Ricardo de la Puente Bahamonde
Ricardo de la Puente Bahamonde (El Ferrol, province de La Corogne, 1895 - Ceuta, Maroc, 1936) Ă©tait un aviateur et militaire espagnol, cousin germain du dictateur Francisco Franco.
Ricardo de la Puente Bahamonde Ricardo de la Puente Baamonde[1] | ||
Naissance | Ferrol |
|
---|---|---|
DĂ©cĂšs | Ceuta (Maroc) |
|
Allégeance | Monarchie espagnole ; Seconde République espagnole ; régime franquiste. | |
Arme | Force aérienne | |
Grade | Commandant | |
AnnĂ©es de service | Juin 1915 â aoĂ»t 1936 | |
Commandement | AĂ©rodrome de LĂ©on ; AĂ©rodrome de TĂ©touan | |
Conflits | Guerre du Rif Guerre civile espagnole |
|
Faits d'armes | RĂ©sistance au coup dâĂtat de juillet 1936 Ă TĂ©touan | |
Distinctions | Croix de Marie-Christine | |
Autres fonctions | Aviateur | |
Famille | Cousin germain de Francisco Franco | |
AprĂšs une carriĂšre au Maroc espagnol, il obtint le brevet de pilote et fut versĂ© dans la force aĂ©rienne. Ne faisant pas mystĂšre de ses opinions politiques de gauche, il entra par deux fois en conflit ouvert avec son cousin : une premiĂšre lors de la rĂ©volution asturienne de 1934, oĂč il refusa de mitrailler les ouvriers rebelles en dĂ©pit de lâordre de Franco, alors chef dâĂ©tat-major et chargĂ© de la rĂ©pression, et une deuxiĂšme fois au moment du coup dâĂtat de juillet 1936, lorsque, commandant de lâaĂ©rodrome de TĂ©touan, il rĂ©sista aux militaires putschistes et sabota les appareils sous sa tutelle avant de se rendre. Cette action lui valut une condamnation Ă mort, Ă laquelle Franco, quoique par personne interposĂ©e, donna froidement son consentement.
Biographie
Formation et premiĂšre carriĂšre au Maroc
Ricardo de la Puente vint au monde au sein dâune famille de 12 enfants[2] et Ă©tait par sa mĂšre le cousin de Francisco Franco. Orphelin de pĂšre depuis trĂšs jeune, il fut recueilli par sa tante maternelle, câest-Ă -dire par la mĂšre de Franco, et passa son enfance aux cĂŽtĂ©s de son cousin germain, dans la mĂȘme maison ferrolane[3] - [4].
Il suivit Ă partir du une formation Ă lâAcadĂ©mie dâingĂ©nieurs, Ă lâissue de laquelle il fut promu le sous-lieutenant du gĂ©nie et versĂ© au rĂ©giment des chemins de fer, oĂč il resta jusquâen . Ă cette date, il reçut une nouvelle affectation au sein du Service de lâaĂ©ronautique au Maroc, et en monta au grade de capitaine[4]. EngagĂ© dans la police indigĂšne en 1922, il servit Ă Larache et dans la Mehala jusquâen , et fut blessĂ© lors dâune opĂ©ration. Deux ans plus tard, il se vit dĂ©cerner une mĂ©daille de « souffrance pour la patrie » (sufrimiento por la patria), puis plusieurs annĂ©es aprĂšs, une nouvelle dĂ©coration, la Croix de Marie-Christine, pour motif de guerre pendant son sĂ©jour en Afrique[4] - [5].
RĂ©volution asturienne
En , il fut Ă nouveau destinĂ© au Service de lâaĂ©ronautique, oĂč il obtint le brevet de pilote en . Comme beaucoup dâautres officiers de lâaĂ©ronautique militaire, il manifesta clairement son adhĂ©sion aux idĂ©es de gauche. AprĂšs son ascension au grade de commandant en , il se vit confier la direction de lâaĂ©rodrome de LĂ©on. Lors de la rĂ©volution des Asturies dâoctobre 1934, il refusa dâexĂ©cuter lâordre de bombarder les mineurs insurgĂ©s du bassin houiller asturien, ce qui lui valut dâĂȘtre limogĂ© de son poste par son cousin Franco, qui Ă©tait alors, en sa qualitĂ© de chef dâĂ©tat-major, chargĂ© de mener la rĂ©pression[5] - [4] - [6] - [7].
