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MĂ©lomane

Un mĂ©lomane est, dans le sens courant, un « amateur de musique Â», en particulier de la musique classique. Au sens littĂ©ral, le terme, dĂ©rivant du grec melos (chant mĂ©lodieux, poème lyrique) et mania (folie, manie), dĂ©signe une personne qui nourrit une passion pour l'art lyrique. (Dans le cas de passion exagĂ©rĂ©e pour musique en fait liĂ©e Ă  une pathologie, on parle plutĂ´t d' un musicomane[1]).

Mélomanes à la salle Pleyel en 1896. Sur scène : Camille Saint-Saëns au piano, Pablo de Sarasate au violon solo, Paul Taffanel à la direction d'orchestre

DĂ©finition et connotations

Le terme mélomane[2] est interprété selon différentes acceptions, de manière parfois admirative, parfois sarcastique : dans ses Mémoires, Hector Berlioz écrit ainsi que l'« on rencontre de bien tristes exemples de mélomanie chez des êtres que tout semblait devoir garantir des atteintes de cette maladie mentale[3] ».

L'amateur passionné d'opéra se reconnaît volontiers dans ce mot, considéré comme un compliment selon lequel mélomane et « expert » ou « connaisseur » en matière de musique sont synonymes.

Tous les amateurs de musique ne partagent pas cet avis. Pour la musique symphonique, par exemple, certains n'apprécient pas cette expression, à laquelle ils attribuent même un sens négatif. Pour ceux-là, mélomane signifie « tatillon à l'excès », pour ne pas dire franchement « cuistre », « pédant », « ennuyeux », ou encore « arrogant ».

Le parterre vu du poulailler.

Aux yeux de certains amateurs de musique symphonique, les mĂ©lomanes sont certainement passionnĂ©s, mais passionnĂ©s de « laid » non de « beau ». Si les amateurs de beau aiment Ă©couter un concerto s'attachant Ă  dĂ©couvrir les intentions interprĂ©tatives du chef d'orchestre, pardonnant – dans certaines limites – quelques fautes techniques des instrumentistes, les passionnĂ©s de laid au contraire sembleraient se complaire davantage dans la recherche de l'erreur. En somme, le mĂ©lomane donnerait l'impression de se passionner plus pour une fausse note du chanteur (le fameux « couac ») que pour une aria bien chantĂ©e. Cette sensation se dĂ©gage de certaines maisons d'opĂ©ra cĂ©lèbres, au travers du traitement exagĂ©rĂ© donnĂ© par les mĂ©dias Ă  ce genre d'informations, dans lesquelles ces « hyperpassionnĂ©s » de lyrique — qui suivent habituellement le spectacle depuis le « paradis Â» ou « poulailler Â» (le « loggione Â» en Italie) — semblent se tenir aux aguets attendant leur proie, le malheureux chanteur de service, pour le couvrir de sifflets Ă  la première imperfection.

Si sa recherche d'une certaine « jouissance orgasmique » dans l'audition de l'extrême virtuosité vocale d'un air de bravoure lui est d'ailleurs reprochée, il ne fait cependant aucun doute que le mélomane aime et apprécie la grande interprétation lyrique.

Querelles

Musique et politique

Selon une ancienne tradition, le « paradis » offre les places les moins chères de tout le théâtre qui peuvent être des places debout vendues uniquement une demi-heure ou une heure (selon le théâtre) avant la représentation. Les motifs qui poussent les mélomanes à préférer le « paradis » au parterre » ou aux balcons sont multiples. Le paradis, par sa position élevée, proche du plafond (pour cette raison également appelé « poulailler » (« piccionaia » en italien : « pigeonnier » mais également « pagaille ») représente la tribune idéale d'où les mélomanes, juges impitoyables, peuvent dominer – y compris physiquement – tout le théâtre. L'aspect « guerre de tranchée » résulte de la situation politique dans laquelle le combatif peuple des mélomanes se « barricade » pour se préparer au spectacle, armé de sifflets, de « bouh » et de légumes plus ou moins frais, mais à l'inverse de tonnerres d'applaudissements et de fleurs à donner aux artistes considérés comme les plus dignes, selon ce pour quoi ils ont pu dans histoire être payés.

