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SergueĂŻ Pankejeff

SergueĂŻ (ou Serge) Pankejeff (en russe : ХДргДĐč ĐšĐŸĐœŃŃ‚Đ°ĐœŃ‚ĐžĐœĐŸĐČоч ĐŸĐ°ĐœĐșДДĐČ, SergueĂŻ Konstantinovitch PankeĂŻev), nĂ© Ă  Kakhovka le et mort le Ă  Vienne, est connu pour avoir suivi une cure psychanalytique auprĂšs de Sigmund Freud, qui relata son cas dans les Cinq psychanalyses sous l'appellation de « L'Homme aux loups ».

Extrait de l'histoire d'une névrose infantile (L'Homme aux loups)
Auteur Sigmund Freud
Genre Psychanalyse
Version originale
Langue Allemand
Titre Aus der Geschichte einer infantilen Neurose
Lieu de parution Sammlung kleiner Schriften zur Neurosenlehre, 4, p. 578-717
Date de parution 1918
Version française
Traducteur Marie Bonaparte, Rudolph Loewenstein (PremiĂšre traduction)
Éditeur DenoĂ«l & Style
Lieu de parution Paris
Date de parution 1935
SergueĂŻ Pankejeff
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  92 ans)
Vienne
Nom dans la langue maternelle
ĐĄĐ”Ń€ĐłĐ”ÌĐč ĐšĐŸĐœŃŃ‚Đ°ĐœŃ‚ĐžÌĐœĐŸĐČоч ĐŸĐ°ĐœĐșĐ”ÌĐ”ĐČ
Surnom
Der Wolfsmann
Nationalité
Formation
Odessa Agrarian University main building (d)
Activité

Biographie et généalogie

SergueĂŻ Constantinovitch Pankejeff est nĂ© en Russie mĂ©ridionale, dans une riche famille de la noblesse terrienne. Il est Ă©levĂ© Ă  Odessa, avec sa sƓur Anna, par trois gouvernantes (Grouscha, Nania et Miss Owen) ainsi que par des prĂ©cepteurs. Sa mĂšre est atteinte de divers troubles psychosomatiques (dont des douleurs abdominales), et se prĂ©occupe exclusivement de sa santĂ©, tandis que son pĂšre, dĂ©pressif, passe la plupart de son temps dans des sanatoriums.

Pour ce qui en est des membres de la famille, des deux cĂŽtĂ©s de la gĂ©nĂ©alogie : l’oncle Pierre, le premier frĂšre du pĂšre, souffrait de paranoĂŻa et fut soignĂ© par le psychiatre SergueĂŻ Korsakov. Fuyant les contacts humains, il vĂ©cut comme un sauvage au milieu d’animaux et finit sa vie dans un asile. L’oncle Nicolas, deuxiĂšme frĂšre du pĂšre, voulut enlever la fiancĂ©e d’un de ses fils et l’épouser de force, mais en vain. Enfin, un cousin, fils de la sƓur de la mĂšre, fut internĂ© dans un asile de Prague, atteint d’une forme de dĂ©lire de persĂ©cution.

En 1896, Ă  l’ñge de 10 ans, SergueĂŻ Pankejeff prĂ©sente les premiers signes d’une nĂ©vrose grave. En 1905, sa sƓur Anna se suicide. Deux ans plus tard, son pĂšre se donne la mort. À cette Ă©poque, SergueĂŻ frĂ©quente le lycĂ©e, oĂč il rencontre Matrona, avec laquelle il contracte une gonorrhĂ©e. Il sombre alors dans de frĂ©quents accĂšs de dĂ©pression, qui le conduisent de sanatoriums en asiles, de maisons de repos en cures thermales. Il est soignĂ© par Vladimir Bekhterev par hypnose, puis par Theodor Ziehen Ă  Berlin, et Emil Kraepelin Ă  Munich qui pose le diagnostic de psychose maniaco-dĂ©pressive. SergueĂŻ Pankejeff entre alors au sanatorium de Neuwittelsbach, oĂč il subit divers traitements qui restent sans succĂšs.

L'entrée en psychanalyse

Puis SergueĂŻ Pankejeff retourne Ă  Odessa, oĂč il est soignĂ© par un jeune mĂ©decin, LĂ©onid Droznes, qui dĂ©cide de le conduire Ă  Vienne pour une consultation avec Freud. Il souffre alors de dĂ©pression, de constipation chronique et dĂ©crit des hallucinations, perçoit un voile qui le sĂ©pare de son entourage.

Freud dĂ©cide de le prendre en analyse. DĂšs le dĂ©but de la cure, Freud estime ĂȘtre confrontĂ© Ă  un transfert nĂ©gatif violent, comme il le confie Ă  Ferenczi, dans une lettre datĂ©e du : « Un jeune Russe riche, que j’ai pris en analyse Ă  cause d’une passion amoureuse compulsive, m’a fait l’aveu, aprĂšs la premiĂšre sĂ©ance, des transferts suivants : juif escroc, il aimerait me prendre par derriĂšre et me chier sur la tĂȘte ».

Face aux supposĂ©s transfert nĂ©gatif et rĂ©sistance du patient, Freud dĂ©cide de fixer, dĂšs le dĂ©part, la date de la fin de l’analyse, afin de faire cĂ©der toute fixation Ă  la maladie. Freud perçoit bien Ă  ce moment les aspects psychotiques de son patient, mais dĂ©cide de n'exposer que la nĂ©vrose infantile de SergueĂŻ, analysĂ©e « 15 ans aprĂšs sa rĂ©solution Â». Le but de Freud est de prouver l’efficacitĂ© de la psychanalyse face Ă  ses dĂ©tracteurs et aux psychiatres comme Kraepelin, qui avait diagnostiquĂ© un Ă©tat maniaco-dĂ©pressif similaire Ă  celui dont souffrait le pĂšre de SergueĂŻ. Dans ce texte, Freud postule que SergueĂŻ aurait Ă©tĂ© tĂ©moin de la « scĂšne primitive », qui constituerait le point de dĂ©part des perturbations ayant par la suite conditionnĂ© la nĂ©vrose du jeune homme. SergueĂŻ rĂ©futera tout souvenir de ce type, d'autant que les enfants Ă  l'Ă©poque vivaient et dormaient avec leur gouvernante et non avec leurs parents.

