Plaque commémorative – 1bis rue de la Solidarité, Paris 19ème
Cette plaque commémorative est visible au 1bis, rue de la Solidarité à Paris 19e. Anonyme, son texte rend hommage aux victimes de la Semaine sanglante menée par l’armée versaillaise en mai 1871 contre La Commune de Paris. Elle semble être à la fois la première et la plus ancienne posée sur un mur de la ville à cette fin.
Artiste |
inconnu |
---|---|
Date |
1903 ? |
Commanditaire |
Inconnu |
Type |
Gravure sur marbre |
Localisation | |
Commentaire |
L’histoire de cette plaque reste à écrire |
Protection |
néant |
Coordonnées |
48° 52′ 59″ N, 2° 23′ 23″ E |
Son origine et son histoire restent, pour l’essentiel, inconnues.
Installée le 4 septembre 1903 ?
Le 5 septembre 1903, le journal L'Aurore[1] publie en première page ce court article :
Souvenir
Inscription que l'on peut lire sur une plaque de marbre placée à l'intérieur de la cour d'un hôpital-dispensaire du XIXème arrondissement, 9 rue David d'Angers :
Cette inscription est lisible de la rue, à travers la grille d'entrée. Placée sur un édifice municipal, elle est doublement éloquente.
- La double éloquence de cette plaque résulte de son texte (« mai 1871 ») et de sa date supposée d’installation, la veille, jour anniversaire de la proclamation de la République le 4 septembre 1870.
- Si le terrain et le bâtiment sont des biens municipaux, la Société de l’hôpital-dispensaire du 19e locatrice du lieu[2], était un organisme privé militant (voir ci-dessous le 21 janvier 1902 l'inauguration de l'hôpital-dispensaire).
- L’entrée de l’endroit fut longtemps par le 9 de la rue David d’Angers, murée sans doute après l’extension en 1927 de la rue de la Solidarité limitée jusqu’alors au seul tronçon boulevard Serurier – rue d’Alsace-Lorraine.
Le quartier des carrières d’Amérique en mai 1871
Le quartier des Carrières d’Amérique est situé sur le flanc nord des Buttes-Chaumont.
Les paysages sont fortement marqués par les mines de gypse et leurs carrières souterraines.
- L’enceinte de Thiers clos le quartier au Nord, à l’emplacement des actuels HLM.
- Avec l’extension des limites de Paris au département de la Seine en 1860, ce territoire jusqu’alors terre de la cité de Belleville devient quartier parisien où l’exploitation de mines souterraines est interdite mais l’urbanisation sera tardive
- Dans le cadre des travaux Haussmannien, le Parc des Buttes Chaumont est créé, la rue de Mexico est renommée rue Manin et prolongée.
Éléments sur l’histoire de cette plaque
- Le 29 janvier 1872, M. Allain-Targé, élu du 19ème, saisie le Conseil municipal de Paris d’un problème sanitaire particulièrement grave. « Plusieurs centaines de fédérés ont été fusillés dans les carrières d'Amérique et leurs cadavres ont été enterrés à la hâte. C'est une cause d'insalubrité permanente »[3]. Selon Camille Pelletan, des corps, enfouis aux carrières d’Amérique, réapparaissent en surface en janvier 1872. Une note du conseil municipal de Paris indique : « Au mois de mai dernier, plusieurs centaines de fédérés ont été fusillés dans les carrières d’Amérique, où leurs cadavres ont été enterrés à la hâte. Dès le mois de juin, la chaleur avait développé sur ce point des émanations insalubres. Depuis lors, les terres ont été emportées par les pluies et les cadavres paraissent à la surface du sol. (…) Il en résulte que beaucoup de curieux se portent sur ce point, ce qui donne lieu à une agitation fâcheuse dans le XIXe arrondissement. »[4]
- Le 10 mars 1898[5], Le Rappel publie en première page une tribune intitulée Souvenons-Nous où Charles BOS justifie sa décision de présenter au prochain Conseil municipal une proposition pour l’installation d’une plaque commémorative en « l'honneur des défenseurs de la liberté et de la République ». Rapportant les propos d’un vieux communard, il rappelle les bombardements, les combats, les fusillé.es et les corps provenant d’autres quartiers jetés dans les carrières.Cette décision sera votée mais aussitôt censurée par le Préfet.
