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RĂ©action de Briggs-Rauscher

La réaction oscillante de Briggs-Rauscher est une des quelques réactions oscillantes connues. Elle est particuliÚrement bien adaptée à des fins de démonstration en raison de ses changements de couleur saisissants : la solution fraßchement préparée incolore prend progressivement une couleur ambrée, puis passe tout à coup à un bleu trÚs foncé. Cette coloration s'estompe lentement, la solution redevenant incolore, et le processus se répÚte, une dizaine de fois dans la formulation la plus connue, avant de se terminer par un liquide de couleur bleu foncé avec une forte odeur d'iode.

Oscillogramme fait en juillet 1972 par Briggs et Rauscher.

Histoire

La premiĂšre rĂ©action chimique oscillante connue fut rapportĂ© par W.C. Bray en 1921[1]. Elle mettait en Ɠuvre du peroxyde d'hydrogĂšne (H2O2) et l'ion iodate (IO3−) dans une solution acide. En raison de difficultĂ©s expĂ©rimentales, elle attira peu l'attention et ne convenait pas aux dĂ©monstrations. En 1958, le chimiste soviĂ©tique Boris Pavlovitch Belooussov dĂ©couvre la rĂ©action de Belooussov-Jabotinski (rĂ©action BZ)[2] qui convient pour une dĂ©monstration, mais elle aussi est accueillie avec scepticisme (en grande partie parce que de tels comportements oscillatoires Ă©taient inconnus Ă  cette Ă©poque) jusqu'Ă  ce que A.M. Zhabotinsky, Ă©galement en URSS, en prenne connaissance et, en 1964, publie ses recherches[3]. En , deux articles dans le Journal of Chemical Education[4] - [5], attirent l'attention de deux professeurs de sciences au LycĂ©e GalilĂ©e Ă  San Francisco. Ils dĂ©couvrent alors la rĂ©action oscillante de Briggs-Rauscher[6] en remplaçant le bromate (BrO3−) de la rĂ©action BZ par de l’iodate, en ajoutant aussi du peroxyde d'hydrogĂšne. Ils produisent une dĂ©monstration visuelle frappante en ajoutant de l'empois d'amidon. Depuis, de nombreux autres chercheurs ont ajoutĂ© leur pierre Ă  l’édifice de la connaissance et de l’utilisation de cette rĂ©action trĂšs inhabituelle.

Description

Conditions initiales

La solution aqueuse initiale contient du peroxyde d'hydrogĂšne, un ion iodate, du manganĂšse divalent (Mn2+) comme catalyseur, un acide fort non-chimiquement rĂ©actif (acide sulfurique (H2SO4) ou acide perchlorique (HClO4) conviennent), et un composĂ© organique avec un atome d'hydrogĂšne actif (« Ă©nolique ») attachĂ© Ă  un carbone (l’acide malonique (CH2(COOH)2) par exemple) qui permettra de rĂ©duire lentement l’iode libre (I2) en iodure (I−). De l'empois d'amidon est Ă©ventuellement ajoutĂ© comme indicateur pour montrer l'augmentation brusque de la concentration de l'ion iodure, par un changement soudain de la couleur de la solution de l'ambrĂ© (dĂ» Ă  l'iode) au bleu foncĂ© (le « complexe iode-amidon », ce qui nĂ©cessite Ă  la fois du diiode et de l'iodure)[7].

RĂ©cemment, il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que l’amidon n’est pas seulement un indicateur de la prĂ©sence d’iode dans la rĂ©action[8]. En prĂ©sence d'amidon, le nombre d'oscillations est plus Ă©levĂ© et les durĂ©es de pĂ©riode plus longues par rapport aux mĂ©langes sans amidon. Il a Ă©galement Ă©tĂ© constatĂ© que le segment de la consommation d'iode au cours d'une pĂ©riode d'oscillation est Ă©galement nettement plus long dans les mĂ©langes contenant de l'amidon. Cela suggĂšre que l'amidon joue probablement un rĂŽle de rĂ©servoir pour l'iode et l'iodure en raison de l'Ă©quilibre amidon-triiodure, ce qui modifie la cinĂ©tique des Ă©tapes dans lesquelles interviennent l'iode et l'iodure.

La rĂ©action est « empoisonnĂ©e » par les ions chlorure (Cl−), qui doivent donc ĂȘtre Ă©vitĂ©s. La rĂ©action va osciller dans une gamme de concentrations initiales assez large. Pour les recettes convenant Ă  des fins de dĂ©monstration, voir Shakhashiri[9] ou PrĂ©parations dans les liens externes.

