Prélude et fugue en fa majeur (BWV 880)
Le Clavier bien tempéré II
Prélude et fugue n°11 BWV 880 Le Clavier bien tempéré, livre II (d) | ||
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Liens externes | ||
(en) Partitions et informations sur IMSLP | ||
(en) La fugue jouée et animée (bach.nau.edu) | ||
Le prélude et fugue en fa majeur, BWV 880 est le 11e couple de préludes et fugues du second livre du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach, compilé de 1739 à 1744.
AprÚs le diptyque précédent en mi mineur, pour le fa majeur, Bach fait se succéder un prélude qui, chose rare, évoque le prélude en mi bémol majeur du premier livre, avec des volutes et tenues organistiques similaires. La fugue à trois voix, dans un rythme de gigue, au contrepoint trÚs libre, emprunte au style du concerto.
Les deux cahiers du Clavier bien tempéré sont considérés comme une référence par nombre de compositeurs et de pédagogues. D'abord recopiés par les musiciens, puis édités au début du XIXe siÚcle, outre le plaisir musical du mélomane, ils servent depuis leur composition à l'étude de la pratique du clavier et à l'art de la composition.
Contexte
Le Clavier bien tempĂ©rĂ© est tenu pour l'une des plus importantes Ćuvres de la musique classique. Elle est considĂ©rĂ©e comme une rĂ©fĂ©rence par Joseph Haydn, Mozart, Beethoven, Robert Schumann, FrĂ©dĂ©ric Chopin, Richard Wagner, CĂ©sar Franck, Max Reger, Gabriel FaurĂ©, Claude Debussy, Maurice Ravel, Igor Stravinsky[1], Charles Koechlin et bien d'autres, interprĂštes ou admirateurs. Hans von BĂŒlow la considĂ©rait non seulement comme un monument prĂ©cieux, mais la qualifiait dâAncien Testament, aux cĂŽtĂ©s des trente-deux sonates de Beethoven, le Nouveau Testament[2].
Les partitions, non publiĂ©es du vivant de l'auteur, se transmettent d'abord par des manuscrits, recopiĂ©es entre musiciens (enfants et Ă©lĂšves de Bach, confrĂšresâŠ) jusqu'Ă la fin du XVIIIe siĂšcle avec dĂ©jĂ un succĂšs considĂ©rable[3]. GrĂące Ă l'Ă©dition, dĂšs le dĂ©but du XIXe siĂšcle, leur diffusion s'Ă©largit. Elles trĂŽnent sur les pupitres des pianistes amateurs et musiciens professionnels, et se donnent au concert, comme Chopin qui en joue pour lui-mĂȘme une page, avant ses apparitions publiques[3]. L'Ćuvre est utilisĂ©e dĂšs Bach et jusqu'Ă nos jours, pour la pratique du clavier mais Ă©galement pour l'enseignement de l'art de la composition ou de l'Ă©criture de la fugue. La musique rĂ©unie dans ces pages est donc Ă©ducative, mais Ă©galement plaisante, notamment par la variĂ©tĂ©, la beautĂ© et la maĂźtrise de son matĂ©riau[4].
Chaque cahier est composé de vingt-quatre diptyques (préludes et fugues) qui explorent toutes les tonalités majeures et mineures dans l'ordre de l'échelle chromatique. Le terme « tempéré » (Gamme tempérée) se rapporte à l'accord des instruments à clavier, qui pour moduler dans des tons éloignés, nécessite de baisser les quintes (le ré bémol se confondant avec le do diÚse)[5], comme les accords modernes. Ainsi l'instrument peut jouer toutes les tonalités. Bach exploite donc de nouvelles tonalités quasiment inusitées de son temps, ouvrant de nouveaux horizons harmoniques[4].
Les prĂ©ludes sont inventifs, parfois proches de l'improvisation, reliĂ©e Ă la tradition de la toccata, de l'invention ou du prĂ©lude arpĂ©gĂ©. Les fugues n'ont rien de la sĂ©cheresse de la forme, que Bach rend expressive. Elles embrassent un riche Ă©ventail de climats, d'Ă©motions, de formes et de structures qui reflĂštent tour Ă tour la joie, la sĂ©rĂ©nitĂ©, la passion ou la douleur et oĂč l'on trouve tout un monde vibrant d'une humanitĂ© riche et profonde[6]. Certaines contiennent plusieurs procĂ©dĂ©s (strette, renversement, canons, etc.), d'autres non, dans une grande libertĂ© et sans volontĂ© de systĂ©matisme, ce qu'il rĂ©serve Ă son grand Ćuvre contrapuntique, L'Art de la fugue, composĂ© entiĂšrement dans une seule tonalitĂ©, le rĂ© mineur[7].
Prélude
Le prélude à cinq voix est noté
et comprend 72 mesures.
