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Sampi

Sampi (capitale : ÍČ, minuscule : Íł) forme Ă©pigraphique, comme numĂ©ral moderne Ï  (ÏĄ en minuscule), en grec ancien ÏƒÎ±ÎŒÏ€áż– / sampĂź) est une lettre archaĂŻque de l’alphabet grec servant Ă  noter un type de /ss/. La lettre utilisĂ©e avec cette fonction (« sampi littĂ©ral ») a cependant disparu de l’alphabet classique mais a Ă©tĂ© conservĂ©e, sous une forme diffĂ©rente, dans la numĂ©ration pour noter le nombre 900 (« sampi numĂ©ral »). Son origine n’est pas claire.

Sampi
Interprétation contemporaine de la lettre grecque archaïque sampi en capitale et bas-de-casse, avec la police Times New Roman.
Interprétation contemporaine de la lettre grecque archaïque sampi en capitale et bas-de-casse, avec la police Times New Roman.
Graphies
Capitale ÍČ, Ï 
Bas de casse Íł, ÏĄ
Utilisation
Alphabets Grec
Ordre Oméga-Cho
PhonÚmes principaux (grc) [sː]

Remarque : les deux fonctions et formes du sampi sont distinguĂ©es par Unicode. La forme archaĂŻque Ă©pigraphique peut ĂȘtre absente de certaines polices de caractĂšres.

Le problĂšme du sampi

La lettre que l'on nomme ainsi — soit ÏƒÎ±ÎŒÏ€Î”áż– / sampeĂź, ÏƒÎ±ÎŒÏ€áż– / sampĂź, ÏƒÎ±ÎœÏ€Î”áż– / sanpeĂź ou encore ÏƒÎ±ÎœÏ€áż– / sanpĂź en grec ancien — soulĂšve de nombreuses difficultĂ©s d’interprĂ©tation (ce que l’on peut constater aisĂ©ment rien qu’au nombre de graphies possibles que l’on donne Ă  son nom). En effet, elle n’est attestĂ©e que comme signe propre Ă  la numĂ©ration alphabĂ©tique de Milet alors que les autres lettres numĂ©rales ne servant plus qu’à dĂ©signer des nombres (digamma et koppa) remontent clairement Ă  des lettres archaĂŻques de l’alphabet grec maintenant inusitĂ©es pour l’écriture des mots mais conservĂ©es, sous une graphie modifiĂ©e, pour la numĂ©ration.

Origines

Plusieurs hypothĂšses ont Ă©tĂ© Ă©mises concernant l’origine du sampi. Le premier point Ă  constater est que la lettre a Ă©tĂ© rejetĂ©e Ă  la fin de l’alphabet numĂ©ral, ce qui indique gĂ©nĂ©ralement un emprunt (Ă  la maniĂšre de Y et Z que les Romains ont importĂ© directement de l’alphabet grec) ou une invention (comme le signe pour /f/ en forme de 8 de l’alphabet Ă©trusque), de sorte que l’ordre alphabĂ©tique ancien ne soit pas perturbĂ©. La lettre serait donc une innovation, rendue nĂ©cessaire par le fait qu’il aurait sinon manquĂ© un signe pour la derniĂšre valeur numĂ©rique, 900. Cet ajout d’un signe annexe expliquerait pourquoi.

Indices donnés par le nom

Le nom mĂȘme de la lettre est sujet Ă  caution.

Il existe une possibilitĂ© assez improbable pour expliquer le nom sampi : il serait composĂ© de ÏƒÎŹÎœ et de Ï€áż–, le premier terme Ă©tant la dĂ©nomination de la lettre archaĂŻque san, Ï», le second de la lettre pi, π. Or, ce n’est pas concluant pour la forme : on ne reconnaĂźt pas le tracĂ© d’un san et cette lettre est absente des alphabets Ă©pichoriques d’Ionie (rappelons que la numĂ©ration alphabĂ©tique grecque provient de la citĂ© ionienne de Milet). De plus, san n’intervient pas dans la numĂ©ration ionienne, puisque cette lettre y est inconnue : sampi ne peut donc en provenir. Un lien avec san d’une autre nature est cependant possible si l’on considĂšre que le sampi Ă©pigraphique provient, comme le san, du áčŁÄdē phĂ©nicien (voir plus bas).

L’hypothĂšse dĂ©jĂ  ancienne semble plus recevable : le nom est descriptif et s’appuie sur une similitude purement formelle entre le sampi et la lettre π pi : en effet, le nom σαvÏ€áż– peut ĂȘtre compris comme la fusion de σᜰΜ Ï€áż–, c’est-Ă -dire en grec mĂ©diĂ©val (et moderne), « comme pi » (du grec ancien áœĄÏƒáœ°Îœ Ï€áż–). Le passage de Îœ Ă  ” devant un π est rĂ©gulier en grec. Le nom serait donc descriptif ; il est vrai que le tracĂ© du sampi le rend proche d’un pi inclinĂ© (la similitude entre sampi et pi est plus ou moins visible selon les fontes). Le nom, cependant, est vraisemblablement bien postĂ©rieur Ă  la lettre : l’interprĂ©tation s’est donc faite a posteriori et il est certain que le sampi n’est pas dĂ©rivĂ© du pi.

