Peregrine (atterrisseur)
Peregrine est un atterrisseur développé par la société Astrobotic Technology pour déposer des charges utiles à la surface de la Lune dans le cadre du programme Artemis de l'agence spatiale américaine, la NASA. Le développement de l'engin spatial ainsi que le lancement et la dépose de la charge utile sont l'entière responsabilité d'Astrobotic dans le cadre du programme Commercial Lunar Payload Services (CLPS). Ce dernier est mis en place par la NASA pour sous-traiter la logistique lunaire lourde associée à son projet d'installation d'une base semi-permanente à la surface de la Lune et réduire ainsi son coût. Peregrine est un engin de 1,3 tonnes placé en orbite par un lanceur Vulcan Centaur qui peut déposer une charge utile de 100 kg aux latitudes moyennes ou polaires de la Lune. Sa durée de vie est d'une journée lunaire. La sélection de l'atterrisseur par la NASA a lieu en , le premier vol commandé par cette dernière et emportant 90 kilogrammes d'instruments est prévu en 2023.
Atterrisseur lunaire
Organisation | NASA |
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Constructeur | Astrobotic Technology |
Programme | Programme Artemis |
Domaine | Transport de charge utile Ă la surface de la Lune |
Type de mission | Atterrisseur lunaire |
Statut | En développement |
Lancement | 2023 (prévision) |
Lanceur | Vulcan Centaur |
Durée de vie | 14 jours |
Masse au lancement | 1 283 kg |
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Propulsion | Ergols liquides |
Contrôle d'attitude | Stabilisé 3 axes |
Source d'Ă©nergie | Panneaux solaires |
Charge utile | 100 kg (en cible 265 kg) |
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Peregrine un héritage du Google Lunar X Prize
Le développement de Peregrine débute en 2016 dans le but de remporter le Google Lunar X Prize. Ce concours, créé en 2007, prévoyait de verser 20 millions de dollars américains à la première équipe capable d'envoyer avant une date donnée (initialement 2015 puis ) un robot sur la surface de la Lune à condition que celui-ci parcoure sur le sol lunaire au moins 500 mètres et qu'il transmette des vidéos et des images à haute résolution. L'objectif de ce concours était de stimuler le développement de l'activité spatiale en encourageant les solutions permettant d'abaisser les coûts de l'exploration du système solaire par des robots[1].
Astrobotic est créée à Pittsburgh en 2007 par Red Whittaker, chercheur de l'Université Carnegie-Mellon spécialiste des robots, et plusieurs associés pour tenter de remporter le concours. L'équipe développe d'abord un premier atterrisseur Griffin monomoteur puis abandonne ce projet pour le Peregrine moins puissant. Pour sa conception, Astrobotic noue un partenariat avec la société européenne Airbus Defence and Space[2]. Aucune équipe n'ayant atteint les objectifs en Google annonce officiellement que le concours Google Lunar X Prize s'est achevé sans vainqueur[3]. Dès Atrobotic Technology, au vu du planning de son projet s'était retiré de la compétition.
Contexte : Le programme Artemis
L'agence spatiale américaine développe dans les années 2010 un programme dont l'objectif final est d'installer un avant-poste semi-permanent à la surface de la Lune occupé par des astronautes qui seront notamment chargés de mettre au point de nouvelles technologies permettant en cible de lancer une mission vers Mars. À l'initiative de l’exécutif américain, le planning des missions est accéléré en 2019 avec un objectif de première dépose d'un équipage dès 2024. L'ensemble du projet est baptisé programme Artemis. Avant de faire atterrir des hommes dans la région du pôle sud lunaire, la NASA veut lancer plusieurs missions robotiques ayant pour objectif d'effectuer une première reconnaissance. Ces missions doivent notamment étudier les caractéristiques de la glace d'eau présente, raison d'être de la sélection du pôle sud. Les autres objectifs sont l'étude de la géologie lunaire et de l'environnement pour préparer les premières missions avec équipage. Ces missions robotiques se poursuivront après le premier atterrissage d'un équipage sur le sol lunaire. En 2018, l'agence spatiale décide de confier la dépose de missions robotiques sur la surface lunaire à des sociétés privées dans le cadre d'un programme baptisé Commercial Lunar Payload Services à l'image de ce qui a été fait pour le ravitaillement et la relève des équipages de la Station spatiale internationale (programmes COTS et CCDeV). L'objectif de cette démarche est de réduire les couts de l'exploration de la Lune et d'accélérer les missions de retour d'échantillons et de prospection de ressources ainsi que de promouvoir l'innovation et la croissance des sociétés commerciales du secteur[4].
