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Religion nordique ancienne

La religion nordique ancienne (ou paganisme nordique) recouvre l’ensemble des croyances et des pratiques religieuses des peuples scandinaves, des origines Ă  l'Ăąge du bronze, jusqu’à l'Ăąge des Vikings qui s'achĂšve par la christianisation autour de l'an 1000. Ces croyances sont sans prĂȘtres, ni dogmes, ni lieux de cultes[1] - [2].

« La religion des anciens scandinaves n'est pas révélée mais vise à participer à la vie des Dieux en ce monde et dans l'autre, la frontiÚre entre les deux étant trÚs floue et souvent quasiment inexistante. [...Elle] ne connaissait pas de doctrine, mais consistait en une attitude et surtout en un certain nombre d'actes signifiants qu'on peut appeler rites. Le rite est l'essentiel de la religion nordique ancienne. »[3]. Elle a donné naissance à un ensemble de mythes relatés notamment dans les Eddas, la mythologie scandinave.

Un statut particulier Ă©tait accordĂ© par ces peuples Ă  la nature, Ă  la femme, mais aussi Ă  certains animaux, comme l’ours, le cheval, le sanglier et le corbeau, qui se voyaient attribuer des pouvoirs fabuleux et possĂ©daient une place importante dans les rituels et les traditions.

Terminologie

Les Scandinaves ne donnaient pas de nom Ă  leur culte avant l’arrivĂ©e du christianisme. À la suite de l’arrivĂ©e des missionnaires chrĂ©tiens en Scandinavie tels qu’Anschaire de BrĂȘme vers 829 et le roi Harald Ier de Danemark qui rĂ©ussit Ă  imposer le christianisme dans son pays vers 960, les textes mĂ©diĂ©vaux de Scandinavie mentionnĂšrent le terme forn siĂ°r pour dĂ©signer la religion originelle de ces peuples. L’expression signifie littĂ©ralement « ancienne coutume, ancienne pratique » en vieux norrois.

Leur langue ne dispose pas de vocable pour « religion », le mot approchant serait « seydr, sejdr ou sidr » : coutume, ensemble de pratiques, magie, mĂ©decine... activitĂ©s principalement fĂ©minines. Leurs croyances ne possĂšdent aucun crĂ©do, pas de priĂšres Ă  proprement parler, « pas de prĂȘtres, ni ordre religieux, ni temples, point de dĂ©lire imaginatif ou de longues mĂ©ditations rĂȘveuses »[1], sans foi, sans dogmes[2].

Les sources

Sources archéologiques

Pétroglyphe de Norrköpings.

Âge du Bronze

Le char solaire de Trundholm, daté du premier ùge du bronze soit aux alentours de -1400

Sources toponymiques

Carte montrant les diffĂ©rences rĂ©gionales de culte en Scandinavie vers 900, dĂ©terminĂ©es par les noms de lieu et les donnĂ©es archĂ©ologiques. En bleu, les rĂ©gions dominĂ©es par le culte des Vanes ; en rouge, celles oĂč prĂ©dominent Thor, Odin et les autres Ases ; en violet, les zones de coexistence ; les points verts sont les noms de lieu dĂ©rivĂ©s d’Odin - d’aprĂšs Erik Christiansen, The Norsemen in the Viking Age, Blackwell, 2002.

Sources antiques

« Ils (Germains du nord) n’ont ni druides qui prĂ©sident au culte des dieux, ni aucun goĂ»t pour les sacrifices, ils ne rangent au nombre des dieux que ceux qu’ils voient et dont ils ressentent manifestement les bienfaits, le soleil, le feu, la lune. Ils n’ont mĂȘme pas entendu parler des autres »

— CĂ©sar, De Bello Gallico, VI, 21

« Ils rĂ©pugnaient Ă  prĂ©senter leurs Dieux sous formes humaines, il leur semble peu convenable Ă  la grandeur des habitants du ciel, ils leur consacrent les bois, les bocages et donnent le nom de Dieux (et Landvaettir) Ă  cette rĂ©alitĂ© mystĂ©rieuse que leur seule piĂ©tĂ© leur fait voir » « Aucun de ces peuples ne se distingue des autres par rien de notable, sinon qu’ils ont un culte commun pour Nerthus c’est-Ă -dire la Terre MĂšre, croient qu’elle intervient dans les affaires des hommes et circule parmi les peuples » »

