Pivoine de Chine
Paeonia lactiflora
La Pivoine de Chine (Paeonia lactiflora) est une espÚce de plantes herbacées vivaces de la famille des Paeoniaceae, originaire d'Asie centrale et orientale (de l'Est du Tibet en passant par le Nord de la Chine jusqu'à l'Est de la Sibérie).
Description
L'espÚce botanique est une plante herbacée, pérenne, de 70 cm de hauteur, dotée d'une grosse racine[1]. C'est une espÚce trÚs variable.
L'hiver les feuilles disparaissent et seuls persistent les bourgeons au niveau du sol. Les feuilles sont biternées, avec des segments lancéolés ou ovales-lancéolés. Les folioles sont entiÚres ou parfois lobées.
Les fleurs de 8 à 12 cm de diamÚtre sont terminales avec éventuellement en plus des fleurs axillaires. Elles sont pourvues de 4-5 bractées lancéolées, inégales, de 3-4 sépales ovés ou suborbiculaires, de 9 à 13 pétales obovés, blancs ou roses pour l'espÚce sauvage et de couleurs variées chez les plantes cultivées. Les étamines de 15 mm de long ont des filets jaune crÚme. Les carpelles au nombre de 2 à 5 sont verts ou pourpres, en général glabres, et pourvus de stigmates rouges. La floraison a lieu en mai-juin.
Les fruits sont des follicules oblongs-ellipsoĂŻdes.
Ăcologie
La Pivoine de Chine pousse dans les bois et les prairies en Chine du nord (Mongolie-Intérieure, Heilongjiang, Jilin, Liaoning), en Corée, en Mongolie, en Sibérie et au Japon. Elle est aussi largement cultivée dans ces pays.
Elle fut introduite en Angleterre au début du XIXe siÚcle sous forme de cultivars chinois à partir desquels les pépiniéristes français puis américains tirÚrent de nombreuses autres variétés horticoles, répandues actuellement partout dans les jardins des régions tempérées.
Nomenclature et systématique
Synonymes : Paeonia albiflora Pallas; P. chinensis Vilmorin (1870), non Oken (1841); P. sinensis Steudel; P. yui W. P. Fang.
Actuellement, les Chinois dĂ©signent les Paeonia lactiflora par le terme de èèŻ shĂĄoyĂ o.
La premiĂšre mention de ce terme se trouve dans le Shijing, le Livre des Odes, composĂ© du XIe au ve siĂšcle avant notre Ăšre[2]. Il fut longtemps utilisĂ© comme un gĂ©nĂ©rique de pivoine, aussi bien herbacĂ©e qu'arbustive. Ce nâest quâĂ lâĂ©poque des Sui (581-618) que le terme de èèŻ shĂĄoyĂ o a Ă©tĂ© fermement attachĂ© Ă la pivoine herbacĂ©e et celui de çĄäžč mÇdÄn Ă la pivoine arbustive[3].
Mais dâaprĂšs les descriptions actuelles, les pivoines herbacĂ©es chinoises comprennent plusieurs espĂšces (P. obovata, P. emodi, P. lactiflora, P. mairei, etc., voir la classification Paeonia) et ce nâest qu'Ă l'Ă©poque oĂč les Chinois ont commencĂ© Ă prendre connaissance de la notion moderne dâespĂšce botanique, dans la seconde moitiĂ© du XIXe siĂšcle, quâils se sont aperçus quâils devaient sous-catĂ©goriser les shaoyao. Ainsi, furent introduits èèèŻ cao shaoyao pour P. obovata, ć€è±èèŻ duo hua shaoyao pour P. emodi, etc. Seul P. lactiflora garda le titre de èèŻ shaoyao. En 3 000 ans, l'extension du terme n'a donc cessĂ© de se restreindre.
La premiĂšre description scientifique fut faite en 1776, par un botaniste allemand professeur Ă Saint-PĂ©tersbourg, Peter Pallas (1741-1811), qui sur la base dâune pivoine aux fleurs blanches dĂ©couverte dans la province du lac BaĂŻkal, en Russie, dĂ©crivit cette espĂšce sous le nom de Paeonia lactiflora. Mais quelque douze ans plus tard, en 1788, semblant avoir oubliĂ© sa premiĂšre dĂ©nomination, il dĂ©crivit un autre spĂ©cimen sous le nom de Paeonia albiflora[4]. Durant plus dâun siĂšcle, cette derniĂšre appellation sâimposa mais quand lâerreur fut dĂ©couverte la premiĂšre dĂ©nomination fut rĂ©tablie, conformĂ©ment aux conventions de la nomenclature botanique. Pourtant les horticulteurs et les pĂ©piniĂ©ristes eurent beaucoup de mal Ă accepter ce changement et continuĂšrent encore Ă utiliser lâancien terme.
