Canon anti-grĂȘle
Le canon anti-grĂȘle ou grĂȘlifuge est un systĂšme utilisĂ© par les agriculteurs pour protĂ©ger leurs exploitations contre la grĂȘle. Il est supposĂ© empĂȘcher la formation de la grĂȘle en limitant la croissance des grĂȘlons grĂące Ă l'onde de choc crĂ©Ă©e par la dĂ©tonation. Ils tomberaient ainsi, au sol, avec une densitĂ© qui ne leur permettrait pas de dĂ©tĂ©riorer les cultures ou mĂȘme sous forme de pluie.
Type |
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Inventeur |
Albert Stiger |
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Date |
1896 |
Utilisateurs | |
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Intéragit avec | |
Usage |
L'efficacitĂ© des canons anti-grĂȘle n'a pas Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e scientifiquement et ce systĂšme n'est pas reconnu par les autoritĂ©s dans la plupart des pays.
Histoire
Les premiers canons anti-grĂȘle sont apparus Ă la fin du XIXe siĂšcle en Autriche. En 1896, Albert Stiger, maire de la ville de Windisch-Fejstritz et producteur de vin renommĂ©, a effectuĂ© les premiĂšres expĂ©riences. Le succĂšs allĂ©guĂ© des premiĂšres annĂ©es de test a engendrĂ© des ventes de canons dans l'Europe voisine : Italie, Allemagne et France[1]. En Italie, la ferveur a Ă©tĂ© si importante que 2 000 canons ont Ă©tĂ© mis en service en 1899.
En 1901, annĂ©e du 3e congrĂšs international de la grĂȘle, de nouveaux courants de pensĂ©e apparaissent et Ă©mettent des doutes sur l'efficacitĂ© du canon. En 1903 et 1904, les gouvernements autrichiens et italiens ont commencĂ© une Ă©tude basĂ©e sur les rĂ©sultats de l'installation de 222 canons dans les provinces de Windisch-Fejstritz et de Castelfranco Veneto[1]. Les deux rĂ©gions ayant eu des dommages occasionnĂ©s par des orages de grĂȘle pendant ces deux annĂ©es, l'expĂ©rience a Ă©tĂ© jugĂ©e comme un Ă©chec. AprĂšs 1905, l'utilisation des canons a Ă©tĂ© largement abandonnĂ©e en Europe[1].
Au dĂ©but du XXe siĂšcle, les explosions Ă©tant gĂ©nĂ©rĂ©es grĂące Ă de la poudre Ă canon, le systĂšme Ă©tait relativement long Ă "recharger". Il Ă©tait donc nĂ©cessaire d'avoir une densitĂ© de canons importante pour obtenir une bonne efficacitĂ© sur un orage de grĂȘle.
Le concept a refait surface autour des annĂ©es 1970, grĂące Ă des agriculteurs de la rĂ©gion de Manosque mĂȘme si aucune recherche scientifique n'appuie les affirmations d'efficacitĂ© de ces derniers. Depuis, on note son utilisation dans quelques endroits en Europe et en AmĂ©rique du Nord[2] et du Sud.
HypothĂšses de fonctionnement du canon anti-grĂȘle
La premiĂšre hypothĂšse sur le fonctionnement des canons fut Ă©mise par un professeur italien de minĂ©ralogie en 1880. Il mentionna que les particules de fumĂ©e projetĂ©es par les canons pourraient servir de noyau de condensation pour former des gouttelettes[1]. C'est cet avis qui mena M. Stiger Ă dĂ©velopper les premiers canons. Lui et les utilisateurs du dĂ©but du XXe siĂšcle tentĂšrent de trouver la meilleure configuration pour obtenir les rĂ©sultats dĂ©sirĂ©s[1]. Par la suite Stiger Ă©mis une autre hypothĂšse : « le canon cause un tourbillon ascendant jusqu'Ă plusieurs centaines de mĂštres d'altitude qui perturbe la formation des grĂȘlons »[1]. Ceci peut ĂȘtre associĂ© au concept moderne de perturbation du courant ascendant dans l'orage.
