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Rogui Bou Hmara

Jilali Ben Driss Zerhouni El Youssefi (en arabe : ŰŹÙŠÙ„Ű§Ù„ÙŠ ŰšÙ† Ű„ŰŻŰ±ÙŠŰł ŰČŰ±Ù‡ÙˆÙ†ÙŠ Ű§Ù„ÙŠÙˆŰłÙÙŠ), surnommĂ© Rougui Bou Hmara (en arabe : Ű§Ù„Ű±ÙˆÙƒÙŠ ŰšÙˆ Ű­Ù…Ű§Ű±Ű©) alias l’Homme Ă  l'annesse, est un homme politique marocain, nĂ© en 1860 au village d'Ouled Youssef dans le Nord du massif de Zerhoun (Maroc), et mort le Ă  FĂšs.

Rogui Bou Hamra
Portrait de Bou Hmara.
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
Nom de naissance
Jilali ben Driss El Youssefi Zerhouni
Surnom
Bou Hamra , Bou Hmara
Nationalité
Formation
Activité

Biographie

DĂ©buts

Selon EugĂšne Aubin dans Le Maroc dans la tourmente : « En 1862, sous le rĂ©gime de Sidi Mohamed, un individu de la fraction des Rouga, qui appartient Ă  la tribu des Seffian, dans le Gharb, Djeloul Rogui souleva quelques partisans, tuant le CaĂŻd et marchant vers FĂšs... la colonne envoyĂ©e contre lui recueillit son cadavre Ă  la zaouĂŻa de Moulay Idriss Zerhoun oĂč il Ă©tait rĂ©fugiĂ©. » L'insurrection avait durĂ© quarante jours. Depuis lors, tout insurgĂ©, fut surnommĂ© Rougui. Sobriquet malencontreux et Ă©crasant. Mais selon Omar Mounir dans Bouhmara, l'Homme Ă  l'Ăąnesse, il se fit capturer dans une zaouĂŻa puis tuer sur ordre du sultan M'hammed, bien que d'autres suppositions planent sur le sujet.

Bou Hmara Ă©tait un homme politique d'origine trĂšs modeste, appartenant Ă  la famille des Ouled Abbou. AprĂšs avoir fait l'apprentissage du Coran dans un mside, il avait poursuivi ses Ă©tudes Ă  FĂšs, parmi les tolba Mouhendissine mais aussi Ă  Tlemcen, Ă  Alger et vraisemblablement Ă  Paris, oĂč il aurait obtenu le diplĂŽme d'ingĂ©nieur topographe dans la prestigieuse École des ponts et chaussĂ©es. Instruit et Ă©mĂ©rite, cet homme a su acquĂ©rir de la considĂ©ration et du respect de son entourage et des personnalitĂ©s influentes du Makhzen.

La réussite

Il devint quelque temps le secrétaire de Hassan Ier, sultan du Maroc. Il obtint rapidement des accÚs au sérail et devint un homme puissant.

Il tient son surnom du fait qu'au dĂ©but de sa mutinerie, il usurpa l'identitĂ© du frĂšre du sultan, Moulay M'hammed en utilisant une Ăąnesse. Cette posture avait pour but d'unir autour de lui les Marocains, qui avaient une dĂ©votion profonde pour le frĂšre ainĂ© de Abdelaziz et fils de Hassan Ier tout en se montrant proche du peuple. Il souleva les tribus en s'imposant comme le dĂ©fenseur de la religion islamique et en dĂ©nonçant les abandons successifs de pouvoirs de la nation Ă  la France et l'Angleterre. À ce sujet, il y a un point trĂšs important Ă  connaĂźtre : Le sultan avait pour conseillers influents deux Anglais : Sir Harry Mac-Lean, dit CaĂŻd Mac Lean, ancien sergent sous-officier de l'armĂ©e anglaise, anobli par son roi Édouard VII, empressĂ© de reconnaĂźtre l'aide prĂ©cieuse qu'il avait apportĂ©e au dĂ©veloppement de l'influence britannique au Maroc. Il fut commandant de la garde du Sultan, fonction qu'il occupait dĂ©jĂ  sous le rĂšgne de Moulay al-Hassan et le gouvernement du vizir Ba H'mad. Le deuxiĂšme personnage est le correspondant du Times Walter Burton Harris (en) , qui arriva au Maroc en 1901, et qui devint le deuxiĂšme personnage le plus influent dans l'entourage du jeune sultan.

