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Religion en Albanie

L'Albanie, petit pays de 3 000 000 d'Albanais, indĂ©pendant en 1912, envahi par l'Italie en 1938 et par l'Allemagne en 1943, libĂ©rĂ© en 1944, a subi une rĂ©gime autoritaire auto-dĂ©signĂ©e comme « dĂ©mocratie populaire » de 1945 Ă  1990, qui, sous la fĂ©rule d'Enver Hoxha, l'a isolĂ© du reste du monde en 1968 et a alors interdit, sous peine d'emprisonnement, toute pratique religieuse, rendant athĂ©isme d'État obligatoire[1].

Église orthodoxe byzantine Sainte-Marie Ă  Labova : l'inclinaison visible de la coupole est due aux sĂ©ismes.
Église de Berat.
Tekke de Melanit à Gjirokastër.
Église de Theth.
Cathédrale orthodoxe de Tirana en 2016.
Grande mosquée de Durrës en 2016.

Depuis la chute de la dictature en 1990, la population est en partie revenue vers diverses formes de religion : environ 60 % sont musulmans, environ 16 % sont chrétiens.

Situation en 2020

Les principales religions en Albanie sont l'islam et le christianisme. Un recensement en 2011 (en partie contesté et boycotté) relÚve 56.7 % de la population se déclarant d'appartenance religieuse musulmane sunnite, 10 % chrétiens catholiques (de rite romain), 6,8 % chrétiens orthodoxes (de rite byzantin), 2,5 % musulmans bektaches, 2,5 % athées, 2,1 % autres et 16,2 % ne se prononçant pas[2].

Toutefois, bon nombre d'Albanais se disent « musulmans » ou « chrétiens » pour des raisons plus identitaires que spirituelles, selon la tradition dominante de leurs familles ou de leurs régions d'origine, car en fait on compte trÚs peu de pratiquants réguliers[3].

Religion en Albanie. Vert et turquoise : traditions musulmanes dominantes (respectivement sunnite et bektache)
Bleu et rouge : traditions chrétiennes dominantes (respectivement catholique et orthodoxe).

Histoire

L'histoire de l'Albanie, de la protohistoire et durant l'Antiquité, est assez riche, mais les déplacements de populations ne permettent pas d'apprécier correctement les formes religieuses anciennes, ou du moins de relier celles connues (comme la religion olympienne) aux monothéismes qui se développent au premier millénaire.

Premiers siÚcles (de l'Úre chrétienne)

Selon la tradition ecclĂ©siastique, le christianisme a Ă©tĂ© introduit au Ier siĂšcle aux populations du territoire correspondant Ă  l’Albanie par saint Paul (ShĂ«n Pali) qui passa en Dalmatie et en Illyricum (Albanie actuelle du nord et centrale) et par l’apĂŽtre AndrĂ© qui prĂȘcha en Épire (Albanie actuelle du sud). Dans son Ă©crit ÉpĂźtre aux Romains, saint Paul dit « J'ai donc propagĂ© la parole du Christ par tous les chemins de JĂ©rusalem » Ă  l'Illyricum[4]. Saint JĂ©rĂŽme (ou JĂ©rĂŽme de Stridon), illyrien de Dalmatie, affirmait explicitement que saint Paul a prĂȘchĂ© la parole du Christ dans l'Illyricum.

Il existait une petite communautĂ© juive en Albanie dans l’AntiquitĂ©, Ă  en juger d’aprĂšs les restes de synagogues dĂ©couvertes Ă  SarandĂ« et VlorĂ«. Il en subsiste aujourd’hui Ă  peu prĂšs 150 reprĂ©sentants. Le premier Ă©vĂȘchĂ© chrĂ©tien, siĂ©geant Ă  DurrĂ«s, date de 58 apr. J.-C ; d’autres s’établirent Ă  Apollonie, Buthrotum (aujourd’hui Butrint) et ShkodĂ«r. Au IVe siĂšcle, onze Ă©vĂȘchĂ©s sont relevĂ©s dans les limites de l’Albanie actuelle : ils Ă©taient essentiellement rĂ©partis sur le littoral urbain grĂ©co-romain et en particulier le long des voies romaines, l’intĂ©rieur semi-autonome continuant Ă  pratiquer un culte polythĂ©iste illyrien avec des divinitĂ©s comme Eni, Medaure, PerĂ«ndi/Prende, Shurdhi ou Verbti/Rrmoria[5]. Le long de la via Egnatia se sont bĂąties des basiliques notamment Ă  Elbasan, Pogradec et Ohrid[5].

