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Persécution des huguenots sous Louis XV

La persĂ©cution des huguenots sous Louis XV se rapporte aux activitĂ©s hostiles pratiquĂ©es envers les protestants français entre 1724 et 1764, durant le règne de Louis XV.

Sous de précédents rois

Les adeptes de la religion protestante en France, appelés d'abord luthériens puis huguenots à partir de 1555, s'étaient vu attribuer des droits substantiels de paix religieuse, politiques et militaires, par Henri IV et son Édit de Nantes (1598). Plus tard, succédant à de nouveaux soulèvements, une partie de leurs privilèges politiques et militaires furent supprimés par Louis XIII. Mais en 1622 l'Edit de Montpellier rétablit la paix religieuse en confirmant l'édit de Nantes, promulguant même l'extension de la liberté d'exercice de culte des protestants mais diminuant le nombre de leur places de sûreté à deux (La Rochelle et Montauban).

Cette situation perdura jusqu'au règne personnel de Louis XIV. Dans les débuts, il envisagea de convertir les protestants (nommés alors "religionnaires") au catholicisme à l'aide de moyens pacifiques, y compris des avantages financiers mais petit à petit, il utilisa des méthodes plus dures, qui culminèrent dans les « dragonnades » employant les soldats logés dans les demeures des protestants pour les contraindre à se convertir par la force. En 1685, par l'Edit de Fontainebleau, il révoqua purement et simplement l’Édit de Nantes, abolissant tous les droits des protestants dans le royaume.

Face à cette persécution, de nombreux protestants se convertirent au catholicisme, d'autres fuirent le pays. Toutefois, ceux qui se convertirent ne le firent généralement qu'en apparence. Dès que la vigilance gouvernementale se relâchait, ils négligeaient le service de l’Église catholique et, lorsqu'ils en avaient le courage, ils se réunissaient dans leurs maisons ou en plein air pour célébrer le culte de leur foi[1]. En vérité, le nombre de protestants qui devinrent vraiment catholiques et qui transmirent leur nouvelle foi à leurs descendants fut insignifiant.

Les peines pour prêcher ou assister à une assemblée protestante étaient très lourdes : la condamnation à vie aux galères pour les hommes, l'emprisonnement pour les femmes et la confiscation de tous les biens étaient chose commune.

Au dĂ©but de 1702, un groupe de protestants de la rĂ©gion des CĂ©vennes, connus sous le nom de Camisards se souleva contre l'autoritĂ© gouvernementale. Les combats cessèrent, pour l'essentiel, après 1704, mais seulement pour reprendre de manière sporadique après 1710 et pour les cinq annĂ©es qui suivirent. La religion protestante resta interdite en France (hors Alsace, oĂą elle fut protĂ©gĂ©e par le traitĂ© de Westphalie) jusqu'Ă  la mort de Louis XIV en 1715.

Sous Louis XV

Comme Louis XV n’avait que cinq ans lorsqu'il devint roi la France fut gouvernée par un régent, le duc d’Orléans, lequel ne voyait aucun intérêt à poursuivre les persécutions. Bien que les lois du pays restassent inchangées, leur application s’assouplit. Les protestants recommencèrent à pratiquer leur religion, principalement dans des régions comme le Languedoc, le Dauphiné, la Guyenne et le Poitou[2]. Il n’en demeurait pas moins ceux qui se faisaient avocats de la rigueur dans le traitement des protestants. Le plus éminent d’entre eux était l’archevêque de Rouen, Louis III de La Vergne de Tressan, Grand Aumônier du Régent. Il intervenait tant auprès du Régent que de son principal ministre, le Cardinal Dubois, réclamant des mesures sévères envers les protestants. Ses propositions furent rejetées.

Lorsque en 1723, Ă  la mort du RĂ©gent, le duc de Bourbon devint premier ministre, l’archevĂŞque trouva en lui une oreille plus attentive et il fut appelĂ© Ă  rĂ©diger une loi gĂ©nĂ©rale « contre l’hĂ©rĂ©sie Â». Cette loi fut proclamĂ©e, officiellement par le roi, le  :  

« De tous les grands projets de notre plus honorĂ© Seigneur et arrière-grand-père, il n’en est pas qui me tienne plus Ă  cĹ“ur de mettre en Ĺ“uvre que celui qu’il conçut pour Ă©radiquer l’hĂ©rĂ©sie de son royaume. Ayant atteint la majoritĂ©, notre premier soin fut d’avoir devant les yeux les Ă©dits dont la mise en pratique a Ă©tĂ© diffĂ©rĂ©e, tout principalement dans les provinces atteintes par la contagion. Nous avons constatĂ© que les manquements majeurs qui demandent rĂ©paration rapide sont les rassemblements illicites, le manque d’éducation des enfants, la nĂ©gligence du devoir des fonctionnaires d’enseigner la religion catholique, l’application des peines envers ceux qui rechutent ainsi que la cĂ©lĂ©bration du mariage, tous faits conduisant Ă  nos prĂ©sentes dĂ©cisions : Seront condamnĂ©s : les prĂŞcheurs Ă  la peine de mort, leurs complices Ă  la prison Ă  vie, les femmes Ă  ĂŞtre rasĂ©es et emprisonnĂ©es Ă  vie. Confiscation des biens : les parents qui nĂ©gligeront de faire baptiser leurs enfants sous les 24 heures, de veiller Ă  ce qu’ils aillent rĂ©gulièrement au catĂ©chisme et Ă  l’école, Ă  des amendes du montant atteint par l’ensemble des infractions, mĂŞme Ă  des peines plus sĂ©vères.  

