Porte quantique
En informatique quantique, et plus précisément dans le modÚle de circuit quantique (en) de calcul, une porte quantique (ou porte logique quantique) est un circuit quantique élémentaire opérant sur un petit nombre de qubits. Les portes quantiques sont les briques de base des circuits quantiques, comme le sont les portes logiques classiques pour des circuits numériques classiques.
Contrairement à de nombreuses portes logiques classiques, les portes logiques quantique sont « réversibles ». Cependant, il est possible d'effectuer un calcul classique en utilisant uniquement des portes réversibles. Par exemple, la porte de Toffoli réversible peut implémenter toutes les fonctions Booléennes, souvent au prix de devoir utiliser des bits auxiliaires (en). La porte de Toffoli a un équivalent quantique direct, montrant que des circuits quantiques peuvent effectuer toutes les opérations effectuées par les circuits classiques.
Les portes logiques quantiques sont reprĂ©sentĂ©es par des matrices unitaires. Les portes quantiques les plus courantes fonctionnent sur des espaces d'un ou deux qubits, tout comme les portes logiques classiques fonctionnent sur un ou deux bits. Les portes quantiques peuvent ĂȘtre dĂ©crites comme des matrices unitaires de taille , oĂč est le nombre de qubits sur lesquels la porte agit. Les variables sur lesquelles les portes agissent, les Ă©tats quantiques, sont des vecteurs dans dimensions complexes, oĂč est, Ă nouveau, le nombre de qubits de la variable: Les vecteurs de base sont les rĂ©sultats possibles de la mesure, si elle est effectuĂ©e, et un Ă©tat quantique est une combinaison linĂ©aire de ces rĂ©sultats.
Représentation matricielle
Les portes quantiques sont gĂ©nĂ©ralement reprĂ©sentĂ©es par des matrices. Une porte qui agit sur k qubits est reprĂ©sentĂ©e par une matrice unitaire . Les nombres de qubits en entrĂ©e et en sortie de la porte doivent ĂȘtre Ă©gaux. L'action de la porte sur un Ă©tat quantique spĂ©cifique est obtenu en multipliant le vecteur qui reprĂ©sente l'Ă©tat par la matrice qui reprĂ©sente la porte.
La représentation vectorielle d'un qubit unique est
- ,
et la représentation vectorielle de deux qubits est
- ,
oĂč est Ă la base du vecteur reprĂ©sentant un Ă©tat oĂč le premier qubit est dans l'Ă©tat et le second qubit dans l'Ă©tat .
Portes couramment utilisées
Porte de Hadamard (H)
La porte de Hadamard agit sur un seul qubit. Elle transforme l'Ă©tat basique en et l'Ă©tat en , ce qui signifie que la mesure aura la mĂȘme probabilitĂ© de donner 1 ou 0 (c'est-Ă -dire crĂ©e une superposition). Elle reprĂ©sente une rotation de sur l'axe . De maniĂšre Ă©quivalente, c'est la combinaison de deux rotations, sur l'axe des X, suivie par sur l'axe des ordonnĂ©es. Ce qui est reprĂ©sentĂ© par la matrice de Hadamard:
- .
La porte de Hadamard est une version qubit de la transformée de Fourier quantique.
Puisque oĂč I est la matrice identitĂ©, H est en effet une matrice unitaire (en).
Porte Pauli-X (= Porte NOT)
La porte Pauli-X agit sur un seul qubit. Elle transforme en et en . C'est pourquoi elle est parfois appelée bit-flip.
C'est l'Ă©quivalent quantique de la porte NOT des ordinateurs classiques. Elle Ă©quivaut Ă une rotation de la sphĂšre de Bloch autour de l'axe X par radians.
Elle est représentée par la matrice de Pauli X :
Porte Pauli-Y
La porte Pauli-Y agit sur un seul qubit. Elle transforme en et en .
Elle Ă©quivaut Ă une rotation autour de l'axe Y de la sphĂšre de Bloch par radians.
Elle est représentée par la matrice de Pauli Y :
Porte Pauli-Z ()
La porte Pauli-Z agit sur un seul qubit. Elle laisse l'état de base inchangé et transforme en .
Elle équivaut à une rotation autour de l'axe Z de la sphÚre de Bloch par radians. C'est donc un cas particulier de la porte Changement de phase (voir ci-dessous) pour . De ce fait, elle est parfois appelée phase-flip.