Propriétés[5]
Le constituant principal de la racine de Paeonia lactiflora est un glucoside monoterpénique, la paeoniflorine (en). Les constituants minoritaires sont également d'origine monoterpénique oxypaeoniflorine, paeflorigénone.
Sur le plan pharmacologique, la paeoniflorine est antispasmodique et sédative et comme le paéonol, anti-inflammatoire et inhibitrice de l'agrégation plaquettaire.
Utilisations
Plante médicinale
La Pivoine de Chine est utilisĂ©e comme plante mĂ©dicinale dans la mĂ©decine traditionnelle chinoise, oĂč sa racine pelĂ©e, dĂ©coupĂ©e en tranches est connue en tant que matiĂšre mĂ©dicale sous le nom de Radix Paeonia Alba çœèèŻ pinyin : bĂĄishĂĄoyĂ o. Ses fonctions traditionnelles[6] sont :
- enrichir le sang, consolider le yin ;
- réguler le foie et calmer la douleur.
Les indications sont :
- dysménorrhée ;
- céphalée hypertensive, irritabilité, étourdissement, vertige, acouphÚne ;
- sueurs spontanées ou nocturnes ;
- crampe du mollet, douleur thoracique ou abdominale.
Sous le nom de Radix Paeonia Rubrae, 蔀èèŻ pinyin : chĂŹ shĂĄo yĂ o, la PharmacopĂ©e chinoise (2005) rassemble deux espĂšces, la pivoine de Chine, Paeonia lactiflora Pallas et la pivoine de Veitch, Paeonia veitchii Lynch. La racine collectĂ©e au printemps ou en automne, est sĂ©chĂ©e au soleil puis coupĂ©e en lamelles. Elle est utilisĂ©e crue ou cuite au four. Câest une des drogues traditionnelles les plus utilisĂ©es en Chine. Elle est rĂ©putĂ©e avoir les fonctions suivantes[6] :
- Ă©liminer la chaleur ;
- rafraĂźchir le sang ;
- calmer les douleurs en enlevant la stase de sang et en réduisant le gonflement.
Les indications traditionnelles sont :
- Ă©tat inflammatoire ;
- maladie fébrile, éruption cutanée ;
- aménorrhée, ménorragie.
La pharmacopée japonaise l'utilise comme antispasmodique.
Elle est préconisée aussi dans le traitement de certaines formes du vitiligo[7].
Plante ornementale
La Pivoine de Chine est aussi largement cultivĂ©e comme plante ornementale dans les jardins, avec plusieurs centaines de cultivars. Bon nombre de ces cultivars ont des fleurs doubles et des Ă©tamines modifiĂ©s en pĂ©tales. En Chine, toutefois, elle est moins considĂ©rĂ©e comme une plante ornementale que les cultivars de pivoines arbustives (Paeonia suffruticosa, Paeonia rockii, etc., portant en chinois le nom gĂ©nĂ©rique de mÇdÄn çĄäžč).
Les cultivars peuvent ĂȘtre rĂ©partis en trois groupes:
- Fleur simple : pétales en une seule rangée, étamines fertiles. Ressemble au type sauvage, mais généralement plus grande.
- Fleur japonaise : pétales en rangée simple ou double avec des étamines transformées en staminodes stériles.
- Fleur double : toutes ou la plupart des étamines sont transformées en pétales.
Aspects culturels et historiques
En Chine, les pivoines herbacĂ©es, appelĂ©es en chinois èèŻ shĂĄoyĂ o, ont Ă©tĂ© cultivĂ©es avant tout comme plante mĂ©dicinale. Le second caractĂšre èŻ yĂ o en est venu Ă dĂ©signer par lui-mĂȘme un mĂ©dicament. Les pivoines herbacĂ©es shĂĄoyĂ o nâont commencĂ© Ă ĂȘtre apprĂ©ciĂ©es pour leurs fleurs quâĂ partir des Song (960-1279).
Le professeur Peter Pallas aurait introduit Paeonia lactiflora en Europe aux environs de 1784 mais on n'a aucun témoignage indiquant que la plante aurait servi à produire des cultivars.
Les premiers pieds de Paeonia lactiflora Ă ĂȘtre introduits au Royaume-Uni, grĂące aux efforts de Sir Joseph Banks, furent : âFragransâ aux fleurs trĂšs parfumĂ©es en 1805, âWhitleyiâ aux fleurs doubles blanches en 1808, et âHumeiâ aux fleurs rouge sombre. Ces trois plantes furent largement distribuĂ©es en Europe et sont Ă lâorigine de nombreux cultivars modernes.
