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RĂ©visionnisme

Le révisionnisme consiste à tenir une position de révision.

La révision peut être celle d'un objet politique quelconque (doctrine, procès, traité) : la première acception qualifiait de « républicains révisionnistes » les radicaux ayant soutenu le boulangisme, mouvement pour une révision des institutions de la IIIe République. De même, chez les juifs, le sionisme révisionniste est un mouvement pour la révision du sionisme dans un sens anti-communiste. Furent révisionnistes aussi ceux demandant la révision du procès Dreyfus[1], ou ceux qui, à partir de 1919 en Europe centrale (Allemagne, Hongrie, Italie), réclamaient une révision du traité de Versailles.

En histoire, il s'agit de réviser des faits communément admis. Le terme est largement employé, pour qualifier la position contestatrice. En français, on emploie le terme de négationnisme pour qualifier la contestation de crimes contre l'humanité, dont la négation de la Shoah, afin de pouvoir faire la distinction.

Au sein du mouvement socialiste, le révisionnisme désigne également un chef d'accusation utilisé pour condamner les courants marxistes qui s'écarteraient de l'orthodoxie marxiste-léniniste.

Le terme acquiert au XXe siècle un sens péjoratif.

Le révisionnisme historique

Pour les historiens, le révisionnisme est un terme sans connotation particulière qui désigne une démarche critique consistant à réviser de manière rationnelle certaines opinions couramment admises en histoire, que ce soit par le grand public (le plus souvent), ou même par des historiens de profession non spécialistes de la période ou du domaine d'études considéré. Il se fonde sur un apport d'informations nouvelles, un réexamen des sources et propose une nouvelle interprétation (une ré-écriture) de l'histoire.

Comme l'avait énoncé Auguste Comte, l'histoire est une discipline fondamentalement ambiguë, où l'interprétation de la réalité historique doit souvent composer avec les vérités de son époque, l'historien se trouvant convoqué à tenir le discours attendu de lui par ses contemporains, sa société, en fonction des préjugés de son temps, de sa nation d'appartenance, etc. Un exemple flagrant, rapporté par Pierre Vidal-Naquet, en est l'œuvre de Jules Michelet, construisant au XIXe siècle une patrie française éternelle, à travers une lecture romantique (et parfois romanesque) des faits historiques. Tout historien se doit donc d'être selon ces termes « révisionniste ». De nouveaux documents, de nouvelles sources, la levée de barrières politiques, idéologiques, sociologiques, etc., lui permettent de réviser et d'apporter avec une nouvelle vision, de nouvelles informations, de nouvelles sources, des éléments supplémentaires à la construction du fait historique[2].

La notion de révisionnisme peut également désigner, par abus, la remise en cause de certains aspects de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale par la négation, la minimisation ou la contestation de certains éléments du génocide commis par les nazis. La plupart des historiens utilisent le terme de négationnisme, alors que les négationnistes se désignent eux-mêmes par le terme de « révisionnisme ». Ainsi, en histoire, le révisionnisme diffère du négationnisme, et il ne faut pas confondre ces deux termes.

En élargissant cette dernière signification du mot, « révisionnisme » peut également être employé dans un sens politique, le plus souvent péjoratif. Il est utilisé par des observateurs non historiens pour dénoncer le caractère supposé biaisé d'un travail historique, ou simplement pour discréditer des mouvements d'idées ou des idéologies politiques, des branches dissidentes, remettant en cause la tendance majoritaire.

Dans un article intitulé La vérité, le mensonge et la loi[3], Paul Rateau soutient que, sous couvert de révision historique, peuvent se cacher des tentatives de falsification des faits. La diffusion dans l’espace public de ces récits « alternatifs », en réalité mensongers, tendent, selon P. Rateau, à faire accepter ces derniers comme des opinions valables et respectables. Il écrit « si le menteur ne parvient pas à faire passer son mensonge pour la vérité, si la mystification échoue, il cherchera au moins à le faire reconnaître comme une position, une interprétation, un point de vue particulier, soutenables et défendables au nom de la liberté d’opinion et d’expression. C’est précisément pour empêcher cette reconnaissance minimale que certains historiens (tel Pierre Vidal-Naquet) ont exclu tout dialogue avec les partisans du "révisionnisme" ». Pour P. Rateau, le révisionniste, en ce sens, ne peut être reconnu comme un interlocuteur valable dans un débat, car « il se situe sur un autre plan que celui du savant (dont il peut cependant utiliser et détourner les résultats), quoi qu’il en dise et quels que soient ses efforts pour donner à sa "version" de l’histoire une couleur scientifique, dans l’espoir de se faire passer pour le représentant d’une école historique à part entière. Cet échec, au niveau théorique, le conduit inévitablement à tenter d’obtenir ailleurs et par d’autres moyens ce qui lui est refusé par les historiens de profession : la reconnaissance et le débat qui le placeraient à égalité avec eux. La publicité du mensonge est le moyen le plus efficace pour parvenir à cette fin ».

