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Phryné

Phryné (en grec ancien Φρύνη / Phrýnê, littéralement « crapaud », surnom donné à cause de son teint jaunâtre) est une célèbre hétaïre grecque du IVe siècle av. J.-C.[1]

Phryné
Phryné aux fêtes de Poséidon à Éleusis par Henryk Siemiradzki, peinture de 1882.
Biographie
Naissance
Décès
Nom dans la langue maternelle
Φρύνη
Époque
Activités
Père
Épiclès (d)

Histoire

De son vrai nom Mnésareté[2] (« celle qui se souvient de la vertu »), elle naquit à Thespies, en Béotie, d'un père qui s'appelait Épiclès. Elle se rend à Athènes où elle devient hétaïre. Rapidement, elle a pour amants certains des hommes les plus distingués du moment. Ainsi du sculpteur Praxitèle qui, selon Athénée[3] et Pline l'Ancien[4], l'utilise comme modèle pour son Aphrodite de Cnide. Athénée y ajoute le peintre Apelle, qui l'utilise comme modèle pour son Aphrodite Anadyomène.

Elle est célèbre pour ses tarifs élevés : selon le poète comique Machon[5], elle réclame une mine pour une nuit. Le scholiaste du v. 149 du Ploutos d'Aristophane mentionne le prix extravagant de 10 000 drachmes, soit plus d'un talent. Toujours selon Machon, son tarif varie suivant ses humeurs. Elle accumule de telles richesses que, selon le grammairien Callistrate[6], elle aurait offert de rebâtir les murailles de Thèbes, abattues en par Alexandre le Grand, sous réserve qu'on y grave l'inscription « Détruites par Alexandre, rebâties par Phryné, l'hétaïre ». L'offre aurait été refusée.

Organisatrice d'une confrérie religieuse vouée au culte du dieu thrace Isodaetes, elle est accusée par l'un de ses anciens amants, Euthias, d'introduire une divinité étrangère à Athènes et par là-même de corrompre les jeunes femmes. Au tribunal de l'Héliée[7], la courtisane est défendue par l'orateur Hypéride, l'un de ses amants. Selon notre source principale Athénée de Naucratis[8], Hypéride, sentant la cause perdue, aurait déchiré la tunique de Phryné, dévoilant aux héliastes sa poitrine[9]. Ce spectacle, probablement inhabituel mais non pas impossible en un tel lieu, fut aussitôt complété par une péroraison habile où l'orateur fit valoir la beauté sacrée de l'accusée, peut-être (si l'on en croit Athénée ou sa source) en la parant du titre pompeux d'« interprète et sacristine d'Aphrodite » (ὑποφῆτιν καὶ ζάκορον Ἀφροδίτης)[10]. Hypéride suscita ainsi dans le jury un mélange de pitié et de crainte religieuse (Athénée ne parle pas d'admiration ou de trouble des sens) qui entraîna la clémence : Phryné fut acquittée[11].

Selon Élien[12], les Grecs auraient dressé sur une colonne, à Delphes, une statue en or de Phryné. Athénée[8] précise qu'elle est l'œuvre de Praxitèle et qu'elle porte l'inscription « Phryné, fille d'Épiclès de Thespies ». Plutarque parle également de cette statue comme œuvre de Praxitèle présente dans le sanctuaire d'Apollon à Delphes[13].

Évocations artistiques

Peinture et sculpture

Tête d'Aphrodite « Kaufmann », variante de l'Aphrodite de Cnide dont Phryné aurait été le modèle, v. 150 av. J.-C., musée du Louvre.


Littérature

Dans le monde littéraire, Charles Baudelaire, dans ses poèmes Lesbos et La Beauté, Alexandre Dumas dans Le Comte de Monte-Cristo, ainsi que Rainer Maria Rilke, dans son poème Die Flamingos, se sont inspirés de la beauté et de la réputation de Phryné. Dans son poème La carafe d'eau pure, Saint-Pol-Roux l'invoque comme un accord secret entre beauté et vérité, s'appuyant sur le topos de la Vérité sortant du puits[18].

Autres

Camille Saint-Saëns écrit son opéra Phryné en 1893.