Contrairement aux autres prĂ©ludes du recueil, ce qui est remarquable ici, c'est la sonoritĂ© et la plĂ©nitude de sa texture harmonique Ă quatre ou cinq voix, dans un style qui suggĂšre l'Ă©ventuelle existence d'un prĂ©lude pour orgue Ă l'origine de la piĂšce plutĂŽt que le clavicorde[8]. On peut rapprocher ce prĂ©lude de celui en mi bĂ©mol majeur du premier livre, avec ces mĂȘmes tenues organistiques[9].
Fugue
CaractĂ©ristiques 3 voix â , 99 mes. â 9 entrĂ©es du sujet â rĂ©ponse tonale â pas de contre-sujet |
La fugue Ă trois voix, est longue de 99 mesures.
Il est difficile d'imaginer un plus grand contraste avec le prĂ©lude qui prĂ©cĂšde, au caractĂšre reposant, alors que la fugue est enlevĂ©e et joyeuse[10]. Le sujet est constituĂ© de trois sauts chacun un peu plus haut : d'abord deux voltes gracieuses grimpant jusqu'Ă la sixte du ton, puis une sĂ©rie de doubles croches qui atteint l'octave supĂ©rieur, mesure 4, avant de redescendre au fa d'origine. La mesure, notĂ©e d'un rare mouvement de gigue Ă
[11], place le début du sujet non sur une anacrouse, comme pour la fugue en fa diÚse majeur, mais sur un temps fort, aprÚs un silence, ce qui produit un tout autre équilibre rythmique[12].
Les entrées de l'exposition se font soprano, alto, basse, cette derniÚre rentrant dans le registre ténor seulement à la quatorziÚme mesure, alors que la réponse suivante se fait dans le registre de basse (mesure 21). DÚs la mesure 5, Bach introduit un nouveau rythme, abondamment utilisé ensuite, de croche-double[12].
Kirnberger a transmis la seule indication d'interprétation connue, parmi les disciples, sur le Clavier bien tempéré, à propos du sujet de cette fugue : « on devrait le jouer dans un mouvement coulant, légÚrement et sans la moindre pression des doigts »[12]. Kirnberger fait allusion manifeste au clavicorde en parlant de pression[12].
Absent pendant le divertissement central, le sujet revient à la fin à la basse, il présente dans un effet humoristique quatre rebonds au lieu des trois du sujet strict « comme s'il ratait la bonne marche »[11].
La premiĂšre section s'achĂšve mesure 29. Pendant 24 mesures, Bach tait le sujet et joue avec le mĂȘme dessin qui reliait la fin du comes et le retour du sujet mesure 14. Ce n'est qu'Ă la mesure 52 que le sujet est rĂ©exposĂ© au tĂ©nor et la rĂ©ponse Ă la basse est diffĂ©rĂ©e jusqu'Ă la mesure 66, aprĂšs une pĂ©dale de dominante[13].
Dans cette fugue, il n'y a pas de contre-sujet rĂ©gulier, pas de strette, de diminution, augmentation, inversions ou autres artifices contrapuntiques[14], ce qui en fait une Ćuvre hors normes«_âŠ_fort_peu_soucieux_de_procĂ©dĂ©s_contrapuntiques_(et_de_son_sujet_?_absent_durant_un_long_Ă©pisode_central)_»_15-0">[15].
Manuscrits
Les manuscrits considérés comme les plus importants sont de la main de Bach ou d'Anna Magdalena. Ils sont :
- source « A », British Library Londres (Add. MS. 35 021), compilĂ© dans les annĂ©es 1739â1742[16]. Comprend 21 paires de prĂ©ludes et fugues : il manque ut mineur, rĂ© majeur et fa mineur (4, 5 et 12), perdues[16] ;
- source « B », BibliothĂšque d'Ătat de Berlin (P 430), copie datĂ©e de 1744, de Johann Christoph Altnikol[17].
- Début du prélude, Ms. P 430.
- DĂ©but de la fugue, Ms. P 430.
- Fin de la fugue.
Postérité
Théodore Dubois en a réalisé une version pour piano à quatre mains, publiée en 1914[18].
Références
- Dufourcq 1946, p. 217.
- Candé 1984, p. 329.
- Candé 1984, p. 331.
- Nouveau dictionnaire des Ćuvres 1994, p. 1217.
- Dufourcq 1946, p. 222.
- Nouveau dictionnaire des Ćuvres 1994, p. 1218.
- « Philharmonie à la demande - L'Art de la fugue de Johann Sebastian Bach », sur pad.philharmoniedeparis.fr (consulté le )
- Gray 1938, p. 108â109.
- Ledbetter 2002, p. 285.
- Tranchefort 1987, p. 38.
- Sacre 1998, p. 217.
- Keller 1973, p. 178.
- Keller 1973, p. 178â179.
- Gray 1938, p. 109.
- «_âŠ_fort_peu_soucieux_de_procĂ©dĂ©s_contrapuntiques_(et_de_son_sujet_?_absent_durant_un_long_Ă©pisode_central)_»-15" class="mw-reference-text">Sacre 1998, « ⊠fort peu soucieux de procĂ©dĂ©s contrapuntiques (et de son sujet ? absent durant un long Ă©pisode central) », p. 217.
- Tomita 2007, p. X.
