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Paul Feyerabend

Paul Karl Feyerabend ( – ) est un philosophe des sciences d'origine autrichienne, naturalisĂ© amĂ©ricain, qui a vĂ©cu en Angleterre, aux États-Unis, en Nouvelle-ZĂ©lande, en Italie et finalement en Suisse.

Paul Feyerabend
Naissance
DĂ©cĂšs
Nationalités
Formation
École/tradition
Principaux intĂ©rĂȘts
Idées remarquables
anarchisme épistémologique, « tout est bon » (anything goes), différents types de relativisme (pratique, démocratique, épistémique)
ƒuvres principales
Science in a Free Society ; Contre la méthode ; Adieu la raison ; Philosophical Papers
Influencé par
A influencé

Ses principaux travaux sont Contre la mĂ©thode (publiĂ© en 1975), La science dans une sociĂ©tĂ© libre (publiĂ© en 1978) et Adieu la raison (un recueil d'articles publiĂ© en 1987). Il devient cĂ©lĂšbre pour sa vision anarchiste de la science et son dĂ©ni de l'existence de rĂšgles mĂ©thodologiques universelles. Il est une figure influente dans le domaine de la philosophie des sciences, notamment par sa thĂ©orie Ă©pistĂ©mologique dite de « l'anarchisme Ă©pistĂ©mologique » qu'il a exposĂ©e dans l'ouvrage Contre la mĂ©thode. Esquisse d’une thĂ©orie anarchiste de la connaissance en 1975.

Biographie

Paul Feyerabend est nĂ© en 1924 Ă  Vienne, oĂč il suivit sa scolaritĂ© jusqu'au cycle secondaire. Durant cette pĂ©riode, il prit l'habitude de beaucoup lire, il dĂ©veloppa un intĂ©rĂȘt pour le thĂ©Ăątre et commença des leçons de chant. AprĂšs avoir reçu son diplĂŽme du cycle secondaire, il fut incorporĂ© - durant la Seconde Guerre Mondiale - dans l'Arbeitsdienst allemande. AprĂšs un entraĂźnement simple Ă  Pirmasens (Allemagne), il fut assignĂ© Ă  une unitĂ© Ă  Quelern-en-Bas prĂšs de Brest. Feyerabend dĂ©crit le travail effectuĂ© durant cette pĂ©riode comme monotone : « Nous avons tournĂ© dans la campagne, creusĂ© des fosses puis nous les avons rebouchĂ©es ». AprĂšs une courte permission, il rejoignit l'armĂ©e et les volontaires pour l'Ă©cole d'officier. Dans son autobiographie, il a Ă©crit qu'il espĂ©rait que la guerre serait finie lorsqu'il aurait terminĂ© sa formation d'officier. Mais ce ne fut pas le cas. À partir de dĂ©cembre 1943, il servit comme officier dans la partie Nord du front Est, il fut dĂ©corĂ© de la Croix de fer et il atteignit le rang de lieutenant. Alors que l'armĂ©e allemande avait commencĂ© sa retraite face Ă  l'ArmĂ©e rouge, Feyerabend reçut trois balles, dont une dans le dos. Il dut utiliser une canne pour marcher le restant de sa vie et Ă©prouva frĂ©quemment de graves douleurs. Il passa le reste de la guerre Ă  rĂ©cupĂ©rer de ses blessures.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale fut finie, Feyerabend commença un travail temporaire Ă  Apolda qui consistait Ă  Ă©crire des piĂšces de thĂ©Ăątre. AprĂšs cela, il retourna Ă  Vienne pour Ă©tudier l'histoire et la sociologie. Il fut cependant déçu et passa rapidement Ă  la physique, ce qui lui permit de rencontrer Felix Ehrenhaft, un physicien dont les expĂ©riences ont influencĂ© sa vision de la science. Il changea de nouveau de sujet d'Ă©tude pour la philosophie et soutint sa thĂšse sur les phrases d'observation. Dans son autobiographie, il dĂ©crit ses opinions philosophiques de cette Ă©poque comme « loyalement empiristes ». En 1948 il rencontra pour la premiĂšre fois Karl Popper au cours d'un sĂ©minaire Ă  Alpbach. Karl Popper eut beaucoup d'influence sur les travaux ultĂ©rieurs de Feyerabend, qui s'inscrivirent d'abord dans la continuitĂ© de la pensĂ©e de Popper puis en opposition avec elle. En 1951, on accorda une bourse de recherche Ă  Feyerabend pour Ă©tudier sous la direction de Ludwig Wittgenstein, mais celui-ci mourut avant que Feyerabend ait pu venir en Angleterre. Feyerabend choisit alors Popper comme directeur de recherche et vint travailler sous sa direction Ă  la London School of Economics en 1952. Dans son autobiographie, Feyerabend explique qu'il a Ă©tĂ© fortement influencĂ© par Popper durant cette pĂ©riode : « J'Ă©tais tombĂ© sous le charme de ses idĂ©es ». Feyerabend retourna ensuite Ă  Vienne oĂč il participa Ă  diffĂ©rents projets. On le rĂ©tribua pour effectuer une traduction de La SociĂ©tĂ© ouverte et ses ennemis de Popper ainsi que pour la rĂ©daction de plusieurs articles encyclopĂ©diques.