Les premiers hybrideurs modernes de pivoine herbacĂ©e furent des Français travaillant dans des villages proches de Paris et Ă Nancy. Nicolas LĂ©mon qui avait une pĂ©piniĂšre Ă Belleville (Ă lâĂ©poque prĂšs de Paris) fut le premier EuropĂ©en Ă produire et vendre des cultivars Ă partir de semis[8]. Il est le crĂ©ateur du cultivar âEdulis Superbaâ (1824), restĂ© trĂšs populaire jusquâĂ aujourdâhui auprĂšs des jardiniers. Modeste GuĂ©rin qui travaillait Ă Charonne rĂ©ussit le premier cultivar de pivoine ayant une touche de jaune. Un autre grand pĂ©oniste du XIXe est FĂ©lix Crousse, de Nancy, crĂ©ateur de « M. Jules Ălie » (1888) aux fleurs rose tendre, Ă©normes et parfumĂ©es, toujours trĂšs demandĂ©. A Nancy encore, Ămile Lemoine fut le premier Ă croiser deux pivoines herbacĂ©es dâorigine diffĂ©rentes : Paeonia lactiflora de Chine et P. wittmannania du Caucase. Deux de ces cultivars âLe Printempsâ et âMai fleuriâ (1905) sont encore disponibles.
Galerie d'images
- Fleur
- Feuille de P. lactiflora 'Couronne d'orâ
Graines Paeonia lactiflora
'White Wings'
Fleur simple.Paeonia lactiflora
'Blaze'Paeonia lactiflora
'Pink Hawaiian Coral'
Fleur double.Paeonia lactiflora
'Mons. Jules Elie'Paeonia lactiflora
'Barrington Bride'
Fleur japonaise.Paeonia lactiflora
'Doreen'Paeonia lactiflora
'Jacques Doriat'Paeonia lactiflora
'Irwin AltmanâPaeonia lactiflora
'Souvenir du GĂ©nĂ©ral GallieniâPaeonia lactiflora
'La PerleâPaeonia lactiflora
'BossuetâPaeonia lactiflora
'Desjardinsâ
Articles connexes
- Mandoline et Pivoines de Chine, peinture de Paul Gauguin
- Paeonia
- Pivoine mĂąle
- Pivoine officinale
- Paeonia suffruticosa, pivoine arbustive ou moutan
Notes et références
- (en) Référence Flora of China : P. lactiflora
- Chant 95 : au printemps, les hommes et les femmes vont cueillir une plante destinĂ©e Ă combattre les mauvais esprits. Le poĂšme a pour refrain : ç¶ćŁ«èć„łăäŒć ¶çžèŹăèŽäč仄ćșè„ Alors les hommes et les femmes se livrent Ă des jeux et s'offrent des pivoines (traduction de Couvreur p102). Couvreur rajoute le commentaire suivant "La pivoine est appelĂ©e 犻è li ts'ao la plante de la sĂ©paration, parce que les anciens avaient coutume de l'offrir au moment des adieux."
- (en) Joseph Needham, Tsuen-Hsuin Tsien, Gwei-Djen Lu, T. Tsuen-Hsuin, Hsing-Tsung Huang, Dieter Kuhn, Francesca Bray, Christian Daniels, Nicholas K Menzies, Christoph Harbsmeier, Nathan Sivin, Peter J Golas, Science and civilisation in China, Cambridge, Cambridge University Press, , 283 p. (ISBN 0-521-08732-5)
- (en) Martin Page, The Gardenerâs Peony, Herbaceous and Tree Peonies, Timber Press,
- Bruneton, J., Pharmacognosie - Phytochimie, plantes mĂ©dicinales, 4e Ă©d., revue et augmentĂ©e, Paris, Tec & Doc - Ăditions mĂ©dicales internationales, , 1288 p. (ISBN 978-2-7430-1188-8)
- UniversitĂ©s de MĂ©decine Traditionnelle Chinoise de Nanjing et Shanghai (trad. du chinois), La pharmacopĂ©e chinoise. Les herbes mĂ©dicinales usuelles.äžèŻćŠ, Paris, Editions You Feng,â , 467 p. (ISBN 978-2-84279-361-6)Traduit et augmentĂ© par Dr You-wa Chen
- (en) Jimi Yoon, Young-Woo Sun et Tae-Heung Kim, « Complementary and Alternative Medicine for Vitiligo », InTech (consulté le )
- (en) Allan Rogers, Peonies, Timber Press, , 296 p.
- Paeonia
- (en) H. Peter Loewer, Fragrant Gardens, Boston, Houghton Mifflin Gardening, , 122 p. (ISBN 978-0-395-88492-8, LCCN 98038756, lire en ligne), p. 48
Liens externes
- (en) Référence Flora of China : Paeonia lactiflora (consulté le )
- (en) Référence Catalogue of Life : Paeonia lactiflora Pall. (consulté le )
- (en) Référence Tropicos : Paeonia lactiflora Pall. (+ liste sous-taxons) (consulté le )
- (fr+en) Référence ITIS : Paeonia lactiflora Pall. (consulté le )
- (en) Référence NCBI : Paeonia lactiflora (taxons inclus) (consulté le )
- (en) Référence GRIN : espÚce Paeonia lactiflora Pall. (consulté le )
- (en) Référence uBio : site déclaré ici indisponible le 7 avril 2023