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Camisard

Les camisards sont des protestants français (huguenots) de la rĂ©gion des CĂ©vennes et de la Vaunage, dans le Sud de la France, qui ont menĂ© une insurrection contre les persĂ©cutions qui ont suivi la rĂ©vocation de l'Édit de Nantes en 1685. De 1685 Ă  1700, le petit peuple protestant est lentement passĂ© de la rĂ©signation Ă  la rĂ©volte, et tous ses pasteurs ayant Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s ou mis en fuite, ils se retrouvent sans meneurs. La place des pasteurs est alors prise par des « inspirĂ©s Â», prophètes sans formation qui appellent parfois ouvertement Ă  la rĂ©volte violente[1]. La guerre des CĂ©vennes Ă©clate en 1702, avec des affrontements de plus en plus importants jusqu'en 1704, puis une lutte moindre jusqu'en 1710 avant une paix dĂ©finitive en 1715.

Les événements

Les origines

Les camisards sont de simples paysans et artisans protestants, qui se rebellent Ă  partir de 1702 contre les autoritĂ©s en rĂ©action aux persĂ©cutions de leur foi religieuse. Ils rĂ©sistent aux exactions perpĂ©trĂ©es par l'intendant du Languedoc et ses troupes, mais s’estiment fidèles au roi Louis XIV qu’ils pensent mal conseillĂ© au point de se nommer eux-mĂŞmes lous Raiòus (« les royaux Â», de l'occitan languedocien raĂŻol, royal[2]). Gens du peuple qui ne possèdent ni Ă©quipement ni armement militaire, ils portent lors de leurs combats de simples chemises, d’oĂą leur nom de camisards (de l'occitan languedocien camisa : « chemise »[3] - [4]).

Ces camisards vivent essentiellement dans les CĂ©vennes et parfois dans la Vaunage (cas d’Abdias Maurel dit « Catinat Â»). Leur parfaite connaissance du terrain et les particularitĂ©s du relief des CĂ©vennes leur permettent de rĂ©sister deux ans aux troupes royales dans un combat inĂ©gal s’apparentant Ă  une guĂ©rilla[4]. Ils peuvent ainsi pendant un temps constituer des rĂ©serves, se cacher et soigner leurs blessĂ©s dans les grottes, nombreuses dans le bas-pays cĂ©venol. Leur capacitĂ© Ă  passer d'une vallĂ©e Ă  l'autre rapidement par les petits chemins de berger (« drailles Â» en cĂ©venol) leur garantit impunitĂ© et effet de surprise, en tous cas au dĂ©but de la rĂ©volte. Par la suite l'intendant Basville fera amĂ©nager la route de crĂŞte de Florac Ă  Saint-Jean du Gard dite « corniche des CĂ©vennes Â», pour amĂ©liorer la mobilitĂ© de ses troupes. La plupart de leurs combats se situent dans les Basses-CĂ©vennes et en plaine (Saint-Just et Vacquières, Sauve, Saturargues). C'est d'ailleurs en s'aventurant contre des troupes rĂ©gulières dans un combat en plaine que le chef camisard Jean Cavalier sera finalement battu de manière dĂ©cisive par le marĂ©chal de Montrevel le .

Déroulement de la révolte

La rĂ©volte est d'abord alimentĂ©e par un « rĂ©veil religieux Â» nourri par les prophĂ©ties des « inspirĂ©s Â», comme Abraham Mazel, puis menĂ©e par des chefs sans grande Ă©ducation tels que Jean Cavalier, fils de boulanger, ou « Catinat Â», fils de cultivateur et ancien dragon.

La rĂ©volte part du massif du Bougès, dans les Hautes-CĂ©vennes, et plus prĂ©cisĂ©ment du hameau de Vieljouves, au-dessus du Rouve (commune de Saint-AndrĂ©-de-Lancize), oĂą Abraham Mazel, lors d'une rĂ©union secrète en compagnie de Pierre SĂ©guier, dit Esprit SĂ©guier et de quelques autres (majoritairement protestants, comme ClĂ©ment Cuvillier entre autres qui jouera un rĂ´le plus discret au cours de la rĂ©volte) venus des environs, reçoit le une « inspiration divine Â» lui enjoignant de libĂ©rer les protestants emprisonnĂ©s et torturĂ©s par l'abbĂ© du Chayla au pont de Montvert[5]. L'abbĂ© est tuĂ© alors qu'il s'enfuit, lors de la libĂ©ration par la force de ses prisonniers le [6]. Par la suite, des Ă©glises catholiques sont incendiĂ©es et leurs prĂŞtres tuĂ©s ou forcĂ©s Ă  fuir.

Le , les camisards massacrent les soixante habitants catholiques de Saturargues, près de Lunel.

Avec l'aval du pape Clément XI, qui rédige une bulle excommuniant les camisards, les soldats du roi dirigés par le maréchal de Montrevel rasent plus de 450 villages, tuant parfois tous leurs habitants[7].

La fin de la révolte

La mĂ©thode forte de la rĂ©pression est d'abord sans rĂ©sultat. Alors que la France est engagĂ©e dans la guerre de Succession d'Espagne (1701-1714), les camisards, qui ne sont guère plus de 2 000, mobilisent contre eux quelque 20 000 soldats du Roi plus environ 3 000 miliciens levĂ©s dans les rĂ©gions environnantes.