En 1955, Feyerabend fut nommĂ© Ă  l'universitĂ© de Bristol, oĂč il donna des cours sur la philosophie des sciences. UltĂ©rieurement, il enseignera Ă  Berkeley, Auckland, Sussex, Yale, Londres et Berlin. Il dĂ©veloppa pendant cette pĂ©riode une vision critique de la science, qu'il a dĂ©finie comme "anarchiste" ou "dadaĂŻste" pour illustrer son rejet de tout dogmatisme mĂ©thodologique. Cette position Ă©tait profondĂ©ment incompatible avec les idĂ©es avancĂ©es par les empiristes logiques - qui exercĂšrent une influence majeure tout au long du XXe siĂšcle sur les Ă©pistĂ©mologues - tout autant que celles de Karl Popper qui dĂ©fendait le falsificationnisme et une science exclusivement dĂ©ductive. Feyerabend rencontra ensuite un Ă©tudiant de Karl Popper, Imre Lakatos. Ils projetĂšrent d'Ă©crire un dialogue dans lequel Lakatos dĂ©fendrait la vision rationaliste des sciences quand Feyerabend, lui, l'attaquerait. La mort subite de Lakatos, en 1974, ne permit pas la rĂ©alisation de cet ouvrage commun. Feyerabend dĂ©cida alors de publier sa part du dialogue, en insistant sur le fait que l'ouvrage, sans la rĂ©ponse de Lakatos Ă  ses critiques, resterait fondamentalement lacunaire. L'opuscule, nommĂ© Contre la mĂ©thode, provoqua nĂ©anmoins, par la virulence de sa critique de la vision de la philosophie sur les sciences, de nombreuses rĂ©actions.

Feyerabend partit en 1958 pour enseigner à Berkeley et devint citoyen américain. Il donna des cours jusqu'en 1991. Bien qu'il ait pris sa retraite, Feyerabend continua de publier des articles et travailla sur son autobiographie. Il mourut en 1994 à Genolier (Suisse) d'une tumeur au cerveau.

Feyerabend et la méthode en science

Dans ses livres Contre la mĂ©thode et Science in a Free Society ("La science dans une sociĂ©tĂ© libre", non encore traduit en français), Feyerabend a dĂ©fendu l'idĂ©e qu'il n'existe pas de rĂšgles mĂ©thodologiques immuables dont les scientifiques devraient toujours se servir, et qui garantiraient de façon incontestable la validitĂ© de leurs recherches. Il a reprochĂ© Ă  une telle mĂ©thodologie prescriptive de limiter le champ d'activitĂ© des scientifiques et de restreindre par lĂ -mĂȘme le progrĂšs scientifique. Selon lui, une "dose" d'anarchisme mĂ©thodologique ne pourrait ĂȘtre que profitable Ă  la science.

Dans Contre la méthode Feyerabend a déclaré que la philosophie des programmes de recherche de Imre Lakatos consistait en réalité dans de "l'anarchisme déguisé", parce qu'il prétend ne pas donner de directives aux scientifiques. Feyerabend a d'ailleurs dédicacé Contre la méthode à « Imre Lakatos : mon ami, et frÚre en anarchisme ».