Elle est représentée par la matrice de Pauli Z :
Porte Racine carrĂ©e de NON (âNON)
La porte Racine carrée de NON agit sur un seul qubit. Elle est représentée par cette matrice :
L'élévation au carré de cette matrice montre qu'il s'agit bien de la racine carrée d'une Porte NON :
Note : Des portes racines-carrĂ©es peuvent ĂȘtre construites pour toutes les portes. Pour chacune d'elles, il s'agit de la matrice unitaire qui, multipliĂ©e par elle-mĂȘme, donne cette porte. Toutes les fractions d'exposants (racines n-iĂšmes) de toutes les portes peuvent ĂȘtre crĂ©Ă©es selon le mĂȘme principe (Ă©lĂ©vation Ă l'exposant n donnant la matrice d'origine de la porte de rĂ©fĂ©rence).
Les portes Changement de Phase () ou (phase shift gates)
C'est une famille de portes qubit-unique qui laisse l'Ă©tat basique inchangĂ© et transforme en . Cette porte ne modifie pas la probabilitĂ© de mesurer un Ăchec de lâanalyse (SVG (MathML peut ĂȘtre activĂ© via une extension du navigateur)âŻ: rĂ©ponse non valide(«âŻMath extension cannot connect to Restbase.âŻÂ») du serveur «âŻhttp://localhost:6011/fr.wikipedia.org/v1/âŻÂ»âŻ:): |0\rangle ou , mais elle modifie la phase de l'Ă©tat quantique. Ceci Ă©quivaut Ă tracer un cercle horizontal Ă la latitude de radians sur la sphĂšre de Bloch.
oĂč est le dĂ©calage de phase. Quelques exemples courants sont la porte T avec , la porte de phase avec et la porte Pauli-Z avec .
Porte Swap (S)
La porte swap intervertit deux qubits. En respectant les bases , , , , elle est représentée par la matrice :
- .
Racine carrée de la porte Swap ()
La porte effectue la moitiĂ© des chemins de deux qubits swap (interversion). Elle est universelle de sorte que n'importe quelle porte de qubits peut ĂȘtre construite Ă partir de cette seule porte et des portes Ă qubit unique.
- .
Les portes ContrÎlée (cX cY cZ)
Les portes contrĂŽlĂ©e agissent sur 2 qubits ou plus, oĂč un ou plusieurs qubits agissent comme un contrĂŽle pour certaines opĂ©rations. Par exemple, la porte contrĂŽlĂ©e NOT (ou CNOT ou cX) agit sur 2 qubits, et n'effectue l'opĂ©ration NOT sur le second qubit que lorsque le premier qubit est et sinon le laisse inchangĂ©. Elles sont reprĂ©sentĂ©es par la matrice
- .
Plus généralement, si U est une porte qui agit sur des qubits uniques en représentation matricielle
- ,
alors la porte contrÎlée-U est une porte qui fonctionne sur deux qubits de telle sorte que le premier qubit sert de contrÎle. Il relie les états basiques comme suit.
- .
Lorsque U est l'une des matrices de Pauli, Ïx, Ïy, ou Ïz, les termes respectifs "contrĂŽlĂ©e-X", "contrĂŽlĂ©e-Y", ou "contrĂŽlĂ©e-Z" sont parfois utilisĂ©s[1].
La porte CNOT est généralement utilisée dans l'informatique quantique pour générer des états intriqués.
Porte Toffoli (CCNOT)
La porte de Toffoli, appelĂ©e aussi porte CCNOT ou porte Deutsch , est une porte 3-bits, qui est universelle pour le calcul classique. La porte quantique de Toffoli est la mĂȘme porte, dĂ©finie pour 3 qubits. Si les deux premiers bits sont dans l'Ă©tat elle applique une Pauli-X (ou NOT) sur le troisiĂšme bit, sinon elle ne fait rien. C'est un exemple de porte contrĂŽlĂ©e. Puisqu'elle est l'analogue quantique d'une porte classique, elle est complĂštement spĂ©cifiĂ©e par sa table de vĂ©ritĂ©.
Truth table | Matrix form | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Elle peut Ă©galement ĂȘtre dĂ©crite comme la porte qui relie Ă .
Porte Fredkin (CSWAP)
Article principal: la porte de Fredkin (en)
La porte Fredkin (Ă©galement CSWAP ou porte cS ) est une porte 3-bit qui effectue un Ă©change contrĂŽlĂ© (controlled swap). Elle est universelle pour le calcul classique. Elle a la propriĂ©tĂ© utile de conserver les nombres de 0s et de 1s, ce qui dans le modĂšle de la boule de billard (en), signifie qu'il y a le mĂȘme nombre de boules en sortie qu'en entrĂ©e.
