Rafael SchÀchter
Rafael SchĂ€chter, nĂ© Ă BrÄila (Roumanie) le et mort soit gazĂ© en 1944, soit au cours d'une marche de la mort lors de l'Ă©vacuation du camp de concentration d'Auschwitz en , est un compositeur, pianiste et chef d'orchestre roumano-tchĂ©coslovaque d'origine juive, organisateur de la vie culturelle au camp de concentration de Theresienstadt.
Biographie
Rafael SchĂ€chter est nĂ© en Roumanie, mais a vĂ©cu Ă Brno (TchĂ©coslovaquie) Ă partir de 1919, oĂč il suivit les cours de composition et de piano au Conservatoire, notamment ceux de VilĂ©m Kurz. AprĂšs son dĂ©mĂ©nagement Ă Prague, il achĂšve sa formation de pianiste et bĂ©nĂ©ficie de lâenseignement du chef dâorchestre Pavel DÄdeÄek. En 1934, il travaille auprĂšs dâEmil FrantiĆĄek Burian au ThĂ©Ăątre dâavant-garde DĂ©Äko, puis Ă partir de 1937 avec son propre orchestre d'OpĂ©ra de chambre, il dirige des Ćuvres de musique de chambre baroque mĂ©connues.
AprĂšs lâinvasion de la TchĂ©coslovaquie par Hitler et lâinstauration du protectorat de BohĂšme-Moravie par lâAllemagne nazie, il est contraint de restreindre ses activitĂ©s musicales Ă des concerts privĂ©s et des cours particuliers.
Dâorigine juive, il est victime des persĂ©cutions nazies et dĂ©portĂ© audit âGhettoâ de Theresienstadt (camp de concentration de TerezĂn) le . SchĂ€chter y organisa des spectacles musicaux avec Karel AnÄerl, Gideon Klein, Viktor Ullmann et dâautres, initialement pour renforcer le moral des prisonniers. Un piano fut introduit en contrebande et installĂ© dans les baraques; une chorale fut Ă©galement crĂ©Ă©e. Il sâinvestit dans la reprĂ©sentation de diverses Ćuvres, qu'il accompagnait parfois lui-mĂȘme au piano, notamment des Ćuvres tchĂšques comme ProdanĂĄ nevÄsta et HubiÄka de BedĆich Smetana, ainsi que des Ćuvres de Mozart comme les Noces de Figaro et la FlĂ»te enchantĂ©e. Il fut une des personnes les plus importantes dans la mise en place, dans le âGhettoâ, dâune vie culturelle, initialement interdite puis exploitĂ©e par les Nazis Ă des fins de propagande.
Le , Rafael SchĂ€chter fut dĂ©portĂ© sous le numĂ©ro 943, avec 1 000 autres dĂ©tenus, vers le camp dâAuschwitz. Il succomba ensuite aux marches de la mort lors de l'Ă©vacuation du camp en 1945. Dâautres sources font Ă©tat de son assassinat dans une chambre Ă gaz dâAuschwitz le .
Le souvenir de Rafael SchĂ€chter fut entretenu par des survivants des camps, qui ont reconnu Ă âRafiâ dây avoir crĂ©Ă© une Oasis dâhumanitĂ©, et dâavoir renforcĂ© leur volontĂ© de survivre. Josef Bor Ă©crivit en 1963 le roman TerezinskĂ© rekviem (traduit du tchĂšque en français : Le Requiem de TerezĂn), au sujet du Requiem de Verdi, que SchĂ€chter monta au camp de concentration de TerezĂn.