En 1704, le nouveau commandant des forces royales depuis mars, le marĂ©chal de Villars, partisan de l'apaisement, profite de la dĂ©faite de Jean Cavalier pour le rencontrer et composer avec lui. Ă€ la suite de ces nĂ©gociations, Cavalier fait sa soumission Ă  NĂ®mes en . L'insurrection se poursuit toutefois pour la majoritĂ© des camisards qui refusent les propositions de l'autoritĂ© royale et qui demandent la restauration complète de leurs droits garantis par l'Ă©dit de Nantes. Mais d'autres chefs camisards tombent rapidement tel le berger Pierre Laporte, appelĂ© « Rolland Â», qui est trahi et tuĂ© en , ou l'ancien soldat Ravenel, mort exĂ©cutĂ©. Cela met fin au principal Ă©pisode de la rĂ©volte. Elle connaĂ®t un regain dans le Vivarais en 1709 et 1710 jusqu'Ă  l'arrestation, du fait d'une trahison, et l'exĂ©cution du successeur de Cavalier, le prophète Abraham Mazel.

Postérité

Rôle dans la survie du protestantisme français

Il est établi qu'après la guerre des Cévennes, les autorités furent soucieuses d'éviter de rallumer une telle guerre et modérèrent la répression anti-religieuse. De nombreux anciens camisards revenus à une vision plus pacifique des choses contribuèrent à partir de 1715 au rétablissement progressif d'un protestantisme toujours illégal et clandestin mais désormais bien organisé sous la conduite d'Antoine Court et de pasteurs itinérants revenus dans le pays[8].

La légende des Camisards

Dans son ouvrage paru en 1977[9], Philippe Joutard relève la vitalitĂ© de la tradition orale cĂ©venole concernant la guerre des camisards et la « puissance d'attraction Â» de cette pĂ©riode marquante de l'Histoire puisque de nombreux faits sans rapport avec cette pĂ©riode sont Ă  prĂ©sent intĂ©grĂ©s Ă  la lĂ©gende orale des camisards. La mĂ©moire orale Ă©tant surtout familiale, elle fait souvent rĂ©fĂ©rence Ă  des ancĂŞtres fidèles Ă  leurs convictions plutĂ´t qu'aux hĂ©ros Ă  la tĂŞte de la rĂ©volte. Ce faisant, elle valorise au-delĂ  de son contenu religieux initial une attitude de rĂ©sistance et de non-conformisme, et dĂ©termine toute une culture, des choix politiques et une manière de vivre[10].

Dans le même ouvrage, Philippe Joutard note que même les catholiques, minoritaires en pays majoritairement protestant, tendent à reconstruire l'histoire selon les mêmes modalités que leurs anciens adversaires religieux. L'empreinte des camisards en Cévennes est donc particulièrement profonde.

Notes et références

  1. Philippe Joutard, Les Camisards, Gallimard, 1976, p. 59.
  2. Selon le lexique occitan sur le site Étymologie occitane.
  3. « Nommés ainsi à cause de la camisa, chemise blanche passée sur leurs vêtements pour se reconnaître entre eux dans les attaques de nuit », Jean Nicolas, La Rébellion française. Mouvements populaires et conscience sociale (1661-1789), Gallimard, 2008.
  4. Patrick Cabanel, Histoire des CĂ©vennes, coll. « Que sais-je? Â», PUF 1998, p. 60.
  5. Pierre-Jean Ruff, Le Temple du Rouve : lieu de mémoire des camisards. Éditions Lacour-Ollé, Nîmes, 2008.
  6. Robert Poujol, L'Abbé Du Chaila : 1648-1702 : du Siam aux Cévennes, Montpellier, Les Presses du Languedoc, , 320 p. (ISBN 978-2-85998-250-8).
  7. Abraham Mazel, Elie Marion et Jacques Bonbonnoux, MĂ©moires sur la guerre des Camisards, Montpellier, Presses du Languedoc, (ISBN 978-2-85998-012-2)
  8. Philippe Joutard, Les Camisards, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire » (no 60), , 279 p. (ISBN 978-2-07-032615-0), p. 217-219
  9. Philippe Joutard, La légende des Camisards : une sensibilité au passe, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », , 439 p. (ISBN 978-2-07-029638-5)
  10. Philippe Joutard, La LĂ©gende des Camisards, op. cit., p. 355.

Voir aussi

Bibliographie

  • Colonel Jean Cavalier, MĂ©moires sur la Guerre des Cevennes, Payot, 1918
  • Charles Almeras, La rĂ©volte des Camisards, Arthaud, 1960
  • AndrĂ© Ducasse, La Guerre des Camisards - La rĂ©sistance huguenote sous Louis XIV, Hachette, 1962
  • Philippe Joutard, Les Camisards, Gallimard, 1976 (ISBN 2-07-029411-0) ; rĂ©Ă©ditĂ© Philippe Joutard, Les Camisards, Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire » (no 60), , 279 p. (ISBN 978-2-07-032615-0)
  • Philippe Joutard, La lĂ©gende des Camisards : une sensibilitĂ© au passe, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », , 439 p. (ISBN 978-2-07-029638-5)
  • Georges Paysan et Albert Desmarest, Les Camisards du Vivarais : Ardèche, Uzège et GĂ©vaudan, Valence, Éditions & RĂ©gions, La Bouquinerie, , 244 p. (ISBN 2-910669-99-8)
  • Marianne Carbonnier-Burkard, Comprendre la rĂ©volte des Camisards, Éditions Ouest-France, , 128 p. (ISBN 978273736966-7).

Articles connexes

Liens externes

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