Son autobiographie met en mots ses doutes et ses hĂ©sitations biographiques en tant qu’intellect dans le champ scientifique, ce qui fonde de maniĂšre rĂ©flexive sa conception Ă©pistĂ©mologique du « anything goes » .

Absence de méthode et philosophie

La position de Feyerabend est gĂ©nĂ©ralement perçue comme radicale en philosophie des sciences, car elle implique que la philosophie ne parviendra jamais Ă  donner une description intĂ©grale de la science, ni Ă  dĂ©terminer une mĂ©thode qui permette de diffĂ©rencier les produits de la science d'entitĂ©s non scientifiques comme les mythes. Elle implique Ă©galement que les prescriptions de la philosophie quant Ă  la façon de faire la science doivent ĂȘtre ignorĂ©es par les scientifiques, s'ils visent le progrĂšs en science.

Pour soutenir cette idĂ©e que les rĂšgles mĂ©thodologiques ne contribuent gĂ©nĂ©ralement pas au succĂšs scientifique, Feyerabend prend notamment l'exemple de la rĂ©volution copernicienne et montre que les rĂšgles prescriptives de la philosophie des sciences ont toutes Ă©tĂ© violĂ©es lors de cet Ă©pisode de l'histoire des sciences. Il va mĂȘme jusqu'Ă  affirmer que l'application de ces rĂšgles en de telles situations eĂ»t au contraire empĂȘchĂ© toute rĂ©volution scientifique.

Compatibilité avec les anciennes théories

Feyerabend attaque aussi un des critĂšres traditionnels de l'Ă©valuation des thĂ©ories scientifiques, celui de la compatibilitĂ©. Il tente de montrer que cet impĂ©ratif de compatibilitĂ© des nouvelles thĂ©ories avec les anciennes donne un avantage dĂ©raisonnable aux thĂ©ories dĂ©jĂ  instituĂ©es. Selon lui, le fait qu'une nouvelle thĂ©orie soit compatible avec une autre couvrant le mĂȘme champ de recherche n'augmente en aucun cas sa validitĂ©. Il entend par lĂ  que choisir entre deux thĂ©ories, d'une mĂȘme Ă©conomie pour l'explication des phĂ©nomĂšnes, celle qui est la plus compatible avec la thĂ©orie ancienne et rĂ©futĂ©e (falsified), c'est faire un choix d'ordre esthĂ©tique plus que rationnel. La familiaritĂ© d'une telle thĂ©orie la rendra en outre plus attirante pour les scientifiques, qui n'auront pas Ă  remettre en question leurs prĂ©jugĂ©s. En cela, cette thĂ©orie possĂšde un avantage dĂ©raisonnable et injuste.

Falsificationnisme

Feyerabend a Ă©galement opĂ©rĂ© une critique du falsificationnisme poppĂ©rien. Il lui objecta qu'aucune thĂ©orie intĂ©ressante ne serait jamais en accord avec tous les faits. Cela va Ă  l'encontre d'un falsificationnisme naĂŻf qui consisterait Ă  dire que toute thĂ©orie scientifique devrait ĂȘtre rejetĂ©e dĂšs lors qu'elle ne serait pas compatible avec tous les faits connus. Feyerabend prend l'exemple de la renormalisation en thĂ©orie quantique des champs et en physique statistique : « Cette procĂ©dure consiste Ă  rayer les rĂ©sultats de certains calculs et Ă  les remplacer par une description de ce qui est observĂ© empiriquement. On admet ainsi, implicitement, que la thĂ©orie est sujette Ă  caution, en la formulant d'une maniĂšre qui implique qu'un nouveau principe a Ă©tĂ© dĂ©couvert » (Contre la mĂ©thode). Feyerabend n'entend pas ici se moquer de la façon dont les scientifiques procĂšdent. Il ne dit pas que les scientifiques ne devraient pas se servir de la renormalisation ou de quelconques hypothĂšses ad hoc. Au contraire, il affirme que de telles mĂ©thodes sont nĂ©cessaires au progrĂšs de la science pour plusieurs raisons. L'une d'entre elles est que le progrĂšs de la science est inĂ©gal. Feyerabend explique par exemple qu'au temps de GalilĂ©e, l'optique ne rendait pas compte de phĂ©nomĂšnes qui pourtant pouvaient ĂȘtre observĂ©s par les lunettes astronomiques. Les astronomes qui se servaient des observations des lunettes avaient dĂ©jĂ  recours Ă  des hypothĂšses ad hoc jusqu'Ă  ce qu'ils puissent justifier leurs suppositions grĂące Ă  la thĂ©orie optique.