SergueĂŻ Pankejeff et son Ă©pouse (vers 1910)

Le cas de « l'Homme aux loups Â»

Le pseudonyme de « l'Homme aux loups Â» fut attribuĂ© en psychanalyse Ă  SergueĂŻ Pankejeff Ă  la suite du rĂȘve dit « des loups Â» : c'est sous ce surnom destinĂ© Ă  protĂ©ger son identitĂ© que l'histoire du cas de ce patient reste connue dans l'histoire de la psychanalyse. Sa place est unique dans l’Ɠuvre freudienne dans la mesure oĂč il s’agit d’un compte rendu du plus long traitement psychanalytique de Freud : cette cure, entamĂ©e en , s'est achevĂ©e le , le jour de l’attentat de Sarajevo.

En clinique, le cas de l'« Homme aux loups Â» analysĂ© par Freud dans À partir de l'histoire d'une nĂ©vrose infantile (1918 [1914]), Ă©crit Patrick Mahony, fournit « d'un point de vue technique » un « exemple de l'analyse extrĂȘmement Ă©laborĂ©e d'un rĂȘve, la reconstruction en dĂ©tail d'une scĂšne infantile et l'importance stratĂ©gique qu'il y a Ă  imposer une fin pour l'analyse »[1].

La scÚne de séduction et ses conséquences

Le cas de l'homme aux loups fut décrit par Freud dans Cinq psychanalyses.

SergueĂŻ Pankejeff est prĂ©sentĂ© comme un enfant calme et gentil. Au cours de son enfance, se produit un changement brutal de son comportement : il devient violent et dissipĂ©. Les premiers changements de caractĂšre de SergueĂŻ Pankejeff enfant coĂŻncident avec l’arrivĂ©e de Miss Owen, sa gouvernante anglaise. Le petit SergueĂŻ est comme transformĂ© : mĂ©content, violent, irritable, offensĂ© en toute occasion. Les parents craignent mĂȘme une dĂ©scolarisation. Cette gouvernante est qualifiĂ©e dans les Cinq psychanalyses comme Ă©tant « extravagante, insupportable, et portĂ©e sur l’alcool ».

Freud suppose que l'existence d'un premier « souvenir Ă©cran » Ă©tait liĂ© Ă  cette gouvernante anglaise et aux menaces de « castration » qu’elle profĂ©ra contre SergueĂŻ. Selon Freud, ces menaces ont participĂ© au changement du caractĂšre de SergueĂŻ.

Le second souvenir Ă©cran supposĂ© concerne la sƓur, et le fait que lorsque Serguei avait Ă  peine plus de trois ans, celle-ci l’avait sĂ©duit en l’entraĂźnant dans des jeux sexuels, l’incitant Ă  montrer son popo (terme employĂ© par la sƓur de SergueĂŻ Pankejeff pour dĂ©signer les organes sexuels), exhibant son sexe, et saisissant mĂȘme les organes gĂ©nitaux de son frĂšre, prĂ©textant que Nania avait l’habitude d’en faire de mĂȘme avec le jardinier.

Ces deux souvenirs Ă©crans auraient gĂ©nĂ©rĂ© des fantasmes chez le patient, des rĂȘves d’actes agressifs contre la sƓur et la gouvernante avec remontrances et punitions liĂ©s Ă  ces actes et Ă  son sentiment de culpabilitĂ©. Selon l'interprĂ©tation freudienne, ces fantasmes auraient eu pour but d’effacer l’évĂ©nement vĂ©cu comme traumatique par l’enfant. En effet, dans ses fantasmes, le patient ne joue pas un rĂŽle passif dans lequel sa virilitĂ© serait remise en question. Il est actif, agressif, et veut voir sa sƓur dĂ©nudĂ©e.

Le patient dĂ©veloppe une aversion Ă  l’égard de sa sƓur Ă  la suite de la scĂšne de sĂ©duction. Sa sƓur devint son concurrent pour l’amour et la reconnaissance des parents, surtout vis-Ă -vis du respect du pĂšre qui exaltait les capacitĂ©s intellectuelles de sa sƓur, alors que Serguei Ă©tait inhibĂ© intellectuellement Ă  la suite de sa nĂ©vrose obsessionnelle.

Serguei se dĂ©tourne de sa sƓur et se tourne vers Nania, avec qui il n’est pas en compĂ©tition.

Il exhibe alors son pĂ©nis devant Nania, et ne lui cache pas son onanisme, ce qui peut ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme une tentative de sĂ©duction de l'enfant vis-Ă -vis de sa nourrice. Nania Ă©met alors une menace de castration, en disant Ă  Serguei que s’il continuait Ă  pratiquer l’onanisme, une blessure viendrait Ă  la place de son pĂ©nis. Il renonce alors Ă  pratiquer l’onanisme. Cette menace de castration sera confortĂ©e par l’observation des organes gĂ©nitaux fĂ©minins de sa sƓur et d’une de ses amies en train d’uriner. Il constate alors l’absence de pĂ©nis chez les deux petites filles.

C’est alors que serait apparu le complexe de castration, centrĂ© sur le fantasme de castration, avec des garçons chĂątiĂ©s, battus sur leur pĂ©nis. Dans ce fantasme, Freud nous dit que le sadisme s’est tournĂ© contre la personne propre et transformĂ© en masochisme. Il serait issu du sentiment de culpabilitĂ© liĂ© Ă  la pratique de l’onanisme et Ă  l’attente d’un chĂątiment pour apaiser la culpabilitĂ©.

