ParagrĂȘle
Les paragrĂȘles sont des Ă©quipements dĂ©veloppĂ©s au dĂ©but du XIXe siĂšcle dans le but de se protĂ©ger de la grĂȘle. Ainsi, le paragrĂȘle Ă©lectrique, tout comme sa forme moderne, le niagara, sans parler du canon anti-grĂȘle, ont-ils Ă©tĂ© mis en Ćuvre, mais avec des succĂšs trĂšs mitigĂ©s. Il est ici question des paragrĂȘles Ă©lectriques, le canon anti-grĂȘle Ă©tant traitĂ© par ailleurs.
Historique
De longue date, les humains ont cherchĂ© Ă se protĂ©ger de la foudre et de la grĂȘle. Au Moyen Ăge, notamment Ă Villars-les-Moines, les religieux conjurent la grĂȘle au moyen dâun rituel liturgique (la) Contra grandinem[1] et trĂšs gĂ©nĂ©ralement, sous lâAncien RĂ©gime, on sonne les cloches Ă lâapproche dâun orage. Lâon estime aussi que les dĂ©charges dâartillerie dissipent les orages naissants[2].
Avec la dĂ©couverte de lâĂ©lectricitĂ© atmosphĂ©rique par Benjamin Franklin et sa mise en Ă©vidence en France en 1752 lors dâune cĂ©lĂšbre expĂ©rience Ă Marly, lâon suspecte dĂ©sormais cette force dâĂȘtre responsable de bon nombre de manifestations naturelles. Non seulement la foudre, mais la pluie, la grĂȘle, mĂȘme les tremblements de terre et les Ă©ruptions volcaniques lui sont attribuĂ©s, notamment par lâabbĂ© Bertholon en 1787[3]. Le physicien genevois Ami Argand propose en 1776 dĂ©jĂ Ă lâAcadĂ©mie des sciences de Paris un rapport (perdu), intitulĂ© MĂ©moire et observations sur la cause de la grĂȘle attribuĂ©e Ă lâĂ©lectricitĂ©[4].
Le paragrĂȘle Ă©lectrique
Au dĂ©but du XIXe siĂšcle se manifeste Ă lâĂ©chelle internationale, aux Ătats-Unis, en France, en Italie, en Allemagne et en Suisse romande un engouement pour les paragrĂȘles Ă©lectriques, qui sont en fait des paratonnerres dissĂ©minĂ©s sur le territoire que lâon veut protĂ©ger.
ConcrĂštement, ces paragrĂȘles se prĂ©sentent comme des perches en bois longues de 10-15 m, Ă©quipĂ©es dâune pointe de laiton mise Ă terre par un fil mĂ©tallique, voire, curieusement, par une corde en paille de froment ou de seigle, au centre de laquelle court un cordon de lin Ă©cru[5].
La notion est introduite en 1807 Ă la SociĂ©tĂ© dâĂ©mulation du canton de Vaud par la lecture dâune lettre venant de BĂąle et dĂ©crivant un « prĂ©servatif contre la grĂȘle » essayĂ© depuis peu en Allemagne. Puis, Ă la suite de rapports positifs venus dâItalie, plus exactement du Bolonais et d'Ămilie-Romagne, le pasteur et professeur de zoologie Ă lâAcadĂ©mie de Lausanne Daniel-Alexandre Chavannes se fait le chantre enthousiaste de cette nouvelle technique et suscite un grand engouement au dĂ©but des annĂ©es 1820. Se constitue alors une SociĂ©tĂ© des paragrĂȘles qui mobilise les vignerons vaudois. Ceux-ci implantent des milliers de paragrĂȘles tout au long de la rive du LĂ©man entre Nyon et Montreux. A GenĂšve, la SociĂ©tĂ© des Arts est tentĂ©e de sâassocier Ă lâexpĂ©rience, mais est finalement retenue par une dĂ©claration pĂ©remptoire du savant botaniste Augustin Pyrame de Candolle[6]. En revanche, des projets similaires se dĂ©veloppent autour de Besançon et surtout de ChambĂ©ry, sous lâinfluence notamment des Ă©crits dâAlexandre-Ferdinand Lapostolle[7].
