Rafael de Valenzuela y Urzaiz
Rafael de Valenzuela y Urzaiz (Saragosse, 1881 - Tafersit, 1923) Ă©tait un militaire espagnol, commandant en chef de la LĂ©gion.
Rafael de Valenzuela y Urzaiz | ||
Surnom | Novio de la muerte (« Fiancé de la mort ») |
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Naissance | , Saragosse |
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DĂ©cĂšs | (Ă 41 ans) Tafersit (Protectorat espagnol au Maroc) Mort au combat |
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Allégeance | Monarchie espagnole | |
Arme | Armée de terre | |
Grade | Lieutenant-colonel | |
AnnĂ©es de service | 1900 â juin 1923 | |
Commandement | LĂ©gion espagnole | |
Conflits | Guerre du Rif | |
Faits d'armes | Prise de Peña Tahuarda | |
Distinctions |
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Hommages | Bataillon de la Légion baptisé à son nom | |
Famille | JoaquĂn MarĂa Valenzuela y AlcĂbar-JĂĄuregui (fils) | |
Homme cultivĂ©, Valenzuela choisit le mĂ©tier des armes et accomplit la quasi-totalitĂ© de sa carriĂšre au Maroc, oĂč la guĂ©rilla rifaine dâAbdelkrim menait alors la vie dure aux troupes espagnoles. NommĂ© Ă la tĂȘte de la LĂ©gion en 1922, il fut chargĂ© en juin de l'annĂ©e suivante, dans le cadre dâopĂ©rations de consolidation des positions espagnoles Ă la suite du dĂ©sastre dâAnoual deux ans plus tĂŽt, de sâemparer de certaine butte non loin de Tafersit, en terrain pĂ©rilleux. Si lâopĂ©ration rĂ©ussit finalement, notamment grĂące Ă la bravoure personnelle de Valenzuela, celui-ci cependant y laissa la vie. Francisco Franco lui succĂ©da Ă la tĂȘte de la LĂ©gion.
Biographie
Jeunes années, formation et début de carriÚre
Rafael de Valenzuela suivit ses Ă©tudes secondaires au collĂšge jĂ©suite El Salvador (littĂ©r. le Sauveur) de Saragosse, oĂč il obtint dâexcellentes notes. Humaniste et polyglotte â il parvint Ă maĂźtriser, outre lâespagnol, les langues française, anglaise, allemande, grecque ancienne et latine, avec une Ă©gale aisance â, il Ă©tait aussi chevalier de l'ordre de Santiago et de la Real Maestranza de CaballerĂa de Saragosse, institution nobiliaire dâĂ©quitation remontant au XIIe siĂšcle.
Inscrit Ă lâAcadĂ©mie dâinfanterie de TolĂšde en , Ă lâĂąge de quinze ans, il en sortit diplĂŽmĂ© trois ans plus tard avec le grade de lieutenant en second (ou enseigne). Au terme dâun bref sĂ©jour dans la mĂ©tropole, il reçut une affectation au Maroc, oĂč allait se dĂ©rouler la plus grande partie de sa carriĂšre militaire.
Dans son Historia de la LegiĂłn española, lâauteur Carlos de Arce Robledo Ă©voque comme suit la figure de Rafael de Valenzuela : « Homme de haute stature et vigoureux, dâune physionomie aux traits affirmĂ©s. FormĂ© dans lâhĂ©roĂŻque corps dâofficiers africain, ayant le cĆur ancrĂ© dans le Rif »[1].
Valenzuela fut nommĂ© commandant en chef de la LĂ©gion espagnole le en remplacement du lieutenant-colonel MillĂĄn-Astray en (ce dernier ayant en effet dĂ» dĂ©missionner par suite de ses dissensions avec les dĂ©nommĂ©es Juntas de Defensa), et arriva Ă Ceuta dĂ©but dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e, pour y prendre son service sur-le-champ[2] - [3].
