Einherjar
Les Einherjar ou Einheriar (Einheri au singulier en vieux norrois ; « ceux qui constituent une armĂ©e » ou « ceux qui combattent seul Ă seul ») sont, dans la mythologie nordique, des guerriers dâexception morts bravement lors des combats, « lâarme Ă la main »[1].
Croyance
Les Valkyries choisissaient les Einherjar et les emportaient. Certains guerriers qui souhaitaient survivre à ces batailles, ne levaient pas les yeux au ciel pour ne pas attirer l'attention des Valkyries qui pouvaient les faire périr pour les emporter[1].
Ils Ă©chappaient pour leur plus grande satisfaction à « la mort de paille » c'est-Ă -dire la mort naturelle dans leur lit qui destinait ces esprits Ă prendre le chemin de Hel oĂč la douce Hela, dĂ©esse de la mort dont le visage est Ă demi plongĂ© dans lâombre des tĂ©nĂšbres et lâautre moitiĂ© dans la lumiĂšre de la vie, les conduisait sur un vaisseau pour suivre le courant de lâune des douze riviĂšres, les ĂlivĂĄgar dont lâune dĂ©bouchait dans les Jardins dâĂsgard. La dĂ©esse Hela nâest pas lâhorrible crĂ©ature dĂ©crite par les textes chrĂ©tiens[2].
Une tout autre destinĂ©e attendait ces Einherjar. La dĂ©esse guerriĂšre Freyja montĂ©e sur son cheval et accompagnĂ©e par les Valkyries, relevait ces glorieux combattants pour les accompagner Ă Ăsgard. La moitiĂ© de ces hĂ©ros allait au Valhöll, dans le palais dâOdin, lâautre partie au FĂłlkvangr (la plaine des troupes) le palais de Freyja [3].
Guerriers dâOdin ou de Freyja
Les guerriers dĂ©volus Ă Odin sont ceux dâentre eux qui vouent leur existence Ă la guerre et aux batailles, « les offensifs ». Les guerriers dĂ©volus Ă Freyja sont ceux dâentre eux qui mĂšnent des combats pour protĂ©ger leurs familles, leurs clans et leurs biens, « les dĂ©fensifs ». Lâhistorienne Else Roesdahl a en effet remarquĂ© que, dans les sĂ©pultures contenant des armes, les guerriers avaient des boucliers quâelle nomme les dĂ©fensifs, les autres avaient uniquement leurs armes dâattaques quâelle nomme les offensifs[4].
Une journĂ©e dâun Einherjar
Les guerriers dâOdin sont chaque jour rĂ©veillĂ©s par le coq Gullinkambi, pour se rendre au vaste champ d'Idavoll situĂ© au centre d'Asgard pour combattre les uns contre les autres dans de joyeux et mortels combats. Au crĂ©puscule, les morts reprennent vie, les blessĂ©s guĂ©rissent et tous se retrouvent au banquet dâOdin, oĂč ils festoient servis par les dĂ©licieuses Valkyries. Ils sâabreuvent de lâhydromel qui coule des pis de la chĂšvre Heidrun, perchĂ©e sur le toit du Valhöll ; AndhrĂmnir, le cuisinier des dieux, a prĂ©parĂ© un repas dans le chaudron EldhrĂmnir avec la chair du sanglier SĂŠhrĂmnir[5]. Les animaux des dieux ont tous un nom, câest dire lâimportance quâils accordent Ă leurs compagnons, ils sont si soucieux de leur bien-ĂȘtre quâils vont jusquâĂ redonner vie Ă ces derniers quand il leur arrive de les consommer. Aussi le gĂ©nĂ©reux sanglier SĂŠhrĂmnir reprend vie chaque matin pour ĂȘtre consommĂ© chaque soir. Il est arrivĂ© Ă Thor de conserver les os de lâun de ses boucs quâil avait Ă©tĂ© contraint de manger, afin de lui redonner vie au plus vite.
« La bataille éternelle » dans les textes anciens
Extrait des Vafthrudnismal (str.4) ou chapitre 61 des Skaldskaparmal : « Aux Orcades : HĂ©Ă°inn Hjarrandason a enlevĂ© Hildr, la fille du roi Högni. Celui-lĂ poursuit Högni jusquâaux Orcades et les deux armĂ©es sont prĂȘtes Ă sâaffronter. Hildr essaie dâempĂȘcher le combat, mais en vain. Pourtant aucun dâeux ne remporte la victoire. La bataille ensorcelĂ©e se poursuit sans fin, jour aprĂšs jour, car, Ă lâaube, les morts du jour prĂ©cĂ©dent, rĂ©veillĂ©s par Hildr, reprennent leur place dans les rangs de leur camp respectif. »
La bataille Ă©ternelle est relatĂ©e dans des textes anciens prĂ©chrĂ©tiens comme la RagnarsdrĂĄpa de Bragi Boddason ou des textes plus rĂ©cents de Saxo Grammaticus ou le Sörla Thattr, celui de la Hjadninga Ă©l ou HjaĂ°ningavĂg, lui-mĂȘme tirĂ© dâune Hildar saga[6].