SĂ©lection de Peregrine
Après avoir soumis un cahier des charges provisoire en , la NASA sélectionne en novembre 9 sociétés susceptibles de répondre à l'appel d'offres définitif qui a été lancé courant 2018. Le programme dispose d'un budget de 2,6 milliards US $ sur les dix prochaines années. Les sociétés présélectionnées comprennent notamment la société Astrobotic Technology qui propose son atterrisseur Peregrine[5]. En , l'agence spatiale attribue le développement d'un atterrisseur lunaire à trois sociétés : Astrobotic Technology, Intuitive Machines et OrbitBeyond. Celles-ci vont recevoir 250 millions US$[6].
Caractéristiques techniques
Peregrine est un petit atterrisseur disponible dans deux configurations selon qu'il se pose aux lattitudes moyennes ou polaires. La structure de l'atterrisseur est réalisée en alliage d'aluminium. Le train d'atterrissage comprend quatre pieds conçus pour amortir le choc au moment du contact avec le sol et stabiliser l'engin. L'énergie est fournie par des panneaux solaires qui sont situés au sommet ou sur les flancs de l'atterrisseur selon la configuration. La propulsion principale comprend cinq moteurs-fusées (poussée unitaire 667 newtons). 12 moteurs-fusées (poussée unitaire 45 newtons), regroupés en grappe de trois, sont utilisés pour le contrôle d'attitude. Tous consomment un mélange hypergolique de MMH et de MON-25. Les ergols sont stockés dans quatre réservoirs (deux par type d'ergols). Un cinquième réservoir situé au centre stocke l'hélium utilisé pour pressuriser les ergols. Le système de contrôle d'attitude comprend un viseur d'étoiles, des capteurs solaires et une centrale à inertie. Pour l'atterrissage à la surface de la Lune, Peregrine emporte un équipement expérimental, baptisé OPAL, développé en coopération avec des établissements de la NASA (Lyndon Johnson et JPL) qui comprend une caméra et un processeur puissant. Celui-ci dirige l'atterrissage en comparant les images prises et celles stockées en mémoire. Les communications avec la Terre sont assurées en bande X via une antenne à moyen gain et plusieurs antennes à bas gain[7].
Types de prestation
Astrobiotic propose trois types de prestation[8]. :
- La charge utile est larguée sur deux des trois orbites lunaires sur laquelle l'atterrisseur stationne avant de se poser sur la Lune. L'inclinaison orbitale de ces orbites est fixée par la latitude du site d'atterrissage. Les charges utiles sont larguées par défaut sur l'orbite LO2 (100 x 750 kilomètres). A la demande, elles peuvent être larguées sur l'orbite LO1 (100 x 8700 kilomètres) où l'atterrisseur séjourne durant 24 heures. L'orbite LO3, la plus proche de la Lune ((100 x 100 kilomètres), où l'atterrisseur séjourne durant 72 heures pour préparer la descente vers le sol lunaire ne permet pas de largage de charge utile. Cette prestation est facturée 300 000 US$ par kilogramme.
- La charge utile reste solidaire de l'atterrisseur après l'arrivée sur le sol lunaire (ou est larguée au pied de celui-ci). Cette prestation est facturée 1 200 000 US$ par kilogramme.
- La charge utile est placée sur un astromobile (masse totale 4 kilogrammes) développé par Astrobiotic (CubeRover) lui donnant la possibilité d'étudier la surface de la surface de la Lune à une certaine distance du site d'atterrissage. Cette prestation est facturée 4 500 000 US$ par kilogramme.
L'atterrisseur peut déposer ses charges utiles aux latitudes moyennes de la Lune (entre 40 et 50° de latitude nord ou sud). Sa capacité est alors de 70 à 90 kilogrammes et il fonctionner durant 192 heures c'est-à -dire une journée lunaire (il ne survit pas à la nuit lunaire). Pour ces latitudes les panneaux solaires sont montés sur sa partie supérieure. L'atterrisseur peut également se poser au niveau des latitudes polaires. Il peut alors transporter 100 kilogrammes. Dans cette configuration les panneaux solaires sont fixés sur ses flancs (la lumière est en permanence rasante). Au niveau de ces latitudes il peut survivre plus de 192 heures si la zone d'atterrissage bénéficie d'une durée d'ensoleillement plus longue[7].
Les charges utiles peuvent être fixées au-dessus ou en-dessous des plateaux de l'atterrisseur, à l'intérieur ou à l'extérieur de ses parois. Par défaut l'atterrisseur fournit 1 watt d'énergie électrique par kilogramme de charge utile et une bande passante de 10 kilobits/seconde pour l'envoi de données vers la Terre. Ces valeurs sont négociables[8].