Truth table | Matrix form | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Porte Ising (XX)
La porte d'Ising (ou porte XX) est une porte 2-bits qui est implémentée nativement dans certains ordinateurs quantiques à ions piégés[2] - [3]. Elle est définie par
Porte Deutsch ()
La porte Deutsch (ou ) est une porte à 3 qubits. Elle est définie par
Portes Quantiques Universelles
De maniĂšre informelle, un ensemble de portes quantiques universelles est un ensemble de portes qui permet de reprĂ©senter toute opĂ©ration possible sur un ordinateur quantique c'est-Ă -dire que toute opĂ©ration unitaire peut ĂȘtre exprimĂ©e comme une sĂ©quence finie de portes de cet ensemble. ThĂ©oriquement, c'est impossible car le nombre de portes quantiques est indĂ©nombrable, alors que le nombre de sĂ©quences finies d'un ensemble fini est dĂ©nombrable. Mais en pratique, nous avons seulement besoin que toute opĂ©ration quantique puisse ĂȘtre approchĂ©e par une sĂ©quence de portes issues de cet ensemble fini. En outre, pour les transformations unitaires sur un nombre constant de qubits, le thĂ©orĂšme de SolovayâKitaev garantit que cela peut ĂȘtre fait de maniĂšre efficace.
Un ensemble simple de portes quantiques universelles à deux qubits est constitué de la porte de Hadamard , la porte et la porte contrÎlée-NOT (CNOT) [4].
Un ensemble de portes quantiques universelles Ă une seule porte peut Ă©galement ĂȘtre formulĂ© Ă l'aide de la porte Deutsch de trois-qubit qui effectue la transformation[5]
La porte logique classique universelle, la porte de Toffoli, est rĂ©ductible Ă la porte Deutsch, , montrant ainsi que toutes les opĂ©rations logiques classiques peuvent ĂȘtre effectuĂ©es sur un ordinateur quantique universel.
Un autre ensemble de portes quantiques universelles se compose de la porte d'Ising et de la porte Changement de phase (swap gate). Ce sont les ensembles de portes disponibles nativement dans certains ordinateurs quantiques à ions piégés .
Mesure
La mesure semble similaire Ă une porte quantique, mĂȘme si elle n'est pas une porte, parce que la mesure modifie activement la variable observĂ©e. La mesure prend un Ă©tat quantique et le projette sur l'un des vecteurs de base, avec une probabilitĂ© Ă©gale au carrĂ© de la profondeur des vecteurs le long de ce vecteur de base. C'est une opĂ©ration non-rĂ©versible, car elle dĂ©finit l'Ă©tat quantique Ă©gal au vecteur de base qui reprĂ©sente l'Ă©tat mesurĂ© (l'Ă©tat est « rĂ©duit » Ă une valeur singuliĂšre dĂ©finie). Le pourquoi et le comment sont l'objet du problĂšme de la mesure.
Si deux registres quantique diffĂ©rents sont intriquĂ©s (ils ne sont pas linĂ©airement indĂ©pendants), la mesure d'un registre affecte ou rĂ©vĂšle l'Ă©tat de l'autre registre en Ă©crasant partiellement ou entiĂšrement son Ă©tat. Un exemple d'un tel Ă©tat linĂ©aire insĂ©parable est la paire EPR, qui peut ĂȘtre construite avec les portes CNOT et Hadamard, dĂ©crites ci-dessus. Cet effet est utilisĂ© dans de nombreux algorithmes: Si deux variables A et B sont intriquĂ©es au maximum (L'Ă©tat de Bell en est l'exemple le plus simple), une fonction F est appliquĂ©e Ă A tel que A soit mis Ă jour Ă la valeur de F(A), suivie par la mesure de A, alors B sera mesurĂ©e Ă une valeur tel que F(B) = A. De cette façon, la mesure d'un registre peut ĂȘtre utilisĂ©e pour attribuer des propriĂ©tĂ©s Ă d'autres registres. Comme le dĂ©montrent les expĂ©riences sur les inĂ©galitĂ©s de Bell, ce type d'affectation se produit instantanĂ©ment sur n'importe quelle distance.
Circuit de la composition et des états intriqués
Si deux qubits ou plus sont considĂ©rĂ©s comme un seul Ă©tat quantique, cet Ă©tat combinĂ© est Ă©gal au produit tensoriel des qubits constitutifs (le produit de Kronecker en standard). Un Ă©tat intriquĂ© est un Ă©tat qui ne peut pas ĂȘtre tenseur-factorisĂ©e (l'Ă©tat ne peut pas ĂȘtre sĂ©parĂ© en ses qubits constitutifs). Les portes CNOT, Ising et Toffoli sont des exemples de portes qui agissent sur les Ă©tats construit de plusieurs qubits.