- Le 21 janvier 1902[6] Le Rappel rend compte comme de nombreux journaux alors, de « l'inauguration de l'hôpital-dispensaire et du gymnase médical fondés par les comités radicaux-socialistes des quartiers d'Amérique et de la Villette » au 9 rue David d’Angers par Mme Loubet, épouse du Président, le général André, ministre de la guerre ; J.L. de Lanessan, ministre de la marine. L’événement réunit « une foule considérable » ainsi que « Moreau, officier de la Légion d'honneur, maire du XIXe; Garcin, Mosnier, Vivent, adjoints ; Charles Bos, Clovis Hugues, députés ; Rozier, Brard, Paris, conseillers municipaux ; Legry, président du dispensaire, et les membres du conseil d'administration ; Bocquin, Dumontier, etc., le docteur Millien; ... ».
- L’Humanité du 20 avril 1937 cite cette plaque[7]
- Dimanche 23 mai 1937 Rassemblement et inauguration
- L’Oeuvre du 23 mai 1937[8] informe du « rassemblement à la mémoire de 35 citoyens qui ont été tués et enterrés rue de la Solidarité, lors de la semaine sanglante de la Commune de Paris », à l’appel du Comité de Front populaire du 19e et du comité d'entente des sections socialiste et communiste du 19e.
- Le Populaire 24 mai 1937[9] rapporte l’inauguration « d’une plaque célébrant la mémoire des Fédérés qui périrent en cet endroit en 1871 » et la présence de « 2.000 personnes, Touchard et Grésa, députés Magnaval, conseiller municipal, Ducroux, secrétaire du Front Populaire, Chevrier (Droits de l'Homme) et notre camarade Krihiff[10]… La 19e section était aussi représentée par Agostini et Thirion[11] ».
- En septembre 1971[12], La Nouvelle Critique dans le supplément de son 46 numéro publie page 78 une photo, la plus ancienne actuellement connue, prise par Richard Kalvar accompagnée de ces quelques lignes : « Et pour finir, une plaque anonyme, dont personne ne connaît l’origine, une plaque gravée avec un soin méticuleux, dans une cour d’une vielle maison 1bis rue de la Solidarité.»
- Janv/févr 1979[13], Quartiers Libres N° 002 (mensuel local) publie ces quelques lignes en complément d’un joli dessin : « Sur le lieu proche d’un des charniers, tous les ans, en mai, en souvenir des Communards, des gerbes sont déposées devant cette plaque pour que Vive la Commune dans la mémoire populaire. »
- 3ème trimestre 2006[14] Le Bulletin n° 29 de l’association des Amies et amis de la Commune de Paris, l’article La Commune s’expose au bureau de poste de Paris-Belleville évoque cette plaque
- 4ème trimestre 2013[15] Le Bulletin n° 56 de l’association des Amies et amis de la Commune de Paris, l’article Regard sur un quartier paisible est en ligne[16]
- 2 février 2018[17] Cette image est mise ligne sur Wikipedia pour illustrer l’article sur la rue de la Solidarité.
- 17 mai 2023 La plaque, qui avait été déposée par le Pôle archéologique de la Ville de Paris le 14 octobre 2022, est réinstallée au même emplacement.
La Semaine sanglante dans ce quartier
Terre de bombardements, de combats, d’exécutions sommaires et de traques, puis d’enfouissements de corps provenant d’autres quartiers parisiens.
Inventaire des lieux d’inhumation des morts de la Commune de Paris
En 2022, le musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye a réalisé un Inventaire des lieux d’inhumation des morts de la Commune de Paris[18], déposé au Service régional de l’Archéologie d’Île-de-France et au Pôle archéologique de la Ville de Paris. Ces lieux inventoriés sont consultables en ligne[19].
Le bâtiment sur lequel est apposé la plaque est situé au centre d’un triangle formé par les sites 75.009 (Carrières d’Amérique / Rue de la Prévoyance), 75.030 (cimetière de la Villette) et 75.079 (Rue Compans), très proche aussi du 75.099 (Parc des Buttes Chaumont) :
Site 75.009 (Carrières d’Amérique / rue de la Prévoyance)
- 6 juin 1871 : Un rapport de police, rédigé par le chef de la 2e division, indique que mille cadavres ont été ou vont être enterrés aux carrières d’Amérique.