Vols planifiés
Mission inaugurale : Pregrine Mission One (1er trimestre 2023)
La mission inaugurale (Peregrine Mission One) est planifiée pour le 1re trimestre 2023. L'atterrisseur doit être lancé par la fusée Vulcan Centaur dont c'est le vol inaugural et qui doit décoller de la base de Cape Canaveral en Floride[9]. Elle a été attribuée par la NASA en pour un montant de 79,5 M. US$[10].
Il était prévu en 2019 que l'atterrisseur lunaire dépose ses charges utiles à la surface de la Lune sur le site de Lacus Mortis, une plaine basaltique située au nord-ouest de la face visible de la Lune. Depuis cette date la stratégie scientifique a été affinée et la NASA a annoncé en février 2023 que l'atterrisseur se poserait finalement dans une région située près des dômes de Gruithuisen au nord-est de l'Océan des Tempêtes. Les données recueillies sur ce site permettront ainsi de compléter celles fournies par la suite instrumentale Lunar-VISE qui doit être déposée dans la même région par un vol CPLS programmé plus tard[11].
La mission doit déposer sur le sol lunaire 28 charges utiles distinctes dont 14 fournies par la NASA[12] :
- Charges utiles de la NASA :
- Le détecteur de rayonnement LETS (Linear Energy Transfert Spectrometer) développé par le centre spatial Johnson doit mesurer le rayonnement à la surface de la Lune. LETS dérive d'un instrument similaire mis en oeuvre au cours du premier vol du vaisseau spatial Orion (2014).
- Le magnétomètre fluxgate MAG développé par le centre de vol spatial Goddard doit mesurer le champ magnétique à la surface de la Lune.
- Le spectromètre de masse MSolo (Mass Spectrometer Oberving Lunar Operation) développé par le centre spatial Kennedy doit mesurer les molécules volatiles de faible masse atomique. Il pourra être utilisé pour mesurer les composants de l'exosphère lunaire ainsi que le produit du dégazage de l'engin spatial et de sa contamination. Les données fournie par MSolo pourront contribuer à déterminer la composition et la concentration des ressources accessibles présentes à la surface de la Lune.
- Le spectromètre NIRVSS (Near-Infrared Volatile Spectrometer System) développé par le centre de recherche Ames doit mesurer le niveau d'hydratation de la surface et du sous-sol ainsi que les concentrations de dioxyde de carbone et de méthane dans le but d'une exploitation future. L'instrument doit également effectuer un relevé des températures en surface et de leurs variations.
- Le spectromètre à neutrons NMLS (Neutron Measurements at the Lunar Surface) développé par le centre de vol spatial Marshall doit mesurer les flux de neutrons à la surface de la Lune et détecter la présence d'eau ou d'autres éléments rares. NMLS est basé sur un instrument installé à bord de la Station spatiale internationale.
- Le spectromètre à neutrons NSS (Neutron Spectrometer System) développé par le centre de recherche Ames doit rechercher des indices révélant la présence de glace d'eau en mesurant la quantité de matériaux comportant des atomes d'hydrogène sur le site d'atterrissage ainsi que la composition du régolithe.
- L'expériences PILS (Photovoltaic Investigation on the Lunar Surface) du centre de recherche Glenn doit valider l'utilisation de cellules solaires expérimentales pour des missions longues à la surface de la Lune. Ces cellules solaires, qui sont caractérisées par un fonctionnement à voltage élevé, ont déjà été testées à bord de la Station spatiale internationale.
- Le spectromètre de masse PITMS (Peregrine Ion-trap Mass Spectrometer) développé par l'Agence spatiale européenne (ESA) pour la mission Rosetta et modifié par le centre de vol spatial Goddard et l'ESA pour cette mission doit contribuer à déterminer les caractéristiques de l'exosphère durant la journée lunaire dans le but de comprendre les processus de libération et les déplacements des volatiles.
- L'instrument SEAL (Surface and Exosphre Alterations by Landers) développé par le centre de vol spatial Goddard doit étudier les impacts de l'atterrissage sur le régolithe d'un point de vue thermique, physique et chimique et évaluer la quantité de contaminants en provenance de l'atterrisseur. Ces données doivent permettre aux scientifiques de mesurer dans quelle mesure l'atterrissage modifie la composition des échantillons de sol prélevés près du site d'atterrissage.
- Le réflecteur laser LRA (Laser Reflector Array) qui réfléchira la lumière d'un rayon laser émis depuis la Terre sera utilisé pour déterminer la position précise de l'atterrisseur à la surface de la Lune.