Le dernier aspect de ce choix, et non des moindres, est lié au coût des billets. Il ne s'agit pas de faire allusion à un sens excessif de l'économie qui serait répandu chez les mélomanes, mais au fait qu'un vrai passionné ne se limite pas à assister à un spectacle de temps en temps. Quand un théâtre met à l'affiche une nouvelle œuvre, sa politique peut être d'en voir des versions successives. Ainsi la préférence donnée aux places les plus économiques en plus de l'abonnement, résulte d'un désir de pouvoir être au théâtre de nombreux soirs.

Présence dans les médias

Les médias spécialisés parlent volontiers des mélomanes, avec emphase et à grand bruit, lorsque ceux-ci ont perpétré une de leurs admonestations contre un interprète considéré comme n'étant pas à la hauteur de la situation. La littérature autour de l'opéra regorge d'exemples relatifs à des chanteurs hués, y compris extrêmement célèbres.

Un des Ă©pisodes dĂ©sormais passĂ© Ă  l'histoire concerne la soprano Katia Ricciarelli, qui, en 1986, fut sĂ©vèrement sifflĂ©e par les « loggionisti Â» du Teatro alla Scala de Milan. L'origine des sifflets n'a jamais Ă©tĂ© Ă©claircie entièrement : faute effective de la cantatrice ou rĂ©action de quelques mĂ©lomanes « orthodoxes » voulant « punir » une artiste coupable Ă  leurs yeux d'avoir profanĂ© le noble art lyrique qu'elle incarnait, en Ă©pousant la mĂŞme annĂ©e l'animateur le plus populaire de la tĂ©lĂ©vision italienne.

À une époque plus récente, en 2006, l'abandon soudain de la scène en cours de spectacle par le ténor Roberto Alagna, toujours à la Scala de Milan, lors d'une représentation d'Aïda a provoqué un scandale[4] - [5]. Alagna tenait le rôle du guerrier Radames, et, tout de suite après la célèbre aria Celeste Aida, a quitté la scène de manière spectaculaire à cause des sifflets et des « bouh » de l'incontournable « loggione ». L'évènement a entraîné une longue suite de polémiques entre le chanteur et l'administration de la Scala.

La tradition des sifflets est très ancienne à l'opéra. Les mélomanes ne vénèrent personne : il suffit de se souvenir que sont passés sous leurs fourches caudines nombre d'artistes légendaires. Ainsi Maria Callas quitte également la scène de l'opéra de Rome en 1959 alors qu'elle interprète Norma. D'autres artistes lyriques comme Renata Tebaldi, Luciano Pavarotti, Carlos Kleiber, Claudio Abbado ou Lorin Maazel ont subi les sifflets.

Présence sur Internet

Les mélomanes sont bien présents non seulement au paradis des théâtres mais également sur la toile où ils occupent la place des critiques musicaux des magazines spécialisés ou de la rubrique culture des quotidiens[6].

Annexes

Bibliographie

En français
  • Sociologie
    • Pierre Bourdieu, Questions de sociologie (L'origine et l'Ă©volution des espèces de mĂ©lomanes, p. 155–160), Les Éditions de Minuit, Paris, 1984, 277 p. (ISBN 2-7073-0325-9)
    • Anne-Marie Green (dir.), Les mĂ©tamorphoses du travail et la nouvelle sociĂ©tĂ© du temps libre (Le musical dans sa relation au temps et Ă  l’espace de la quotidiennetĂ©, p. 161–176), L'Harmattan, Paris, 2000, 382 p. (ISBN 2-7384-9288-6)
    • David Ledent, Le mĂ©lomane comme figure de l'individualitĂ©, dans Âż Interrogations ? - Revue pluridisciplinaire en sciences de l’homme et de la sociĂ©tĂ©, n° 2, , Lire en ligne
  • Musique
  • LittĂ©rature

Références

  1. Informations lexicographiques et étymologiques de « musicomane » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.
  2. Voir la définition du Petit Larousse illustré (Lire en ligne)
  3. Hector Berlioz, MĂ©moires 1991, p. 504
  4. Andy Barréjot, « Sifflé, Roberto Alagna quitte la scène de la Scala en plein spectacle », sur www.ladepeche.fr, La Dépêche, (consulté le )
  5. Sophie Torlotin, « Roberto Alagna retrouve sa voix », sur www.rfi.fr, RFI, (consulté le )
  6. Voir, à titre d'exemples, les forums des sites Forum Opéra ou ODB-Opéra

Articles connexes

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