Le concept d'ensemencement est Ă©liminĂ© des canons rĂ©cents puisque ceux-ci ne produisent pas de fumĂ©e. C'est donc l'hypothĂšse sur les ondes de choc gĂ©nĂ©rĂ© par le canon anti-grĂȘle et qui se propagent vers le nuage qui est retenue. Une partie de ces ondes serait Ă©galement rĂ©flĂ©chie sur la tropopause et, en descendant, elle agirait de nouveau sur les grĂȘlons en formation. Les ondes sont supposĂ©es avoir plusieurs effets sur les grĂȘlons :
- Induction d'un mélange de polarités dans le nuage (anion de la partie basse et cation de la partie haute) provoquant ainsi une réaction en chaßne de micro explosions qui déstabilisent les cristaux de glace ;
- Fragmentation des embryons de grĂȘle et donc multiplication des noyaux de congĂ©lation. Ceci a pour effet d'empĂȘcher les grĂȘlons de grossir et d'atteindre, pendant leur chute, une inertie trop importante qui pourrait les rendre dangereux (ce principe est le mĂȘme que pour les ensemencements de nuage Ă iodure d'argent mais serait obtenu par onde de choc).
Aspects scientifiques
Les grĂȘlons se forment dans les orages au-dessus du niveau de congĂ©lation, et en gĂ©nĂ©ral Ă des tempĂ©ratures plus basses que â20 °C, lorsque la vapeur d'eau se congĂšle sur un noyau de congĂ©lation. Les orages peuvent avoir plus de 10 kilomĂštres entre leur base et leur sommet. Les grĂȘlons vont donc se former Ă plusieurs kilomĂštres au-dessus du sol et lorsqu'ils atteignent un poids plus importants que le courant ascendant dans l'orage vont commencer Ă tomber. Cette chute, d'une altitude de 5 000 Ă 9 000 mĂštres du sol, va leur faire traverser une couche d'air oĂč la tempĂ©rature augmente et passe finalement au-dessus de zĂ©ro degrĂ© Celsius. Lorsque le grĂȘlon se retrouve dans cet air au-dessus du point de congĂ©lation, il se met Ă fondre et diminue de diamĂštre. Ă la limite, lorsque les grĂȘlons sont assez petits et la hauteur du point de congĂ©lation suffisante, ils fondront complĂštement avant d'atteindre le sol.
L'onde sonore Ă©mise par un canon anti-grĂȘle se disperse dans l'atmosphĂšre. Si l'air est instable et turbulent, comme c'est le cas dans une situation orageuse, l'onde va se dissiper sur quelques kilomĂštres. Comme l'onde est supposĂ©e agir sur la formation ou la fragmentation de la grĂȘle, elle doit agir Ă trĂšs courte portĂ©e sur les grĂȘlons en formation ou sur ceux en chute.
Une Ă©tude scientifique publiĂ©e dans le Journal of Applied Meteorology en 1967 dĂ©montre quâune onde de choc peut fragiliser un cube de glace et suggĂšre que des ondes de choc explosives puissent affaiblir, de la mĂȘme façon, des grĂȘlons rĂ©els[3]. Cependant, les auteurs parlent dans la partie conclusion de lancer des fusĂ©es explosives dans le nuage pour produire l'onde de choc prĂšs des grĂȘlons et ne suggĂšrent pas qu'une onde venant du sol, comme celle d'un canon, puisse ĂȘtre suffisamment puissante pour les dĂ©stabiliser[3]. Les scientifiques s'interrogent cependant sur le fait que la foudre des orages qui produit le tonnerre, une onde de choc beaucoup plus puissante, ne semble pas perturber la production de grĂȘle mĂȘme si elle est toujours Ă©mise, par dĂ©finition, prĂšs du nuage[2].
