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Remorques

Remorques est un film français réalisé par Jean Grémillon et sorti en 1941. C'est Jacques Prévert qui signe les dialogues ainsi que les dernières modifications de scénario permettant de passer à la réalisation.

Remorques

Réalisation Jean Grémillon
Scénario Roger Vercel
Charles Spaak
André Cayatte
Jacques Prévert
Acteurs principaux
Sociétés de production Maîtrise Artisanale de l'Industrie Cinematographique (MAIC)
Sedis
Pays de production Drapeau de la France France
Genre Drame, romance
DurĂ©e 84 minutes
Sortie 1941

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Synopsis

À bord du remorqueur le Cyclone, le capitaine André Laurent (Jean Gabin) risque sa vie tous les jours, pour sauver celle des autres. Il est marié à Yvonne (Madeleine Renaud), qui souhaite le voir quitter ce métier et lui cache sa grave maladie cardiaque. Le capitaine Laurent doit quitter précipitamment la noce d'un de ses marins pour porter secours au cargo Mirva. Le sauvetage, après quelques péripéties, réussit, et les passagers sont secourus. Au matin, le Cyclone remorque le Mirva. André tombe amoureux de Catherine (Michèle Morgan), la femme du capitaine renégat du Mirva, dont il devient l’amant. André s'apprête à quitter sa femme quand, gravement malade, celle-ci meurt dans ses bras, alors que Catherine s'est effacée. Une alerte est donnée, André repart pour un nouveau sauvetage en mer.

Fiche technique

Distribution

Non crédités

Production

Scénario

Le film Remorques est adapté du roman éponyme de Roger Vercel, sorti en 1935 et inspiré de l'échouage du vapeur danois Hélène sur la grève de Biliog Vraz à l'Île de Sein, qui fit 4 morts et 15 rescapés. Le remorqueur Iroise du commandant Malbert tenta en vain de le sauver[1] - [2].

Après un premier projet d'adaptation, signé Roger Vercel lui-même, et l'intervention des scénaristes Charles Spaak et André Cayatte qui ne satisfont pas complètement Jean Grémillon et Jean Gabin, Jacques Prévert est appelé à la rescousse[3]. Jacques Prévert modifie alors le scénario et écrit également les dialogues.

Tournage

Le tournage du film débute à Brest et à Guissény sur la plage du Vougot en pour une quinzaine de jours d'extérieurs[4]. Pour ces scènes en extérieur, Michèle Morgan, retenue par le tournage d'un autre film, Les Musiciens du ciel de Georges Lacombe[5], ne peut se libérer que trois jours, juste le temps de tourner la scène centrale du film, sur la plage du Vougot[4]. De retour à Paris, l’équipe reprend le travail le aux studios de Billancourt pour les scènes d'intérieur [4]. Le tournage est très vite interrompu le en raison de l'entrée en guerre de la France[3] et de la mobilisation de Gabin et Grémillon[4].

Le tournage d'un film de mer et de marins est souvent un cauchemar pour les producteurs et le réalisateur, Remorques n'échappera pas à la loi du genre : la production a pris le gros risque financier d'affréter un vrai remorqueur de haute mer et un cargo, le pétrolier de la marine nationale Dordogne figure le Mirva, mais la météo (exceptionnellement clémente alors que le scénario prévoit des scènes de tempête), puis la défaite de 1940 et le bombardement de Brest compliquent gravement la situation[6].

Finalement, les plans larges du remorqueur en pleine tempête sont réalisés à l'aide de maquettes aux studios de Billancourt, alors que les plans des hommes embarquant la remorque sur la plage arrière sont bien filmés à bord d'un vrai navire... mais par un temps plutôt clément. Ceci peut interpeller un spectateur averti mais ne nuit pas vraiment à la crédibilité du film auprès du public moyen.

En , le tournage reprend brièvement avant la Blitzkrieg, pour vingt-cinq jours, grâce à une permission exceptionnelle accordée à Gabin et Grémillon, ainsi qu'à d'autres membres de l'équipe[4]. Il est de nouveau interrompu en avec le début de l'occupation[3]. Faute de temps, certaines scènes ne seront pas réalisées, imposant des ellipses dans le montage[4]. Quand les Allemands sont sur le point d'entrer dans Paris, le producteur Joseph Lucachevitch s'embarque pour les États-Unis. Louis Daquin, l'assistant réalisateur, et le monteur Marcel Cravenne emportent les bobines pour les mettre en lieu sûr dans le Midi de la France[4].