Religions médiévales : 395c-1450c

AprĂšs la sĂ©paration dĂ©finitive de l’Empire romain en Occident et Orient en 395, l’Albanie fut administrĂ©e par Constantinople mais Ă©chut, lors de l'Ă©tablissement de la pentarchie ecclĂ©siastique, Ă  l'obĂ©dience de la papautĂ© de Rome. Toutefois, en 732, l’empereur LĂ©on III l’Isaurien, rĂ©agissant contre les archevĂȘques illyriens qui avaient soutenu la condamnation papale du premier iconoclasme, dĂ©tacha de Rome les Ă©vĂȘchĂ©s hellĂ©nophones d’Illyrie et de la GrĂšce continentale pour les rattacher au patriarcat de Constantinople. Aux IXe et Xe siĂšcles, aprĂšs l'arrivĂ©e des Slaves dans les Balkans, la fondation d’évĂȘchĂ©s reprend, dynamisĂ©e par une lutte d’influences entre, d’une part, Église byzantine de Constantinople et d’autre part, l’église bulgare cyrillique de Veliko Tarnovo[5]. Cette concurrence conduit Ă  une christianisation sur des zones non touchĂ©es jusqu’alors, mais la destruction de l’Empire bulgare par l’empereur byzantin Basile II, en 1019, met fin cependant Ă  l’influence du cyrillisme[5]. À partir de cette date, les diocĂšses orthodoxes albanais devinrent suffragants de l’Ohrid avant le rĂ©tablissement des mĂ©tropoles de Dyrrhachion et de Nikopolis, aprĂšs lequel seuls les diocĂšses centraux (Elbasan, KrujĂ«) restĂšrent sous la dĂ©pendance d’Ohrid.

À la suite de la sĂ©paration des Églises d'Orient et d'Occident en 1054 entre l’Église de Rome dĂ©sormais dite catholique et les quatre autres (Constantinople, Antioche, JĂ©rusalem et Alexandrie) dĂ©sormais dites orthodoxes, toute la partie nord de l’Albanie, y compris les rĂ©gions de DurrĂ«s (de rite catholique romain) jusqu’au nord du Kosovo actuel, au sud de la Serbie, et autour de Bar et de Kotor, choisirent l’obĂ©dience de l’Église catholique. AprĂšs la formation de la principautĂ© de DioclĂ©e, la mĂ©tropole de Bar fut crĂ©Ă©e en 1089 et les diocĂšses d’Albanie septentrionale (ShkodĂ«r, Ulcinj) devinrent ses suffragants. NĂ©anmoins, on pouvait y trouver aussi des Ă©glises orthodoxes. Cette division se dĂ©cĂšle encore aujourd’hui dans la diffĂ©rence de styles architecturaux de certains Ă©difices construits Ă  partir de cette date jusqu’à la pĂ©riode ottomane : roman au nord, byzantin au sud[5].

Jusqu’au XIIIe – XIVe siĂšcle et dans le courant du XVIe, l’influence vĂ©nitienne, la fondation de l’archidiocĂšse latin de DurrĂ«s et l’arrivĂ©e des Franciscains (XIIIe s.) vinrent renforcer l’attachement du Nord albanais Ă  l’Église catholique, tandis que le Centre et le Sud de l’Albanie actuelle avaient gardĂ© l’obĂ©dience orthodoxe. À la fin du XVe et au dĂ©but XVIe siĂšcle, les orthodoxes d’Albanie se partagĂšrent entre les obĂ©diences grecque (patriarcat de Constantinople) et bulgare[5].

Albanie ottomane : 1450c-1912

Au mĂȘme moment, l’arrivĂ©e des Ottomans confĂšre des avantages aux mĂŒmins (nouveaux convertis Ă  la foi musulmane) et impose des dĂ©savantages aux dhimmis (non-musulmans, soumis Ă  de lourds impĂŽts comme la djizĂźa et le kharadj, limitĂ©s dans leurs droits juridiques, et devant offrir leur premier-nĂ© mĂąle Ă  l’état turc pour en faire un janissaire). Soumise Ă  cette forte pression Ă©conomique, sociale et morale, presque la moitiĂ© de la population albanaise finit par adopter la religion de l’Empire ottoman pour y Ă©chapper, comme ailleurs dans l’Empire[6].

  • Islam en Albanie (1800–1912) (en)
  • Islam en Albanie (1913–1944) (en)
  • Islam en Albanie (1945–1991) (en)

Albanie contemporaine : 1912-1944c

Au dĂ©but du XXe siĂšcle on compte en Albanie des proportions presque Ă©gales de chrĂ©tiens et de musulmans : 47 % de chrĂ©tiens pour 53 % de musulmans[7]. La communautĂ© musulmane albanaise s’organise sur le plan institutionnel en 1923, sous les auspices du roi Zog Ier[8]. Le CongrĂšs constitutif (36 dĂ©lĂ©guĂ©s, dont 7 Ă©taient aussi des parlementaires) dĂ©cide le remplacement de la langue liturgique arabe par la langue albanaise, l’interdiction du voile et de la polygamie, et la sĂ©paration du califat[9] (aboli l’annĂ©e suivante en Turquie par Mustafa Kemal AtatĂŒrk[10]). Enfin, le Conseil supĂ©rieur de la charia devait ĂȘtre de souche albanaise.