Bou Hamara avait environ 42 ans quand il profita de l'anarchie rĂ©gnante (siba) et de l’absence d’institutions du Makhzen, pour mener en novembre 1902 la rĂ©bellion contre les Alaouites en la personne d[1]e Abdelaziz. Le 23 dĂ©cembre 1902, il battit les troupes du sultan moulay Abdelaziz. Bien que les m'halla du sultan fussent commandĂ©e, Ă  tour de rĂŽle, par le frĂšre du sultan moulay El-K’bir, par le ministre de la Guerre en personne, Si Mehdi Lamnabhi, le frĂšre de celui-ci...

Le Rogui se fit proclamer Sultan du Maroc Ă  Taza par les Ghiata et les autres tribus de la rĂ©gion, il devint le maĂźtre de l'Oriental, contrĂŽlant une grande partie du nord et de l'est du Maroc (Ghiata, Tsoul, Znata, Taza...). Il s’installa avec son armĂ©e Ă  Selouane, chez les Rifains Qelaya et Ă  partir de cette base, il envoya de nombreuses expĂ©ditions afin de soumettre les tribus de la rĂ©gion. Le Rogui voulait Ă©tendre sa domination sur le Rif central et ses troupes commencĂšrent Ă  circuler dans le Rif. Il s'allia aussi aux Espagnols de Melilla Ă  qui il cĂ©da des concessions miniĂšres Ă  Ouiksan, au grand dam des Rifains. Un jour de marchĂ© Ă  Ait Bouayach, des soldats du Rogui se mirent Ă  tirer en l’air, en guise de provocation. Les Rifains les dĂ©sarmĂšrent et les renvoyĂšrent de leur territoire aprĂšs les avoir copieusement battus. Le Rogui mis au courant de l’incident, envoya une lettre aux Rifains leur demandant de payer une amende de 5000 douros pour avoir agresser ses hommes. Le Rogui rĂ©clamait que 10 parmi les principaux chefs des Ait Ouriaghel lui apportent l’amende en personne Ă  Selouane[1] - [2].

Les Rifains sentant un traquenard, envoyĂšrent 10 autres individus apporter l’amende au Rogui. Celui-ci les emprisonna mais ils rĂ©ussirent Ă  s’évader et Ă  rejoindre le Rif oĂč ils racontĂšrent leur mĂ©saventure[1].

Un assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale (agraw) fut annoncĂ©e Ă  Thisar, non loin de Tamasint. Les Imgharen (anciens) rifains dĂ©cidĂšrent de rompre les liens avec le Rogui et de lui interdire l’accĂšs Ă  leur territoire. En juin 1908, l’armĂ©e du Rogui quitta Selouane dans le Rif oriental avec pour objectif d'envahir le Rif central. L’armĂ©e du Rogui Ă©tait dirigĂ©e par un ancien esclave , Moul-Woudou (surnommĂ© ainsi car il s’occupait dans le passĂ© de prĂ©parer l’eau pour les ablutions de ses maĂźtres). Dans la sociĂ©tĂ© profondĂ©ment Ă©galitaire des Rifains oĂč l’esclavage Ă©tait quasiment inconnu, la libertĂ© Ă©tait une valeur cardinal. Les Rifains se considĂ©raient tous Ă©gaux, et le fait que le Rogui avait envoyĂ© un esclave pour les soumettre fut considĂ©rĂ© comme une grave insulte[1] - [2].