Le Requiem
Le Requiem de Verdi fut Ă la fois un acte de rĂ©sistance et un temps fort de la vie culturelle du camp de TerezĂn. Rafael SchĂ€chter fut dâemblĂ©e en conflit avec les intellectuels juifs prisonniers du camp, qui souhaitaient monter une Ćuvre de thĂ©matique juive, quâil Ă©tait possible de monter Ă TerezĂn, alors quâelle Ă©tait interdite partout ailleurs. SchĂ€chter Ă©tait convaincu que, mĂȘme au sein du camp, lâintrication des Ćuvres des artistes juifs au sein de la culture occidentale devait pouvoir sâexprimer. En , SchĂ€chter reçut des SS lâordre de diriger le Requiem. Il rĂ©unit un ensemble de 120 choristes et 4 solistes. Juste aprĂšs le succĂšs de la premiĂšre, tous les chanteurs exceptĂ©s le chef dâorchestre et les solistes furent dĂ©portĂ©s Ă Auschwitz et assassinĂ©s dans les chambres Ă gaz. SchĂ€chter reconstitua un chĆur de 120 personnes pour monter Ă nouveau le Requiem. En , quelques semaines aprĂšs la reprĂ©sentation, le chĆur fut de nouveau dĂ©portĂ© vers lâEst. SchĂ€chter fut pour la troisiĂšme fois contraint de recruter des choristes et des musiciens. Ce dernier groupe plus modeste donna 15 reprĂ©sentations.
Les SS demandĂšrent Ă SchĂ€chter dâinterprĂ©ter Ă nouveau le Requiem de Verdi, Ă lâoccasion dâune visite de la commission du ComitĂ© international de la Croix-Rouge le accueillie par les SS, dont Adolf Eichmann, son adjoint Ernst Mösh et Hans GĂŒnther, chef du Bureau central du rĂšglement de la question juive. DâaprĂšs Josef Bor, Eichmann aurait trouvĂ© ironique que les prisonniers juifs chantent eux-mĂȘmes leur propre messe des morts. Le chĆur de SchĂ€chter a notamment interprĂ©tĂ© Dies irae du Requiem de Verdi:
«Jour de colĂšre, ce jour-lĂ rĂ©duira le monde en cendre, David lâatteste, ainsi que la Sibylle. Quelle terreur va venir, quand le juge viendra pour juger tout strictement ! (âŠ) La Mort sera saisie de stupeur, comme la Nature, quand ressuscitera la crĂ©ature, pour comparaĂźtre devant le juge. (âŠ) Donc quand le juge siĂšgera, tout ce qui est cachĂ© apparaĂźtra, rien ne restera impuni.»
Defiant Requiem
En , en mĂ©moire de SchĂ€chter, le chef dâorchestre amĂ©ricain Murry Sidlin rĂ©alisa le documentaire Defiant Requiem, version française Requiem pour la vie (Partisan pictures & Defiant Requiem Foundation : « Je dois raconter lâhistoire dâun hĂ©ros inconnu : Rafael SchĂ€chter, qui fut un chef dâorchestre passionnĂ©, un homme qui prit des risques et qui s'efforça de servir lâhumanitĂ© par la musique ».
Dans le document de Sidlin sâexpriment Edgar et Hana KrĂĄsa, Marianka Zadikow-May, Zdenka FantlovĂĄ, Vera Schiff, Felix Kolmer, Jan & Eva RoÄek, rescapĂ©s du chĆur de SchĂ€chter.
Hommage
En hommage Ă Rafael SchĂ€chter et aux victimes du nazisme, et contre toute forme de discrimination, lâINSPĂ (Institut national supĂ©rieur du professorat et de lâĂ©ducation) de lâacadĂ©mie de Paris propose une reprĂ©sentation du Requiem de Verdi dans la version de Terezin. Ce concert gratuit a lieu le dans le Grand AmphithĂ©Ăątre de la Sorbonne, en partenariat avec la FacultĂ© des Lettres Sorbonne-UniversitĂ© et lâAssociation du MĂ©morial de la Shoah. Le chef-dâĆuvre de Verdi sera interprĂ©tĂ© par les ChĆurs de Paris, accompagnĂ©s de quatre chanteurs solistes, un pianiste et un rĂ©citant qui lira des extraits du roman Le Requiem de Terezin Ă©crit en 1963 par Josef Bor.
Voir aussi
- Liste de compositeurs persécutés pendant le nazisme
- BrundibĂĄr de Hans KrĂĄsa, le spectacle des enfants de TerezĂn
- Kurt Gerron, prisonnier Ă TerezĂn, rĂ©alisateur du film de propagande nazi Theresienstadt sur la visite de la Croix-Rouge, dĂ©portĂ© et mort Ă Auschwitz.
- Pavel Haas