— Tacite, Germania, IX, 3

Influences chrétiennes

Les textes constituant la mythologie nordique ont Ă©tĂ© rĂ©digĂ©s par des clercs ou des hommes issus d’une formation clĂ©ricale[4]. La question de l'interpretatio christiana est souvent dĂ©battue pour savoir Ă  quel point ils ont rĂ©inventĂ© la mentalitĂ© des Vikings deux ou trois siĂšcles aprĂšs leur disparition. Ainsi, selon RĂ©gis Boyer, « l’Église apportait dans ses bagages toute une magie biblique ou orientale fatidique que l’on attribua Ă  tort aux Vikings »[5] et « tous les documents islandais anciens sont Ă©crits sur palimpsestes, il faut gratter l’apport continental chrĂ©tien pour tenter de retrouver l’authenticitĂ© scandinave (et germanique) ancienne »[6]. Il propose d’essayer de reconstituer la mentalitĂ© viking plutĂŽt que de prendre Ă  la lettre des rĂ©cits souvent trop complaisants ou adaptĂ©s de sources latines[7]. Pour Hilda Ellis Davidson, « nous avons affaire Ă  un monde mythique artificiel, bien Ă©loignĂ© de la foi vivante de l’ùre paĂŻenne »[8] - [9] - [10] - [11] - [12] - [13]. Einar Ólafur Sveinsson, spĂ©cialiste islandais et son Ă©cole, disent (en parlant de tous les textes) que : « la littĂ©rature ancienne de son pays est mi ecclĂ©siastique, mi sĂ©culiere ». RĂ©gis Boyer constate qu’« on ne voit pas comment le contredire »[14].

Cependant, « l'essentiel de ce que nous connaissons par les Eddas se trouve dĂ©jĂ  gravĂ© dans la pierre, au minimum plus d'un millĂ©naire et demi Ă  l'avance. Dans ces conditions, les tentatives d'interprĂ©tation de la mythologie nordique par des collusions avec les courants de pensĂ©e orientale ou chrĂ©tienne Ă  l'Ă©poque historique s'effondrent d'elles-mĂȘmes, ce qui, bien entendu, n'exclut pas les interpolations »[15], et pour François-Xavier Dillmann, Ă  propos de l'Edda de Snorri Sturluson : « ...La mise en Ă©vidence d'indĂ©niables influences bibliques dans l'un ou l'autre chapitre de la Gylfaginning n'a que trop frĂ©quemment Ă©tĂ© utilisĂ©e pour tenter de jeter le discrĂ©dit sur toute l'entreprise de Snorri. Force est nĂ©anmoins de constater que, mĂȘme s'il vivait dans un pays Ă©vangĂ©lisĂ© depuis environ deux siĂšcles et s'il avait reçu Ă  Oddi une Ă©ducation fortement teintĂ©e de dogmatisme chrĂ©tien, Snorri montrait une profonde inclination pour la mythologie ancestrale. [...] S'il serait certainement abusif d'en faire un propagandiste paĂŻen en pleine Ă©poque chrĂ©tienne, il ne nous semble pas douteux qu'il ait chĂ©ri ces belles histoires qui assuraient la pĂ©rennitĂ© de la poĂ©sie scaldique, ces vieux mythes dans lesquels s'exprimaient le gĂ©nie de sa nation. »[16].


De lĂ  viennent sans doute les analogies des Nornes avec les Parques, des Valkyries avec Apsaras, de Tyr avec Mars, d’Odin avec Mercure, de Loki avec Lug, ou encore de Fjorgyn avec Perkun[17]. Les Nornes et leur destin immuable sont vues comme une invention chrĂ©tienne associant Urd (le nom d’une source), Skuld (le nom d’une Valkyrie), et Verdandi (seule la Voluspa cite ce nom). Pour Jean Renaud, « Urd Ă©tait probablement la plus authentique des trois, Ă  laquelle on aurait associĂ© par la suite les deux autres »[18]. Bon nombre des ĂȘtres surnaturels de la mythologie nordique sont adoptĂ©s sur le tard lors de la christianisation, et certains sont apportĂ©s par l’Église[19]. On les soupçonne de suivre quelques grands modĂšles cĂ©lĂšbres dans tout le Moyen Âge, comme Isidore de SĂ©ville ou tout simplement la Bible[20].

L’Islande devenue chrĂ©tienne, l’Église ne badine pas plus lĂ  qu’ailleurs sur la stricte observance de ses lois[21]. Seules certaines pierres Ă  inscriptions runiques auraient Ă©chappĂ© Ă  la destruction car elles comportaient des signes religieux chrĂ©tiens comme la pierre de pierres de Jelling, oĂč des inscriptions neutres[22]. La rĂ©daction deux siĂšcles aprĂšs l’ñge viking, donne latitude Ă  l’Église d’entreprendre un travail patient et opiniĂątre d’éradication, bien connu d’autre part[23]. Elle s’efforçait de dĂ©valuer les croyances et pratiques menaçant la doctrine chrĂ©tienne, les dieux passent Ă  l’état de diables, ou subtilement ils se retrouvent ridiculisĂ©s. (Harbardsljod ou la Lokasenna). Ou les dieux ne sont plus que de simples humains divinisĂ©s[24], ainsi ils pĂ©rissent lors du combat final (Voluspa, ragnarök
) RĂ©gis Boyer[25] - [20].