AprĂšs la victoire du Front populaire en , De la Puente, rĂ©habilitĂ© en vertu de lâamnistie gĂ©nĂ©rale dĂ©crĂ©tĂ©e par Manuel Azaña[5], fut dĂ©signĂ© chef de lâaĂ©rodrome de Sania R'mel, Ă proximitĂ© de TĂ©touan, dans le Protectorat du Maroc[4].
Coup dâĂtat de juillet 1936
Le soulĂšvement militaire du Ă Melilla surprit De la Puente alors quâil Ă©tait commandant de lâaĂ©rodrome de TĂ©touan-Sania R'mel, Ă une trentaine de kilomĂštres de Ceuta. LâaĂ©rodrome, construit en 1913, ne comportait quâune seule piste, mais Ă©tait dâimportance primordiale dans la perspective dâaccueillir dâĂ©ventuels renforts dĂ©pĂȘchĂ©s par le gouvernement rĂ©publicain lĂ©gal[8]. Il tĂ©lĂ©phona au haut commissaire du Maroc, Arturo Ălvarez-Buylla Godino, restĂ© loyal Ă la RĂ©publique, pour lui communiquer que son escadrille et lui-mĂȘme resteraient eux aussi fidĂšles au gouvernement lĂ©gal[5]. Le , Ă sept heures de lâaprĂšs-midi, De la Puente reçut lâordre formel dâĂlvarez-Buylla de se retrancher sur lâaĂ©rodrome et de repousser toute attaque des insurgĂ©s, notamment celle prĂ©visible dâunitĂ©s de la LĂ©gion et des RĂ©guliers de Melilla[8] ; Madrid en effet sâapprĂȘterait Ă envoyer des avions de renfort et il y avait donc lieu de rĂ©sister coĂ»te que coĂ»te[5]. Le , De la Puente sâefforça dâempĂȘcher le Dragon Rapide, qui devait transporter Franco des Canaries vers le Maroc, de se poser Ă TĂ©touan. Alors que les avions de Madrid nâarrivaient toujours pas, De la Puente se maintint ferme sur ses positions, mit en dĂ©tention plusieurs officiers impliquĂ©s dans le coup dâĂtat, puis, avec ses subordonnĂ©s loyaux au gouvernement lĂ©gal, qui Ă©taient au nombre de 25 au total, se mit en devoir de prĂ©parer la dĂ©fense[5], installant quatre mitrailleuses sur une tourelle, illuminant au moyen des phares de tous les vĂ©hicules disponibles la route par laquelle les troupes dâattaque Ă©taient susceptibles dâarriver, et envoyant deux automobiles bloquer la route dâaccĂšs Ă lâaĂ©rodrome[8] - [5]. BientĂŽt, les forces coloniales marocaines sous le commandement du colonel SĂĄenz de Buruaga encerclĂšrent la base aĂ©rienne, mais furent stoppĂ©s par les mitrailleuses des dĂ©fenseurs. Les assaillants se mirent alors Ă pilonner l'aĂ©rodrome, rendant vaine toute rĂ©sistance des militaires lĂ©galistes, et De la Puente, aprĂšs un siĂšge de quelques minutes seulement, nâeut dâautre choix que dâarborer le drapeau blanc dĂšs lâaube du [8] - [9]. Il fut expĂ©diĂ©, en compagnie de huit autres officiers, Ă la citadelle dâEl Hacho Ă Ceuta[8]. Cependant, avant de rendre aux rebelles, De la Puente avait ordonnĂ© Ă ses hommes de mettre hors dâusage les Breguet 19 dĂ©ployĂ©s sur la base, en crevant leur rĂ©servoir de carburant et leurs radiateurs, et en brisant leur train dâatterrissage[10] - [5] - [11]. Les assaillants avaient eu pour leur part le souci de ne pas endommager la piste dâatterrisage[5], sur laquelle lâavion de Franco put effectivement se poser quelques heures plus tard. Celui-ci, vĂȘtu en bourgeois et sans moustache, fut aussitĂŽt informĂ© de la mise aux arrĂȘts de son cousin[8].