Ainsi, Ă  la suite de la peur liĂ©e Ă  la castration, il y aurait eu une rĂ©gression au stade sadique-anal. Serguei Pankejeff adopta une position « passive fĂ©minine Â» d’abord envers sa sƓur, qui fut la premiĂšre sĂ©ductrice, puis envers son pĂšre. Ainsi, la mĂ©chancetĂ© et les cris de Serguei, que Freud dĂ©crit dans Cinq psychanalyses, n’auraient eu d’autre but que d’ĂȘtre des tentatives pour sĂ©duire le pĂšre et de l’attirer dans une relation sadomasochiste.

La scÚne de séduction originelle

Au fur et Ă  mesure des sĂ©ances, alors que la cure atteint pratiquement son terme, un souvenir Ă©cran vint Ă  l’esprit de Serguei Pankejeff. Dans ce souvenir, Serguei enfant poursuivait un papillon Ă  rayures jaunes avec de grandes ailes qui se terminaient en appendices pointus. Ce papillon se posa sur une fleur et Serguei, pris de terreur, s’enfuit en hurlant. Freud apprend alors qu’en russe papillon se dit Đ±Đ°Đ±ĐŸŃ‡ĐșĐ° (babotchka), proche de бабушĐșĐ° (babouchka), la grand-mĂšre. Ainsi, le mot papillon a pour le patient une signification qui renvoie au fĂ©minin, et selon Freud, les rayures jaunes peuvent symboliser ou reprĂ©senter, un vĂȘtement portĂ© par une femme. Cette femme aurait en quelque sorte sĂ©duit Serguei, les ailes du papillons en V rappelleraient alors les jambes Ă©cartĂ©es de cette femme. À la suite des associations libres du patient, Freud dĂ©couvre que cette femme n’est autre que Grouscha, l’ancienne bonne d’enfants, que le patient aimait beaucoup. En russe, Grouscha veut dire poire, une poire qui montre des rayures, tout comme le papillon. Ainsi, derriĂšre le souvenir Ă©cran du papillon, se cachait bien une femme, comme le supposait Freud.

Freud, interroge son patient sur l’angoisse qu'il a Ă©prouvĂ©e Ă  la vue du papillon. Pour comprendre cette angoisse selon lui, il faut retrouver l’association Ă©tablie par le patient entre les deux scĂšnes (la scĂšne de sĂ©duction et le rĂȘve). Serguei Ă©voque alors une scĂšne au cours de laquelle Grouscha Ă©tait occupĂ©e Ă  rĂ©curer le sol, montrant ses fesses. En observant la scĂšne, le jeune SergueĂŻ Pankejeff ressentit une forte excitation et urina sur le sol. Grouscha Ă©mit alors une menace de castration contre lui.

Freud Ă©tablit un lien entre la position de Grouscha dans cette scĂšne de sĂ©duction et celle de la mĂšre, dans la scĂšne originaire reconstruite par Freud. Ainsi Grouscha devient le substitut de la mĂšre, l’excitation sexuelle ressentie par Serguei est issue de l’activation de l’image de la position maternelle dans le coĂŻtus a tergo (accouplement par derriĂšre). Ainsi, la position de la mĂšre, dans la scĂšne de sĂ©duction originelle, va orienter la vie sexuelle du sujet par rapport Ă  ses choix d’objet : Grouscha, Matrona. Ces femmes reprĂ©sentent toutes des substituts de la mĂšre.

Dans un rĂȘve Ă©voquĂ© par le patient, Serguei enfant arrache les ailes Ă  une ESPE. Freud lui demande ce qu’est une ESPE, et Serguei lui rĂ©pond que c’est un insecte Ă  rayures jaunes et qui peut piquer, c’est-Ă -dire faire mal comme Grouscha. Cet insecte est en fait une WESPE (= guĂȘpe) mutilĂ©e dans ce rĂȘve. ESPE symbolise les initiales du patient S.P. qui a Ă©tĂ© castrĂ©. Ainsi la signification du rĂȘve devient Ă©vidente. Dans ce rĂȘve, Serguei se venge de Grouscha qui l’avait menacĂ© de castration, en la castrant, c’est-Ă -dire, en arrachant les ailes du papillon jaune.

Donc la menace de castration et la sĂ©duction de Serguei par sa sƓur agissent ensemble et ont pour consĂ©quence le changement de caractĂšre du patient, alors qu’il Ă©tait encore enfant. L’enfant, n’ayant pas encore atteint la maturitĂ© sexuelle, ne peut ĂȘtre confrontĂ© qu’à l’incomprĂ©hension et Ă  l’effroi face Ă  la scĂšne de sĂ©duction.

Freud ne doute pas qu’il s’agisse d’une scĂšne rĂ©elle et non fantasmĂ©e, du fait des consĂ©quences rĂ©elles qui font que SergueĂŻ Pankejeff cherchera pour compagne des femmes ayant une intelligence moindre comparĂ© Ă  lui (contrairement Ă  sa sƓur) : il se tournera vers des paysannes ou domestiques, en raison de l’aversion que va entraĂźner la scĂšne de sĂ©duction de sa sƓur.

La scĂšne originaire, le fantasme de castration et le rĂȘve des loups

Le rĂȘve des loups fait par SergueĂŻ PĂ€nkejeff enfant : « j’ai rĂȘvĂ© qu’il faisait nuit et que j’étais couchĂ© dans mon lit. Tout Ă  coup, la fenĂȘtre s’ouvre d’elle-mĂȘme, et Ă  ma grande terreur je vois que sur le noyer en face de la fenĂȘtre, plusieurs loups blancs sont assis. Il y en avait six ou sept. Les loups Ă©taient tout blancs et ressemblaient plutĂŽt Ă  des renards ou a des chiens de berger, car ils avaient de grandes queues comme des renards, et leurs oreilles Ă©taient dressĂ©es comme chez les chiens quand ceux-ci sont attentifs Ă  quelque chose. En proie Ă  une grande terreur, Ă©videmment celle d’ĂȘtre dĂ©vorĂ© par les loups, je criais et m’éveillai »[2].