Le panthéon nordique

DĂ©esse mĂšre

RĂ©gis Boyer met en exergue une croyance ancestrale en une grande dĂ©esse mĂšre de la crĂ©ation et de la vie, en harmonie avec les forces et les Ă©lĂ©ments naturels qui rĂ©gissent l’univers, et Ă  qui ils ont donnĂ© par la suite une reprĂ©sentation anthropomorphe[26].

À l’origine « les pĂšres des Vikings » croyaient en une DĂ©esse MĂšre et aux grandes forces naturelles que sont le soleil, l’eau, la terre, l’air, le feu et la vie, qu’ils ont reprĂ©sentĂ©s plus tard par la crĂ©ation d’un panthĂ©on qui compte notamment Odin (Yggr, le redoutable), Odr (fureur) Thor (tonnerre), Jord (terre), Frigg, Freyja (femme), Fjörgyn (il/elle, qui favorise la vie), SĂłl (le soleil), MĂĄni (la lune), Baldr et Freyr, (seigneur), Surtr (noir du feu), MĂ­mir (mĂ©moire), Bragi (parangon), Logi/Loki (flamme)... et le grand arbre Yggdrasill[27]. Les Landvaettir sont les esprits tutĂ©laires des lieux naturels tels que les collines, arbres, cascades, pierres
 La tĂȘte de monstre sculptĂ©e sur la proue des bateaux vikings Ă©tait faite Ă  leur intention, afin d’épouvanter les Landvaettir des pays Ă  investir. Il convenait de l’enlever avant d’arriver en pays ami[28]. La Grande DĂ©esse MĂšre constitue un point capital dans les croyances des anciens scandinaves et germains.

Rites

Le blĂłt

La pratique cultuelle essentielle était le blót (vénération)[29], il pouvait aussi avoir le sens de (sacrifice) ou blótveizla (banquet sacrificiel), dont le but était de renforcer la divinité en nouant un lien entre elle et les participants ; il suivait quatre étapes[30] :

  • des sacrifices d'animaux (mais qui ont pu ĂȘtre humains Ă  l'origine), dont le sang est rĂ©pandu sur l'autel, le bĂątiment et les participants.
  • un banquet oĂč l'on consommait la viande des animaux sacrifiĂ©s cuite, et oĂč l'on portait des toasts de biĂšre ou d'hydromel aux dieux (Odin, Njörd, Freyr et Bragi), au roi, et surtout aux parents morts (drekka minni : boire Ă  la mĂ©moire de).
  • on consultait les augures de diverses façons : Ă  travers une source ou une cascade, en jetant des rameaux trempĂ©s dans le sang sacrificiel (hlautteinar) sur un linge blanc.
  • « le quatriĂšme et dernier temps du blĂłt consistait Ă  faire des vƓux ou Ă  s'engager par serment solennel Ă  accomplir de hauts faits : c'est la pratique du heitsstrenging, oĂč le paroxysme de la tension se double de l'ivresse du banquet pour exalter au maximum la force vive de l'homme en communion avec la divinitĂ© »[31]

Ils ont avec les puissances naturelles et les dieux un rapport de « donnant donnant »[32].

Le goĂ°i

Le chef de famille ou du clan procĂšde aux cĂ©rĂ©monies, naissances, mariages, dĂ©cĂšs... et fait office de goĂ°i, sorte de « prĂȘtre temporaire ». Certains de ces godis se muĂšrent en prĂȘtres officiels chrĂ©tiens, surtout en Islande.

Cultes

Destin

Les Vikings n’ont pas une conception du destin immuable. Quels que soient les projets de leurs dieux, les anciens scandinaves et germains demeurent libres et croient en leur capacitĂ© d’inflĂ©chir leurs dieux et de forcer le destin[33], pour le modifier, car ils croient Ă  la chance (gaefa), Ă  leurs talents, Ă  leur force et volontĂ©, Ă  leur capacitĂ© de rĂ©ussite, et aussi Ă  l’appui de leurs ancĂȘtres: ce qu’ils nomment « eiginn mattr ok megin »[34] - [35] - [36]. Pragmatiques, ils ne sont en aucun cas des fatalistes subissant un destin[37]. Ce sont avant tout des combattants et des hommes libres qui dĂ©cident de leur sort au risque de dĂ©plaire aux dieux. Ils croient Ă  la magie ou plutĂŽt au sentiment de la prĂ©sence constante du surnaturel[38] et Ă  la divination pour percer les projets de leurs ennemis, des dieux et des forces tutĂ©laires, afin de changer le cours des Ă©vĂšnements, et d’anticiper sur le destin[39], donc de le modifier, car rien n’est Ă©crit dĂ©finitivement.