Comportement dans le temps

La rĂ©action montre des changements rĂ©currents pĂ©riodiques, Ă  la fois graduels et soudains, qui sont visibles : changements lents de l'intensitĂ© des couleurs, interrompues par de brusques changements de teinte. Cela dĂ©montre qu'une combinaison complexe de rĂ©actions lentes et rapides se dĂ©roule simultanĂ©ment. Par exemple, le suivi de la concentration en ions iodure avec une Ă©lectrode d’argent/iodure d'argent[6] (voir les vidĂ©os) montre des sauts soudains de plusieurs ordres de grandeur sĂ©parĂ©s par des variations plus lentes. Ceci est reprĂ©sentĂ© par l'oscillogramme ci-dessus. Les oscillations persistent sur une large gamme de tempĂ©ratures. Des tempĂ©ratures plus Ă©levĂ©es accĂ©lĂšrent tout le processus, avec quelques changements qualitatifs observables (voir effet de la tempĂ©rature). L’agitation de la solution pendant toute la rĂ©action permet d’obtenir des changements de couleur nets, sinon des variations spatiales peuvent se dĂ©velopper (voir les vidĂ©os). Des bulles d'oxygĂšne libre Ă©voluent tout au long de la rĂ©action, et dans la plupart des cas, l'Ă©tat final est riche en iode libre.

Variantes

Modification des concentrations initiales

Comme indiqué plus haut, la réaction oscille dans une gamme de concentrations initiales en réactifs assez large[10]. Pour les démonstrations oscillométriques, plus de cycles sont obtenus dans des solutions diluées, qui produisent des changements de couleur plus faibles. Voir par exemple le graphique, qui montre plus de 40 cycles en 8 minutes.

Modification du substrat organique

L'acide malonique peut ĂȘtre remplacĂ© par d'autres molĂ©cules organiques adaptĂ©es[11], telles que l'acĂ©tone (CH3COCH3) ou l'acĂ©tylacĂ©tone(CH3COCH2COCH3). Des substrats plus exotiques peuvent ĂȘtre utilisĂ©s[12] - [13]. Les enregistrements oscillographiques rĂ©sultant montrent souvent des traits distinctifs, par exemple tel que ceux rapportĂ©s par Szalai[14].

RĂ©acteurs Ă  flux continu

La rĂ©action peut ĂȘtre rendue oscillante indĂ©finiment en utilisant un rĂ©acteur Ă  Ă©coulement continu Ă  cuve agitĂ©e (CSTR - continuous flow stirred tank reactor), dans lequel les rĂ©actifs de dĂ©part sont introduits en continu et le liquide en excĂšs est aspirĂ©[15] - [16].

Graphiques dans l'espace des phases Ă  deux dimensions

En omettant l'amidon et en surveillant la concentration en diiode (I2) par photomĂ©trie, c’est-Ă -dire par la mesure de l'absorption d'un faisceau de lumiĂšre adaptĂ© Ă  travers la solution, tout en surveillant simultanĂ©ment la concentration en ion iodure avec une Ă©lectrode sĂ©lective Ă  iodure, on obtient un graphique XY prĂ©sentant une spirale dĂ©formĂ©e. Dans un rĂ©acteur Ă  Ă©coulement continu, cela devient une boucle fermĂ©e (cycle limite).

DĂ©monstration fluorescente

En remplaçant l'amidon par un colorant fluorescent, Weinberg et Muyskens (2007) ont produit une manifestation visible dans le noir sous lumiÚre ultraviolette[17].

Utilisation comme dosage biologique

La rĂ©action a Ă©tĂ© proposĂ©e comme une procĂ©dure de dosage pour les antioxydants dans les aliments[18]. L'Ă©chantillon Ă  tester est ajoutĂ© au dĂ©but des oscillations, la durĂ©e jusqu'Ă  l'arrĂȘt des oscillations est alors proportionnelle Ă  son activitĂ© antioxydante. ComparĂ©e aux mĂ©thodes d'analyse existantes, cette procĂ©dure est rapide et facile, et elle s’effectue au pH de l'estomac humain[19]. Contrairement aux constatations prĂ©cĂ©dentes qui concernaient principalement les composĂ©s polyphĂ©noliques, il a Ă©tĂ© constatĂ© que l’acide salicylique - un simple composĂ© monophĂ©nolique - n’arrĂȘte pas immĂ©diatement les oscillations du mĂ©lange actif de Briggs-Rauscher[20]. À faibles concentrations, l'acide salicyclique n'a fait qu'attĂ©nuer les oscillations, tandis qu'Ă  des concentrations plus Ă©levĂ©es, l'effet d'amortissement Ă©tait beaucoup plus fort et une inhibition complĂšte a finalement Ă©tĂ© observĂ©e[21]. L'acide sulfosalicylique, un dĂ©rivĂ© de l'acide salicyclique, n'a pratiquement pas affectĂ© les oscillations.