En 1891, le futur académicien Maurice Donnay connaît un grand succès en présentant au théâtre d'ombres du Chat noir sa fantaisie Phryné[19].

L'histoire de Phryné a fait l'objet d'une adaptation cinématographique en Italie en 1953, sous le titre Frine, cortigiana d'Oriente (Phryné, courtisane d'Orient), réalisée par Mario Bonnard.

Dans son ballet pour Faust, Charles Gounod écrit une Danse de Phryné.

Dans le final de son opéra Les contes d'Hoffmann, Offenbach évoque Phryné dans La Chanson de Kleinzack.

En 2015, l'écrivain Christophe Bouquerel fait de Phryné l'héroïne de son roman La Première femme nue (prix Historia 2015 du roman historique).

Notes et références

  1. Lucien de Samosate 2015, p. 212.
  2. En grec Μνησαρετή / Mnêsaretế.
  3. Deipnosophistes [détail des éditions] (lire en ligne) (XIII, 59).
  4. Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne] (XXXIV, 21).
  5. Cité par Athénée, (XIII, 45).
  6. Athénée, Deipnosophistes [détail des éditions] (lire en ligne) (Livre XIII, 60).
  7. Et non de l'Aréopage, erreur devenue dominante chez les non-spécialistes depuis le tableau de Gérôme (1861)
  8. Deipnosophistes (XIII, 59).
  9. Une telle exhibition des seins, réinterprétée plus tard (notamment chez Alciphron au IIe siècle de notre ère) comme un stratagème érotique, relevait en réalité (si l'anecdote est vraie) d'une gestuelle de supplication attestée dans la littérature grecque, en particulier chez les Tragiques. Voir à ce sujet Florence Gherchanoc, « La beauté dévoilée de Phryné : l'art d'exhiber ses seins », in Mètis, 10 (2012), p. 201-225 (malgré une traduction doublement erronée du participe présent « δεξιουμένη » du poète Posidippe transmis par Athénée XIII, 60, page 591 e-f : non pas « après avoir supplié [chacun de ses juges] », mais « en tendant son bras droit vers chacun de ses juges » : geste solennel et respectueux accompagnant une demande, mais non geste de supplication) ; Jean-Victor Vernhes, « Quand Phryné dévoilait son sein, ou du nouveau sur l'affaire Phryné ? », dans Ὁ Λὐχνος / Connaissance hellénique, n° 153, juillet 2019, https://ch.hypotheses.org/3212
  10. Athénée, loc. laud.. La traduction est celle de Vinciane Pirenne-Delforge, L'Aphrodite grecque. Athènes-Liège, 1994, p. 113 et note 109. Il serait abusif de traduire « ζάκορον » par « prêtresse », qui se dit « ἱέρεια »
  11. Aucun auteur antique ne dit qu'elle ait été ensuite « portée en triomphe au temple d'Aphrodite » tandis que son accusateur était « chassé de l'Aréopage » [sic, alors qu'il s'agit de l'Héliée] même si l'on trouve parfois écrit cela.
  12. Histoires variées [lire en ligne] (IX, 32).
  13. Plutarque, Eroticos, 9, 753 E-F, éd. Bernardakis, p. 411
  14. Musée de Rhodes Island
  15. Catalogue de l'exposition : Statues de chair, sculptures de James Pradier (1790-1852), Paris-Genève, 1985/86, p. 137.
  16. France et James Pradier, Phryné remettant ses voiles, (lire en ligne)
  17. Catalogue Christie's
  18. Saint-Pol-Roux, Les féeries intérieures, Rougerie, , p. 172
  19. Dont le texte est consultable sur Gallica [lire en ligne].

Voir aussi

Bibliographie

  • Émile Chambry, Émeline Marquis, Alain Billault et Dominique Goust (trad. du grec ancien par Émile Chambry), Lucien de Samosate : Œuvres complètes, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1248 p. (ISBN 978-2-221-10902-1), « Le Tyran ». Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Joëlle Chevé, Les grandes courtisanes, Paris, First, , 313 p. (ISBN 978-2-7540-3966-6).

Articles connexes

Liens externes

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