Ils sollicitent les forces, les dieux et leurs ancĂȘtres qui leur rĂ©pondent dans leurs songes "mik dreymdi, at Freyja" (exemple : Freyja m’a rĂȘvĂ© que...)[40].

Il n’y a pas de destin que leur volontĂ© ou l’aide de leurs dieux ou de leurs ancĂȘtres ne puisse modifier, car les scandinaves Ă©taient des hommes d’actions prisant les valeurs d’action, et on leur fait tort en les accablant de pratiques et de concepts dont, sans aucun doute, ils eussent Ă©tĂ© fort empĂȘchĂ©s[17].

Irréligion et scepticisme ?

La formule de Gauka-Thorir : « Nous autres camarades n’avons pas d’autre croyance qu’en nous-mĂȘmes et en notre force et capacitĂ© de victoire, et cela nous suffit amplement » (Gauka-Thorir, chapitre CCI Olafs saga hins Helga) se retrouve dans d’autres textes. Pour François-Xavier Dillmann : « cette locution est le plus souvent utilisĂ©e dans les textes norrois au sujet de personnages qui sont rĂ©putĂ©s avoir dĂ©laissĂ© le culte des dieux ancestraux et qui, par consĂ©quent, se situaient en dehors du cadre habituel de l’ancienne sociĂ©tĂ© scandinave »[41]

« On a longtemps cru que les Scandinaves, dans les siĂšcles qui prĂ©cĂ©dĂšrent la conversion au christianisme — VIIIe et IXe siĂšcles —, avaient atteint une sorte d'irrĂ©ligion, de scepticisme ou d'indiffĂ©rence [...] Cela tenait Ă  une phrase qui se rencontre souvent dans les textes : Hann blĂŽtadi ekki, hann tradi Ă  sinn eiginn mĂ tt ok megin (Il ne sacrifiait pas aux dieux, il croyait en sa propre force et capacitĂ© de chance). Il y avait lĂ , semblait-il, une attitude fort inhabituelle au Moyen Âge oĂč l'on avait voulu voir un trait exceptionnel, digne de peuplades que les "philosophes" du XVIIIe siĂšcle français considĂ©raient comme les rĂ©gĂ©nĂ©ratrices de l'Occident. Les recherches rĂ©centes de savants suĂ©dois, Folke Ström[42] et Henrik Ljungberg en particulier, ont Ă©tabli qu'une telle interprĂ©tation ne reposait sur rien. »[43] « Elle soulignait au contraire la participation au sacrĂ© qui justifiait qu’un homme se sentĂźt fondĂ© Ă  dĂ©passer les dieux anecdotiques, si l’on peut dire, et Ă  ne croire qu’en lui-mĂȘme, c’est-Ă -dire en sa propre capacitĂ© de chance et de rĂ©ussite puisque celles-ci lui venaient des puissances divines. En consĂ©quence, la formule dont nous sommes partis, loin d’ĂȘtre une profession de scepticisme, Ă©tait un acte d’adoration implicite ! »[44].

Section Ă  recycler

Les anciens scandinaves et germains ont une totale liberté de pensée et de croyance[45].

Place des femmes

Les femmes vikings tenaient un rĂŽle trĂšs important[46]. On rencontre dans les textes un nombre Ă©levĂ© de dĂ©esses et de crĂ©atures surnaturelles fĂ©minines (nornes, valkyries, Dises, Haminjur...) Il est possible qu’il s’agisse de rĂ©surgences du culte ancestral de la Grande DĂ©esse MĂšre qui a la pĂ©riode viking prend le nom de Fri, Fiia, Frea, Freyja (bien-aimĂ©e) (elle est la douce chaleur du soleil) la dĂ©esse de la vie mais aussi de la mort qui accueille la moitiĂ© des guerriers, d’oĂč l’une de ses hypostases : Hel (helja : accueillir, cacher), elle est aussi la dĂ©esse guerriĂšre[47], mais il est Ă©galement possible qu’il s’agisse de l’influence, dans les textes mis par Ă©crit par les clercs, du dĂ©veloppement Ă  partir du XIIe siĂšcle du culte chrĂ©tien de la Vierge Marie sous l’impulsion de Bernard de Clairvaux[48].