AprĂšs avoir pris le contrĂŽle des AĂŻt Oulichek et des Tafersit, Moul-Woudou affronta les Temsamane. La lutte fut rude mais trĂšs vite Moul-Woudou eu le dessus. Les AĂŻt Touzine opposĂšrent une rĂ©sistance encore plus vigoureuse, notamment dans les montagnes. Lorsque Moul-Woudou prit le dessus sur les AĂŻt Touzine, il fut tellement exaspĂ©rĂ© qu’il commit des massacres, tuant sans discrimination, hommes, femmes et enfants[1] - [2].

Il restait Ă  Moul-Woudou de soumettre les Ait Ouriaghel, les AĂŻt Ammart ainsi que les Igzenayen. Ces trois tribus avaient scellĂ© une alliance promettant de rĂ©sister jusqu’à la mort contre le Rogui. De plus ces tribus Ă©taient trĂšs bien armĂ©s grĂące Ă  la contrebande d’armes. Le Rogui avait entendu parler des rumeurs qui disaient que les monts des AĂŻt Ouriaghel abriter une mine d’or. Il espĂ©rait vendre cette mine aux puissances europĂ©ennes, ce qui ne fit qu’accroĂźtre la dĂ©termination rifaine Ă  lui rĂ©sister[1] - [2].

Le 30 aoĂ»t 1908, une derniĂšre assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale des Rifains organisa le plan de dĂ©fense. Chaque clan devait dĂ©fendre une partie du territoire et quiconque dĂ©serterait le combat verrait sa propriĂ©tĂ© confisquĂ©e et serait expulsĂ© du Rif. Le , un groupe de Rifains fut envoyĂ© espionnĂ© le camp de Moul-Woudou chez les Temsamane. RepĂ©rĂ©s, ils durent battre en retraite sous les tirs de leurs ennemis. 12 furent tuĂ©s. Le 9 septembre, l’assaut fut lancĂ©e par Moul-Woudou aprĂšs un barrage de canons. TrĂšs vite les Rifains furent dĂ©bordĂ©s sur le front d’Imzouren. L’armĂ©e du Rogui se rĂ©pandit dans toutes les directions, pillant les maisons[1] - [2].

Mais chez les Ait Abdallah, une troupe de 30 combattants du Rogui tombĂšrent dans une embuscade. Cette victoire ralluma la flamme de la rĂ©sistance. Les Ait Bouayach ouvrirent les canaux , inondant la plaine d’Al HoceĂŻma et provoquant l’enlisement des soldats du Rogui. Une contre-offensive fut lancĂ©e Ă  Imzouren et l’armĂ©e du Rogui se retrouva pris au dĂ©pourvu. Ses soldats se retirĂšrent en direction de Temsamane, poursuivis par les Rifains. Au mĂȘme moment, les Iqa'rayen autour de Nador se soulevĂšrent contre le Rogui sous la conduite de Mohamed AmĂ©ziane en apprenant la dĂ©faite de son armĂ©e Ă  Imzouren[1] - [2].

Moul Woudou et les survivants de son armĂ©e furent poursuivis jusqu’à Trougout. LĂ  ils furent encerclĂ©s par les Rifains. La bataille de Trougout dura toute une journĂ©e et fut une dĂ©faite complĂšte pour l’armĂ©e du Rogui. Moul-Woudou rĂ©ussit Ă  s’échapper en direction de Ben TaĂŻeb, toujours poursuivi.

Vers mi-octobre 1908, tous les Rifains étaient en révolte contre le Rogui, qui dû quitter le territoire des Qelaya et le Rif pour de bon. Les anciens collaborateurs rifains de Bouhmara durent payer de lourdes amendes aux Imgharen[1] - [2].

La victoire des Rifains sur Bouhmara leur montra qu’unis ils pouvaient vaincre des ennemis puissants. Ils avaient vaincu Bouhmara, que le Sultan lui-mĂȘme n’avait pas rĂ©ussi Ă  battre et que les puissances europĂ©ennes courtisaient. Cette leçon leur servira durant la Guerre du Rif.

