Société d'électricité Alioth
La Société d'électricité Alioth était une ancienne filiale française de construction de matériel électrique créée en 1898 par la société suisse Elektrizitäts-Gesellschaft Alioth AG. Elle était implantée à Lyon et fut absorbée en 1911 par la société suisse Brown, Boveri & Cie (actuellement Asea Brown Boveri (ABB)), qui, au travers de sa filiale française, la Compagnie Électro-Mécanique (CEM), en fit une des unités de fabrication de moteurs électriques du groupe[2].
Société d'électricité Alioth | |
Création | |
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Disparition | |
Forme juridique | Société anonyme |
Siège social | Bâle |
Actionnaires | Alioth (d) |
Société suivante | Holding Brown Boveri & Cie AG (d)[1] |
Origines suisses de la société
La Société d'électricité Alioth de France était une filiale de la société suisse Elektrizitäts-Gesellschaft Alioth AG. Cette société suisse fut un pionnier de l'industrie électrique[5] - [6]. En témoignent encore aujourd'hui quelques exemplaires de ses réalisations (moteurs électriques et appareils de mesures, voir les clichés ci-contre), et les très nombreuses références dans la littérature technique. Elle fabriqua aussi du matériel ferroviaire[7] - [5].
Aux origines, Johann Siegmund Alioth[8] fonda près de Bâle, à Arlesheim, en 1824[9], la première filature de schappe[10] en Europe continentale[9]. Elle s'appelait J.S Alioth & Cie[9]. La société est dirigée ensuite par son fils Daniel August Alioth. Lequel eut un fils, Ludwig Rudolf Alioth. Après des études menées en Suisse et aux États-Unis, il collabore comme directeur technique, puis associé de son père à la filature de schappe.
Il s'associa en 1881 avec Émile Bürgin, alors éminent électricien et auteur de plusieurs brevets sur des moteurs électriques à « organes sphériques » dès 1875. Ces moteurs Bürgin à courant continu faisaient déjà preuve de beaucoup d'ingéniosité électrique comme l'on peut encore le voir au musée de Munschenstein (voir photos 2-3 et 4). L'inscription sur les plaques des moteurs passa alors de : « Système Bürgin patent Bürgin » à « Système Bürgin patent Bürgin & Alioth »
Puis, en 1883, Ludwig Rudolf Alioth créa sa propre société pour la construction de matériel électrique à Bâle. La firme se nomme R. Alioth et Cie[5].
À noter qu'un moteur électrique « Bürgin » à organes sphériques sur le rotor est présenté dans le périodique L'Électricité de 1881[11] ; moteur figurant à l'exposition anglaise et dont on peut voir la gravure en 1883 dans la revue du même nom. Il est inscrit sur la plaque « Bürgin et Alioth »[12] - [13].
En 1884 est créé le modèle Helvetia, une dynamo compound (cliché AA). C'est la première machine bobinée en anneau au stator. Cette technique de bobinage préfigure les usages mis en pratique trois ans plus tard pour les premiers moteurs à courants alternatifs de la société.
Dans la littérature technique de l'année 1889, il est spécifié[14] que la maison R. Alioth et Cie était connue mondialement[15], pour ses très nombreuses réalisations et ses réseaux industriels de force et de lumière en courant alternatif dès 1888, ce qui était téméraire à une époque où la tendance était presque exclusivement en faveur du courant continu. Ces moteurs à courant alternatif étaient alors exclusivement bobinés en anneau au stator (comme le montrent les clichés AA et A à l'arrière plan) valable aussi, comme on peut le voir, pour le courant continu.
Postérieurement, grâce à Georg Meidinger, entré chez R. Alioth et Cie comme ingénieur constructeur, selon les sources, en 1891[16] - [17] ou 1892[18], la firme réussi à maitriser le virage industriel vers les courants alternatifs[18]. Des alternateurs, dynamos et moteurs de toutes sortes furent alors construits en série (voir cliché C) et de nombreux brevets furent pris.
La fabrique, implantée en pleine ville de Bâle dans le quartier de Claragraben, qui employait jusqu'à 207 personnes en 1894 se montra rapidement trop limitée en surface malgré les constructions successives d'étages supérieurs.
La société acquit alors, cette même année 1894, à Münchenstein[19] - [20] - [7] en banlieue de Bâle, des terrains constructibles qui possédaient même un site hydraulique aménageable en usine de « force motrice électrique » et raccordés au réseau ferré[21].