Le produit tensoriel de deux portes quantiques n-qubit gĂ©nĂšre la porte qui est Ă©gale Ă deux portes en parallĂšle. Cette porte va agir sur qubits. Par exemple, la porte est la porte de Hadamard () appliquĂ©e en parallĂšle sur 2 qubits. Elle peut ĂȘtre Ă©crite comme
Cette porte "Hadamard parallĂšle Ă deux qubits", lorsqu'elle est appliquĂ©e, par exemple, au vecteur zĂ©ro Ă deux qubits ,crĂ©e un Ă©tat quantique qui a la mĂȘme probabilitĂ© d'ĂȘtre observĂ© dans l'un de ses quatre rĂ©sultats possibles: 00, 01, 10 et 11. On peut Ă©crire cette opĂ©ration:
La probabilité d'observer tout état est la valeur absolue de l'amplitude au carré, ce qui dans l'exemple ci-dessus signifie qu'il y en a un sur quatre pour lequel nous observons l'une des quatre valeurs. (Les amplitudes sont des valeurs complexes, de sorte que leurs carrés ne sont pas toujours positifs.)
Si nous avons un ensemble de N qubits qui sont intriquĂ©s (leur Ă©tat combinĂ© ne peut pas ĂȘtre tenseur-factorisĂ© en une expression de qubits individuels) et si nous souhaitons appliquer une porte quantique sur M < N qubits dans l'ensemble, nous devrons Ă©tendre la porte pour prendre N qubits. Cela peut ĂȘtre fait en combinant la porte avec une matrice d'identitĂ© , de sorte que leur produit tensoriel devienne une porte qui agit sur N qubits. La matrice identitĂ© () est une reprĂ©sentation de la porte qui transformes chaque Ă©tat en lui-mĂȘme (c'est-Ă -dire, ne fait rien du tout). Dans un schĂ©ma de circuit, la porte d'identitĂ© ou la matrice apparaĂźtra comme un simple fil.
Par exemple, la transformée de Hadamard () agit sur un seul qubit, mais si on nourrit, par exemple, le premier des deux qubits qui constituent l'état de Bell intriqué , nous ne pouvons pas écrire cette opération facilement. Nous devons étendre la transformée de Hadamard avec la porte sans effet afin que nous puissions agir sur des états quantiques qui s'étendent sur deux qubits:
La porte peut maintenant ĂȘtre appliquĂ©e Ă n'importe quel Ă©tat Ă deux bits, intriquĂ©s ou non. La porte M applique la transformation de Hadamard sur le 1er qubit et laisse le second intact. Si elle est appliquĂ©e Ă l'Ă©tat de Bell, dans notre exemple, nous pouvons Ă©crire que:
Parce que le nombre d'Ă©lĂ©ments dans les matrices est oĂč est le nombre de qubits sur lesquels les portes agissent, il est impossible de simuler les grands systĂšmes quantiques en utilisant des ordinateurs classiques.
On remarque par ailleurs que l'on peut faire le calcul en restant sous la notation de Dirac, par exemple :
L'histoire
La notation actuelle pour les portes quantiques a été développée par Barenco et coll.[6], en s'appuyant sur la notation introduite par Feynman[7].
Voir aussi
Notes
- M. Nielsen et I. Chuang, Calcul Quantique et l'Information Quantique, Cambridge University Press, 2000
- http://online.kitp.ucsb.edu/online/mbl_c15/monroe/pdf/Monroe_MBL15Conf_KITP.pdf
- http://iontrap.umd.edu/wp-content/uploads/2012/12/nature18648.pdf
- M. Nielsen et I. Chuang, Calcul Quantique et l'Information Quantique, Cambridge University Press, 2016, p. 189; (ISBN 978-1-107-00217-3)
- David Deutsch, « Quantum computational networks », Proc. R. Soc. Lond. A, vol. 425,â , p. 73â90 (DOI 10.1098/rspa.1989.0099, Bibcode 1989RSPSA.425...73D)
- Phys. Rév. Un 52 3457-3467 (1995), DOI 10.1103/PhysRevA.52.3457 10.1103; e-print « quant-ph/9503016 », texte en accÚs libre, sur arXiv.
- R. P. Feynman, "mécanique Quantique" ordinateurs, de l'Optique News, février 1985, 11, p. 11; réimprimé dans les Fondations de la Physique 16(6) 507-531.
Références
- M. Nielsen et I. Chuang, Calcul Quantique et l'Information Quantique, Cambridge University Press, 2000