Place des animaux

La plupart des dieux et déesses ont leurs animaux, et ces derniers possÚdent un statut particulier dans les croyances.

Boucs

Thor a deux boucs qui tirent son char Tanngrisnir et TanngnjĂłstr (Dents grinçantes et Dents Ă©tincelantes). Il lui est arrivĂ© d’ĂȘtre contraint de les manger, mais il prit soin de conserver les os pour les ressusciter.

Chats

« Tendresse » et « Amour maternel » sont les chats de Freyja. Ils sont ailés, de grande taille, et ils tirent son char.

Cheval

L’importance du cheval dans les textes fondateurs et les sagas mythologiques semble reflĂ©ter la grande valeur qu’il possĂ©dait, comme l’attestent Ă©galement les rituels liĂ©s Ă  son sacrifice et Ă  la consommation de sa viande, qui Ă©taient censĂ©s apporter protection et fertilitĂ© tandis que ses ossements sont utilisĂ©s comme instruments de magie noire dans les sagas. La lutte contre les traditions et les rituels comme la consommation de viande de cheval fut un Ă©lĂ©ment capital dans la christianisation des rĂ©gions qui pratiquaient historiquement la religion nordique, comme la Germanie et l’Islande. Parmi les chevaux cĂ©lĂ©brĂ©s par les textes fondateurs figurent celui d’Odin, Sleipnir, qui possĂšde huit jambes et peut voler.

Chiens

Les chiens bĂ©nĂ©ficient d’une grande estime comme animaux de compagnie ou de travail. Il est frĂ©quent de retrouver ces compagnons dans des tombes, enterrĂ©s aux cĂŽtĂ©s de leurs maĂźtres. Le chien qui garde le royaume des morts se nomme Garmr ou Garm.

Corbeau

Hugin (la pensĂ©e) et Munin (la mĂ©moire) sont deux corbeaux, messagers d’Odin, qui parcourent le monde et viennent murmurer Ă  leur maĂźtre ce qu’ils ont vu et entendu.

Loup

Dans l’ancienne Germanie, comme chez les Gaulois, les guerriers se nourrissaient de loups pour acquĂ©rir ses qualitĂ©s que sont la force, la rapiditĂ© et l’endurance. Ce rituel permettait de donner du courage aux combattants en les plaçant sous la protection des loups[49]. Les Winnilis, nom d’un peuple de Germains signifie "les loups". Ils ne s’appelaient donc pas hommes mais loups. On retrouve le loup dans les textes fondateurs, oĂč Odin possĂšde les deux loups Geri et Freki (Vorace et violent), ainsi que le gigantesque loup Fenrir (« habitant des marais ») nĂ© de l’union de Loki et la gĂ©ante Gerbauda.

Ours

L’ours possĂšde une place trĂšs importante dans l’histoire des peuples germaniques et scandinaves Ă  l’époque du paganisme nordique, admirĂ© et vĂ©nĂ©rĂ© pour sa force, son courage et son invincibilitĂ©, considĂ©rĂ© comme le roi des animaux, il Ă©tait l’attribut des puissants et l’objet de rituels ayant pour but de s’approprier ses pouvoirs. Il Ă©tait Ă©galement l’attribut des berserkir. Il Ă©tait d’usage d’offrir un ourson aux rois. Ingimund l’ancien offrit un ours polaire au roi de NorvĂšge vers l’an 900. Isleif, le premier Ă©vĂȘque d’Islande, en offrit un Ă  l’empereur d’Allemagne vers l’an 1050. Un conte en vieux norrois a pour titre « AuĂ°unn et l’ours » (AuĂ°unar ĂŸĂĄttr vestfirzka).

Sanglier

SĂŠhrĂ­mnir est le sanglier consommĂ© chaque nuit par les Einherjar dans la Valhöll. Il est ramenĂ© Ă  la vie afin de servir Ă  nouveau de repas le jour suivant. HildisvĂ­ni (sanglier de la bataille) est la monture de Freyja lorsqu’elle n’est pas sur son char tirĂ© par ses deux chats. Freyr possĂšde Ă©galement un verrat Gullinbursti (aux soies d’or) ou Slidrugtanni (aux dĂ©fenses redoutables). Il court plus vite que n’importe quel cheval de jour comme de nuit, dans les airs et sur la mer et ses soies illuminent la nuit la plus sombre[50].