Guerre du Rif
Le , la LĂ©gion sâĂ©tait rendue maĂźtre de la position de Tizi Azza, prĂšs du port du mĂȘme nom. Cependant, le fortin de Tizi Azza, situĂ© sur une butte entourĂ©e dâun terrain accidentĂ©, Ă©tait dâune dĂ©fense malaisĂ©e, et plus encore, de difficile approvisionnement, celui-ci devant en effet se faire en empruntant une profonde gorge non protĂ©gĂ©e. La configuration du terrain offrait donc un avantage marquĂ© aux rebelles rifains[4], en lâespĂšce ceux de la tribu belliqueuse des Beni Ouriaghel (dont le chef Abdelkrim fut le meneur de la rĂ©volte du Rif et Ă lâorigine Ă lâĂ©tĂ© 1921 du dĂ©sastre dâAnoual, qui coĂ»ta la vie Ă environ douze mille Espagnols), ce qui allait se vĂ©rifier de façon sanglante les 28, 29 et . Face Ă lâencerclement de plus en plus Ă©troit imposĂ© par les Rifains, la LĂ©gion devait sans cesse, Ă coups de baĂŻonnette, garder ouvert le passage pour les convois de ravitaillement Ă destination du fortin et de la casemate BenĂtez.
Valenzuela, promu entre-temps au rang de lieutenant-colonel, se trouvait Ă ce moment en permission Ă Madrid, ce quâil avait mis Ă profit pour sâentretenir avec le roi Alphonse XIII (sa famille rĂ©sidait alors Ă Cordoue). SitĂŽt quâil apprit la nouvelle de la situation Ă©pineuse Ă Tizi Azza, Valenzuela se mit en route et arriva le Ă Tafersit, oĂč il trouva rassemblĂ©s les 1er, 2e et 4e bataillons (banderas) de la LĂ©gion. Le commandant de la colonne espagnole, le colonel Mateo, communiqua Ă Valenzuela avoir reçu des confidences de quelques soldats tombĂ©s au combat suggĂ©rant que les troupes rifaines Ă©taient dĂ©moralisĂ©es et que la victoire serait donc facile, en raison de quoi il ordonna dâoccuper le fort Peña Tahuarda.
Bien que peu convaincu de la vĂ©racitĂ© de telles confidences, Valenzuela considĂ©ra de son devoir de se soumettre Ă lâ« esprit de discipline » â objet du reste dâun article du CrĂ©do lĂ©gionnaire sâĂ©nonçant comme suit : « Vous accomplirez votre devoir, vous obĂ©irez jusquâĂ la mort ». Pour atteindre Peña Tahuarda, position situĂ©e Ă lâouest de Sidi Messaoud, il fallait prĂ©alablement occuper la butte Rouge (en espagnol Loma Roja), la dĂ©valer ensuite sur son versant jusquâĂ une ravine sise au pied de Peña Tahuarda, qui faisait figure de fortification naturelle, et enfin se lancer Ă lâassaut.
Ă lâaube du , la LĂ©gion se prĂ©cipita Ă lâattaque et, au prix dâun combat sanglant, remplit son premier objectif de parvenir Ă la ravine, oĂč toutefois lâavancĂ©e fut stoppĂ©e et oĂč les pertes espagnoles ne cessaient de sâalourdir. La situation, de plus en plus pĂ©nible, menaçait, comme dans les jours prĂ©cĂ©dents, de dĂ©boucher sur un nouvel Ă©chec, lorsque Valenzuela, tenant le bĂ©ret lĂ©gionnaire dans la main gauche et son pistolet dans la main droite, se jeta Ă lâassaut au cri de « Ă moi les valeureux ! Vive la LĂ©gion ! », et, suivi de sa troupe, rĂ©ussit Ă sâemparer du sommet. Cependant, touchĂ© par sept balles lors du combat, Valenzuela avait pĂ©ri dans lâopĂ©ration ; lâaction de rĂ©cupĂ©ration de sa dĂ©pouille menĂ©e le lendemain par ses lĂ©gionnaires coĂ»ta la vie Ă 40 de ses hommes. Laissant Peña Tahuarda en arriĂšre, la troupe sâemploya ensuite Ă prĂ©server Tizi Azza des attaques rifaines.
Ă la suite de la mort de Valenzuela, nombreux furent les impĂ©trants pour lui succĂ©der Ă la tĂȘte de la LĂ©gion, dont entre autres Antonio GarcĂa PĂ©rez[5] et Francisco Franco, successeur logique, qui avait auparavant dĂ©jĂ (en vain) briguĂ© le poste, et dont la candidature fut finalement retenue[6] - [7].
