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PyriproxifĂšne

Le pyriproxifÚne, ou éther de 4-phénoxyphényle et de (RS)-2-(2-pyridyloxy)propyle (C20H19NO3 (en)), est la substance active de divers produits phytosanitaires (ou pesticides) et vétérinaires, qui présentent un effet insecticide.

PyriproxifĂšne
Image illustrative de l’article Pyriproxifùne
Représentation de la molécule de pyriproxifÚne
Identification
Nom UICPA Éther de 4-phĂ©noxyphĂ©nyle et de (RS)-2-(2-pyridyloxy)propyle
2-[1-(4-phénoxyphénoxy)propan-2-yloxy]pyridine
Synonymes

Nylar, Cyclio, SumiLarv, S-31183
1-(4'-phénoxyphénoxy)-2-(2'-pyridyloxy) propane

No CAS 95737-68-1
No ECHA 100.102.814
Code ATC QP53AX23
PubChem 91753
ChEBI 39260
Propriétés chimiques
Formule C20H19NO3
Masse molaire[1] 321,369 8 ± 0,018 4 g/mol
C 74,75 %, H 5,96 %, N 4,36 %, O 14,94 %,
Propriétés physiques
T° fusion 48 °C-50 °C[2]
T° ébullition 318 °C[2]

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Cette molécule appartient à la famille chimique des dérivés de pyridines et des « inhibiteurs de croissance » (c'est une « hormone juvénile factice »). Il est trÚs utilisé contre les moustiques[3]

En raison de son Ă©cotoxicitĂ©, ce produit doit ĂȘtre dosĂ© et appliquĂ© avec prudence[4]. Il est soupçonnĂ© depuis peu d'ĂȘtre aussi dĂ©lĂ©tĂšre pour l'embryogenĂšse humaine (il pourrait ĂȘtre responsable de la vague d'anomalies congĂ©nitales cĂ©rĂ©brales (microcĂ©phalies notamment) qui a accompagnĂ© la lutte contre l'infection Ă  virus Zika dans une partie du BrĂ©sil[5] - [6]).

Ce produit a été développé dans les années 1980 par l'entreprise japonaise Sumitomo Chemical.

Aux États-Unis, il est vendu sous le nom commercial Nylar et en Europe en tant que produit vĂ©tĂ©rinaire sous le nom de Cyclio (par Virbac) ou Exil Flea Free TwinSpot (par Emax).

Son utilisation dans les produits phytosanitaires a rapidement été suivie d'apparition de résistances au produit chez certains organismes visés[7] - [8].

En raison de sa toxicité, il n'a pas obtenu d'autorisation de mise sur le marché en tant que pesticide dans certains pays (ex : Allemagne, Autriche et Suisse[7], mais en 2013 il a été autorisé par l'Union Européenne (jusqu'au )[9].

Principe insecticide

Le PyriproxyfĂšne est pour les insectes un leurre hormonal, et plus exactement un analogue de l'hormone juvĂ©nile ; il force la larve Ă  rester Ă  ce stade, en l'empĂȘchant de se mĂ©tamorphoser en imago et d'atteindre la maturitĂ© sexuelle.

On a ensuite constatĂ© qu'il avait aussi une activitĂ© ovicide en affectant la genĂšse de l'embryon[10] quand il est exposĂ© dans l'Ɠuf[11].

Histoire et usages

Le PyriproxyfÚne est un dérivé de la pyridine, une molécule qui s'est montrée en laboratoire toxique pour les arthropodes [7].

Il a Ă©tĂ© introduit aux États-Unis en 1996, dans la culture du cotonnier (contre les larves d'aleurodes), puis a aussi Ă©tĂ© autorisĂ© contre les larves d'autres insectes (moustiques notamment) ou acariens. Comme de nombreux autres pesticides, son utilisation a fait apparaĂźtre des phĂ©nomĂšnes de rĂ©sistance au produit chez certains organismes-cibles rĂ©guliĂšrement exposĂ©s Ă  ce produit).

En France il est notamment utilisé en maraßchage sous serre, par exemple sur la tomate[12].