Jugement et exécution
Francisco Franco, venu Ă TĂ©touan pour assumer le commandement des troupes insurgĂ©es, fut mis au courant par les officiers rebelles de ce qui sâĂ©tait produit et donna son consentement Ă ce que son cousin soit exĂ©cutĂ©[12], encore quâil ait dĂ©lĂ©guĂ© au gĂ©nĂ©ral Orgaz, qui venait dâarriver des Canaries, le soin de signer la sentence de mort « Ă titre intĂ©rimaire », Franco sâĂ©tant en effet dĂ©clarĂ© malade pour la durĂ©e dâun jour[13] - [4] - [8] - [14]. Ce fut lĂ lâune des seules fois, note BartolomĂ© Bennassar, oĂč les liens de la parentĂšle et du clan demeurĂšrent sans effet sur une prise de dĂ©cision de Franco[15]. PassĂ© en jugement en procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©e (« sumarĂsimo ») devant une cour militaire sur lâincrimination de trahison, privĂ© dâune dĂ©fense effective, il fut condamnĂ© Ă mort et fusillĂ© le sur le Monte Hacho Ă Ceuta[16] - [5]. Le capitaine BermĂșdez-Reyna et lâenseigne Sorroche, bien que condamnĂ©s Ă des peines dâemprisonnement, furent Ă©galement exĂ©cutĂ©s, de mĂȘme que le haut commissaire au Maroc Ălvarez-Buylla en mars 1937[8].
Le , le mĂȘme jour oĂč Orgaz confirma le verdict de mort, Franco fut admis comme membre au sein de la Junta de Defensa Nacional. Deux raisons ont Ă©tĂ© avancĂ©es pour expliquer pourquoi il ne chercha pas Ă sauver son cousin : dâabord, parce quâil ne voulait pas dĂ©poser entre les mains de la Junta le « papelard » de requĂȘte de grĂące dâun membre de sa famille, et ensuite parce quâil entendait se montrer dur et inflexible Ă lâĂ©gard des rĂ©publicains. Cette dĂ©cision lui servit en outre Ă dissiper dans le chef des gĂ©nĂ©raux rebelles tout doute quant Ă son engagement froid et dĂ©sincarnĂ© en faveur de la cause nationaliste, de sorte que ces gĂ©nĂ©raux finirent effectivement par le dĂ©signer lors de leur rĂ©union du commandant suprĂȘme (generalĂsimo) et chef de lâĂtat[8]. CâĂ©tait aussi une façon de signifier Ă ses hommes que la guerre qui commençait serait impitoyable et susceptible de mettre face Ă face des membres dâune mĂȘme famille[13]. Mais ce fut aussi comme la rĂ©alisation dâun vieux prĂ©sage ; dans son livre-tĂ©moignage intitulĂ© Historia de una disidencia, la niĂšce du Caudillo, Pilar Jaraiz Franco, la fille « socialiste » de Pilar Franco, sĆur du Caudillo, note Ă propos des deux cousins :
« Ils Ă©taient plus frĂšres que cousins, mais, Ă lâĂąge adulte, leurs diffĂ©rences idĂ©ologiques sâĂ©taient exacerbĂ©es. Franco lâavait destituĂ© de son poste pendant la rĂ©volution asturienne en . Et lors dâune de leurs frĂ©quentes discussions, Franco sâĂ©tait exclamĂ© : "Un jour, il va me falloir te fusiller"[5]. »
Quand la mĂšre de De la Puente, Carmen Bahamonde, dĂ©cĂ©da en 1943, sa mort fut abondamment commentĂ©e dans la presse de lâĂ©poque, mais aucune mention ne fut faite de Ricardo[8].