Christianisation

Selon de nombreux historiens dont François Xavier Dillmann, nous assistons Ă  une vĂ©ritable guerre de religion pour instaurer le christianisme par la force, notamment en NorvĂšge oĂč le conflit dura plus d'un siĂšcle[51]. La dĂ©termination des missionnaires pour rĂ©pandre leur foi en Scandinavie et en Germanie, ira parfois jusqu’à dĂ©truire des stĂšles au prix de leurs vies[52].

Ne parvenant Ă  Ă©radiquer ce paganisme ni par la parole ni par les actes de vandalisme, l’Église eut recours Ă  une violence volontaire : « RĂ©pandre sa foi par le fer et le sang. »[53]. L’émoi et le traumatisme des massacres de Charlemagne contre les saxons dans l'actuelle Allemagne se seraient fait ressentir dans toute la Scandinavie. Les historiens et spĂ©cialistes (Alain Decaux, AndrĂ© Castelot, François Neveux Rudolf Simek
) pensent que ce fut l’une des raisons qui provoqua les raids vikings qui souhaitaient se venger de la christianisation forcĂ©e[54] - [55] - [56]. La conversion des Scandinaves et des Germains s’est effectuĂ©e plus ou moins violemment, sur plus de quatre siĂšcles.

Selon RĂ©gis Boyer : « Car- il faut de nouveau insister fortement – la conversion de la Scandinavie se sera faite sans coup fĂ©rir, sans guerres de religions, sans effusion de sang, sans martyre. Lorsque des chroniqueurs nous la dĂ©peindront, nettement plus tard, sous des dehors tragiques et violents, ils ne le feront que par imitation des vies de saints qui Ă©taient de rigueur en Occident Ă  l'Ă©poque. »[57]

Explication évhémériste des mythes païens

L’Église a tĂąchĂ© de ravaler les anciens dieux au rang de dĂ©mons[33]. Snorri et Saxo Grammaticus s’efforcent de reconstituer un panthĂ©on organisĂ© autour de quelques grands dieux en se contredisant souvent et parfois gravement, et proposent une explication Ă©vhĂ©mĂ©riste des dieux paĂŻens[17] : dans les prologue de son Edda et de la Heimskringla, Snorri « nous explique que les dieux ne sont que des hommes d’autrefois, des magiciens de prĂ©fĂ©rence, qui ont Ă©tĂ© progressivement divinisĂ©s, Saxo Grammaticus ne dira rien d’autre, lui aussi »[58]. Cette explication se retrouve dans d’autres textes comme la Saga des Troyens, mĂȘlant l’origine pseudo-Ă©tymologique des Ases en Asie, au mythe des origines troyennes des peuples scandinaves (Troie Ă©tant en Asie mineure)[59].

NĂ©opaganisme

La foi scandinave, nommĂ©e par certains ÁsatrĂș ou parfois Odinisme, a Ă©tĂ© reconstituĂ©e avec plus ou moins de succĂšs, et certains pays acceptent dĂ©sormais de la compter parmi les religions officielles. C’est le cas de l’Islande, la NorvĂšge, la SuĂšde, le Danemark ou l'Espagne.