- (de) Jean-SĂ©bastien Bach et Johann Christoph Altnikol, Des Wohltemperirten Claviers, Zweiter Theil, besthehend in PrĂŠludien und Fugen durch alle Tone und Semitonien, verfertiget von Johann Sebastian Bach, Königlich Pohlnisch und ChurfĂŒrstl. SĂ€chs. Hoff Compositeur, Capellmeister und Directore Chori Musici In Leipzig. [« Le clavier bien tempĂ©rĂ©, volume 2, ou prĂ©ludes et fugues dans tous les tons et demi-tons, prĂ©parĂ©s par Jean-SĂ©bastien Bach, compositeur de la cour royale de l'Ă©lectorat de Saxe et de la Pologne, maĂźtre de chapelle et directeur de chorale musicale Ă Leipzig »] (lire en ligne [PDF]) (copie manuscrite d'Altnikol publiĂ©e par International Music Score Library Project)
- Johann Sebastian Bach et ThĂ©odore Dubois, Le clavecin bien tempĂ©rĂ©, 48 prĂ©ludes et fugues transcrits 4 mains par ThĂ©odore Dubois, Paris, Ăditions Maurice SĂ©nart et Cie, (lire en ligne), p. 67-71
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- (en) Hugo Riemann (trad. de l'allemand), Analysis of J.S. Bach's Wohltemperirtes clavier [« Katechismus der fugen-komposition = »], vol. 2, Londres, Augener & Co., (1re éd. 1891 (de)), 234 p. (lire en ligne)
- (en) Cecil Gray, Forty-Eight Preludes and Fugues of J.S .Bach, Oxford University Press, , 148 p. (OCLC 603425933, lire en ligne [PDF]), p. 108-110.
- Norbert Dufourcq, La musique des origines à nos jours, Paris, Larousse, , 592 p. (OCLC 851442, BNF 37441761), « Jean-Sébastien Bach et Georg Friedrich Haendel ».
- Karl Geiringer (trad. de l'anglais par Rose Celli), Jean-SĂ©bastien Bach [« Johann Sebastian Bach, the culmination of an area »], Paris, Ăditions du Seuil, coll. « Musiques », (1re Ă©d. 1966(en)), 398 p. (OCLC 743032406, BNF 35199443)
- Hermann Keller, Le clavier bien tempĂ©rĂ© de Johann Sebastian Bach : l'Ćuvre, l'interprĂ©tation, Paris, Bordas, coll. « Ătudes », (1re Ă©d. 1965(de)), 233 p. (OCLC 373521522, prĂ©sentation en ligne, lire en ligne [PDF]), p. 176â179(de)
- (en) Yo Tomita, J. S. Bachâs âDas Wohltemperierte Clavier IIâ : A Study of its Aim, Historical Significance and Compiling Process, Leeds, University of Leeds, (lire en ligne [PDF])
- Laffont â Bompiani, Le Nouveau dictionnaire des Ćuvres de tous les temps et de tous les pays, t. 1 : A-C, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », (rĂ©impr. 1999, 2007), 2e Ă©d. (1re Ă©d. 1980), xxxi-7682 (OCLC 1040804733), « Le Clavecin bien tempĂ©rĂ© », p. 1218.
- (en) Yo Tomita, J. S. Bachâs âDas Wohltemperierte Clavier IIâ : A Critical Commentary, vol. 2 : All the extant manuscripts, Leeds, Household World Publisher, , 1033 p. (lire en ligne [PDF])
- François-RenĂ© Tranchefort (dir.), Guide de la musique de piano et de clavecin, Paris, Fayard, coll. « Les Indispensables de la musique », , 867 p. (ISBN 978-2-213-01639-9, OCLC 17967083, lire en ligne), p. 37â38.
- Guy Sacre, La musique pour piano : dictionnaire des compositeurs et des Ćuvres, vol. I (A-I), Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 2998 p., p. 217.
- Robert Levin (clavecin, clavicorde, orgue et piano-forte) (trad. Anne Paris-Glaser), « Bach, Clavier bien tempĂ©rĂ©, livre II : BWV 870-893 », p. 644â645, HĂ€nssler Edition Bachakademie, vol. (102 Ă ) 117, 2000 (OCLC 705291496).
- (en) David Ledbetter, Bachâs Well-tempered Clavier : the 48 Preludes and Fugues, Yale University Press, , 414 p. (OCLC 5559558992, prĂ©sentation en ligne), p. 329â332.
- (en) David Schulenberg, The keyboard music of J.S. Bach, New York, Routledge, , viiiâ535 (OCLC 63472907, lire en ligne), p. 257â258.
- Yo Tomita, « prĂ©face », dans J.-S. Bach, Clavier bien tempĂ©rĂ©, Livre II, Henle, , xvii-163 (ISMN 979-0-2018-0017-2, lire en ligne), p. IXâXIII
Articles connexes
Liens externes
- Jean-SĂ©bastien Bach, « Le clavier bien tempĂ©rĂ© », vol. II, partitions libres sur lâInternational Music Score Library Project.
- Prélude et fugue en fa majeur [PDF]