Pieuvre blanche
LâespĂšce Eledone cirrhosa, ou Pieuvre blanche est une espĂšce d'octopode commune en MĂ©diterranĂ©e occidentale et dans l'Atlantique oriental[1] - [2]. Elle a Ă©tĂ© dĂ©crite en 1798 par Lamarck.
Distribution et habitat
La distribution spatiale des espĂšces par rapport Ă lâenvironnement est essentielle pour une exploitation durable de lâespĂšce[3]. Eledone cirrhosa est une espĂšce exploitĂ©e dans lâAtlantique Nord-Est, la Manche, la mer MĂ©diterranĂ©e et la mer du Nord[4] - [5]. Dans ces milieux, elle se trouve gĂ©nĂ©ralement Ă une profondeur allant de 208 Ă 490 m[6] et peut parfois atteindre 800 m[7] - [8]. Câest Ă©galement une espĂšce rĂ©pandue dans les eaux cĂŽtiĂšres Ă©cossaises oĂč les activitĂ©s de pĂȘche sont intenses[9]. Par ailleurs, son abondance est relativement instable en raison de la pĂȘche[7]. Cependant sa distribution latitudinale varie de 66 Ă 67° N jusqu'Ă une limite indĂ©finie sur les cĂŽtes marocaines[10] - [11]. Eledone cirrhosa est une pieuvre benthique[11] nĂ©ritique, sĂ©dentaire et solitaire[12]. Elle habite les fonds rocheux et vaseux sur le talus de l'Atlantique nord-ouest, le plateau continental et de la mer MĂ©diterranĂ©e[9]. Les espĂšces de la MĂ©diterranĂ©e occidentale habitent les fonds vaseux au niveau du littoral. Dans les eaux Ă©cossaises, les spĂ©cimens sont capturĂ©s dans des fonds sableux , rocheux ou encore boueux[8]. Par ailleurs, Eledone cirrhosa nâa aucun intĂ©rĂȘt commercial dans le nord de l'Europe, la plupart des spĂ©cimens sont commercialisĂ©s sur les marchĂ©s locaux ou exportĂ©es vers les pays mĂ©diterranĂ©ens[9] Cependant dâautres formes benthiques se trouvent Ă©galement sur les rĂ©cifs coralliens peuplant Ă©cosystĂšmes aquatiques[12] - [13].
Description
La pieuvre blanche, Eledone cirrhosa (Lamarck, 1798) a un corps allongĂ© avec une tĂȘte petite Ă©troite et ovoĂŻde, portant des yeux latĂ©raux bien dĂ©veloppĂ©s[8]. Le cerveau d'Eledone cirrhosa dâun point de vue morphologique a trois parties : le cerveau central qui entoure lâĆsophage et situĂ© Ă l'intĂ©rieur de la capsule cartilagineuse. Le systĂšme nerveux des bras et le lobe optique sont situĂ©s Ă l'extĂ©rieur de la capsule cĂ©rĂ©brale. La premiĂšre couche du cerveau est le neurilemme. Câest une capsule conjonctive homogĂšne. La deuxiĂšme couche est de pĂ©rinĂšvre de cellules pĂ©rilemmales. Le cerveau est entourĂ© d'un neurilemme non cellulaire suivi d'une seule couche de cellules pĂ©rilemmales[13]. Eledone cirrhosa possĂšde une couronne de 8 bras sub-Ă©gaux, relativement courts avec une seule rangĂ©e de ventouses sessiles insĂ©rĂ©es sur la face ventrale de chaque bras. LorsquâEledone cirrhosa est au repos, les extrĂ©mitĂ©s des tentacules sont enroulĂ©es sur elles-mĂȘmes[8]. Les bras se divisent prĂšs de la tĂȘte et sont reliĂ©s entre eux par une membrane inter brachiale appelĂ©e ombrelle. Cette membrane se prolonge latĂ©ralement de chaque cĂŽtĂ© du bras jusquâĂ son extrĂ©mitĂ© distale tout en formant un bourrelet bien visible. Le bras a une longueur qui est 2 Ă 3 fois supĂ©rieure Ă celle du corps. Les femelles (800 g) ont un poids supĂ©rieur Ă celui des mĂąles (400 g). Le bras copulateur, prĂ©sent chez le mĂąle, est appelĂ© hectocotyle. Le manteau qui protĂšge la cavitĂ© pallĂ©ale est couvert de nombreuses petites verrues serrĂ©es avec une longueur de 16 cm chez les femelles et de 11 cm chez les mĂąles. Ce manteau renferme deux branchies, les viscĂšres et les organes excrĂ©teurs et reproducteurs et est entourĂ© de muscles puissants qui favorisent sa propulsion. Les ventouses sont comprimĂ©es et Ă©tirĂ©es latĂ©ralement en feuillet et le nombre de feuilles branchiales est de 11. La crĂȘte latĂ©rale est prĂ©sente. La pieuvre blanche peut mesurer environ 50 cm de long et peut avoir une coloration jaunĂątre, orange rougeĂątre ou rouge brunĂątre avec taches de couleur rouille[8]. Le calamus est absent. Le poids en moyenne dâEledone cirrhosa est de 700 g mais dans certains cas il peut atteindre jusquâĂ 2 kg[10] - [14].