Il est aussi utilisé préventivement comme antiparasitaire externe chez les carnivores domestiques[13], notamment contre les puces chez les animaux domestiques (par exemple contre la puce du chat[14]), contre un acarien souvent responsable d'otites d'animaux domestiques[15], et il est utilisé conjointement avec la perméthrine contre certains acariens tropicaux

Il a Ă©tĂ© proposĂ© et testĂ© en Afrique comme produit de traitement des moustiquaires dans le cadre de la lutte contre la malaria, afin de contrer l'apparition de rĂ©sistances Ă  d'autres insecticides. Son utilisation n'a pas Ă©tĂ© probante en termes de rĂ©duction du nombre d'Ɠufs ou de larves[16].

AprÚs une « évaluation simplifiée » (en raison du « contexte d'urgence ») il a été proposé (en complément de traitements adulticides) comme produit de traitement des eaux stagnantes en tant que gßtes à moustiques à La Réunion, dans le cadre de la lutte contre les vecteurs du Chikungunya (le moustique Ae. aegypti principalement)[17].
Dix ans plus tard, les évaluations des risques environnementaux faites aux doses réellement trouvées dans l'environnement[18] ont confirmé une forte toxicité du pyriproxyfen pour les daphnies et artémies utilisés par les tests d'écotoxicologie. Cette évaluation a conclu que le pyriproxyfen « peut produire des effets néfastes pour les écosystÚmes aquatiques aux concentrations requises pour contrÎler le moustique Ae. aegypti. »


Suivi

En 2013, sur la base de critĂšres environnementaux et sanitaires, il a figurĂ© parmi les 2316 pesticides-candidats inclus dans la liste proposĂ©e par l'INERIS comme « pesticide Ă©mergent » Ă  suivre dans les eaux de surface (potables ou non) mais parmi 19 pesticides recherchĂ©s dans 500 analyses, il n'a pas Ă©tĂ© trouvĂ© en dose dĂ©tectable[19]. En tant que molĂ©cule Ă  effet hormonal, elle peut cependant ĂȘtre active Ă  trĂšs faible dose.

Inconvénients

Ce produit semble pouvoir affecter les embryons ou larves de trĂšs nombreuses espĂšces, y compris des espĂšces non ciblĂ©es. Quand il est utilisĂ© comme dĂ©moustiquant[20] il doit l'ĂȘtre dans l'eau oĂč il se diffuse facilement, touchant aussi de nombreuses espĂšces jouant un rĂŽle Ă©cologique important, comme les crevettes d'eau douce ou saumĂątre (estuariennes, comme Leander tenuicornis[21] ou d'autres petits crustacĂ©s d'eau douce (ex daphnies[22] pour lesquelles il se montre beaucoup plus toxique que certaines autres molĂ©cules du mĂȘme type (pseudohormone juvĂ©nile) Ă  base de mĂ©thoprĂšne.

Les valeurs DL50 (dose lĂ©tale mĂ©diane) obtenues pour le s-mĂ©thoprĂšne et le pyriproxyfĂšne indiquent qu'il peut y avoir de grandes diffĂ©rences de toxicitĂ© pour la faune non ciblĂ©e entre les divers produits rĂ©gulateurs de croissance chez les insectes. Contrairement au s-mĂ©thoprĂšne, le pyriproxyfĂšne doit ĂȘtre appliquĂ© avec prudence, Ă©tant donnĂ© que la dose lĂ©tale mĂ©diane (DL50), dont la valeur est de seulement 12,25 fois la concentration estimĂ©e dans l'environnement, ne laisse pas une grande marge d'erreur.