Serguei n’a que quatre ans quand il fait ce rĂȘve, qui est un rĂȘve d’angoisse. Serguei n’arrive pas Ă  se rappeler Ă  quel Ă©vĂ©nement ce rĂȘve se rapporte. Freud va alors tenter de trouver la signification de ce songe en analysant chaque Ă©lĂ©ment qui constitue le rĂȘve. Par le matĂ©riel du rĂȘve, Freud tire les fragments suivants : « un fait rĂ©el – d’un temps trĂšs ancien – regarder – immobilitĂ© – problĂšmes sexuels – castration – le pĂšre – quelque chose d’effrayant » (Cinq psychanalyses). Les soupçons de Freud se portent alors sur le fait que son patient a probablement vu le coĂŻt de ses parents.

La scĂšne originaire serait selon Freud une scĂšne de rapport sexuel entre les parents, observĂ©e ou supposĂ©e d’aprĂšs certains indices, et fantasmĂ©e par l’enfant.

Alors que Serguei n’avait qu’un an et demi, et Ă©tait malade (il avait la malaria), il aurait observĂ© un coĂŻtus a tergo (accouplement par derriĂšre). Serguei aurait pu de la sorte observer les organes gĂ©nitaux de ses parents. Cette scĂšne n’était pas pathogĂšne en elle-mĂȘme, mais c’est Ă  la suite du dĂ©veloppement sexuel de l’enfant, avec les sĂ©ductions de la sƓur et de Grouscha, que l’acte prendra sens aprĂšs-coup. Deux Ă©vĂ©nements traumatiques seraient nĂ©cessaires pour constituer un traumatisme.

Les fantasmes originaires

Les fantasmes originaires sont des structures fantasmatiques typiques (scĂšne originaire, castration, sĂ©duction) que la psychanalyse retrouve comme organisant la vie fantasmatique, indĂ©pendamment des expĂ©riences personnelles des sujets. L’universalitĂ© de ces fantasmes s’expliquerait, selon Freud, par le fait qu’ils constituent un patrimoine transmis phylogĂ©nĂ©tiquement.

Les fantasmes originaires constitueraient l’explication de l’angoisse Ă©prouvĂ©e lors du rĂȘve. Lors de l’observation de l’acte sexuel des parents, le petit Serguei Pankejeff a pu constater l’absence de pĂ©nis chez la mĂšre et la disparition du pĂ©nis du pĂšre.

Ainsi l’angoisse Ă©prouvĂ©e est celle de la castration, angoisse confirmĂ©e par les rĂ©cits faits par les adultes de son entourage (Ă  titre d'exemple, le conte Le Loup et les Sept Chevreaux qui l'avait fortement impressionnĂ©, ainsi que les menaces de Nania, Grouscha
).

Dans ce rĂȘve, Serguei Pankejeff s’identifie Ă  la mĂšre et l’angoisse Ă©prouvĂ©e envers le pĂšre (scĂšne originaire vĂ©cue par l’enfant comme un acte de violence, soumission de la mĂšre) est dĂ©placĂ©e sous la forme de la phobie du loup. La mĂšre Ă  laquelle s’identifie Serguei est une personne castrĂ©e, ce qui remet en question la virilitĂ© du patient. Cette identification Ă  la mĂšre sous-tend l’aspiration Ă  la satisfaction sexuelle par le pĂšre. L'enfant redoute pourtant le pĂšre qui pourrait le castrer. Il y a ambivalence des sentiments.

La peur d’ĂȘtre mangĂ© par le loup, comme le fut le Petit Chaperon rouge, est interprĂ©tĂ©e comme une transposition rĂ©gressive du dĂ©sir d’ĂȘtre coĂŻtĂ© par le pĂšre comme le fut la mĂšre. Il s'agit d'un renversement du complexe d’ƒdipe : l'enfant, au lieu de dĂ©sirer le parent de sexe opposĂ©, se sent attirĂ© par le parent de mĂȘme sexe que lui. Cependant, le patient refoule la passivitĂ© (de la mĂšre dans la scĂšne) par le souci narcissique du pĂ©nis. Il se dresse alors contre la satisfaction.

Freud s’interroge sur l'authenticitĂ© de la scĂšne observĂ©e par Serguei : est-ce une scĂšne rĂ©ellement perçue par l’enfant, ou au contraire, est-ce une scĂšne fantasmĂ©e ? Si Freud se pose cette question, c’est qu’un dĂ©tail d’importance, donnĂ© par Serguei, va poser problĂšme : il n’avait qu’un an et demi lors de l’observation du coĂŻt entre les parents, peut-il se souvenir de cette scĂšne ? Cette scĂšne aurait trĂšs bien pu ĂȘtre imaginĂ©e dans un fantasme rĂ©troactif par l’observation des rapports sexuels entre les animaux (les chiens de berger dont la ressemblance avec le loup est marquante). Freud se voit dans l’impossibilitĂ© de trancher ; nĂ©anmoins, cette scĂšne, qu'elle soit imaginaire ou rĂ©elle, a entraĂźnĂ© un changement de caractĂšre de l’enfant, gĂ©nĂ©rĂ© l’angoisse du loup ainsi que la compulsion religieuse.

Cette scĂšne, qu’elle soit fantasmatique ou rĂ©elle, a eu un impact majeur sur la vie du sujet, ce qui permet Ă  Freud de conclure qu'on peut lui confĂ©rer une rĂ©alitĂ© psychique chez le sujet.