Accord avec les faits Ă©tablis

Feyerabend a Ă©galement critiquĂ© toute attitude consistant Ă  juger la qualitĂ© des thĂ©ories scientifiques en les comparant avec les faits connus. Il pensait que les thĂ©ories prĂ©cĂ©dentes pouvaient influer sur l'interprĂ©tation des phĂ©nomĂšnes observĂ©s. Les scientifiques se servent d'interprĂ©tations naturelles, c'est-Ă -dire d'idĂ©es "si Ă©troitement liĂ©es aux observations qu'il faut faire un effort spĂ©cial pour en prendre conscience", lorsqu'ils comparent les thĂ©ories scientifiques aux faits qu'ils observent. De telles interprĂ©tations doivent ĂȘtre modifiĂ©es si l'on veut rendre la nouvelle thĂ©orie compatible avec les observations. Feyerabend prenait pour exemple principal de ces interprĂ©tations naturelles des phĂ©nomĂšnes l'argument de la tour. L'argument de la tour, en effet, constituait l'objection majeure Ă  la thĂ©orie tentant de dĂ©montrer que la terre tourne. Les aristotĂ©liciens pensaient que le fait qu'une pierre tombant d'une tour atterrisse juste devant la tour prouve que la terre est immobile. Ils pensaient que si la terre effectuait une rotation pendant que la pierre tombait, celle-ci aurait atterri derriĂšre la tour. Si la terre tournait les objets ne tomberaient pas Ă  la verticale mais en diagonale, selon eux. Comme cela ne se produit pas dans le monde physique, les AristotĂ©liciens en infĂ©raient l'immobilitĂ© de la terre. La thĂ©orie de Copernic semble bien ĂȘtre rĂ©futĂ©e par le fait que les objets tombent verticalement sur terre. Il a donc fallu rĂ©interprĂ©ter cette observation pour la rendre compatible avec la thĂ©orie de Copernic. Si GalilĂ©e a rĂ©ussi Ă  le faire, ce n'est qu'en se servant d'hypothĂšses ad hoc et en procĂ©dant contre-inductivement. Les hypothĂšses ont de fait chez Feyerabend un rĂŽle positif : elles permettent de rendre une thĂ©orie temporairement compatible avec les faits, en attendant que la thĂ©orie Ă  dĂ©fendre puisse ĂȘtre soutenue par d'autres thĂ©ories.

Toutes ces remarques tentent de justifier l'introduction de théories qui ne sont pas à premiÚre vue compatibles avec les faits bien établis. Au-delà, elles rendent nécessaire un pluralisme méthodologique qui implique de faire des comparaisons entre les théories pour améliorer l'articulation de ces théories. De cette façon, le pluralisme scientifique renouvellerait le pouvoir critique de la science. Ainsi, Feyerabend propose que la science ne procÚde plus par induction, mais bien plutÎt par contre-induction.

Tout est bon

Selon Feyerabend, les thĂ©ories nouvelles ne sont jamais acceptĂ©es pour avoir respectĂ© une dĂ©marche scientifique, mais parce que ceux qui la soutenaient se sont servis de toutes les astuces possibles – qu'elles consistent dans des arguments rationnels, des artifices rhĂ©toriques ou dans de la pure propagande – pour faire avancer leur cause. DĂšs lors, la seule approche qui ne nuit pas au progrĂšs est « tout est bon Â» (anything goes). « â€œTout est bon” n'est pas un principe que je voudrais Ă©riger... Â», dit Feyerabend en 1975, « mais l'exclamation terrifiĂ©e d'un rationaliste qui s'est intĂ©ressĂ© de plus prĂšs Ă  l'histoire. Â»