Ragnarök dans les textes chrétiens
Les auteurs chrétiens (évhéméristes)[7] ont réécrit tous les textes nordiques païens. Ils déconsidéraient et vilipendaient les dieux païens [8] pour en faire de simples mortels, magiciens asiatiques, venus de Troie[9].
Il Ă©tait plus aisĂ© de se dĂ©barrasser des dieux paĂŻens en faisant dâeux de simples mortels. Les clercs chrĂ©tiens prĂ©tendirent dans des sagas Ă©crites ou rĂ©Ă©crites (palimpsestes) quelques siĂšcles aprĂšs lâĂšre Viking que les Einherjar se prĂ©paraient pour un combat final et fatal aux dieux nordiques[10].
Les nombreuses sources dâHistoriens attestent que Ragnarök est une invention chrĂ©tienne. Câest un texte avec un fond paĂŻen, remaniĂ© par les chrĂ©tiens[11] - [12] - [13] - [14]. Les historiens doutent en effet de la bonne foi des auteurs des ragnarök qui voulaient voir disparaĂźtre les croyances et les dieux paĂŻens [15]. R. Boyer nous engage Ă retrouver le vrai texte paĂŻen derriĂšre les rĂ©Ă©critures chrĂ©tiennes [10], en cherchant un texte paĂŻen qui pourrait se « cacher » derriĂšre celui des Ragnarök ; le texte le plus probable est celui de la bataille Ă©ternelle.
Le GrĂmnismĂĄl dĂ©crit le Valhöll en prĂ©cisant que ce palais possĂšde 640 portes. Une porte permet Ă 8 centaines (en vieux norrois, une centaine : hundraĂ°, peut vouloir dire 100 ou 120) de guerriers de marcher de front.
Dans la culture populaire
- Les Einherjar apparaissent dans le jeu vidĂ©o Age of Mythology, oĂč ils sont les unitĂ©s mythiques du dieu Heimdall[16].
- Dans le jeu vidéo Assassin's Creed Valhalla, on peut débloquer un arc d'Einherjar.
- Dans le jeu vidéo God of War: Ragnarök, les Einherjar constituent l'armée d'Asgard, au service d'Odin.
- Dans la série Netflix Valkyrie Apocalypse, les Einherjar sont les 13 représentants de l'humanité durant le Ragnarok.
- Dans le jeu vidéo Mega Man Zero 4, les traditionnels Huit Bosses de l'arc principal de Mega Man sont appelés les Huit Guerriers Einherjar, et ont pour mission de détruire les derniÚres zones habitables du monde dans le cadre de l'opération Ragnarok.
Notes et références
- Jean Renaud, Les Dieux des Vikings, Ăditions Ouest-France, (ISBN 2-7373-1468-2), p. 42.
- Renaud 1996, p. 120 et 190.
- Renaud 1996, p. 80.
- Anne Nissen Jaubert (Institut national de recherches archĂ©ologiques prĂ©ventives), « Vikings, enquĂȘte sur les secrets des maĂźtres de la mer », Les Cahiers de Science et Vie, no 80,â .
- Boyer 1997, p. 49.
- Boyer 2007(2), p. 141.
- Boyer 2002, p. 111 et 112.
- Renaud 1996, p. 190.
- Boyer 2002, p. 202 et 211.
- Boyer 1987, p. 18.
- Boyer 2007, p. 71-72.
- Boyer 2002, p. 98.
- Boyer 2007(2), p. 37.
- Boyer 2002, p. 206.
- Boyer 2007, p. 122.
- (en)« Einherjar » sur le wiki d'Age of Mythology.
Bibliographie
- RĂ©gis Boyer, Le Christ des barbares : le monde nordique, Ăditions du Cerf, (ISBN 2-204-02766-9)
- RĂ©gis Boyer, HĂ©ros et Dieux du Nord : Guide iconographique, Flammarion, coll. « Tout lâArt », , 192 p. (ISBN 2-08-012274-6), « Einherjar », p. 49-50
- RĂ©gis Boyer, LâIslande mĂ©diĂ©vale, Guide des belles lettres, (ISBN 2-251-41014-7)
- RĂ©gis Boyer, Les Sagas islandaises, Payot, (ISBN 978-2-228-90164-2)
- RĂ©gis Boyer, Yggdrasill : la religion des anciens Scandinaves, Payot, (ISBN 978-2-228-90165-9)
- Jean Renaud, Les Dieux des Vikings, Ăditions Ouest-France, (ISBN 9782737314681)