La phobie chez l'Homme aux loups

Le rĂȘve des loups trouve Ă©galement son origine dans une histoire racontĂ©e par le grand-pĂšre du patient. Cette histoire peut se rĂ©sumer ainsi : un jour, un loup pĂ©nĂ©tra par la fenĂȘtre dans l’atelier d’un tailleur et l’attaqua (on retrouve ici l’introduction du rĂȘve de SergueĂŻ oĂč des loups l’observent Ă  travers sa fenĂȘtre, prĂȘts Ă  bondir sur lui). L’homme rĂ©ussit Ă  triompher de son adversaire en lui coupant la queue (d’oĂč le fait que dans le rĂȘve des queues de renards aient pris la place des queues de loups). Quelque temps plus tard, alors qu’il se promenait en forĂȘt, le tailleur fut de nouveau attaquĂ© par le loup sans queue et sa meute. Il parvint Ă  grimper en haut d’un arbre. Les loups montĂšrent alors les uns sur les autres pour l’atteindre (nous retrouvons lĂ  deux Ă©lĂ©ments prĂ©sents dans le rĂȘve et la premiĂšre scĂšne de sĂ©duction observĂ©e par le jeune SergueĂŻ Pankejeff : le fait que les loups soient perchĂ©s, que Freud met en parallĂšle avec la position des parents lors du coĂŻt). Lorsqu’il reconnut le loup sans queue, le tailleur rĂ©vĂ©la que c’était lui qui la lui avait ĂŽtĂ©e. Le loup, effrayĂ©, s'enfuit faisant ainsi s’écrouler toute la pyramide de loups.

À la suite du rĂȘve des loups, SergueĂŻ devient irritable, il se comporte de maniĂšre sadique, tourmenteuse et dĂ©veloppe une nĂ©vrose obsessionnelle. Ces comportements s’expliquent par l’interprĂ©tation du rĂȘve aux loups. En rĂ©alitĂ©, le patient cherche Ă  se dĂ©fendre contre la motion pulsionnelle dĂ©plaisante : ĂȘtre satisfait sexuellement par son pĂšre.

L’homme aux loups ne refoule pas immĂ©diatement son dĂ©sir. La pulsion dĂ©plaisante rĂ©gresse d'abord du stade gĂ©nital (ĂȘtre satisfait sexuellement par le pĂšre) au stade sadique anal (ĂȘtre puni par le pĂšre). La motion pulsionnelle dĂ©plaisante Ă©tait hostile au pĂšre, via le processus de transformation en son contraire, Ă  la place de l’agression contre le pĂšre apparaĂźt l’agression du pĂšre contre l’enfant. Ainsi le patient craint d’ĂȘtre dĂ©vorĂ© par les loups, sous-entendu par le pĂšre. ParallĂšlement, la motion de tendresse passive envers le pĂšre rĂ©gresse Ă©galement. C’est donc toutes les composantes du complexe d’ƒdipe (la tendresse et l’hostilitĂ© envers le pĂšre) qui sont refoulĂ©es.

Les rapports entre SergueĂŻ et l’objet fĂ©minin ont Ă©tĂ© fortement perturbĂ©s Ă  cause de la sĂ©duction de sa sƓur. Freud remarque que le cĂŽtĂ© fĂ©minin passif est trĂšs dĂ©veloppĂ© chez l’homme aux loups. Le rĂȘve rĂ©vĂ©lait Ă©galement que l’enfant craignait la castration (tout comme le loup de l’histoire du grand-pĂšre). C’est cette angoisse qui force SergueĂŻ Pankejeff Ă  renoncer au dĂ©sir de devenir l’objet d’amour de son pĂšre sous peine de perdre la seule chose qui le distingue des femmes et plus prĂ©cisĂ©ment de sa sƓur (qu'il considĂ©rait comme sa rivale au sein de la famille). Le moteur du refoulement est l’angoisse de castration ; ĂȘtre dĂ©vorĂ© par le loup n’est que le substitut obtenu par dĂ©formation du contenu : ĂȘtre chĂątrĂ© par le pĂšre. L’affect d’angoisse qui caractĂ©rise la phobie est donc l’angoisse ressentie devant le danger perçu comme rĂ©el de la castration (comme le loup de l’histoire de l’aĂŻeul qui s’enfuit dĂšs que sa castration lui est rappelĂ©e).

C’est l’angoisse qui produit le refoulement.

Angoisse de castration des parties gĂ©nitales et angoisse de castration du Moi. Elle tĂ©moigne de la crainte ressentie par le Moi face aux revendications de la libido. La position d’angoisse du Moi est l’élĂ©ment qui provoque le refoulement. La libido peut se transformer en angoisse face Ă  ce type de perturbations.

La névrose obsessionnelle, la religion et l'image du pÚre

Avant d'entrer dans le cabinet de Freud, Sergueï Pankejeff avait été suivi par d'autres médecins qui pensaient que le patient présentait un trouble qualifié de psychose maniaco-dépressive. Freud, lui, considÚre plutÎt l'état de l'homme aux loups comme un état suivant la guérison spontanée d'une névrose obsessionnelle.

TrĂšs prĂ©occupĂ© par le comportement du jeune SergueĂŻ face aux petits animaux (qu'il torturait), son entourage dĂ©cida de lui inculquer quelques principes religieux dans l'espoir que cet enseignement attendrirait son cƓur. Bien que Freud se dĂ©finisse comme athĂ©e et considĂšre la religion comme une illusion (car sa structure dogmatique lui paraĂźt mythique), il qualifie cette instruction comme un facteur d'apaisement. C'est Nania, que Freud qualifie de trĂšs pieuse et superstitieuse, qui se charge de l'Ă©ducation religieuse de SergueĂŻ Pankejeff.

Le jeune garçon s'identifie rapidement au Christ, car ils sont tous deux nĂ©s un . Durant son instruction religieuse, SergueĂŻ Pankejeff percevait le Christ comme un double de lui-mĂȘme et embrassait chaque soir les icĂŽnes qui dĂ©coraient sa chambre.