Incommensurabilité

Feyerabend pensait Ă©galement que l'incommensurabilitĂ© des thĂ©ories, c'est-Ă -dire le fait de ne pouvoir comparer directement les thĂ©ories parce qu'elles sont basĂ©es sur des suppositions incompatibles, pourrait Ă©galement empĂȘcher l'utilisation de critĂšres gĂ©nĂ©raux pour dĂ©finir la qualitĂ© de thĂ©ories scientifiques. Il n'est pas de thĂ©orie supĂ©rieure Ă  une autre, puisqu'en aucun cas les thĂ©ories scientifiques n'apprĂ©hendent le rĂ©el Ă  partir des mĂȘmes axes, selon lui.

Le rÎle de la science dans la société


Selon Feyerabend, la science peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme anarchiste par essence, soucieuse de son propre mythe[1], et prĂ©tendant Ă  la vĂ©ritĂ© au-delĂ  de ce que lui permettent ses capacitĂ©s rĂ©elles. Qu'Aristote ait Ă©tĂ© dĂ©fendu contre GalilĂ©e ou Pouchet contre Pasteur ne relĂšve que d'une controverse scientifique normale, mais que les constatations de Darwin sur la marche de la nature soient interprĂ©tĂ©es comme prescriptions pour un ordre social n'a plus de rapport avec la science elle-mĂȘme (voir l'article Culte du cargo).

Contre le scientisme

Il estime condescendante l'attitude de nombreux scientifiques envers d'autres modes de pensée et de connaissance. Il rappelle entre autres que les opinions négatives sur l'astrologie ou sur l'effectivité des danses de la pluie n'ont pas fait l'objet de réfutations scientifiques[2], et que le refus de ces phénomÚnes ne relevait donc plus du rationnel. Pour lui, la science devenait une idéologie répressive aprÚs avoir été un mouvement initialement libérateur. Feyerabend pensait utile pour une société moderne de se libérer d'une vision uniquement causale du monde, comme elle l'avait fait des idéologies finalistes.

Contestant l'idée de méthode scientifique universelle, Feyerabend affirme déplacée la position dévolue aux sciences dans les sociétés occidentales, et donc le scientisme. Puisque les scientifiques ne peuvent parvenir à adopter un point de vue universel qui garantirait la qualité de leurs observations, il n'y a pas pour lui de raison que les assertions de la science soient privilégiées par rapport à celles d'autres idéologies comme les religions. On ne pourrait donc juger les autres idéologies à partir des visions de la science du moment. En outre, les grands succÚs scientifiques ont historiquement comporté des éléments non scientifiques. L'inspiration du scientifique lui vient au moins en bonne partie du mythique ou du religieux[3].

SĂ©paration de la science et de l'État

En se basant sur cette argumentation, Feyerabend prĂŽne alors la sĂ©paration de la science et de l'État, de la mĂȘme façon que la religion et la sociĂ©tĂ© sont sĂ©parĂ©es dans les sociĂ©tĂ©s modernes sĂ©culiĂšres. Il envisage "une sociĂ©tĂ© libre" dans laquelle "toutes les traditions auraient les mĂȘmes droits et le mĂȘme accĂšs au pouvoir". Par exemple, les parents devraient avoir le droit de dĂ©terminer le contexte idĂ©ologique de l'Ă©ducation de leurs enfants, au lieu de n'avoir que des options limitĂ©es par la science.

Feyerabend va jusqu'Ă  suggĂ©rer que la science devrait Ă©galement ĂȘtre soumise Ă  un contrĂŽle dĂ©mocratique : non seulement les domaines de recherche devraient ĂȘtre dĂ©terminĂ©s par des Ă©lections populaires, mais les suppositions et les conclusions de la science devraient Ă©galement ĂȘtre supervisĂ©es par des comitĂ©s populaires. Il pensait que les citoyens devraient se servir de leurs propres principes lorsqu'ils seraient amenĂ©s Ă  prendre des dĂ©cisions sur ces problĂšmes ; l'idĂ©e qu'une dĂ©cision doit ĂȘtre rationnelle est selon lui Ă©litiste, car elle suppose que les philosophes ou les scientifiques sont en mesure de dĂ©terminer les critĂšres en vertu desquels les hommes devraient prendre leurs dĂ©cisions. Or eux aussi sont faillibles, et ont leurs prĂ©jugĂ©s, qui ne doivent parfois justement rien Ă  la science (thĂšme de son ouvrage Adieu, la Raison).