Le tournage se termine finalement dans les studios de Boulogne durant le printemps et l'été 1941, quand Jean Grémillon est démobilisé[3] - [4]. Entre-temps, Michèle Morgan, puis Jean Gabin ont eux aussi rejoint les États-Unis[4]. Leur présence n'est heureusement pas indispensable aux quelques scènes restant à tourner. La dernière image est enregistrée le [4]. Jean Grémillon, qui a pu récupérer les bobines dispersées lors de la débâcle (à Marseille, Pau et Billancourt[5]), a déjà entrepris le montage[4].

Le film sort en salle le [4].

Autour du film

L'escalier descendant à Porstrein, sur le cours Dajot où fut filmée la scène finale du film, montrant Jean Gabin descendant ces marches, après avoir perdu sa femme et sa maîtresse.
  • Le film Remorques rend hommage aux capitaines de 8 remorqueurs, particulièrement ancrĂ©s dans la vie brestoise depuis le commandant Louis Malbert[3] qui fut, avec le remorqueur Iroise, le prĂ©curseur du sauvetage et de l'assistance en haute mer[7]. Les exploits du remorqueur Iroise et de son Ă©quipage inspirèrent Roger Vercel pour son roman Remorques[7]. La tradition brestoise de sauvetage et d'assistance en mer est actuellement perpĂ©tuĂ©e par le remorqueur Abeille Bourbon.
  • Le sujet traite d'une question qui est rĂ©currente chez PrĂ©vert : comment parvenir Ă  faire durer l'amour fou ? Ă€ la suite de ce film, PrĂ©vert a dit : « GrĂ©millon faisait des films tragiques, mais lui, il Ă©tait très drĂ´le. Il aimait vraiment le cinĂ©ma. C'Ă©tait un des rares Ă  avoir du style. Après Remorques, je me suis fâchĂ© : il avait mis de la musique religieuse Ă  la fin. Je ne voulais plus travailler avec lui. Et puis on a tout de mĂŞme fait ensemble Lumière d’étĂ© »[8].
  • Selon Gilbert Le Traon, directeur de la CinĂ©mathèque de Bretagne : « Le film met en valeur la rade et ce caractère maritime brestois. Le personnage de Gabin a les traits, le tempĂ©rament du Breton, taciturne, fermĂ© »[3]. Gilbert Le Traon a Ă©galement dit : « Le compositeur, Roland-Manuel, qui a signĂ© la musique du film, y a mixĂ© le son de la sirène du remorqueur, qui hurle comme une bĂŞte gigantesque. Il y a, pour moi, un rappel Ă©vident Ă  la mythologie et Ă  la tragĂ©die grecques avec, en toile de fond, un homme seul face Ă  son destin »[3].
  • Une scène du film, mĂ©morable, montre Jean Gabin descendant les escaliers du cours Dajot Ă  Brest, seul dans la nuit, dans le vent et sous la pluie. Une scène qu'il a d'ailleurs fallu recommencer une dizaine de fois, en raison de conditions mĂ©tĂ©orologiques très peu coopĂ©ratives en ce jour de [3]. La pluie provenait en effet de canons Ă  eau des pompiers et c'est un avion Ă  hĂ©lices de l'AĂ©ro-club de Guipavas, amputĂ© de ses ailes, qui pallia ce soir-lĂ  l'absence de vent[3].
  • Bande sonore du film : Jean GrĂ©millon, qui Ă©tait un musicien talentueux, a parfois composĂ© lui-mĂŞme les musiques de ses films et Ă©tait très attentif Ă  l'ambiance sonore. Dans Remorques, la sĂ©quence de l'appareillage du Cyclone en pleine tempĂŞte est accompagnĂ©e d'une musique obsĂ©dante et syncopĂ©e dans laquelle viennent se mĂŞler le bruit des paquets de mer et les chocs mĂ©talliques de la machine du remorqueur. C'est une expĂ©rience formelle qui rappelle un peu les tentatives des futuristes ou d'Arthur Honegger (Pacific 231, qui tente de combiner une symphonie avec le bruit d'une locomotive)... on peut y voir une sorte de "sampling" avant la lettre. Le thème du cantique breton "ar Baradoz" revient souvent au long du film, dans la musique de Roland-Manuel, comme l'Ă©voque Marie-HĂ©lène Prouteau dans un chapitre de La Petite plage (La Part commune).
  • La revue Acropolis commente : La prière finale de Remorques entièrement Ă©crite par GrĂ©millon, la prière aux agonisants, ouvre l’oeuvre Ă  une dimension cosmique. C’est toute la force d’une incarnation qui nous est rĂ©vĂ©lĂ©e.[9] En fait cette prière se trouvait dĂ©jĂ  dans le Formulaire de prières Ă  l’usage des pensionnaires des Ursulines (1830)[10], plus complète et sans l’introduction. A l'origine on trouve cette prière dans le Rituel romain[11]. La prière est entendue en voix off alors qu'AndrĂ© descend l'escalier Ă©voquĂ© plus haut. Les mots "dĂ©livrez" et ses dĂ©rivĂ©s y reviennent en leitmotiv pour dire que la mort est une dĂ©livrance pour l’agonisant, avec en filigrane une prière pour dĂ©livrer de la mort, sauver de la mort, pour dĂ©livrer la France de l'occupation allemande : DĂ©livrez seigneur notre servante...dĂ©livrez l’âme de notre servante...comme NoĂ© du dĂ©luge...comme Isaac de son père...comme vous avez dĂ©livrĂ© MoĂŻse des mains de Pharaon...Daniel et les trois hĂ©breux. La prière cite des personnages bibliques de l'ancien testament, les hĂ©breux, ainsi qu'AnaĂ«l (Haniel) qui n'est pas dans la Bible : Haniel, Ă©galement connu sous le nom de AnaĂ«l, est un des sept Anges de la CrĂ©ation, dans la tradition et l'angĂ©lologie juive. On retrouve une prière très analogue dans une oraison chrĂ©tienne de prĂ©paration Ă  la mort commençant ainsi Recevez, Seigneur, l'âme de votre servante dans le lieu du salut qu'elle a espĂ©rĂ© de votre misĂ©ricorde. Ainsi soit-il...[12]
  • Lors de sa sortie, le film est interdit aux moins de 16 ans.