Exemples d'utilisation

  • En France Ă  la fin des annĂ©es 1880, on appelait « rĂ©publicains rĂ©visionnistes » les radicaux ayant soutenu le gĂ©nĂ©ral Boulanger et le boulangisme Ă  la fin du XIXe siècle. Le ComitĂ© national rĂ©publicain rĂ©visionniste rĂ©clamait en effet une « rĂ©vision » de la constitution de la IIIe RĂ©publique[4].
  • Le terme est employĂ© en 1974 par l'historien Albert Soboul dans une cĂ©lèbre mise au point historiographique pour dĂ©signer l'ensemble des historiens libĂ©raux ou conservateurs, dont notamment François Furet et Denis Richet, qui proposaient de sortir du cadre interprĂ©tatif traditionnel marxiste de la « rĂ©volution bourgeoise », cadre dont Soboul, ainsi que d'autres historiens, tenaient Ă  rĂ©affirmer la validitĂ©[5].
  • Le « rĂ©visionnisme colonial » est un terme parfois employĂ© afin de dĂ©signer l'ensemble des thèses qui, malgrĂ© la condamnation des empires coloniaux occidentaux au cours de la seconde moitiĂ© du XXe siècle, souhaiteraient « rĂ©habiliter » l'entreprise coloniale pour en faire une rĂ©alitĂ© globalement positive. Selon les historiens Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Françoise Vergès Ă  propos du cas de l'empire colonial français dans La RĂ©publique coloniale. Essai sur une utopie (2003, I,5), le rĂ©visionnisme colonial trahirait gĂ©nĂ©ralement un dĂ©ni historique et une difficultĂ© Ă  penser le passĂ© colonial, en particulier dans ce qu'il eut d'injuste et de contradictoire.
  • Éric Zemmour, reprenant partiellement la thèse d'Alain Michel, soutient dans son ouvrage Le Suicide français que PĂ©tain a sauvĂ© les juifs français en sacrifiant les juifs Ă©trangers[6] - [7], thèse fortement critiquĂ©e par de nombreux historiens[8]. En outre, il remet en doute l’innocence du capitaine Dreyfus pourtant admise par les historiens, dans deux Ă©missions sur la chaĂ®ne de tĂ©lĂ©vision CNews, en septembre et octobre 2020. Il affirme notamment que "beaucoup Ă©taient prĂŞts Ă  dire Dreyfus innocent, mĂŞme si c'est trouble, cette histoire aussi". Éric Zemmour ajoute Ă  propos de son innocence : "On ne saura jamais, ce n'est pas Ă©vident."[9].

Notes et références

  1. Pierre Vidal-Naquet : Thèses sur le révisionnisme
  2. Cours de philosophie positive par Auguste Comte
  3. Paul Rateau, « La vérité, le mensonge et la loi », Les Temps Modernes, vol. n° 645-646, no 4,‎ , p. 26-58 (ISSN 0040-3075 et 2272-9356, DOI 10.3917/ltm.645.0026, lire en ligne, consulté le )
  4. Parmi ces revendications, l'élection du président de la République au suffrage universel, et l'affaiblissement du pouvoir parlementaire.
  5. Julien Louvrier, « Penser la controverse : la réception du livre de François Furet et Denis Richet, La Révolution française », Annales historiques de la Révolution française, no 351,‎ , p. 151-176 (lire en ligne).
  6. « Les thèses d’Éric Zemmour et le régime de Vichy : quel est le regard de l’historien ? », sur France Culture (consulté le )
  7. « Les contre-vérités d'Eric Zemmour sur Pétain et Vichy », sur France Culture, (consulté le )
  8. « Au secours, Pétain revient », sur www.franceinter.fr (consulté le )
  9. « Mulhouse : les propos d'Eric Zemmour sur l'affaire Dreyfus dénoncés par un collectif », sur France 3 Grand Est (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Gonzalo Arriaga, Le RĂ©visionnisme historique, Action nationale, MontrĂ©al, 1997, 201 p.
  • Anvar Khamei, Le RĂ©visionnisme, de Marx Ă  Mao TsĂ©-toung, Éditions Anthropos, Paris, 1976, 423 p. (ISBN 2-7157-0269-8)
  • Domenico Losurdo, Le RĂ©visionnisme en histoire : problèmes et mythes, Albin Michel, Paris, 2005, 316 p. (ISBN 2-226-15885-5)
  • Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mĂ©moire : « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le rĂ©visionnisme, La DĂ©couverte, Paris, 2005, 227 p. (ISBN 2-7071-4545-9)
  • Maxime Steinberg, Les Yeux du tĂ©moin et le regard du borgne : l'histoire face au rĂ©visionnisme, Éd. du Cerf, Paris, 1990, 213 p. (ISBN 2-204-04107-6)
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