Tout cela favorisa le développement de l'entreprise dont les nouveaux locaux étaient construits spacieux et fonctionnels. Le nombre de monteurs et ouvriers passa en deux ans à peine à 374[22].
Du matériel aussi ingénieux qu'audacieux fut construit, aussi bien en courant continu qu'alternatif monophasé ou polyphasé (biphasé, diphasé et triphasé). Une nouvelle génération de petits moteurs industriels vit le jour[21](voir cliché D). Le matériel ferroviaire, essentiellement des tramways, fit aussi la renommée de la fabrique tout au long de son existence.
En 1894, la direction prépara alors l'expansion en s'ouvrant à la finance bâloise[23] et en changeant de nom et de statut. Le la société en commandite R. Alioth et Cie devint la société anonyme Elektrizitäts-Gesellschaft Alioth[23] - [19] (en français la Société d'Électricité Alioth). Son capital était d'un million de francs suisses et son siège était situé à Arlesheim près de Bâle[23].
Devant l'expansion du marché français et son potentiel de ventes, la société Elektrizitäts-Gesellschaft Alioth créa, en 1896, la Société d'applications industrielles (SAI). Elle était l'appui financier de la société en France et lui permit d'obtenir de nombreux marchés[24].
La Elektrizitäts-Gesellschaft Alioth s'implanta en France en 1896 par l'intermédiaire de la Société Électrique du Nord basée à Roubaix. Il est indiqué dans le Didot Bottin de 1897 que cette société était alors concessionnaire de la société Alioth de Bâle pour la construction et la vente de ses moteurs sans balais et sans collecteur[25].
L'entreprise française
Le partenariat avec la Société Électrique du Nord prit fin en 1898 avec la création par Alioth de sa propre filiale à Lyon, place de la Buire[26] dans le 3e arrondissement, par l'achat, en 1897, d'un terrain et d'un bâtiment appartenant aux Chantiers de la Buire (1847)[27] qui faisaient à l'époque de la construction mécanique et de l'électricité[28]. En tout, cela représentait plus d'un hectare de terrains, des bâtiments raccordés aux voies ferrés[27] ainsi que d'anciens ateliers de construction électriques vieux alors d'une dizaine d'années[29].
En 1880, les Chantiers de la Buire avaient été repris par la Compagnie des Fonderies et Forges de l'Horme[27]. En 1898 la société, devenue Société Nouvelle des Établissements de l'Horme et de la Buire[30], vendit le département de production électrique créée en 1890 par les Forges et Fonderies de l'Horme à la Société d'électricité Alioth (avec en supplément l'appellation temporaire : Matériel électrique Alioth-Buire[31])[27] - [32]. Un bâtiment important destiné à l'usinage et l'assemblage des grosses machines fut alors construit.
Des records de fabrication y furent battus, notamment un alternateur de huit mètres de diamètre destiné à la compagnie du gaz de Lyon ou encore un alternateur à volant d'inertie de 60 tonnes[33]. En tout, plus de 40 000 moteurs électriques (voir clichés 4 et 5), dynamos et alternateurs sortirent de ces ateliers. Il faut ajouter à cela les composants annexes que sont les rhéostats, transformateurs et appareils de mesures, ainsi que d'importantes commandes de matériel ferroviaire surtout à partir de 1906.
On peut citer, principalement dans le domaine de la traction pour les des chemins de fer, les commandes pour les liaisons suivantes : Monthey-Champéry, Münster-Schlucht, Aigle-Ollon-Monthey ; des locomotives de 2 000 ch pour les chemins de fer Paris-Lyon-Marseille, de la Bernina et de la Wengen[34]. Mais aussi plusieurs équipements de lignes de chemins de fer locaux ainsi que des sous-stations pour le transport de force. Ceci vaut aussi bien pour la maison mère que pour sa filiale lyonnaise.
Malgré tout cela, en 1910, une convention prévoyant un échange d'actions et d'administrateurs fut conclue entre Alioth et Brown, Boveri & Cie (BBC)[35]. Les réseaux de vente Alioth en Autriche, Italie, Espagne, Hollande, aux États-Unis et en Amérique du Sud furent repris par BBC en 1911.