Notes et références

  1. RĂ©gis Boyer le Christ des Barbares, Ă©ditions du CERF, p. 41; 46.
  2. RĂ©gis Boyer, Le Christ des Barbares, Ă©ditions Cerf (ISBN 2-204-02766-9) p. 33, 44.
  3. Guelpa 2009, p. 8_9
  4. RĂ©gis Boyer, Vikings idĂ©es reçues, le cavalier bleu, Éditions (ISBN 2-84670-040-0) 2002, p. 70.
  5. RĂ©gis Boyer le Christ des Barbares, Ă©ditions du CERF, p. 44-47.
  6. RĂ©gis Boyer, L’Islande mĂ©diĂ©vale, Guide des belles lettres, p. 90 (ISBN 2-251-41014-7).
  7. RĂ©gis Boyer, Le Christ des Barbares, Ă©ditions Cerf (ISBN 2-204-02766-9), p. 18.
  8. Mrs H. Ellis Davidson, Gods and Myths of Northern, Harmondsworth, Penguin Books, N° A670, 1964 p. 24.
  9. RĂ©gis Boyer, Yggdrasill, la religion des anciens Scandinaves, Ă©ditions Payot, p. 37, (ISBN 978-2-228-90165-9)
  10. Torfi H.Tulinius : chap :la conversion du Viking (traduction de R.Boyer, les nouvelles dĂ©couvertes de l’archĂ©ologie, collection mĂ©moires et histoire 2008, (ISBN 2-7467-0736-5).
  11. Einar Ólafur Sveinsson, Hilda Roderick Ellis Davidson, Viktor Rydberg, Eugen Mogk, Jean Renaud. Jacob Grimm, A. d’Apremont, Keary Charles, Grau, RĂ©gis Boyer.
  12. RĂ©gis Boyer, L’Islande mĂ©diĂ©vale, Guide des belles lettres, p. 98. (ISBN 2-251-41014-7).
  13. RĂ©gis Boyer, Yggdrasill, la religion des anciens Scandinaves, Paris, Payot, p. 37, (ISBN 978-2-228-90165-9).
  14. RĂ©gis Boyer, L’Islande mĂ©diĂ©vale, Guide des belles lettres, (ISBN 2-251-41014-7) p. 203.
  15. Régis Boyer, L'Edda poétique p. 123
  16. François-Xavier Dillmann, l'Edda de Snorri Sturluson, p. 19
  17. RĂ©gis Boyer, Yggdrasill, la religion des anciens Scandinaves, Ă©dition Payot, P 8 (ISBN 978-2-228-90165-9).
  18. Jean Renaud: les dieux des Vikings, Ă©ditions Ouest France, p. 122. (ISBN 2-7373-1468-2).
  19. RĂ©gis Boyer, Le Christ des Barbares, Ă©ditions Cerf (ISBN 2-204-02766-9) p. 37.
  20. RĂ©gis Boyer, Le Christ des Barbares, Ă©ditions Cerf (ISBN 2-204-02766-9) p. 34.
  21. RĂ©gis Boyer « l’Islande mĂ©diĂ©vale », Guide des belles lettres, (ISBN 2-251-41014-7), p. 185.
  22. Alain Marez "Une Europe des Vikings ? La leçon des inscriptions runiques" (Les Vikings premiers EuropĂ©ens, Éditions "Autrement" (ISBN 9 782746 707368) p. 131-177.
  23. RĂ©gis Boyer, Les Sagas islandaises, Payot, (ISBN 978-2-228-90164-2) p. 122.
  24. RĂ©gis Boyer, Le Christ des Barbares, Ă©ditions Cerf (ISBN 2-204-02766-9) p. 33-34.
  25. RĂ©gis Boyer, L’Islande mĂ©diĂ©vale, Guide des belles lettres, (ISBN 2-251-41014-7) p. 186.
  26. RĂ©gis Boyer Les Vikings : histoire, mythes, dictionnaire, Ă©ditions Robert Laffont, collection bouquins (ISBN 978-2-221-10631-0) p. 421Ă  425.
  27. RĂ©gis Boyer, Le Christ des Barbares, Ă©ditions Cerf (ISBN 2-204-02766-9) p. 23;35.
  28. RĂ©gis Boyer, Le Christ des Barbares, Ă©ditions Cerf (ISBN 2-204-02766-9) p. 25.
  29. François Xavier Dillmann « Histoire des rois de NorvÚge par Snorri Sturluson » Ed. Gallimard, Page 371, (ISBN 2-07-073211-8).
  30. Boyer 2009, p. 53-54 qui renvoie Ă  Boyer 1974, p. 223-243
  31. Boyer 2009, p. 54
  32. RĂ©gis Boyer, Le Christ des Barbares, Ă©ditions Cerf (ISBN 2-204-02766-9) p. 38.
  33. RĂ©gis Boyer, le Christ des Barbares, Ă©ditions du CERF, p. 44.
  34. RĂ©gis Boyer : Les Vikings 800-1050, la vie quotidienne Hachette p. 218, (ISBN 2-0123-5690-7).
  35. F. Ström : Den egna kraftens mÀn, Göteborg, 1948.
  36. RĂ©gis Boyer le Christ des Barbares, Ă©ditions du CERF, p. 32, 33.
  37. RĂ©gis Boyer le Christ des Barbares, Ă©ditions du CERF, p. 37,40,44.
  38. RĂ©gis Boyer le Christ des Barbares, Ă©ditions du CERF, p. 42.
  39. RĂ©gis Boyer, le Christ des Barbares, Ă©ditions du CERF, p. 93.
  40. RĂ©gis Boyer le Christ des Barbares, Ă©ditions du CERF, p. 43.
  41. François-Xavier Dillmann (trad.) L’histoire des rois de Norvùge par Snorri Sturluson, Gallimard , 2000, p. 483
  42. Folke Ström, Den egna kraftens mÀn. En studie i forntida irreligiositet, Göteborg, 1948)
  43. Boyer 2009, p. 16
  44. RĂ©gis Boyer, L’Islande mĂ©diĂ©vale, p. 147 - voir aussi RĂ©gis Boyer, La saga de Sigurdr, ou, La parole donnĂ©e, Ă©ditions du Cerf, 1989, p. 170
  45. RĂ©gis Boyer, le Christ des Barbares, Ă©ditions du CERF, p. 31, 32
  46. RĂ©gis Boyer Les Vikings : histoire, mythes, dictionnaire, Ă©ditions Robert Laffont, collection bouquins (ISBN 978-2-221-10631-0) p. 421.
  47. RĂ©gis Boyer La Grande DĂ©esse du Nord, Paris, Berg, 1995 et Les Vikings : histoire, mythes, dictionnaire, Ă©ditions Robert Laffont, collection bouquins (ISBN 978-2-221-10631-0) p. 424.
  48. RĂ©gis Boyer, L’Islande MĂ©diĂ©vale, p. 99.
  49. Le loup gris - Le loup dans la Mythologie http://cybcharlotte.free.fr/mythologie/mythologie.htm.
  50. Les dieux des vikings, Jean Renaud, Ă©dition ouest France, p. 73 (ISBN 2 7373 1468 2).
  51. L’histoire des rois de Norvùge par Snorri Sturluson traduit par François-Xavier Dillmann p. 34 l’Aube des peuples chez Gallimard. (ISBN 2 07 073211 8)
  52. François Xavier Dillmann « Histoire des rois de NorvÚge par Snorri Sturluson » Ed. Gallimard, (ISBN 2-07-073211-8) pages ?.
  53. Tout l’Univers Hachette volume 5 p. 1110) et (Axis Hachette, volume 9 p. 294 (ISBN 2-03-505279-3)).
  54. Rudolf Simek, « L’émergence de l’ñge viking : circonstances et conditions », dans RĂ©gis Boyer, Les Vikings, premiers EuropĂ©ens VIIIe-XIe siĂšcle - Les nouvelles dĂ©couvertes de l’archĂ©ologie, Autrement, 2005, p. 24-25.
  55. Pierre Barthélemy, Les Vikings, Albin Michel, p. 156 édition 1988, (ISBN 2-226-03257-6).
  56. Alain Decaux et André Castelot - opt. cit, p. 715.
  57. Régis Boyer « Le christianisme scandinave, histoire et particularités » sur clio.fr, juin 2002
  58. RĂ©gis Boyer « l’Islande mĂ©diĂ©vale », Guide des belles lettres, p. 186.
  59. HĂ©lĂšne TĂ©trel « L’utilisation et l’interprĂ©tation des mythes paĂŻens par les Ă©crivains islandais du Moyen Âge » .