TrĂšs rapidement, les scientifiques comme Gaspard Monge se montrent sceptiques face aux prĂ©tendus succĂšs de ces expĂ©riences, doutant que quelques perches armĂ©es, au ras du sol, puissent protĂ©ger dâune grĂȘle formĂ©e Ă des hauteurs considĂ©rables et poussĂ©e par des vents violents. Si lâ AcadĂ©mie des sciences Ă Paris, section physique, conteste lâefficacitĂ© des paragrĂȘles, la SociĂ©tĂ© linnĂ©enne de Paris, en revanche, fait partie de leurs fervents promoteurs. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, les paragrĂȘles sont dĂ©fendus plutĂŽt par des amateurs enthousiastes, agronomes, inventeurs, pasteurs, professeurs, ou encore vignerons et agriculteurs. Ces controverses donnent lieu Ă des dĂ©bats intĂ©ressants, sur lesquels se greffe le risque que pourraient faire courir les paragrĂȘles aux Ă©difices les plus Ă©levĂ©s, en attirant littĂ©ralement sur eux la foudre. La question se pose de maniĂšre aiguĂ« Ă lâoccasion de lâincendie de la cathĂ©drale de Lausanne en 1825[6].
Dans le canton de Vaud, la ferveur retombe trĂšs brusquement en 1826, Ă la suite de chutes de grĂȘle dĂ©vastatrices tombĂ©es sur des territoires que lâon croyait protĂ©gĂ©s. Du coup, lâenthousiasme populaire se transforme en hargne : partout on arrache perches et fils mĂ©talliques, et ces matĂ©riaux sont vendus aux enchĂšres[6].
Niagaras Ă©lectriques
En dĂ©pit des Ă©checs Ă©voquĂ©s ci-dessus, lâidĂ©e dâune influence Ă©lectrique sur la grĂȘle nâest pas morte. En France, vers 1900, deux propriĂ©taires terriens dans la Vienne ont lâidĂ©e de construire des pylĂŽnes mĂ©talliques hauts de 40 m et pourvus eux aussi dâun Ă©quipement censĂ© dĂ©charger lâĂ©lectricitĂ© atmosphĂ©rique. Ces pylĂŽnes se multiplient dans les rĂ©gions viticoles telles que le Beaujolais, le vignoble de Saint-Emilion, le Sauternais. Mais, lĂ aussi, ces structures sont abandonnĂ©s avant 1920 au profit du canon anti-grĂȘle[6].
Bibliographie
- Paul Bissegger, «Paratonnerres et paragrĂȘles. ExpĂ©riences pionniĂšres et mirages scientifiques autour dâAdrien Pichard (1790-1841), premier ingĂ©nieur cantonal vaudois», Bulletin de la SociĂ©tĂ© vaudoise des sciences naturelles, 2014/94.2, pp. 131-154.
- Pierre Zweiacker, Fluide vital. Contes de lâĂšre Ă©lectrique, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne 2005.
- Pierre Zweiacker, Sacrée foudre ! ou la scandaleuse invention de Benjamin F., Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne 2011.
Références
- G. SchnĂŒrer, Das Necrologium des Cluniacenser-Priorates MĂŒnchenwiler (Villars-les-Moines) (Collectanea friburgensia), Fribourg 1909, p. 108.
- Pierre Zweiacker, Fluide vital. Contes de lâĂšre Ă©lectrique, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne 2005.
- P.-N. Bertholon, De l'électricité des météores, Lyon 1787.
- ProcÚs-verbaux de l'Académie royale des sciences, Paris, 31 août 1776 (comm. René Sigrist).
- Pierre Zweiacker, Sacrée foudre ! ou la scandaleuse invention de Benjamin F., Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne 2011.
- Paul Bissegger, «Paratonnerres et paragrĂȘles. ExpĂ©riences pionniĂšres et mirages scientifiques autour dâAdrien Pichard (1790-1841), premier ingĂ©nieur cantonal vaudois», Bulletin de la SociĂ©tĂ© vaudoise des sciences naturelles, 2014/94.2, pp. 131-154.
- A.-F.-L Lapostolle, TraitĂ© des parafoudres et des paragrĂȘles en cordes de paille, Amiens 1820.