Cycle de vie et reproduction
GĂ©nĂ©ralement, lâespĂšce Eledone cirrhosa a une durĂ©e de vie allant de deux Ă trois ans et la maturitĂ© est atteint autour de 18 mois[15] - [16]. Le cycle sexuel est unique et les femelles peuvent se reproduire pendant des jours voire des mois[17]. AprĂšs accouplement avec les mĂąles, les femelles pondent les Ćufs rassemblĂ©s dans des dizaines de grappes. Par la suite, ses Ćufs seront fixĂ©s Ă la voĂ»te de leur taniĂšre. Les femelles vont protĂ©ger les Ćufs. Le temps dâincubation varie avec la tempĂ©rature du milieu. Ă 24 °C, la durĂ©e dâincubation est de 20 Ă 30 jours alors quâĂ 13°C elle est de 100 Ă 120 jours. AprĂšs l'incubation, les Ćufs Ă©closent puis libĂšrent des jeunes en phase planctonique pour une durĂ©e de 15 Ă 20 mois[16]. Ensuite les jeunes ont une croissance rapide mais ils ne seront reproductifs au cours de leurs deuxiĂšmes annĂ©es de croissance[18]. Par ailleurs, la reproduction des Eledone est suivie de leur mort marquant ainsi la fin de leur cycle de vie[15] - [16].
Il s'agit d'une espĂšce gonochorique avec une pĂ©riode de reproduction assez longue car ses stades planctoniques sont retrouvĂ©s toute lâannĂ©e[19]. Lâappareil reproducteur mĂąle est typique et est constituĂ© dâun testicule et dâun pĂ©nis. Chez les femelles, lâappareil reproducteur est constituĂ© des ovaires et des oviductes avec un appareil reproducteur. Morphologiquement il nâest pas Ă©vident de faire une distinction entre les deux sexes. Par ailleurs, chez les individus plus ĂągĂ©es, les mĂąles sont gĂ©nĂ©ralement plus petits que les femelles[10]. Chez le mĂąle, les ventouses ne sont pas uniformes contrairement aux femelles oĂč toutes les ventouses ont une taille uniforme. Toujours chez les mĂąles, le 3e bras dorsal droit comporte un hectocotyle[10]. Ce dernier a pour fonction le transfert des spermatophores du mĂąle Ă lâoviducte de la femelle et la libĂ©ration des spermatozoĂŻdes. Ces spermatozoĂŻdes, stockĂ©s par la femelle, fĂ©condent les Ćufs au fur et Ă mesure de sa ponte. Cependant, la reproduction sera possible Ă partir du poids minimum de 260 g pour les mĂąles et un poids plus Ă©levĂ© pour les femelles. La reproduction est saisonniĂšre et elle coĂŻncide avec le printemps-Ă©tĂ© (de fin mai Ă mi-aoĂ»t), Cependant dans de rares cas, certains individus peuvent se reproduire en avril[18] - [20]. Diverses variables environnementales, notamment la tempĂ©rature, influencent la reproduction dâEledone cirrhosa. Les tempĂ©ratures plus Ă©levĂ©es prolongent la pĂ©riode de reproduction et favorisent un dĂ©veloppement sexuel prĂ©coce[21].
Ăcologie
EspĂšce benthique Ă corps mou vivant sur fonds sableux et vaseux, elle est prĂ©sente dans toute la MĂ©diterranĂ©e[22], et est Ă©galement commune dans l'Atlantique Nord-Est[23]. En MĂ©diterranĂ©e, E. cirrhosa reprĂ©sente une large rĂ©partition bathymĂ©trique avec une frĂ©quence plus Ă©levĂ©e dans les 300 premiers mĂštres[24]. E. cirrhosa est gĂ©nĂ©ralement regroupĂ©e avec Octopus vulgaris et Eledone moschata dans les dĂ©barquements commerciaux en MĂ©diterranĂ©e[16], ce qui rend quasiment impossible l'Ă©valuation des niveaux de capture lâEledone cirrhosa comme indice de biomasse de stock[7]. Eledone cirrhosa a la capacitĂ© de modifier instantanĂ©ment sa couleur et prendre celle du milieu dans lequel elle se trouve[8] afin dâĂ©chapper Ă la prĂ©dation ou de facilement capturer ses proies. Cependant, ses principaux prĂ©dateurs sont les phoques, les otaries et les requins.
