[3]
  • « Devant un tableau ou un dessin de Solange Bertrand, nous ne pouvons en gĂ©nĂ©ral que le "sentir". Ce que le talent d'expression de cette artiste nous offre serait comparable Ă  une matrice : l'apparaĂ®tre d'une apparition ne franchissant jamais le seuil de la rĂ©alitĂ©. Il y a bien pour nous perception, on l'a vu : une prĂ©sence nous fascine. Mais cet objet perçu toujours se dĂ©robe en mĂŞme temps qu'il se rĂ©vèle: fugace, instable, insaisissable est par exemple Lucie dans Hommage Ă  Lucie (1975). Cette absence au cĹ“ur de la prĂ©sence est peut-ĂŞtre le secret de l'attirance que nous Ă©prouvons pour les tableaux de Solange Bertrand. » - Jean-Luc Chalumeau[2]

Collections publiques

Collections privées[2]

Cannes, Metz, Nancy, Nice, Nîmes, Paris, Strasbourg, Düsseldorf, Sarrebruck, Oslo, Anvers, Bruxelles, Amsterdam, Londres, Milan, Venise, Luxembourg, New York.

Prix et distinctions

  • Prix Monique-Corpet de la Fondation Taylor, 1966[1].
  • MaĂ®tre de peinture honoris causa par le sĂ©minaire international d’art contemporain, 1982[4].
  • Chevalier des Arts de l’AcadĂ©mie d’Italie, 1985[4].
  • Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres par le ministre de la Culture et de la Communication, 1996.

Références

  1. Elizabeth Sleeman, The international Who's Who of women, 2002, Europa Publications Ltd, 2001, page 56.
  2. Jean-Luc Chalumeau, Solange Bertrand, la vérité en peinture, Somogy éditions d'art / Fondation Solange Bertrand, 2006, pages 46, 150, 151.
  3. Dictionnaire Bénézit, Gründ, 1999, vol.2, page 235.
  4. Fondation Solange Bertrand, Solange Bertrand, biographie
  5. Francis Parent, Solange Bertrand, Ă©ditions Garnier-Nocera, 1993, pages 33-38 et 177.
  6. Nicolas Bastuck, « Solange Bertrand : ultime hommage », Le Républicain lorrain, 26 janvier 2011
  7. A. P., « Solange Bertrand, peintre volcan », La Galerie des arts, no 91, mai 1970, p. 39.
  8. « Solange Bertrand : un sale caractère mais un beau talent », La Semaine, no 357, 21 février 2012
  9. Solange Bertrand au château de Courcelles (présentation de Monique Sary), reportage d'Alicia Hiblot, Mirabelle TV, février 2012 (source : YouTube ; durée : 2'26")
  10. Patrice Bertoncini, « Pont-à-Mousson : Solange Bertrand revient à l'abbaye », L'Est républicain,
  11. Thierry Pernin, « Pont-à-Mousson : hommage à Solange Bertrand aux Prémontrés », France TV Info, 15 juin 2017
  12. Exposition Solange Bertrand à l'abbaye des Prémontrés, reportage, 2017 (source : YouTube ; durée : 3'20")
  13. Christian Schmitt, « Peinture - Solange Bertrand, une artiste déjà oubliée », Le Nouveau cénacle, 22 septembre 2015
  14. Solange Bertrand, Mirabelle TV, 22 septembre 2015 (source : YouTube ; durée : 1'39")
  15. Espace Clément-Kieffer, Femme, présentation de l'exposition, 2010
  16. La Galerie d'art des gatos, Solange Bertrand
  17. Benoît Goetz et Monique Sary, Solange Bertrand, éditions Voix Richard Meier, 1990.
  18. Richard Meier, Solange Bertrand - Dessins, 1947-1994, Ă©ditions Voix Richard Meier, 1994.
  19. Catalogue du Musée Picasso, Antibes, 1988.
  20. L'art contemporain au Musée départemental des Vosges - La collection, Musée départemental d'art ancien et contemporain, Épinal.
  21. Chiara Golasseni, La collection d'art moderne, SilvanaEditoriale / Musée de la Cour d'Or-Metz Métropole, 2014, p. 171.

Annexes

Bibliographie

  • Guide de Metz vu par les artistes, Paul Even Ă©diteur, Metz, 1937.
  • Gabriele Mandel (it) (prĂ©face de François Baron-Renouard), La Pittura francese, La Mandragore, Milan, 1955.
  • AndrĂ© Parinaud, « Solange Bertrand, peintre volcan », La Galerie des arts, no 91, mai 1970.
  • Regard sur la peinture de Solange Bertrand, Ă©ditions du LĂĽzerburger Wort, Luxembourg, 1970.
  • Solange Bertrand, Ă©ditions Voix Richard Meier, 1982.
  • BenoĂ®t Goetz, Anatomie du vide, Ă©ditions Voix Richard Meier, Montigny-les-Metz, 1985.
  • BenoĂ®t Goetz et Monique Sary, Solange Bertrand, Ă©ditions Voix Richard Meier, Montigny-les-Metz, 1990.
  • Francis Parent, Solange Bertrand, monographie, Ă©ditions Garnier-Nocera, 1993.
  • Richard Meier, Solange Bertrand - Dessins, 1947-1994, Ă©ditions Voix Richard Meier, Montigny-les-Metz, 1994 (extrait en ligne).
  • Emmanuel BĂ©nĂ©zit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, GrĂĽnd, 1999.
  • Elizabeth Sleeman, The international Who's Who of women, 2002, Europa Publications Ltd, 2001.
  • Solange Bertrand - Une vie, une Ĺ“uvre et Solange Bertrand, l'artiste volcanique, catalogues des deux ventes de l'atelier Solange Bertrand Ă  l'HĂ´tel Drouot, et , par Millon SVV, 19 rue de la Grange-Batelière Ă  Paris.
  • Jean-Luc Chalumeau, Solange Bertrand, la vĂ©ritĂ© en peinture, Somogy Ă©ditions d'art/Fondation Solange-Bertrand, 2006.
  • Chiara Golasseni, La collection d'art moderne, SilvanaEditoriale / MusĂ©e de la Cour d'Or Metz-MĂ©tropole, 2014.

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.