Annexes

Bibliographie

  • Georges DumĂ©zil Les Dieux des Germains, essai sur la formation de la religion scandinave, PUF, 1959
  • Gabriel Turville-Petre, Myth and religion of the North : the religion of ancient Scandinavia, Holt, Rinehart and Winston,
  • RĂ©gis Boyer, Le culte dans la religion nordique ancienne, Internord,
  • RĂ©gis Boyer, Yggdrasill, la religion des anciens Scandinaves, Payot, 2007 ;
  • Anders AndrĂ©n, Kristina Jennbert, Catharina Raudvere Old Norse religion in long-term perspectives : origins, changes, and interactions : an international conference in Lund, Sweden, June 3-7, 2004, Nordic Academic Press, 2007 .
  • François-Xavier Dillmann, Les magiciens dans l'Islande ancienne, Ed. de Boccard,
  • Patrick Guelpa, Dieux & mythes nordiques, Presses Univ. Septentrion,
  • Thomas Andrew Dubois, Nordic Religions in the Viking Age, University of Pennsylvania Press, (lire en ligne)
  • John Lindow, Norse Mythology : A Guide to Gods, Heroes, Rituals, and Beliefs, Oxford University Press, (lire en ligne)
  • Anders Andren et Kristina Jennbert, Old Norse Religion in Long-Term Perspectives : Origins, Changes & Interactions, Nordic Academic Press, (lire en ligne)
  • RĂ©gis Boyer, L'Edda poĂ©tique, Fayard,
  • RĂ©gis Boyer, Mythes et religions scandinaves, Paris, Riveneuve Ă©ditions, , 604 p. (ISBN 978-2-36013-094-8)
  • Laurent Di Filippo, « Des rĂ©cits mĂ©diĂ©vaux scandinaves aux mythes nordiques : catĂ©gorisations et processus d’universalisation », dans ChloĂ© Delaporte, LĂ©onnor Graser, Julien PĂ©quignot, Penser les catĂ©gories de pensĂ©e. Arts, cultures et mĂ©diations, Paris, l'Harmattan, , 115-133 p. (lire en ligne).

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