La communautĂ© bektache, courant musulman libĂ©ral, appartenant au bektĂąchĂźsme, ordre derviche soufi proche du chi’isme, s’organise en ordre religieux albanais Ă  Tirana en 1922. Elle est donc enregistrĂ©e sur une colonne Ă  part par les chercheurs[11] puis devient clandestine sous la dictature athĂ©e. Depuis, il n’existe pas de chiffres officiels rĂ©cents sur la population de la communautĂ© bektache mais les anciennes statistiques vont de 150 000 fidĂšles (Kingsley, 1994, p. 85) Ă  200 000 familles[12] (Tomor, 1994) (statistiques de 1912 et 1967). Il semble que les bektaches reprĂ©sentent environ 15 % de la population albanaise[12] soit environ 425 000 personnes.

Les bektaches sont principalement situés :

Albanie communiste : 1944c-1990c

La RĂ©publique populaire socialiste d'Albanie (1944-1991) impose un athĂ©isme d'État, interdit la pratique de toute religion jusqu'en 1990. Tous les lieux de culte sont dĂ©molis, ou reconvertis en espaces civils ; imams et prĂȘtres sont massacrĂ©s et de nombreux fidĂšles mis aux travaux forcĂ©s, notamment pour construire des milliers de blockhaus le long des frontiĂšres et des routes du pays (« mur d'Enver Hoxha Â»). En 1967, l'Albanie se proclame officiellement « premier État athĂ©e du monde »[13].

Depuis 1990

Depuis la chute de la dictature en 1990, outre un retour des religions antĂ©rieures, l’Albanie devient un terrain Ă  conquĂ©rir par de nouveaux groupes religieux, chrĂ©tiens (Ă©vangĂ©liques, mormons ou jĂ©hovistes) et musulmans (chiites, soufis ou salafistes).

De nombreux prĂȘtres et missionnaires catholiques italiens se rendent aussi en Albanie, et de jeunes Albanais Ă  vocation partent Ă©tudier dans les sĂ©minaires outre-Adriatique. L’UniversitĂ© catholique MĂšre Teresa, projet pilotĂ© par le cardinal italien Pio Laghi, est inaugurĂ©e en 2005 Ă  Tirana.

RepĂšres en 2020

Paysage religieux albanais[14] :

Articles connexes

Références

  1. Albanie: le pape à la rencontre d'un catholicisme de résistance ; Persécutions anti-chrétiennes dans le bloc de l'Est (1917-1990) (en)
  2. (en) « The World Factbook », sur cia.gov (consulté le )
  3. Rapper, Gilles de, « Espace et religion : chrĂ©tiens et musulmans en Albanie du Sud », sur revues.org, Études balkaniques. Cahiers Pierre Belon, Association Pierre Belon, (ISBN 2-910860-10-8, ISSN 1260-2116, consultĂ© le ), p. 17–39.
  4. « Le Nouveau Testament, Epitre aux Romains, Epilogue, Le ministĂšre de Paul », dans La Bible de JĂ©rusalem (traduite en français sous la direction de l'École biblique de JĂ©rusalem), Editions du Cerf, , p. 1915.
  5. Collectif, Le Petit FutĂ© Albanie 2012-2013, 3e Ă©d., Paris, Nouvelles Éditions de l'UniversitĂ©, 2012, p. 33.
  6. Arthur de Boutiny, « Qu’est-ce que le « », symbole utilisĂ© pour identifier les chrĂ©tiens d’Irak ? », sur L'Obs, .
  7. E. Barbarić, Albanie, ed. Enrico Voghera, Rome 1905.
  8. Ali Basha, Islami në Shqipëri gjatë shekujve, Tiranë 2000
  9. Kongresi i Muslimanëve në Shqipëri: çështja e kalifatit dhe reformat islamike në Oriente Moderno 2, 1922-1923.
  10. Alban Dignat, « 3 mars 1924 Les députés turcs abolissent le califat », sur herodote.net, (consulté le ).
  11. (fr) « Tomor, plongĂ©e au cƓur d’un pĂšlerinage musulman », Hugo Berriat, Ijsberg Magazine, 8 octobre 2014
  12. Center for Documentation and Information on Minorities in Europe - Southeast Europe (CEDIME-SE) MINORITIES IN SOUTHEAST EUROPE, Bektashis of Albania
  13. (en) Robert Elsie, A Dictionary of Albanian Religion, Mythology, and Folk Culture, Londres, C. Hurst & Co. Publishers, , 357 p. (ISBN 978-1-85065-570-1, présentation en ligne), p. 18.
  14. (en) « Research and data from Pew Research Center », sur Pew Research Center (consulté le ).
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