Profitant de ce contexte, Mohamed Améziane (1859-1912), Amghar des Ait Bouifrour, débuta une guerre contre les Espagnols à Melilla[1] - [2].

La fin

Le Rogui ne se relÚvera pas de sa défaite et fut capturé le 11 août 1909 à Bni Mestara par le sultan Moulay Abd al-Hafid qui avait renversé son frÚre Abdel Aziz l'année précédente. Le sultan était activement aidé par la France, en munitions et en officiers encadrant sa m'halla. Voyant son armée décimée et sa fin proche, Bou Hamara se réfugia dans une mosquée de la zaouïa Darkaouia, croyant que sa vie serait épargnée. En dépit de leur caractÚre sacré, les lieux furent bombardés et détruits par l'artillerie lourde fournie au sultan par ses alliés français. Jilali Zerhouni, ses lieutenants, Ben Jilali, Si Allal Zemrani, Aakka... ses femmes, ses enfants furent finalement capturés avec 400 survivants de ses soldats et de son personnel le et emmené à FÚs[1] - [2].

À la suite de traitements inhumains, seuls 160 des 400 prisonniers arrivĂšrent vivants Ă  destination. Le , Bou Hmara est torturĂ© une derniĂšre fois et exĂ©cutĂ© par dĂ©peçage en public, puis livrĂ© aux fauves avec 32 de ses partisans. Ce qui resta de sa dĂ©pouille est incinĂ©rĂ©e Ă  Bab Al Mahrouk, la place d'exĂ©cution des basses besognes du sultan.

On raconte qu'on a commencĂ© par sectionner Ă  chacun une main et le pied opposĂ©, ensuite, les tĂȘtes coupĂ©es et accrochĂ©es sur le fronton de Bab Al Mahrouk :

« Les bouchers opĂ©raient, tranchant d'un coup de leurs couteaux aiguisĂ©s ici une main droite et un pied gauche, lĂ  une main gauche et un pied droit. Le sang coulait Ă  la grande joie de la foule. Les malheureux s'affaissaient et pour arrĂȘter l'hĂ©morragie, on les portait prĂšs d'un caveau oĂč chauffait de la poix bouillante et on y trempait leurs moignons sanglants, au milieu de leurs hurlements de douleur. Beaucoup mouraient de leurs souffrances et de la perte de leur sang. AprĂšs quelques jours de manĂšge, les consuls des puissances Ă©trangĂšres prĂ©sents en ce moment Ă  FĂšs, se rĂ©unirent et dĂ©cidĂšrent d'inviter le sultan, au nom de l'humanitĂ© et de la civilisation Ă  cesser ces exĂ©cutions barbares ».

Ce traitement scandalisa les chancelleries et les consulats europĂ©ens au Maroc. Le corps consulaire de FĂšs sollicita mĂȘme une audience pour la remise de la note de protestation, elle lui fut accordĂ©e pour le .

Remarque Bou Hmara signifie L'homme Ă  l'Ăąnesse et non l'homme rouge. À cette Ă©poque les Marocains ne portaient pas de vĂȘtements rouges.

Notes et références

  1. Ernest Gellner et David Montgomery Hart, « The Aith Waryaghar of the Moroccan Rif: An Ethnography and History », Man, vol. 13, no 1,‎ , p. 151 (ISSN 0025-1496, DOI 10.2307/2801093, lire en ligne, consultĂ© le )
  2. Maurice Le Glay, La Mort du Rogui, Berger-Levrault, (lire en ligne)

Annexes

Liens externes

Bibliographie

  • Dunn, Ross E. "Bu Himara's European Connexion: The Commercial Relations of a Moroccan Warlord", The Journal of African History, Vol. 21, No. 2 (1980), p. 235-253
  • Le Glay Maurice. La Mort du Rogui. Editions Payot, Paris (consulted 7th edition, 1927).
  • Maxwell, Gavin. Lords of the Atlas. (A modern classic, various editions, (ISBN 0-907871-14-3)).
  • Aubin, EugĂšne. Le Maroc dans la tourmente
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