Si cette initiation rencontre un certain succÚs (l'enfant cesse de martyriser les animaux), elle est cependant trÚs critiquée par l'enfant. Ce dernier se révolte contre la passivité du Christ face à la souffrance mais surtout contre le rÎle joué par Dieu (le pÚre) durant La Passion. La religion traditionnelle ne satisfait pas l'homme aux loups, par conséquent, il se crée sa propre religion (pour reprendre les termes employés par Freud) : la névrose obsessionnelle.

Le problĂšme de l'homme aux loups rĂ©side dans son incapacitĂ© Ă  trouver le pĂšre symbolique dans son entourage. L'enfant n'a pas pu s'identifier Ă  une image proprement paternelle remplissant la fonction symbolique du pĂšre. Pour cela, il n'a pas pu accomplir son complexe d'ƒdipe puisqu'il s'est identifiĂ©, non pas Ă  son pĂšre, mais Ă  sa mĂšre. L'objet de son dĂ©sir est son pĂšre. De plus, dans la famille, le pĂšre n'est pas un « pĂšre castrateur » aussi bien dans ses actes que dans ses paroles (ce sont les femmes de son entourage qui jouent ce rĂŽle), il se montre mĂȘme extrĂȘmement tendre avec son fils.

Pourtant, SergueĂŻ Pankejeff, pour des raisons liĂ©es Ă  la sĂ©duction qu'il a subie, recherche et fuit le pĂšre symbolique castrateur. Un pĂšre qui, contrairement Ă  son vrai pĂšre, aurait avec lui des rapports punitifs. L'enfant a une attitude provocatrice et recherche la satisfaction : ĂȘtre puni par le pĂšre.

Les critiques que l'homme aux loups formule contre la religion tiennent leur origine du fait que le Dieu prĂ©sentĂ© Ă  l'enfant ne tient pas pour lui la place du pĂšre symbolique mais aussi parce qu'il essaie de chasser de son cƓur son vĂ©ritable pĂšre.

D'oĂč sa rĂ©volte contre le masochisme affectĂ© par son « double » dans les saintes Ă©critures : le Christ (qui, lui, a laissĂ© le pĂšre symbolique prendre la place de son vrai pĂšre : Josef, et est mort pour lui).

La religion sert également de prétexte pour justifier la névrose obsessionnelle.

Freud considĂšre cette maladie comme une religion privĂ©e ce qui lui permet de faire apparaĂźtre la nĂ©vrose comme la dĂ©gradation d’une organisation symbolique forte.

Dans son livre Psychoses, NĂ©vroses et Perversion, Freud affirme que les pratiques religieuses sont identiques aux pratiques des obsessionnelles (scrupulositĂ© dans l’exĂ©cution des dĂ©tails, conviction que si le rituel n’est pas accompli des catastrophes se produiront, toute-puissance des idĂ©es, une certaine stĂ©rĂ©otypie du rite
) Ă  ceci prĂšs que le nĂ©vrosĂ© accomplit ses rituels seul et surtout que les rites du nĂ©vrosĂ© apparaissent dĂ©nuĂ©s de sens pour autrui.

Lorsqu'il était enfant, Sergueï Pankejeff expirait dÚs qu'il croisait un mendiant ou un infirme et attribuait une propriété magique à ce souffle expiré. En réalité, Freud pense que cette expiration servait à éloigner du patient ces images représentant le mauvais pÚre mais aussi la menace de la castration dont les mendiants et infirmes étaient le paradigme.

Freud relie ce souffle à la forte respiration du pÚre entendu par l'enfant lors de la scÚne primitive. Enfin, le fait d'embrasser systématiquement les icÎnes ornant sa chambre était une forme de défense contre les mauvaises pensées formulées par l'enfant en réaction contre le pÚre castrateur.

La religion servit Ă©galement de moyen pour l'enfant de s'Ă©loigner des femmes de sa famille. Tout d'abord de sa mĂšre, Ă  laquelle il s'identifiait et qui avait Ă©tĂ© le support de son homosexualitĂ©, et de sa sƓur sĂ©ductrice, reprĂ©sentant, Ă  prĂ©sent Ă  ses yeux, une tentatrice.

L'attrait pour la religion du patient disparut lorsque celui-ci rencontra un précepteur allemand anti-religieux qui incarna pour lui le pÚre symbolique. Il affectionnait tant cet homme que, toute sa vie durant, il privilégia, par identification avec cet homme, l'élément allemand.

L’aprùs Freud

Lorsqu’il rĂ©dige le cas de SergueĂŻ Pankejeff, en 1914, Freud affirme que sa nĂ©vrose obsessionnelle est rĂ©solue et que le patient, guĂ©ri, peut se sĂ©parer de son psychanalyste. Cependant, l’homme aux loups devait reprendre le travail psychanalytique Ă  de nombreuses reprises Ă  la demande expresse de Freud, et non de son propre chef (notamment pendant et aprĂšs la Grande Guerre, alors que les rĂ©volutions d’avril et d’octobre 1917 l’avaient ruinĂ©), et s’inscrire durablement dans l’histoire de cette discipline.

En 1926, il fut adressĂ© par Freud Ă  l’une de ses disciples, Ruth Mack Brunswick, alors que SergueĂŻ Pankejeff souffrait d’hallucinations paranoĂŻdes concernant son nez. Cette nouvelle psychanalyse permit de mettre en lumiĂšre les lacunes de la premiĂšre cure (effectuĂ©e par Freud). En effet, Freud avait sous-estimĂ© l’importance du transfert que l’homme aux loups avait dĂ©veloppĂ© Ă  son Ă©gard ce qui, selon Brunswick, l’avait privĂ© des types de solutions nĂ©vrotiques habituelles et l’avait orientĂ© vers des types de rĂ©actions plus primitifs (elle soupçonnait que les hallucinations de SergueĂŻ Ă©taient dues Ă  l’avancĂ©e du cancer de Freud)[3].