Translation de sa dépouille vers la Métropole
Le corps de Valenzuela fut escortĂ© par des lĂ©gionnaires Ă partir du champ de bataille jusquâĂ Melilla, et de lĂ , en passant par le port de Malaga et par Madrid (oĂč sa famille reçut les condolĂ©ances du roi), jusquâĂ Saragosse, oĂč un public nombreux accompagna le cercueil depuis la gare de chemin de fer jusquâĂ la crypte de la basilique Notre-Dame-du-Pilier, honneur normalement rĂ©servĂ© aux personnalitĂ©s ecclĂ©siastiques[8]. On put lire dans une certaine presse plusieurs articles et Ă©ditoriaux dithyrambiques, dont le passage suivant, paru dans El Telegrama del Rif, est en mesure de donner une idĂ©e :
« Le corps gisant Ă terre de Valenzuela grandit devant les pupilles dilatĂ©es de ses guerriers, Ă la façon dâun tumulus gĂ©ant Ă©rigĂ© Ă ce moment-lĂ , dans la terre inhospitaliĂšre, Ă la grandeur et Ă la douleur de lâEspagne. Câest lui le rempart de ceux qui sur les hauteurs attendent, le souffle haletant, les Ă©lĂ©ments dont ils ont besoin pour conserver immaculĂ© notre prestige[9]. »
DĂ©corations et hommages
En son honneur fut crĂ©Ă© en 1925 le 7e bataillon (VII Bandera), appartenant au Tercio Don Juan de Austria (3e tercio de la LĂ©gion), qui sera en garnison dans les villes de Larache (Maroc, 1939-1956), d'Es-Semara (dans le Sahara occidental, 1956-1976), de Puerto del Rosario (sur lâĂźle de Fuerteventura, dans les Canaries, 1976-1996), et enfin, jusquâĂ aujourdâhui, dans la ville de Viator (province dâAlmerĂa) en Andalousie (depuis 1996). La Bandera a combattu â ou servi dans des opĂ©rations de pacification â au Maroc, Ă Ifni, dans le Sahara occidental, en Bosnie-HerzĂ©govine, au Kosovo, en Irak, en Afghanistan et en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo.
Le lieutenant-colonel Valenzuela se vit conférer, entre autres décorations, la croix de Marie-Christine, la médaille de la Campagne du Maroc, la croix du Mérite militaire avec insigne rouge, et la Médaille militaire individuelle, à titre posthume.
Une rue de Saragosse a été baptisée à son nom et dotée d'une plaque commémorative.
Références
- (es) Carlos de Arce Robledo, Historia de la Legión española, Barcelone, Editorial Mitre, , 237 p. (ISBN 978-8486153663, lire en ligne), p. 177.
- (en) JosĂ© E. Ălvarez, The Betrothed of Death: The Spanish Foreign Legion During the Rif Rebellion, 1920-1927, Westport (Connecticut), Praeger, , 320 p. (ISBN 978-0313306976), p. 103.
- C. de Arce Robledo (1984), p. 159.
- (en) David S. Woolman, Rebels in the Rif : Abd El Krim and the Rif Rebellion, Palo Alto, Stanford University Press, , 257 p. (ISBN 978-0804706643), p. 107.
- (es) Pedro Luis PĂ©rez FrĂas, El Protectorado español en Marruecos : la historia trascendida (collectif, sous la dir. de Manuel AragĂłn Reyes), vol. 3 (Vertiente histĂłrico-polĂtica y militar. La visiĂłn de Antonio GarcĂa PĂ©rez), Bilbao, Iberdrola, coll. « Al-Andalus Magreb: Estudios ĂĄrabes e islĂĄmicos », , 529 p. (ISBN 978-8469582541, lire en ligne), « Las preocupaciones magrebĂes de un militar ilustrado en el primer tercio del siglo xx. La obra de Antonio GarcĂa PĂ©rez sobre Marruecos », p. 455.
- Andrée Bachoud, Franco, ou la réussite d'un homme ordinaire, Paris, Fayard, , 530 p. (ISBN 978-2213027838), p. 57
- (es) Stanley G. Payne et JesĂșs Palacios, Franco : Una biografĂa personal y polĂtica, Barcelone, Espasa, , 813 p. (ISBN 978-84-670-0992-7), p. 62.
- (es) « Zaragoza: Entierro del teniente coronel Valenzuela », ABC, Madrid,â .
- (es) F. de las Cuevas, « La Leyenda revive : la guardia de honor del alma de Valenzuela », El Telegrama del Rif, Melilla, no 7991,â xxii, p. 1 (lire en ligne).
Sources archivistiques
- Colegio El Salvador (Zaragoza)
- Archivo General Militar (SĂ©govie)
- Palacio de Montemuzo (Saragosse) (Archivo-Biblioteca-Hemeroteca)
- Musée de la Légion (Ceuta)
- BibliothĂšque nationale dâEspagne (Madrid)
- Instituto de Historia y Cultura Militar (Madrid)