Alimentation
Une Ă©tude sur le rĂ©gime alimentaire dâEledone cirrhosa sur les cĂŽtes Nord et Est de la Tunisie montre que ce spĂ©cimen est un carnivore benthique qui se nourrit des crustacĂ©s (principalement des homards, des tourteaux, crabes ou crevettes), des poissons, des cĂ©phalopodes et autres[8]. Cependant les crustacĂ©s restent la proie prĂ©fĂ©rentielle avec un pourcentage de 84%[20]. Les formes juvĂ©niles se nourrissent surtout des crustacĂ©s (les poissons et cĂ©phalopodes sont des proies accidentelles) tandis que les adultes se nourrissent surtout des poissons et autres cĂ©phalopodes avec des frĂ©quences trĂšs importantes[20]. Ezzeddine et al. (2012) ont aussi montrĂ© qu'Eledone cirrhosa changerait de comportement en rapport avec lâĂ©volution de son Ă©tat physiologique. Les adultes dĂ©veloppent des capacitĂ©s leur permettant dâapprĂ©hender des proies Ă mouvement rapide. De plus, le contenu stomacal du mĂąle et de la femelle sont quasiment identiques[20].
PĂȘche
Eledone cirrhosa reprĂ©sente une importante source de commerce dans le bassin mĂ©diterranĂ©en [16] - [25]. Câest lâune des espĂšces de cĂ©phalopode les plus pĂȘchĂ©es. La pĂȘche se fait principalement avec des chaluts de fond [10] - [16]. Les chalutiers opĂšrent Ă des profondeurs comprises entre 100 m et 300 m[20]. Par ailleurs, les piĂšges et des filets fixes peuvent Ă©galement ĂȘtre utilisĂ©s, mais ont moins dâimportance. En Italie, la commercialisation dâEledone cirrhosa reprĂ©sente 17% du volume total des ventes d'Octopodidae[26]. Dans la mer TyrrhĂ©nienne centrale et la mer Ligure, elle reprĂ©sente 50% des dĂ©barquements totaux de produits de mer[27]. La plupart des individus capturĂ©s mesurent moins de 160 mm en longueur du manteau. Par ailleurs, de maniĂšre occasionnelle certains spĂ©cimens de plus grande taille allant jusquâĂ 175 mm sont capturĂ©s en MĂ©diterranĂ©e et dans lâAtlantique[28].
Contamination
Selon les types de parasites, Eledone cirrhosa peut agir comme hĂŽte intermĂ©diaire, paratĂ©nique ou dĂ©finitif[29]. Les nĂ©matodes tels que les ascaris au stade larvaire peuvent ĂȘtre trouvĂ©s enkystĂ©s dans les organes viscĂ©raux et le manteau dâEledone cirrhosa.[30] - [31] Ce cĂ©phalopode reprĂ©sente la principale source dâinfection chez les humains qui survient lorsque les larves de parasites sont ingĂ©rĂ©es lors de consommation des produits de mers crus, marinĂ©s ou insuffisamment cuits[25]. Ils sont de plus en plus consommĂ©s crus en Asie et Ă©galement en Europe[25]. Eledone cirrhosa est une source dâaccumulation de mĂ©taux lourds. Une Ă©tude menĂ©e sur les cĂŽtes françaises de la Manche montre que ce spĂ©cimen est capable dâaccumuler 11 mĂ©taux lourds (Cd, Ag, Fe, Cr, Mn, Pb, V, Zn, Co, Cu et le Ni) principalement au niveau de ses glandes digestives, des cĆurs branchiaux et des reins[29]. Par ailleurs lâacide domoĂŻque a parfois Ă©tĂ© dĂ©tectĂ© dans les glandes digestives d'Eledone cirrhosa. Cet acide est une toxine algale produite naturellement par certaines espĂšces du genre diatomĂ©es (Pseudo-nitzschia). Il est responsable dâune maladie connue sous le nom d'intoxication amnĂ©sique[32], câest ainsi que E. cirrhosa est un vecteur de transfert de lâacide domoĂŻque vers des niveaux trophiques plus Ă©levĂ©s dans le rĂ©seau trophique marin cĂŽtier, et sans exclure les humains[32].
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