La filiale française de BBC, la Compagnie Électro-Mécanique (CEM) du Bourget, racheta les actions de la filiale Alioth de Lyon — dont les ateliers couvraient une superficie de 12 000 mètres carrés[36] — également en 1911[28]. Puis l'assemblée générale de l’Elektrizitäts-Gesellschaft Alioth décida finalement de vendre à BBC, en , les usines de Münchenstein[37] - [19]. Selon Serge Paquier : « Décidément rien ne peut sauver un « moyen » contre l'appétit des « grands » qui drainent toujours plus de finance [...][38] ».
Sur les moteurs CEM des années postérieures il fut longtemps inscrit sur les plaques signalétiques : « Procédés Brown, Boveri & Alioth » (voir cliché F) et les modèles « Alioth » ont perduré jusqu'au début des années 1920. Dans le monde de l'électricité la Société d'électricité Alioth a laissé son empreinte durant de très nombreuses années.
Encore actuellement dans les années 2000, les bobiniers parlent du bobinage imbriqué comme du bobinage « Alioth » ou encore des moteurs à résistances tournantes, appelés par les anciens dans le métier les « Alioth à coup de poing » (voir cliché E), car il y avait un contacteur rotatif en bout d'arbre arrière qu'il fallait frapper à mi-course pour shunter les résistances tournantes du rotor, modèle archaïque du moteur à coupleur centrifuge ou à bagues.
Notes et références
- Pressearchiv 20. Jahrhundert, (organisation)
- Division Moteurs électriques : à Lyon (6, place Bir Hakeim) et à Décines (15, rue Sully) ; selon le répertoire du Groupe BBC, janvier 1983, dernier en vigueur avant le rachat de CEM par Alsthom.
- Afin de différencier les productions, les plaques des produits R. Alioth et Cie de Bâle portaient le chiffre suivant le M en petit caractère, tandis que celles des produits Elektrizitäts-Gesellschaft Alioth AG de Münchenstein portaient le chiffre suivant le M de la même taille.
- Ce cliché montre l'intérieur du moteur du cliché C. Hormis sa date de fabrication, l'intérêt de ce moteur réside dans le circuit du rotor, il est en effet l'ancêtre de la cage d'écureuil. Constitué d'un fil de cuivre épais branché en court-circuit, totalement isolé en double couche coton sur toute sa longueur et gainé d'un autre isolant dans les encoches qui sont légèrement inclinées. Les deux côtés du rotor sont eux aussi isolés. Cette fabrication complexe a été très éphémère car l'invention de la cage d'écureuil par Mikhaïl Dolivo-Dobrovolski, plus simple de conception et construite industriellement dès l'année 1891, l'a très vite remplacé.
Quant aux bobinages du stator, on peut noter le soin particulier apporté dans l'alignement des fils qui sied uniquement aux moteurs de cette époque et de la petite décennie suivante. Dans les quelques années antérieures, c'est-à-dire depuis leur invention en 1887-1888, les stators des moteurs à courant alternatif européens étaient simplement bobinés en anneau. D'ailleurs chez certains constructeurs, pourtant orientés très tôt vers le courant alternatif, comme la société Ganz (moteurs Károly Zipernowsky) ou les Ateliers Oerlikon, ils le sont restés même après 1900. Il y a donc, chez Alioth un réel progrès. - Kaspar Birkhäuser, « Alioth Ludwig Rudolf » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du . Citant : F. Mangold, Basler Wirtschaftsführer, 1933, p. 107-110.
- [PDF] « Karweg 12 – Usine électrique de l'Oelberg », sur le site fr.ch, consulté le .
- « Fabrications ferroviaires couvertes par le rail et l'industrie », sur le site railetindustrie.com, consulté le 30 janvier 2009.
- Kaspar Birkhauser, « Alioth, Johann Siegmund » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du . Citant : F. Mangold et H.F. Sarasin, Industrie-Gesellschaft für Schappe, 1924.
- Thomas Schibler, « Alioth » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
- Jean-Jacques Boucher, Arts et techniques de la soie – Projet associé : Routes de la soie - UNESCO, éd. Fernand Lanore, Paris, 1996, 225 p. (ISBN 2851571400 et 9782851571403) [lire en ligne], p. 65-70.
- Bibliothèque du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), section : Centre de documentation d'histoire et techniques environnementales (CDHTE), périodique : L'Électricité, septembre 1881, p. 461-464.