Citation

Allocution du Docteur Maulette pour les noces de Poubennec : « Un mariage de marin, ce n'est pas un mariage comme les autres, car, comme l'a dit le poète, chaque marin a deux femmes, la sienne et puis la mer, mais, mesdames, ne soyez pas jalouses, la mer n'est pas méchante, même quand elle est mauvaise, et tant qu'ils sont avec elle, vos maris vous restent fidèles »[5].

Notes et références

  1. "IROISE" sauvetage "Hélène" et "Galdames"
  2. Plongepave
  3. Goulven Connan, « Brest et le cinéma. Inoubliable « Remorques » », sur Le Télégramme.com, (consulté le )
  4. « Ciné-club St Ke - Une première réussie », sur Ciné St Ke, (consulté le )
  5. Jean-Christophe Ferrari, Remorques, Chatou, Les Éditions de La Transparence, , 71 p. (ISBN 2-35051-007-7)
  6. Jean-Pierre Berthomé, « La production de Remorques : un film dans la tourmente », 1895, revue d'histoire du cinéma, no hors-série Jean Grémillon,‎ , p. 41-58 (DOI 10.3406/1895.1997.1243).
  7. « Quai Malbert - Un documentaire de Jean-François Pahun », sur .Mille et Une. Films (consulté le )
  8. Carole Aurouet, Prévert : portrait d'une vie, Ramsay, , 239 p. (ISBN 978-2-84114-857-8 et 2-84114-857-2)
  9. revue-acropolis Remorques de Jean Gremillon
  10. prières pour les pensionnaires des Ursulines
  11. Église catholique orthodoxe de France Vous trouverez dans le Missel romain (en fait le Rituel romain) cette admirable prière des premiers chrétiens : « Libère, Seigneur, l’âme de ton serviteur (ou servante) comme Tu as délivré Job de ses souffrances… Isaac des mains de son père Abraham prêt à l’immoler… comme Tu as délivré Daniel de la fosse aux lions… libère, libère ».
  12. préparation à la mort

Voir aussi

Bibliographie

  • Philippe Roger, Le Mystère de l'Ĺ“uvre : Remorques de Jean GrĂ©millon, Lyon, Éditions du Cosmogone, , 186 p. (ISBN 2-909781-71-2)
  • Jean-Christophe Ferrari, Remorques, Chatou, Les Éditions de La Transparence, , 71 p. (ISBN 2-35051-007-7)
  • Carole Aurouet, Le CinĂ©ma dessinĂ© de Jacques PrĂ©vert, Textuel, 2012

Liens externes

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