Indices Ă©pigraphiques

Michel Lejeune[1] note l’existence, dans certains alphabets d’Ionie asiatique (Ă  TĂ©os, ÉphĂšse, Cyzique, Halicarnasse, par exemple, mais pas Ă  Milet) et en Pamphylie (PergĂš, Sillyon) d’une lettre locale qui ne s’est pas conservĂ©e longtemps (elle est attestĂ©e entre la moitiĂ© du VIe siĂšcle et la moitiĂ© du Ve siĂšcle avant l’ùre chrĂ©tienne en Ionie, entre le IVe et le IIe en Pamphylie). La lettre en question, que M. Lejeune identifie au sampi, se traçait de diffĂ©rentes maniĂšres, dont et en Pamphylie.

Elle servait Ă  noter la sifflante forte intervocalique issue de diverses modifications phonĂ©tiques (dont la palatalisation d'anciens *k et *t du proto-grec) et notĂ©e dans la plupart des anciens dialectes par ÎŁÎŁ, ΀΀ en ionien-attique (du reste, Ă  partir du Ve siĂšcle, on remarque dans les alphabets d’Ionie le remplacement progressif de par ÎŁÎŁ, ce qu’on peut interprĂ©ter comme l’indice d’une prononciation [tÍĄs] passĂ©e Ă  [ss]). En ionien d'Asie et en pamphylien, il est possible qu’elle ait Ă©tĂ© prononcĂ©e [tÍĄs].

Voici quelques exemples de mots relevés :

  • ΀ΕÍČÎ‘ÎĄÎ‘Ï˜ÎŸÎÎ€Î‘ / tetsaraqonta (Ă  ÉphĂšse ; en ionien-attique : Ï„Î”Ï„Ï„Î±ÏÎŹÎșÎżÎœÏ„Î± / tettarĂĄkonta, ailleurs : Ï„Î”ÏƒÏƒÎ±ÏÎŹÎșÎżÎœÏ„Î± / tessarĂĄkonta, « quarante ») ;
  • ΘΑΛΑÍČΗΣ / thalatsĂȘs (Ă  TĂ©os ; en ionien-attique : ÎžÎ±Î»ÎŹÏ„Ï„Î·Ï‚ / thalĂĄttĂȘs, ailleurs : ÎžÎ±Î»ÎŹÏƒÏƒÎ·Ï‚ / thalĂĄssĂȘs, « mer » au gĂ©nitif »).
  • ϜΑΝΑÍČΑ / wanatsa (le nom d’ArtĂ©mis pour le pamphylien, notĂ© normalement avec un digamma initial marquant le son /w/, mais tracĂ© diffĂ©remment, peut-ĂȘtre pour indiquer une prononciation diffĂ©rente du type /É„/ ou /ÉŻ/, et qui correspond en ionien-attique Ă  ጄΜασσα / ĂĄnassa (« reine »)).
Bien qu'ils soient Ă©crits ici de gauche Ă  droite, les anciens textes grecs Ă©taient encore Ă©crits plus souvent de droite Ă  gauche ou en boustrophĂ©don, toujours sans minuscules (crĂ©Ă©es plus tard) et avec les lettres orientĂ©es dans l'autre sens quand elles ne sont pas symĂ©triques pour marquer la direction de lecture en boustrophĂ©don ; le grec classique prendra sa direction d'Ă©criture actuelle de gauche Ă  droite avec les formes orientĂ©es comme ci-dessus seulement vers le IVe siĂšcle av. J.-C., en mĂȘme temps que l'Ă©trusque et l'italique, sous la montĂ©e en puissance du latin qui emprunte une grande partie de son alphabet Ă  l'italique en le complĂ©tant de lettres grecques classiques (qui avaient Ă©tĂ© abandonnĂ©es pour Ă©crire les anciennes langues hellĂ©niques, celtiques ou germaniques du reste de l'Italie).

Toujours d’aprĂšs M. Lejeune, le sampi ionien serait un emprunt Ă  l’alphabet carien. Il serait plus juste de parler d’un emprunt Ă  une Ă©criture dĂ©rivĂ©e du grec servant Ă  une langue anatolienne sans prĂ©ciser laquelle puisque TĂ©os et ÉphĂšse sont en Lydie, Halicarnasse en Carie et la zone pamphylienne trĂšs proche de la Lycie. Du reste, il existe dans l’alphabet lycien un signe trĂšs proche du sampi pamphylien () servant Ă  Ă©crire une consonne transcrite τ (dont la valeur phonĂ©tique n’est pas claire). L’origine anatolienne est plausible mais il n’est pas Ă©vident d’affirmer la provenance exacte des sampis grecs : il existe plusieurs caractĂšres de tracĂ© proche et, surtout, leur valeur phonĂ©tique n’est pas sĂ»re.