- 12 juillet 1871 : Un total de 630 corps a été exhumé en effet des carrières d’Amérique, ainsi que de « diverses rues », pour être ré-enterrés aux cimetières de la rue Marcadet, de la Villette et de Belleville[20].
- 31 octobre 1871 : Un rapport conservé aux archives de la Préfecture de police de Paris, indique : Il existait dans les Carrière d’Amérique deux fosses, dont j’ai fait reconnaître la situation. Elles se trouvent dans un précipice qu’on appelle « la Cloche » et dont la profondeur atteint 40 mètres. La première, qui a environ 20 mètres de circonférence, renferme 75 cadavres enterrés à une profondeur de 5 mètres et recouverts de chaux. La seconde, dont l’étendue est double, abrite 870 à 875 corps enfouis à une profondeur de six mètres et également recouverts de chaux. Ces fosses qu’aucun signe extérieur ne décèle sont visitées journellement par des femmes qui viennent y pleurer. Elles ont servi à enterrer les morts du 2e secteur, dans lequel d’ailleurs elles sont situées, à 200 mètres environ du bastion 22. On craint qu’elles ne soient l’objet d’un pèlerinage à l’occasion de la Toussaint.Plâtrières dites Carrières d'Amérique en 1852. Ces carrières de gypse étaient situées entre la rue Manin (au nord), la rue de Crimée (à l'Ouest), la rue Mouzaïa (au Sud) et les boulevards des Maréchaux et Serrurier (à l'Est), à Paris. Photographie d'Henri Le Secq.
- 21 janvier 1872 : Un rapport de l’inspecteur général Feydeau signale que « 7 à 800 insurgés » ont été précipités dans un ancien puits des Carrières et recouverts de 3 à 4 mètres de terre et que, par suite de l’éboulement d’une paroi séparant ce puits d’une galerie latérale, « un cadavre se trouve à moitié découvert et on aperçoit les vêtements de quelques autres ».
- 14 mars 1874 : Une note du même chef de la 2e division indique que 800 corps ont été jetés dans une excavation aux Carrière d’Amérique, arrosés d’huile phénique et emmurés – sans doute à la suite de l’incident signalé en juin 1871[21].
- Deux cartes aident à préciser l’emplacement de la cloche signalée par le rapport du 31 octobre 1871 :
- Copie de la feuille 9-5, région N-E de l'Atlas souterrain de la ville de Paris : 75e-76e quartiers, 19e arrondissement, au nord du parc des Buttes-Chaumont et aux alentours de la place du Danube[22]Cette carte non datée mais fin XIXème comporte indiquée manuellement à hauteur de la rue du général Brunet l’indication suivante : "Les gardes nationaux fédérés enterrés ici Mai 1871"
- Atlas des carrières souterraines de Paris feuille 46 bis 1917[23]Les deux fosses « AP et F dans lesquels les corps de 900 fédérés ont été ensevelis en Mais 1871 » sont clairement indiquées en bas à gauche de la carte. Les éditions de 1961[24] et 1986[25] permettent d’en préciser l’endroit au fil de l’urbanisation du quartier.
Site 75.030 (Cimetière de la Villette)
Un rapport du service de la voirie publique de Paris daté du 5 juin 1871 indique que 184 corps ont été enterrés dans ce cimetière[26]. Selon Camille Pelletan, le nombre de cadavres est en réalité beaucoup plus important : « Je crois tenir de très bonne source et pouvoir affirmer le chiffre de 584, qui doit être porté sur les registres », écrit-il.
Site 75.079 (Rue Compans)
Le rapport d’Alfred Feydeau, daté du 12 février 1880 portant état des « exhumations faites après la Commune (1871) des cadavres qui avaient été inhumés sous la voie publique » indique que des corps ont été enterrés rue Compans, « chez M. Virey » et exhumés sans doute en partie après mai 1871[27].