Dans les annĂ©es 1980, Pilar Franco, sĆur du Caudillo et compagne de jeu des deux cousins dans la vieille demeure ferrolane, sâest Ă©vertuĂ©e comme suit Ă justifier lâexĂ©cution de De la Puente :
« Tous les hauts commandants observaient le Caudillo pour voir sâil pardonnait au cousin. Il nâeut pas dâautre possibilitĂ© que dâĂȘtre inflexible. Cela dĂ©montre jusquâĂ quel point il Ă©tait conscient de son devoir et quel type dâamour il Ă©prouvait pour lâEspagne[8]. »
Références
Notes et références
- Graphie privilĂ©giĂ©e par De la Puente lui-mĂȘme.
- B. Bennassar (1999), p. 35.
- A. Bachoud (1997), p. 14.
- (es) JesĂșs Albert Saldueña, « Ricardo de la Puente Baamonde (dans Diccionario BiogrĂĄfico Español) », Madrid, Real Academia de la Historia, (consultĂ© le ).
- (es) Francisco SĂĄnchez Montoya, « El primo al que Franco ejecutĂł », El Mundo, Madrid, Mundinteractivos, S.A., no 457,â (lire en ligne).
- B. Bennassar (1995), p. 77.
- S. Payne & J. Palacios (2014), p. 117.
- (es) Vicente G. Olaya, « El testimonio del primo republicano de Franco antes de ser fusilado. El testamento del militar republicano Ricardo de la Puente Bahamonde, que se negĂł a rendir el aerĂłdromo de TetuĂĄn, sale a la luz en un nuevo libro », El PaĂs, Madrid,â (lire en ligne).
- H. Thomas (1976), p. 241.
- J. Webster (2006), p. 48
- B. Bennassar (1999), p. 69.
- S. Payne (1987), p. 212.
- A. Bachoud (1997), p. 125.
- S. Payne & J. Palacios (2014), p. 170 & 259.
- B. Bennassar (1999), p. 70.
- Antonio Cazorla-SĂĄnchez (2013), Franco: The Biography of the Myth, p. 23.
Bibliographie
- (en) Stanley G Payne, The Franco Regime, 1936â1975, Madison (Wisconsin), University of Wisconsin Press, (ISBN 978-0299110703)
- (es) Jason Webster, Guerra: Living in the shadows of the Spanish Civil War, Ealing, Black Swan, , 304 p. (ISBN 978-0552772815)
- BartolomĂ© Bennassar, Franco. Enfance et adolescence, Paris, Ăditions Autrement, coll. « Naissance dâun destin », , 193 p. (ISBN 2-7028-3307-1)
- Bartolomé Bennassar, Franco, Paris, Perrin, coll. « Tempus », (1re éd. 1995) (ISBN 978-2-262-01895-5).
- Andrée Bachoud, Franco, ou la réussite d'un homme ordinaire, Paris, Fayard, , 530 p. (ISBN 978-2213027838)
- (es) Stanley G. Payne et JesĂșs Palacios, Franco. Una biografĂa personal y polĂtica, Barcelone, Espasa, , 813 p. (ISBN 978-84-670-0992-7)
- (es) Hugh Thomas, La Guerra Civil española, Barcelone, Grijalbo, , 500 p. (ISBN 978-8425306945)
- (es) Pedro Corral, Eso no estaba en mi libro de la Guerra Civil, Cordoue, Almuzara, , 240 p. (ISBN 978-8417558987)
Liens externes
- (es) JesĂșs Albert Saldueña, « Ricardo de la Puente Baamonde (dans Diccionario BiogrĂĄfico Español) », Madrid, Real Academia de la Historia, (consultĂ© le )
- (es) Francisco SĂĄnchez Montoya, « El primo al que Franco ejecutĂł », El Mundo, Madrid, Mundinteractivos, S.A., no 457,â (lire en ligne)
- (es) Vicente G. Olaya, « El testimonio del primo republicano de Franco antes de ser fusilado. El testamento del militar republicano Ricardo de la Puente Bahamonde, que se negĂł a rendir el aerĂłdromo de TetuĂĄn, sale a la luz en un nuevo libro », El PaĂs, Madrid,â (lire en ligne)