D’autres savants, comme Pierre Swiggers[2], considĂšrent que le sampi grec provient, de mĂȘme que le san (Ïș), du áčŁÄdē phĂ©nicien, tracĂ© . Il faudrait dans ce cas accepter que les alphabet anatoliens ont alors empruntĂ© au grec cette forme rare du áčŁÄdē pour former les caractĂšres qui, chez eux, ressemblent aux diffĂ©rents tracĂ©s du sampi. Sampi et san seraient alors deux tracĂ©s diffĂ©rents pour un mĂȘme Ă©tymon.

Il est donc bien possible qu’on l’ait plus tard nommĂ© ainsi parce qu’il ressemblait Ă  un pi (sous sa forme proche du double Tau pour noter le t palatal, alors qu'il a Ă©voluĂ© en grec vers tau-sigma puis le s palatal notĂ© par le double Sigma, longtemps avant que le grec classique adopte des formes minuscules pour la plupart des lettres de son alphabet et ne s'enrichisse de diacritiques), alors qu'un autre nom relatif Ă  son Ă©tymon devrait ĂȘtre san-tau. Les Ioniens de Milet l’auraient alors ajoutĂ© Ă  la fin de leur alphabet numĂ©ral pour le rendre complet, sans pour autant s’en ĂȘtre eux-mĂȘmes servis dans leurs inscriptions.

Évolution du tracĂ©

Une telle lettre, dont l’utilisation Ă©tait relativement rare et l’origine obscure, n’a pu qu’ĂȘtre dĂ©formĂ©e au fil des siĂšcles.

Pour faire parvenir Ă  partir des formes archaĂŻques ou l’Ɠil actuel Ï  de la mĂȘme lettre, il faut faire appel au grec oncial dans lequel le nombre 900 est reprĂ©sentĂ© par le signe : le passage de Ă  est clair, il s’agit d’une simplification de la forme.

C’est d’ailleurs ce dernier tracĂ© qui s’est transmis Ă  l’alphabet gotique (dont la numĂ©ration est empruntĂ©e Ă  la grecque), oĂč l’on a .

En continuant Ă  subir des modifications au cours du Moyen Âge, le sampi en est arrivĂ© au tracĂ© courant, Ï , encore utilisĂ© de nos jours.

Codage informatique

Unicode prĂ©voit la distinction entre le sampi antique et le sampi numĂ©ral depuis sa version 5.1 (). Le signe est bicamĂ©ral depuis la version 3.0 () et l’on note des diffĂ©rences de tracĂ© assez importantes entre les polices de caractĂšres pour la capitale, qui s’expliquent si l'on se souvient que la numĂ©ration alphabĂ©tique est utilisĂ©e en GrĂšce Ă  la maniĂšre de nos chiffres romains, et qu’elle n'apparaĂźt en capitales que dans des titres (de chapitres, par exemple). Or, il est rare qu’on en arrive au chapitre 900.

Voici les emplacements retenus par Unicode :

  • sampi en capitale Ï  (U+03E0), depuis Unicode 1.0 :
    • UTF-8 : 0xCF 0xA0 ;
    • UTF-8, reprĂ©sentation octale : \317\240
    • entitĂ© numĂ©rique dĂ©cimale : Ϡ ;
  • sampi en minuscule ÏĄ (U+03E1), depuis Unicode 3.0 :
    • UTF-8 : 0xCF 0xA1 ;
    • UTF-8, reprĂ©sentation octale : \317\241 ;
    • entitĂ© numĂ©rique dĂ©cimale : ϡ ;
  • sampi archaĂŻque en capitale ÍČ (U+0372), depuis Unicode 5.1 :
    • UTF-8 : 0xCD 0xB2 ;
    • UTF-8, reprĂ©sentation octale : \315\262
    • entitĂ© numĂ©rique dĂ©cimale : Ͳ ;
  • sampi archaĂŻque en minuscule Íł (U+0373), depuis Unicode 5.1 :
    • UTF-8 : 0xCD 0xB3 ;
    • UTF-8, reprĂ©sentation octale : \315\263 ;
    • entitĂ© numĂ©rique dĂ©cimale : ͳ ;

Notes et références

  1. Cf. Lejeune (2004), surtout §79 et 90.
  2. Transmission of the Phoenician Script to the West dans World's Writing System, op. cit. en bibliographie.

Annexes

Bibliographie

  • (en) Peter T. Daniels et William Bright (dir.), The World's Writing Systems, Oxford University Press, Oxford, 1996, 1 vol. (XLV, 922 p.), ill., 24 cm (ISBN 0-19-507993-0). Voir principalement les chapitres « Transmission of the Phoenician script to the West » de Pierre Swiggers et « The Anatolian Alphabets » de Pierre Swiggers et Wolfgang Jenniges.
  • Michel Lejeune, PhonĂ©tique historique du mycĂ©nien et du grec ancien, Klincksieck, Paris, impr. 2004, 1 vol. (XI-398 p.), 20 cm (ISBN 2-252-03496-3).

Articles connexes

Liens externes

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