Les sages-femmes, mĂ©decins, chirurgiens, apothicaires, domestiques, parents qui ne rendraient pas compte au curĂ© de la paroisse de toute naissance ou maladie, Ă  des peines d’amende. Toute personne qui exhorterait les malades : aux galères ou Ă  l’emprisonnement Ă  vie, selon le sexe ; confiscation des biens. Les malades qui refuseraient les sacrements : s’ils guĂ©rissent, au bannissement Ă  vie, s’ils meurent, Ă  ĂŞtre trainĂ©s au gibet sur une claie. Les mariages par procuration sont illĂ©gaux ; les enfants qui en sont issus sont dĂ©clarĂ©s dĂ©shĂ©ritĂ©s. Les mineurs dont les parents se sont expatriĂ©s peuvent se marier sans leur autorisation ; mais les parents dont les enfants vivent en terre Ă©trangère ne doivent pas autoriser leur mariage, sous peine de condamnation aux galères pour les hommes et de bannissement pour les femmes. Enfin, de toutes les amendes et confiscations, la moitiĂ© devra ĂŞtre utilisĂ©e Ă  la subvention des nouveaux convertis Â»[3].    

Cette loi Ă©quivalait, en certaine mesure dĂ©passait mĂŞme, les arrĂŞts les plus sĂ©vères de Louis XIV. Toutefois, les temps avaient changĂ©. Les dĂ©crets de Louis XIV contre les protestants avaient Ă©tĂ© saluĂ©s avec enthousiasme par une large majoritĂ© du pays. Mais le prĂ©sent Ă©dit n’avait pas Ă©tĂ© mĂ»ri par le clergĂ© : c’était « l’œuvre d’un homme ambitieux (Tressan) soutenu par quelques fanatiques Â». Les magistrats non plus n’étaient pas aussi enthousiastes que le public pour appliquer cet Ă©dit[4].

La discrimination ne fut pratiquée sérieusement que là où les autorités locales étaient strictes et loyales envers l’édit. Ce fut majoritairement le cas dans le sud de la France, principalement dans les diocèses de Nîmes et d’Uzès, et dans le Dauphiné[5]. Les prêcheurs protestants et / ou les meneurs agissant en France durant cette période comprenaient entre autres Antoine Court[6] - [7], Paul Rabaut[8], Alexandre Ramsey et Roger[9]. Ils vivaient souvent en nomades dans des contrées sauvages pour éviter la capture.

Les historiens estiment que durant les 40 ans qui suivirent la parution de l’édit de 1724, le nombre d’hommes et de femmes emprisonnĂ©s ou envoyĂ©s aux galères pour des infractions religieuses fut d’environ deux mille[10]. Selon Antoine Court, huit prĂŞcheurs furent exĂ©cutĂ©s au cours de cette pĂ©riode. C'est lĂ  un pourcentage de perte bien moindre que celui survenu durant la dernière partie du règne de Louis XIV[11].  

Toulon était le lieu où la plupart des hommes condamnés aux galères pour crimes religieux effectuaient leur peine.

Des femmes protestantes furent détenues, pour certaines d'entre elles pendant plusieurs décennies, dans la Tour de Constance, à Aigues-Mortes[12] ; les lettres de Marie Durand, qui y a été emprisonnée pendant 38 ans, permettent de s'en faire une idée plus précise. À la suite de l'intervention du Prince de Beauvau, la douzaine de femmes toujours retenues là fut relâchée à la fin des années 1760[13].

Au cours des dĂ©cennies qui suivirent 1724, l’enthousiasme dans la poursuite des protestants continua Ă  dĂ©cliner ; après 1764, « ils connurent pratiquement la tolĂ©rance durant un quart de siècle avant que la loi ne leur garantisse la tolĂ©rance lĂ©gale Â»[14] par l’Édit de Versailles de 1787.

Dans la littérature

André Chamson, La Tour de Constance, 1970 ; l'action du roman reprend l'histoire des prisonnières de la Tour de Constance et celle de l'ultime survivante Marie Durand.

Notes et références

  1. Perkins, p. 65.
  2. Lavisse p. 84.
  3. In Guizot, p. 54.
  4. Guizot, p. 55.
  5. Lavisse, p. 86.
  6. Guizot, pp. 52–53, 56.
  7. Perkins, pp. 65-7.
  8. Guizot, p. 56.
  9. Perkins, p. 73.
  10. Perkins, p. 74.
  11. Perkins, pp. 73–4 ; la source pour la plupart de ses données sur le nombre de prisonniers est Coquerel.
  12. Perkins, pp. 75-8.
  13. Perkins, pp. 75-8. Concernant les efforts de sauvetage du Prince de Beauvau, il cite une description du Chevalier de Bouffler dans Coquerel. Il cite encore Coquerel et son Histoire des églises du désert avec les Huguenots en général, mais il n’est pas parfaitement clair si cette œuvre contient les déclarations de Bouffler.
  14. Perkins, p. 78.

Bibliographie

  • Guizot, History of France. Trad. du français par Robert Black. Pas de date, mais une note de l’éditeur est marquĂ©e 1876 ; New York ; Klemscott Society. Vol 6 p 110 et suiv.
  • Ernest Lavisse, Histoire de France, rĂ©impression des Ă©ditions de 1900-1911, Paris. 1969, New York ; AMS Press, Inc. Vol VIII, part 2.
  • James Breck Perkins, France under Louis XV, vol. i. 1897, Boston ; Houghton Mifflin Co.
  • Gaston Tournier, Les Galères de France et les galĂ©riens protestants des XVIIe et XVIIIe siècles (1943-1949), rĂ©Ă©dition de 1984.

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