Mais le parcours analytique de l'Homme aux loups ne se termine pas avec Brunswick. AprĂšs la fin de cette analyse, il commença Ă  avoir des entretiens informels et Ă  allure mondaine avec Muriel Gardiner. Ils prenaient le thĂ© ensemble de temps en temps, par exemple. Son analyse avec Brunswick avait durĂ© environ six semaines, d'abord Ă  Paris et ensuite Ă  Londres. Il reprend ses entretiens avec Gardiner Ă  Paris en 1938, pratiquant une analyse pĂ©ripatĂ©ticienne d'abord, par correspondance ensuite, avant que des entretiens plus structurĂ©s ne s'organisent d'abord en 1949, puis en 1956, toujours Ă  Vienne. C'est aprĂšs cela que Pankejeff rĂ©digea ses Souvenirs d'enfance, vĂ©ritable auto-analyse qu'il confia Ă  Gardiner[4]. Celle-ci aurait terminĂ© lĂ  son rĂ©cit de sa relation avec cet homme, lorsqu'elle lui annonce la publication de ses Souvenirs, s'il n'y avait pas eu avant que son propre livre Ă  elle n'apparaisse, la parution du livre de Karin Obholzer. Gardiner se sent en quelque sorte obligĂ©e de discuter l'apport de sa collĂšgue viennoise, confirmer ou infirmer certaines dĂ©clarations de Pankejeff, et surtout laisser clair les arrangements financiers de Freud et de sa famille, ainsi que de Brunswick et d'elle-mĂȘme, Gardiner, avec ce trĂšs cĂ©lĂšbre ancien patient des psychanalystes.

Sur SergueĂŻ Pankejeff « par lui-mĂȘme Â», la postĂ©ritĂ© dispose des « propres aveux des MĂ©moires, des Entretiens, ou des notes de peinture dans ses carnets »[5], dans lesquels le cĂ©lĂšbre patient de Freud revenait sur ses diverses expĂ©riences psychanalytiques et ajoutait ses propres rĂ©flexions aux interprĂ©tations de ses thĂ©rapeutes.

Il mourut en 1979 Ă  Vienne, assistĂ© de son mĂ©decin, le comte Wilhelm Solms-Rödelheim. Muriel Gardiner mentionne « sƓur Anni », Albin Unterweger, ancien ami des Freud et de Brunswick, et elle-mĂȘme comme ayant Ă©tĂ© prĂ©sents aux derniĂšres heures de l'Homme aux loups[6].

La production artistique de SergueĂŻ Pankejeff

Le psychanalyste Vladimir Marinov a consacrĂ© en 1999 un livre Ă  l'« L'art de l'Homme aux loups » en relation avec la thĂ©orie de la sĂ©duction gĂ©nĂ©ralisĂ©e de Jean Laplanche. L'ouvrage contient, outre le fameux dessin au crayon sur « le rĂȘve des loups » que Freud a inclus dans « À partir de l'histoire d'une nĂ©vrose infantile », et la « Photographie d'aprĂšs une peinture de l'Homme aux loups reprĂ©sentant son rĂȘve », plusieurs autres dessins et peintures qui se trouvent aux Archives Sigmund Freud, Ă  Washington[7]. V. Marinov Ă©crit que « derriĂšre les tentatives de sublimation tenaces de l'Homme aux loups, Der Gehetzte[8], ce “bousculĂ©â€, ce “possĂ©dĂ©â€, ce “traquĂ©â€, ce double distordu de l'Homme aux loups, prouve que ces sĂ©ductions prĂ©coces, multiples et contradictoires, se sont incrustĂ©es au niveau de l'enveloppe fantasmatique de son corps »[9].

Critiques

Monique Schneider discute la question du rapport de SergueĂŻ Pankejeff Ă  la psychanalyse d'aprĂšs les Entretiens avec l’Homme aux loups effectuĂ©s par la journaliste Karin Obholzer[10]. Selon Schneider, Pankejeff s'en prend plus Ă  la figure de sa seconde psychanalyste qu'Ă  Freud lui-mĂȘme, ainsi qu'aux comptes rendus que d’autres ont Ă©mis sur son « cas » et Ă  la position de « monument » que lui a donnĂ© la psychanalyse. À propos de Freud, Pankejeff dĂ©clare « Freud Ă©tait un gĂ©nie, c’est l’Homme aux loups qui parle, mĂȘme si tout ce qu’il a dit n’est pas juste. Si vous l’aviez vu. C’était une personnalitĂ© fascinante. Il avait des yeux trĂšs sĂ©vĂšres qui vous regardaient jusqu’au fond de l’ñme. Tout son aspect Ă©tait trĂšs sympathique. J’ai ressenti de la sympathie pour lui. C’était justement le transfert. Il possĂ©dait un pouvoir d’attraction, ou disons plutĂŽt de rayonnement, qui Ă©tait trĂšs agrĂ©able et positif »[11]. A la question de savoir s'il croit toujours Ă  la psychanalyse, il rĂ©pond « Aujourd’hui je ne crois plus Ă  rien », pour rectifier ensuite : « Mon Dieu, je crois au transfert »[10]. Pankejeff reconnaĂźt que la psychanalyse l’a aidĂ©[12] mais il affirme Ă©galement qu'« au lieu de me faire du bien, les psychanalystes m’ont fait du mal »[13], Schneider prĂ©cise que cette « accusation [est] nĂ©anmoins tempĂ©rĂ©e par le statut d’exception dont bĂ©nĂ©ficie Freud »[10].