Controverses

  • Il peut affecter le dĂ©veloppement d'espĂšces utiles (dont par exemple des prĂ©dateurs d'insectes nuisibles[23] - [24], des espĂšces d'intĂ©rĂȘt commercial comme le ver Ă  soie (bombyx) [25] - [26]. Des scientifiques ont rĂ©cemment confirmĂ© que ce produit pourrait contribuer Ă  la rĂ©gression des abeilles ;
    Selon l'INRA, ce pesticide « raccourcit la durée du développement larvaire, augmente les malformations chez les abeilles émergentes, et diminue la participation aux soins des larves. Finalement les ouvriÚres exposées sont rapidement rejetées de la ruche par leurs congénÚres. On souligne ainsi l'importance d'étudier les effets d'une exposition chronique au stade larvaire dans la prise en compte de l'action des perturbateurs endocriniens sur les colonies d'abeilles »[27].
  • En 2016, des chercheurs brĂ©siliens et des mĂ©decins argentins Ă©voquent l'hypothĂšse d'un lien entre l'utilisation de pyriproxifĂšne pour dĂ©moustiquer des rĂ©servoirs d'eau potable dans l'État de Pernambuco et l'augmentation des cas de microcĂ©phalie observĂ©e dans cette mĂȘme rĂ©gion[5]. Un rĂ©cent (2016) rapport[6] de l'organisation des mĂ©decins argentins conteste que l’augmentation des microcĂ©phalies et de lĂ©sions cĂ©rĂ©brales chez les nouveau-nĂ©s du Pernambuco soit liĂ©e au virus Zika, contrairement Ă  ce qu'a conclu le ministĂšre brĂ©silien de la SantĂ© ; Les auteurs arguent que :
  1. Zika a jusqu'ici et ailleurs toujours été une maladie plutÎt bénigne,
  2. il n'avait jamais Ă©tĂ© associĂ© Ă  des anomalies congĂ©nitales (mĂȘme dans les zones oĂč il infecte 75 % de la population) ;
  3. la Colombie, bien qu'également touchée par une épidémie de Zika n'a pas constaté d'augmentation de ces anomalies ;
  4. le gouvernement brĂ©silien a omis de tenir compte d’une corrĂ©lation Ă©pidĂ©miologique importante : les villes et rĂ©gions oĂč une augmentation spectaculaire des malformations congĂ©nitales (dont la microcĂ©phalie) a Ă©tĂ© observĂ©e en 2014-2015 sont aussi celles qui ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©es par un programme d'État pour ĂȘtre - durant 18 mois - traitĂ©es par Ă©pandage aĂ©rien Ă  l'aide de pyriproxyfĂšne pour Ă©radiquer le moustique tigre, vecteur de la dengue et de l'infection Ă  virus Zika. Ces Ă©pandages ont causĂ© une exposition nouvelle et rĂ©cente de milliers de fƓtus au pyriproxyfĂšne. Or cette molĂ©cule « juvĂ©noĂŻde » est selon ces mĂ©decins connue comme perturbateur endocrinien et pour ĂȘtre tĂ©ratogĂšne (cause des malformations congĂ©nitales). Il a notamment Ă©tĂ© utilisĂ© pour traiter des rĂ©servoirs d’eau potable des villes concernĂ©es et a donc exposĂ© toutes les femmes enceintes buvant l'eau du robinet[28].
  • De leur cĂŽtĂ©, un groupe de mĂ©decins brĂ©siliens (ABRASCO) affirmait dĂ©jĂ  que cette stratĂ©gie de lutte chimique contaminait l'environnement et les humains, sans par ailleurs vraiment diminuer le nombre de moustiques et le risque Ă©pidĂ©mique, qui est bien plus liĂ© aux inĂ©galitĂ©s et Ă  la pauvretĂ©, premiĂšres causes des Ă©pidĂ©mies. Selon l’ABRASCO, cette stratĂ©gie de lutte vectorielle chimique est en fait suscitĂ©e par le lobby de l’industrie des pesticides, trĂšs prĂ©sente dans les ministĂšres latino-amĂ©ricains de la SantĂ© ainsi qu’au sein de l'OMS et du PAHO ; et les pulvĂ©risations massives par avion encore prĂ©vues dans les pays du Mercosur sont inutiles et criminelles. Le rapport ajoute que la derniĂšre stratĂ©gie dĂ©ployĂ©e au BrĂ©sil, et qui pourrait ĂȘtre reproduite dans tous les pays d’AmĂ©rique du Sud a Ă©tĂ© la dispersion de moustiques gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©s (mĂąles stĂ©riles). Selon les auteurs, il s’agit d’un Ă©chec total, sauf pour la sociĂ©tĂ© commerciale qui Ă©lĂšve et fournit les moustiques.
  • Toutefois, un communiquĂ© de l'OMS du rĂ©itĂšre que le pyriproxyfĂšne n'entraine pas la microcĂ©phalie[29].