Publications

Ouvrages de Feyerabend

  • Contre la mĂ©thode, Esquisse d’une thĂ©orie anarchiste de la connaissance (1975), Paris, Le Seuil, 1979 ; Ă©d. poche, Paris Le Seuil, 1988, coll. "Points sciences".
  • Science in a Free Society (de) (1978)
  • Paul Feyerabend (trad. de l'anglais par Emmanuel Malolo DissakĂš), Ecrits philosophiques : RĂ©alisme, rationalisme et mĂ©thode scientifique, vol. 1, ChenneviĂšres-sur-Marne Paris, DianoĂŻa Diff. Presses universitaires de France, coll. « Fondements de la philosophie contemporaine des sciences », , 447 p. (ISBN 978-2-913126-05-3, OCLC 62750103)
  • Paul Feyerabend (trad. de l'allemand par Françoise PĂ©rigaut, Discussion avec l'historien d'art Alois Riegl), La science en tant qu'art, Paris, Albin Michel, coll. « Sciences d'aujourd'hui », , 169 p. (ISBN 978-2-226-13562-9, OCLC 401787698).
  • Paul Feyerabend (trad. de l'anglais par Baudouin Jurdant), Adieu la raison [« Farewell to reason »], Paris, Éd. du Seuil, coll. « Points / Sciences » (no 115), , 373 p. (ISBN 978-2-02-030057-5, OCLC 717286786).
  • Paul Feyerabend (trad. de l'anglais par Baudouin Jurdant), Dialogues sur la connaissance, Paris, Editions du Seuil, coll. « Science ouverte », , 277 p. (ISBN 978-2-02-017763-4, OCLC 954972184).
  • Paul Feyerabend (trad. de l'anglais par Baudouin Jurdant), Tuer le temps : une autobiographie, Paris, Editions du Seuil, , 236 p. (ISBN 978-2-02-023911-0, OCLC 954972279)
  • Paul Feyerabend (trad. de l'anglais par Emmanuel Malolo DissakĂš), Une connaissance sans fondements [« Knowledge without foundations »], Paris, DianoĂŻa, , 127 p. (ISBN 978-2-913126-00-8, OCLC 632314195). Texte de jeunesse.
  • Paul Feyerabend et Paul Hoyningen-Huene (introduction) (trad. de l'anglais par Emmanuel Malolo DissakĂš), Deux lettres Ă  Thomas Kuhn : sur une version prĂ©paratoire de "La structure des rĂ©volutions scientifiques, Paris, DianoĂŻa, coll. « Fondements de la philosophie contemporaine des sciences », , 118 p. (ISBN 978-2-913126-10-7, OCLC 812496531).
  • Paul Feyerabend (trad. de l'anglais), La tyrannie de la science, Paris, Seuil, , 187 p. (ISBN 978-2-02-111900-8, OCLC 900493648).
  • Paul Feyerabend (trad. de l'allemand), La philosophie de la nature, Paris, Seuil, , 360 p. (ISBN 978-2021102567)

En langue française

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  • Krige J. Le phĂ©nomĂšne Feyerabend, Alliage, no 28, 1996.
  • Malolo DissakĂ© E., Feyerabend - ÉpistĂ©mologie, anarchisme et sociĂ©tĂ© libre, Paris, Puf, philosophies, 2001.
  • LĂ©vy-Leblond J-M, Paul Feyerabend, un Ă©pistĂ©mologue hors norme, Alliage, no 28, 1996.
  • La mort de Feyerabend : Une pensĂ©e-mouvement, (OCLC 803500266).

En langue anglaise

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Bibliographie

Articles connexes

Notes et références

  1. Décrire, expliquer, justifier font partie des préoccupations communes aux mythologies et aux sciences.
  2. Argument auquel Renan opposait cependant en son temps la maxime de droit romain : Quod gratis asseritur, gratis negatur (in L'Avenir de la science).
  3. Voir par exemple Big Bang.

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