- [PDF] « ABB – Une entreprise en mouvement », sur le site abb.com, consulté le 1er février 2009 ; p. 8 : « Charles E.L. Brown [cofondateur de BBC] [...] fait un stage d'un an (en 1884) à la société Bürgin & Alioth à Bâle — une entreprise qui, plus tard, sera reprise par BBC [...] »
- (de) « Charles E. L. Brown - Der Pionier », sur le site d'ABB, abb.com, consulté le 8 février 2009.
- Bibliothèque du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), section : Centre de documentation d'histoire et techniques environnementales (CDHTE), périodique : L'Électricité, 1889.
- [PDF] Article sur l'Exposition universelle de Paris de 1889 : « Lettre de l'exposition de Paris », 19 août 1889, dans La liberté (Fribourg), no 196, 24 août 1889 ; sur le site doc.rero.ch, consulté le 1er février 2009.
- André Salvisberg, « Meidinger, Georg » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du . « [Meidinger] entra en 1891 dans la fabrique de machines R. Alioth & Cie à Bâle et travailla ensuite à Berlin et Lyon. En 1900, il fonda à Bâle la firme G. Meidinger & Cie, spécialisée dans les moteurs électriques, les machines à commande électrique, les ventilateurs et les installations de dépoussiérage. [...] »
- Query, Catalogue en ligne des Archives cantonales de Bâle-Ville : « Handel und Gewerbe SS 8.32. G. Meidinger & Co., 1900-1935 (Serie) ».
- Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse, op. cit., vol. 2, chap. « 1891-1901– L'expansion rapide », p. 634.
- Brigitta Strub, « Münchenstein » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
- Archives de l'État de Fribourg, sur le site fr.ch, consulté le 31 janvier 2009.
- Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse – La dynamique d'un petit pays européen, 1875-1939, Éditions Passé Présent, Genève, 1998, 2 volumes, 1214 pages (ISBN 2940014159 et 9782940014156) [présentation en ligne] ; vol. 2, p. 636.
- « L'électricité industrielle », dans Revue de l’électricité et de l'éclairage en général, no 5, 1896, p. 44 et no 7, 1898, p. 178.
- Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse, op. cit., vol. 2, chap. « 1891-1901– L'expansion rapide », p. 635 ; avec la liste du conseil d'administration de l'Elektrizitäts-Gesellschaft Alioth AG en 1895, sourcé par : Erster Geschäftsbericht der Elektrizitäts-Gesellschaft Alioth für das Jahr 1895, Bâle, 1896, p. 2.
- Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse, op. cit., vol. 2, p. 638.
- Didot Bottin, 1897 (Bibliothèque historique de la ville de Paris).
- Aujourd'hui place Bir-Hakem.
- J. Frossard de Saugy, Augustin Seguin, René de Prandières, « Chantiers de la Buire – 1847 », sur le site art-et-histoire.com, consulté le 31 janvier 2009, qui cite : Marie-Louise Louvicourt et Jean Lazare, Lyon 1900, au temps des années folles, Édition des 4 seigneurs, 1980 ; complété par : Didier Cazelles, Cahiers du Millénaire : Le Rhône, la ville, l'usine.
- Revue de géographie de Lyon, volume 54, 1979, p. 340 [sur le site books.google.fr (page consultée le 22 juillet 2012)].
- Archives CEM, Usine de Lyon (1984) : Historique de l'usine de Lyon, chap. « Les origines » p. 2-3.
- Dans la rubrique « L'électricité » du Didot Bottin de 1899, l'entreprise porte le nom de : Société nouvelle des établissements de L'Horme et de la Buire.
- Voir dans le Didot Bottin de 1899.
- Jean-Maris Giraud, « Énergie et entreprises : L'exemple lyonnais » (exposé de soutenance de thèse 1993), Bulletin du Centre Pierre Léon d'histoire économique, no 4, 1994, p. 38 [PDF] [lire en ligne]
- Archives CEM, Usine de Lyon (1984) : Historique de l'usine de Lyon, chap. « Les origines » p. 4.
- Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse, op. cit., vol. 2, p. 644.
- Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse, op. cit., vol. 2, p. 645.
- (collectif), La Belle histoire de la Compagnie Électro-Mécanique (CEM), éd. Sodico, Paris, 1950.
- Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse, op. cit., vol. 2, p. 646 et RCA Alioth, 1913, p. 2.
- Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse, op. cit., vol. 2, p. 646.