Pour une description dĂ©taillĂ©e adaptĂ©e Ă  un niveau d’école supĂ©rieure de chimie, voir PrĂ©paration.

MĂ©canisme chimique

Le mĂ©canisme dĂ©taillĂ© de cette rĂ©action est assez complexe[10] - [22]. NĂ©anmoins, une bonne explication gĂ©nĂ©rale peut ĂȘtre donnĂ©e.

Les caractéristiques essentielles du systÚme dépendent de deux processus clés. Ces processus impliquent chacun de nombreuses réactions qui se produisent simultanément :

  • A ("processus non radicalaire") : La consommation lente de l'iode libre par le substrat d'acide malonique en prĂ©sence d'iodate. Ce processus implique la production intermĂ©diaire de l'ion iodure,
  • B processus radical : un processus rapide auto-catalysĂ© impliquant le manganĂšse et des radicaux libres intermĂ©diaires, convertit le peroxyde d'hydrogĂšne et iodate en iode et oxygĂšne libre. Ce processus peut Ă©galement consommer de l’iodure jusqu'Ă  une vitesse limite.

Mais le procédé B peut fonctionner seulement à de faibles concentrations d'iodure, créant une boucle de rétroaction comme suit:

Initialement, la concentration d'iodure est faible et le processus B gĂ©nĂšre de l’iode libre, qui s’accumule progressivement. Pendant ce temps, le processus A gĂ©nĂšre lentement des ions iodure intermĂ©diaires Ă  partir de l’iode libre Ă  un taux proportionnel Ă  sa concentration (i.e. I2) croissante. À un certain moment, ce processus prend le dessus sur le processus B, arrĂȘtant la production d'iode libre, qui est toujours consommĂ©e par le processus A. Ainsi, la concentration d'iode libre (et donc iodure) peut tomber assez bas pour que le processus B puisse dĂ©marrer Ă  nouveau et le cycle se rĂ©pĂšte tant que les rĂ©actifs originaux subsistent.

Le résultat global de ces deux processus est (encore une fois, approximativement)[6].

IO3− + 2H2O2 + CH2(COOH)2 + H+ → ICH(COOH)2 + 2O2 + 3H2O

Les changements de couleur observĂ©s au cours de la rĂ©action correspondent aux actions des deux processus : la couleur ambrĂ©e qui augmente lentement est due Ă  la production d'iode libre par le processus B. Lorsque le processus B s’arrĂȘte, l'augmentation rĂ©sultante de l'ion iodure permet l’apparition soudaine de la couleur bleue de l'amidon. Mais puisque le procĂ©dĂ© A est toujours actif, celle-ci s’estompe lentement jusqu’à s’effacer. La reprise Ă©ventuelle du procĂ©dĂ© B est invisible, mais peut ĂȘtre rĂ©vĂ©lĂ©e grĂące Ă  une Ă©lectrode adaptĂ©e.

Une boucle de rétroaction négative qui comprend un retard (réalisé ici par le processus A) est un mécanisme général pour la production d'oscillations dans de nombreux systÚmes physiques, mais est trÚs rare dans les systÚmes chimiques homogÚnes non biologiques. La réaction BZ oscillante a une boucle de rétroaction à peu prÚs semblable.