- Le lidar doppler NDL (Navigation Doppler Lidar) développé par le centre de recherche Langley sera utilisé durant la phase de descente vers le sol lunaire pour mesurer la position et la vitesse de l'atterrisseur. L'instrument est le résultat de développements s'échelonnant plus de 10 ans dans le but de permettre des atterrissages de précision.
- Les autres instruments sont fournis par des centres de recherches de différents pays :
- La suite instrumentale COLMENA fournie par l'agence spatiale du Mexique est constituée de cinq petits robots d'une masse unitaire inférieure à 60 grammes et mesurant 12 centimètres de diamètre qui seront éjectés à la surface de la Lune.
- Le petit astromobile Iris fourni par l'Université Carnegie-Mellon (États-Unis) dans un but technologique.
- Le détecteur de radiations M-42 fournir par l'Agence aérospatiale allemande doit mesurer les radiations durant le vol de l'atterrisseur jusqu'à la Lune ainsi qu'à sa surface.
- L'instrument de navigation TRN (Terrain Relative Navigation) fourni par la société Astrobotic doit permettre d'effectuer un atterrissage avec une précision de 100 mètres. Cet équipement a été développé dans le cadre d'un contrat de 10 millions US$ par le centre spatial Johnson, le Jet Propulsion Laboratory et la société Moog.
- L'atterrisseur emporte également différents témoignages qui seront immortalisés à la surface de la Lune :
- Un bitcoin fourni par Bitmex (Seychelles).
- Footsteps on the Moon fourni par Lunar Mission One (Royaume-Uni) rassemble des enregistrements sur support numérique de personnes désireuses d'immortaliser leur présence de cette manière.
- Des cendres de personnes décédées préparées par les sociétés Celestis (scientifiques) et Elysium (Etats-Unis)
- Des supports numériques d'archives dans le but de les préserver sur de très longues périodes préparées et fournies par la fondation Arch Mission (Etats-Unis).
- L'œuvre d'art Moonark fournie par l'université Carnegie Mellon (Etats-Unis).
- La capsule Lunar Dream contenant des messages rédigés par des enfants de tous les pays de notre planète rassemblés par la société Astroscale (Japon).
- Une plaque commémorative baptisée Memory of the Mankind contenant des textes et des images rassemblés par Puli Space Technologies (Hongrie).
- Mementos to The Moon des petits mémentos personnels rassemblés par DHL Moonbox (Allemagne).
- La plaque Spacebit fourni par Spacebit (Royaume-Uni).
Notes et références
- (en) « Beresheet2, a private Israeli Moon mission », BBC, (consulté le ).
- (en) Jeff Foust (en), « Astrobotic unveils Peregrine lunar lander », sur spacenews.com (en), .
- (en) Thomas Burghardt, « Israel’s first mission to the moon – to launch on a Falcon 9 – delayed a few weeks », sur NASASpaceFlight.com (en), .
- (en) Stephen Clark, « NASA cancels lunar rover, shifts focus to commercial moon landers », sur spaceflightnow.com, .
- (en) « NASA Announces New Partnerships for Commercial Lunar Payload Delivery Services », sur NASA, NASA, .
- (en) Stephen Clark, « NASA picks three companies to send commercial landers to the moon », sur spaceflightnow.com, .
- (en) Astrobotic Technology, Astrobotic Lunar Landers - Payload user's guide, , 67 p. (lire en ligne), p. 11-21.
- (en) Astrobotic Technology, Astrobotic Lunar Landers - Payload user's guide, , 67 p. (lire en ligne), p. 5-10.
- (en) « NASA : Peregrine mission 1 », sur nasa.gov.
- Astrobiotic_Technology2019">(en) Astrobiotic Technology, « Astrobotic Awarded $79.5 Million Contract to Deliver 14 NASA Payloads to the Moon », sur astrobotic.com, .
- (en) Jeff Foust, « NASA changes landing site for Peregrine lunar lander », sur spacenews.com, .
- Astrobiotic_Technology">(en) Astrobiotic Technology, « MISSION 1 PEREGRINE - LACUS MORTIS 2022 », sur astrobotic.com (consulté le )
Bibliographie
- (en) Astrobotic Technology, Astrobotic Lunar Landers - Payload user's guide, , 56 p. (lire en ligne) — Manuel à destination des utilisateurs de l'atterrisseur (fournisseurs des charges utiles).
Voir aussi
Articles connexes
- Programme Artemis
- Google Lunar X Prize
- Commercial Lunar Payload Services
- VIPER l'autre atterrisseur lunaire d'Astrobotic
- Exploration de la Lune