Références

  1. Masse molaire calculĂ©e d’aprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. https://cdn.who.int/media/docs/default-source/wash-documents/wash-chemicals/pyriproxyfen-background.pdf
  3. Invest, J. F., and Lucas, J. R. 2008. Pyriproxyfen as a mosquito larvicide. In Sixth International Conference on Urban Pests, edited by W. H. Robinson, D. Bajomi, 239–245. Hungary: OOK-Press Kft,Veszprtim.
  4. rasil MinistĂ©rio da SaĂșde (2014). OrientaçÔes tĂ©cnicas para a utilização do larvicida pyriproxyfen (0,5 G) no controle de Aedes aegypti. http://u.saude.gov.br/images/pdf/2014/julho/15/Instru—-es-para-uso-de-pyriproxifen-maio-2014.pdf
  5. « Report from physicians in the crop-sprayed town regarding Dengue-Zika, microcephaly, and massive spraying with chemical poisons », sur Red Universitaria de Ambiante y Salud (consulté le ).
  6. Eintrag in den nationalen Pflanzenschutzmittelverzeichnissen der Schweiz , Österreichs und Deutschlands; abgerufen am 25. Januar 2009.
  7. Devine, G. J., Ishaaya, I., Horowitz, A. R., & Denholm, I. (1999). The response of pyriproxyfen‐resistant and susceptible Bemisia tabaci Genn (Homoptera: Aleyrodidae) to pyriproxyfen and fenoxycarb alone and in combination with piperonyl butoxide. Pesticide science, 55(4), 405-411 (rĂ©sumĂ©).
  8. Directive 2013/5/UE de la Commission du 14 fĂ©vrier 2013 modifiant la directive 98/8/CE du Parlement europĂ©en et du Conseil aux fins de l’inscription du pyriproxyfĂšne en tant que substance active Ă  l’annexe I de ladite directive
  9. Ishaaya, I., & Horowitz, A. R. (1992). Novel phenoxy juvenile hormone analog (pyriproxyfen) suppresses embryogenesis and adult emergence of sweetpotato whitefly (Homoptera: Aleyrodidae). Journal of Economic Entomology, 85(6), 2113-2117.
  10. Royer, C. (1992). Dosage enzymoimmunologique de la Makistérone A. Application à l'étude de l'effet de deux régulateurs de croissance d'insectes sur le développement embryonnaire de la punaise du cotonnier Dysdercus fasciatus(HémiptÚre) ; ThÚse de Doctorat (résumé).
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  12. Beugnet, F. (2004). Antiparasitaires externes chez les carnivores domestiques. EMC-Vétérinaire, 1(4), 138-153 (résumé).
  13. Coudert, P., & Donas, É. (2015). Lutter contre les puces du chien et du chat. ActualitĂ©s Pharmaceutiques, 54(551), 48-50.(rĂ©sumĂ©)
  14. Vandenbroucke, M. P. (2004). Le traitement de l'otacariose chez les carnivores (revue bibliographique et étude expérimentale d'un juvénoïde, le pyriproxyfÚne) (résumé).
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  16. Rolland, M., Corbel, V., Darriet, F., Marcombe, S., Briand, O., Yamada, O.... & Serre, P. (2007). 407/ La lutte antivectorielle dans le cadre de l’épdĂ©mie de Chikungunya sur l’üle de la RĂ©union: Ă©valuation des risques et de l’efficacitĂ© des pro-duits adulticides et larvicides. Bull Soc Pathol Exot, 100(5), 315-369.
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  18. Botta, F., Cruz, J., Devier, M. H., Cren-Olivé, C., Vulliet, E., Lestremau, F.... & Feray, C. (2013, September). Water monitoring of emerging pesticides in France: Organization of a screening study from prioritization to measurements. In Conference on Pesticide Behaviour in Soils, Water and Air
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  25. Clercq, P., Cock, A., Tirry, L., Vinuela, E., & Degheele, D. (1995). Toxicity of diflubenzuron and pyriproxyfen to the predatory bug Podisus maculiventris. Entomologia Experimentalis et Applicata, 74(1), 17-22 (résumé).
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  27. Virus Zika: un insecticide suspectĂ© d'ĂȘtre Ă  l'origine des cas de microcĂ©phalie, l’Express, 13/02/2016.
  28. « Dissiper les rumeurs concernant l'infection à virus Zika et ses complications », sur Organisation mondiale de la Santé (consulté le )

Voir aussi

Article connexe

Liens externes

Bibliographie

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  • Sihuincha, M., Perea, E. Z., Rios, W. O., Stancil, J., Sifuentes, V. L., OrĂ©, C. V., and Devine, G. J. (2005) Potential use of pyriproxyfen for control of Aedes aegypti (Diptera: Culicidae) in Iquitos, Peru. J. Med. Entomol. 42: 620–630
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