Liens externes

Vidéos

Effet de la température

Préparation

Références

  1. W. C. Bray, « A Periodic Reaction in Homogeneous Solution and Its Relation to Catalysis », J. Am. Chem. Soc., vol. 43, no 6,‎ , p. 1262–1267 (DOI 10.1021/ja01439a007)
  2. Belousov, B. P. (1958), "A Periodic Reaction and Its Mechanism", Sbornik Referatov po Radiatsionni Meditsine, Medgiz, Moscow, p. 145. (transl. in Field and Burger, Op.Cit., below)
  3. (ru) A. M. Zhabotinskii, « ru:ĐŸĐ”Ń€ĐžĐŸĐŽĐžŃ‡Đ”ŃĐșОД ĐŸĐșĐžŃĐ»ĐžŃ‚Đ”Đ»ŃŒĐœŃ‹Đ” рДаĐșцоо ĐČ Đ¶ĐžĐŽĐșĐŸĐč Ń„Đ°Đ·Đ” » [« Periodic oxidation reactions in liquid phase »], Doklady Akademii Nauk SSSR, vol. 157, no 2,‎ , p. 392–393
  4. Field, R. J. (1972), "A Reaction Periodic in Time and Space", J. Chem. Educ., 49, 308.
  5. Degn, Hans (1972), "Oscillating Chemical Reactions in Homogeneous Phase", J. Chem. Educ., 49, 302–307.
  6. Thomas S. Briggs and Warren C. Rauscher (1973), "An Oscillating Iodine Clock", J. Chem. Educ. 50, 496.
  7. J. A. Thoma and D. French, « The Starch-Iodine-Iodide Interaction. Part I. Spectrophotometric Investigations », J. Am. Chem. Soc., vol. 82, no 16,‎ , p. 4144–4147 (DOI 10.1021/ja01501a004)
  8. L. I. Csepei et Cs. Bolla, « Is starch only a visual indicator for iodine in the Briggs-Rauscher oscillating reaction? », Studia UBB Chemia, vol. 60,‎ , p. 187-199 (lire en ligne)
  9. Shakhashiri, B. Z. (1992) Chemical Demonstrations: A Handbook for Teachers of Chemistry Vol. II p. 248–256, University of Wisconsin Press, Madison, WI.
  10. Furrow, S. D. in Field, R. J. and M. Burger(1985), Oscillations and Traveling Waves in Chemical Systems, J. Wiley & Sons, New York.
  11. S. D. Furrow, « Comparison of Several Substrates in the Briggs–Rauscher Oscillating System », J. Phys. Chem., vol. 99, no 28,‎ , p. 11131–11140 (DOI 10.1021/j100028a013)
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  13. Istvan Szalai et Istvan Szalai, « Briggs–Rauscher Reaction with 1,4-Cyclohexanedione Substrate », Z. Phys. Chem., vol. 220, no 8,‎ , p. 1071–1082 (DOI 10.1524/zpch.2006.220.8.1071)
  14. A. Pacault, P. Hanusse, P. De Kepper, C. Vidal and J. Boissonade, « Phenomena in homogeneous chemical systems far from equilibrium », Acc. Chem. Res., vol. 9, no 12,‎ , p. 438–445 (DOI 10.1021/ar50108a003)
  15. Merino, J. M.(1992), "A simple,continuous-flow stirred-tank reactor for the demonstration and investigation of oscillating reactions", J. Chem. Educ. 69, p. 754.
  16. Richard B. Weinberg et Mark Muyskens, « An Iodine Fluorescence Quenching Clock Reaction », J. Chem. Educ., vol. 84,‎ , p. 797 (DOI 10.1021/ed084p797, Bibcode 2007JChEd..84..797W, lire en ligne)
  17. R. Cervellati, K. Höner, Stanley D. Furrow, C. Neddens and S. Costa, « The Briggs–Rauscher Reaction as a Test to Measure the Activity of Antioxidants », Helvetica Chimica Acta, vol. 84, no 12,‎ , p. 3533–3547 (DOI 10.1002/1522-2675(20011219)84:12<3533::AID-HLCA3533>3.0.CO;2-Y)
  18. R. Cervellati, C. Renzulli, M. C. Guerra and E. Speroni, « Evaluation of Antioxidant Activity of Some Natural Polyphenolic Compounds Using the Briggs–Rauscher Reaction Method », J. Agric. Food Chem., vol. 50, no 26,‎ , p. 7504–7509 (DOI 10.1021/jf020578n)
  19. L. I. Csepei et Cs. Bolla, « Study on the Inhibition of Briggs-Rauscher Oscillating Reaction », Studia UBB Chemia,‎ , p. 249 (lire en ligne)
  20. L. I. Csepei et Cs. Bolla, « The Effect of Salicylic Acid on the Briggs-Rauscher Oscillating Reaction », Studia UBB Chemia, vol. 61, no 1,‎ , p. 285 (lire en ligne)
  21. R. M. Noyes and S. D. Furrow, « The oscillatory Briggs–Rauscher reaction. 3. A skeleton mechanism for oscillations », J. Am. Chem. Soc., vol. 104, no 1,‎ , p. 45–48 (DOI 10.1021/ja00365a011)
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