Autres plaques commémorant la mémoire de la Commune de Paris dans le 19ème arrondissement
- En mars 1963 en l’honneur de Zéphirin Camélinat directeur de la Monnaie de Paris durant la Commune de Paris, cette plaque est apposée sur la façade de l'immeuble du 137 rue de Belleville (angle avec la rue Lassus).
- Le 3 avril 2014[28], inauguration d’une plaque en l'honneur des élus du XIXe arrondissement au Conseil de la Commune, apposée à l’intérieur de la mairie d’arrondissement.
- Le 28 mai 2021[29], la municipalité du 19ème inaugurait au Parc des Buttes Chaumont une plaque portant cette inscription :
Notes et références
- « L'Aurore : littéraire, artistique, sociale / dir. Ernest Vaughan ; réd. Georges Clemenceau », sur Gallica, (consulté le )
- Précisions sur la location : - N° 52. CONSEIL MUNICIPAL DE PARIS Compte rendu de la séance du mardi 26 déc. 1899 - Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris Mercredi 10 janvier 1900
- « Journal des débats politiques et littéraires », sur Gallica, (consulté le )
- Camille Pelletan, La Semaine de Mai, Maurice Dreyfous, (lire en ligne)
- « Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux », sur Gallica, (consulté le )
- « Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux », sur Gallica, (consulté le )
- Parti communiste français Auteur du texte, « L'Humanité : journal socialiste quotidien », sur Gallica, (consulté le )
- « L'Œuvre », sur Gallica, (consulté le )
- Parti socialiste SFIO (France) Auteur du texte et Parti socialiste (France) Fédération (Paris) Auteur du texte, « Le Populaire : journal-revue hebdomadaire de propagande socialiste et internationaliste ["puis" socialiste-internationaliste] », sur Gallica, (consulté le )
- K. Knude, « KRIHIFF René », dans Le Maitron, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
- Nicole Racine, « THIRION André dit MARTIN Raymond », dans Le Maitron, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
- « La Nouvelle critique, septembre 1971, n°46 », sur pandor.u-bourgogne.fr (consulté le )
- « Histoire », sur www.des-gens.net (consulté le )
- Le Bulletin n°29 - 3ème trim. 2006 : https://www.commune1871.org/images/PhotothequeAmis/pdf/Bulletin_29.pdf
- Le Bulletin n°56 - 4ème trim. 2013 : https://www.commune1871.org/images/PhotothequeAmis/pdf/Bulletin_56.pdf
- « Regard sur un quartier paisible », sur www.commune1871.org (consulté le )
- « Fichier:Plaque 1 rue de la Solidarite.jpg — Wikipédia », sur commons.wikimedia.org, (consulté le )
- « Un programme d'inventaire archéologique des lieux d'enfouissement des morts de la Commune », sur www.commune1871.org (consulté le )
- Voir https://fnp.huma-num.fr/adws/app/3298f631-53ea-11eb-91f3-dfc85aa511ba/ Important : activer le calque « Inhumations 1870 » (!)
- Stéphanie Sauget, « Enterrer les morts pendant le double siège de Paris (1870-1871) », Revue historique, 2015, 3, n° 675, Tableau 6 p. 581-582, en ligne sur : https://www.cairn.info/revue-historique-2015-3-page-557.htm
- Archives de la Préfecture de Police de Paris, Série Ba, carton 365-2
- https://bibliotheques-specialisees.paris.fr/ark:/73873/pf0000856352/v0001.simple.highlight=carrières%20d'amérique.selectedTab=record
- Voir : https://bibliotheques-specialisees.paris.fr/ark:/73873/pf0000855431/0031/v0001
- Voir : https://bibliotheques-specialisees.paris.fr/ark:/73873/pf0000855431/0032/v0001
- Voir : https://bibliotheques-specialisees.paris.fr/ark:/73873/pf0000855431/0033/v000
- Archives de la Préfecture de Police de Paris, Carton V.Onc.234
- Archives de Paris, dossier 1326W-60
- Voir : https://www.commune1871.org/nos-actualites/vie-de-l-association/141-paris-devoilement-d-une-plaque-en-l-honneur-des-elus-de-la-commune-de-paris-1871-du-xixe-arrondissement
- Voir : https://www.commune1871.org/nos-actualites/vie-de-l-association/1286-des-inaugurations-pour-le-150e-anniversaire