Selon Schneider, les critiques de Pankejeff sont un mĂ©canisme identifiĂ© en psychanalyse : « le motif mis en avant par SerguĂ©i tĂ©moigne de l’un des vecteurs agissants dans le travail analytique : donner tort Ă  l’analyste, lui contester l’influence qu’il peut exercer sur le processus de guĂ©rison. Ce thĂšme sera repris par Freud dans un texte oĂč l’Homme aux loups est prĂ©sent dans l’ombre : L'Analyse avec fin et l'Analyse sans fin ; le « refus de la fĂ©minitĂ© » [manifestĂ© par SergueĂŻ Pankkejeff] peut se manifester par le refus d’« accepter du mĂ©decin la guĂ©rison » »[10].

Michel Onfray, dans sa Contre-histoire de la philosophie, souligne l'absence de résultats malgré prÚs d'un demi-siÚcle de psychanalyse, dont quatre années avec Freud.

Notes et références

  1. Patrick Mahony, « À partir de l'histoire d'une nĂ©vrose infantile (l'Homme aux loups) », dans Dictionnaire international de la psychanalyse (2002), 2 vol. (1.A/L et 2. M/Z), Paris, Hachette-LittĂ©rature, 2005, p. 2.
  2. Sigmund Freud, Cinq psychanalyses, PUF.
  3. "SupplĂ©ment Ă  l'Extrait d'une nĂ©vrose infantile, de Freud : L'Homme aux loups par ses psychanalystes et par lui-mĂȘme [« The Wolf-Man by the Wolf-Man »] (trad. de l'anglais par Luc Weibel, prĂ©f. Anna Freud, postface Muriel Gardiner), Paris, Gallimard, coll. « Connaissance de l'inconscient », (1re Ă©d. 1971), 402 p. (BNF 34663570), p. 268-316
  4. Muriel Gardiner (trad. de l'anglais par Luc Weibel, prĂ©f. Anna Freud, postface Muriel Gardiner), "Ce qu'est devenu l'Homme aux loups" : L'Homme aux loups par ses analystes et par lui-mĂȘme [« The Wolf-man by the Wolf-man »], Paris, Gallimard, coll. « Connaissance de l'inconscient », (1re Ă©d. 1971), 406 p. (BNF 34663570), p. 317-402
  5. V. Marinov, RĂȘve et sĂ©duction. L'art de l'Homme aux loups, PUF, 1999, p. 14.
  6. Karin Obholzer (trad. de l'anglais par Romain Dugas, préf. Michel Schneider), Entretiens avec l'Homme aux loups [« GesprÀche mit dem Wolfsmann, eine Psychoanalyse und die Folgen »], Paris, Gallimard, coll. « Connaissance de l'inconscient », (1re éd. 1980), 292 p. (BNF 34662852), « Les derniers jours de l'Homme aux loups », p. 291-292
  7. . V. Marinov, RĂȘve et sĂ©duction. L'art de l'Homme aux loups, Annexes, p. 299-302.
  8. « Der Gehetzte », 1958, de S. Pankejeff est un « dessin avec crayon et encre sur du papier (sur le dos, croquis au crayon du mĂȘme sujet), 6 X 8 1/4 in. », dans V. Marinov: p. 299 avec reproduction en premiĂšre de couverture de l'ouvrage.
  9. V. Marinov, p. 298.
  10. Monique Schneider, « L'Homme aux Loups avalĂ© par ses psychanalystes ? », Topique, L’Esprit du temps, vol. 108, no 3,‎ , p. 81-92 (DOI 10.3917/top.108.0081, lire en ligne)
  11. Karin Oberholzer, Entretiens avec l'homme aux loups. Une psychanalyse et ses suites, Gallimard, 1981, p. 64
  12. « A la suite de ce que Mme Gardiner a Ă©crit, ils ont fait de moi un cheval de parade. Au fond, le livre est censĂ© prouver que la psychanalyse est capable de guĂ©rir un cas aussi grave... Je le reconnais, elle m’a aidĂ©. » in Karin Oberholzer, Entretiens avec l'homme aux loups. Une psychanalyse et ses suites, Gallimard, 1981, p. 172
  13. Karin Oberholzer, Entretiens avec l'homme aux loups. Une psychanalyse et ses suites, Gallimard, 1981, p. 25

Voir aussi

Texte de référence

  • Sigmund Freud : L'Homme aux loups : d'une histoire de nĂ©vrose infantile, Payot, coll. « Petite BibliothĂšque Payot », 2010 (ISBN 2228905690); L'Homme aux loups, Presses Universitaires de France - Quadrige, 1990, (ISBN 2130434002)

Études et ouvrages sur « L'homme aux loups »

(Dans l'ordre alphabétique des noms d'auteurs)

  • Nicolas Abraham, Maria Torok : Le Verbier de l'homme aux loups, prĂ©cĂ©dĂ© de « fors » par Jacques Derrida, Flammarion-Champs, poche, 1999, (ISBN 2080814257)
  • Muriel Gardiner (traduit et prĂ©sentĂ©) : L'homme aux loups, par ses psychanalystes et par lui-mĂȘme, Gallimard, 1981, (ISBN 2070245470)
  • Patrick J. Mahony :
    • Les hurlements de l'homme aux loups, PUF, 1995, (ISBN 2130466354)
    • « À partir de l'histoire d'une nĂ©vrose infantile (l'Homme aux loups) », dans Dictionnaire international de la psychanalyse (2002), 2 vol. (1.A/L et 2. M/Z), Paris, Hachette-LittĂ©rature, 2005, p. 1-3 (ISBN 9782012791459)
  • Vladimir Marinov, RĂȘve et sĂ©duction. L'art de l'Homme aux loups, avec des dessins et peintures inĂ©dits de l'Homme aux loups, Paris, PUF, 1999, (ISBN 2 13 049641 5)
  • Karin Oberholzer: Entretiens avec l'homme aux loups. Une psychanalyse et ses suites, Gallimard, 1981, (ISBN 2070245543)

Articles connexes

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