Preuve manquante
ConsidĂ©rant que les orages ne produisent pas tous de la grĂȘle (et ceux qui le font vont en donner de diffĂ©rentes grosseurs, selon les conditions atmosphĂ©riques) il n'est donc possible, pour un utilisateur de canon, de savoir si son appareil a eu un impact rĂ©el que si la totalitĂ© de son voisinage a Ă©tĂ© touchĂ©e par la grĂȘle et que la parcelle protĂ©gĂ©e par le canon a Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©e.
LâOrganisation mĂ©tĂ©orologique mondiale, dans un document de 2007 sur les mĂ©thodes de modification du temps, dit « qu'il n'y a aucune base scientifique, ni hypothĂšse crĂ©dible » Ă l'utilisation de forts bruits pour la suppression de la grĂȘle[4].
Charles Knight, un physicien chercheur au National Center for Atmospheric Research de Boulder (Colorado), conclut ainsi : « Je ne trouve personne dans la communautĂ© scientifique qui valide le concept des canons anti-grĂȘle... Il serait en fait trĂšs difficile de sĂ©parer son effet de ce qui se passe dans le chaos de l'orage »[2].
Utilisation au XXIe siĂšcle
Usage et réglementation dans le monde
Au Mexique les agriculteurs sont subventionnĂ©s Ă hauteur de 50 %[5] pour l'installation de canons anti-grĂȘle reliĂ©s Ă des radars de dĂ©tection d'orages dans le cadre du programme Alianza para el campo[6].
En 2020, des députés français Les Républicains soumettent une proposition de loi permettant de déroger à la réglementation sur le bruit par l'utilisation de ce type de canons[7] - [8].
Fonctionnement
Les canons fonctionnent grĂące Ă un mĂ©lange de gaz explosif (comme l'acĂ©tylĂšne) avec de l'air, ce qui permet d'accroĂźtre considĂ©rablement la frĂ©quence des explosions et donc leur supposĂ©e efficacitĂ© sur le nuage[9] - [10] - [11]. Une Ă©tincelle provenant d'une petite batterie dĂ©clenche l'explosion de 130 dĂ©cibels qui envoie une onde dans le ciel[12]. Le dispositif provoque, de jour comme de nuit, une explosion toutes les 7 secondes pour une durĂ©e minimum de 30 minutes, soit environ 257 explosions, et pouvant aller jusquâĂ 3 heures sans interruption[13]. Certains modĂšles de canon coĂ»tent de 40 Ă 50 000 euros[N 1] - [14].
Pour les propriĂ©taires de canons, la problĂ©matique d'utilisation serait de dĂ©tecter suffisamment Ă l'avance les orages de grĂȘle afin de mettre en route, dans les temps voulus, le dispositif pour que lâonde sonore puisse agir Ă cette courte distance. Un temps annoncĂ© par les promoteurs de cet instrument serait de l'ordre d'une vingtaine de minutes avant l'orage[12]. Il faudrait Ă©galement que l'action sur les grĂȘlons se fasse trĂšs rapidement, avant que ceux-ci atteignent le sol. Les promoteurs contrent l'exemple de la foudre en mentionnant qu'Ă la diffĂ©rence du canon, sa dĂ©tonation n'est pas « canalisĂ©e» par un fĂ»t et la frĂ©quence des Ă©clairs est gĂ©nĂ©ralement bien plus faible que celle du canon (qui gĂ©nĂšre une explosion toutes les 5 Ă 7 secondes). Ces deux dĂ©tonations sont donc difficilement comparables physiquement parlant (puissance, direction et foyer diffĂ©rents).
Conflits d'usage locaux
Les canons entrainent une nuisance sonore notamment nocturne pour les riverains qui font pression sous forme de pétitions ou interpellations afin de réduire la fréquence et l'intensité des détonations[15]. Une solution est dans l'installation de silencieux sur les canons[16].
MalgrĂ© la non dĂ©montrabilitĂ© des effets des canons sur la grĂȘle, des riverains et Ă©lus s'inquiĂštent Ă©galement de leur effet sur l'ensemble des prĂ©cipitations du territoire et donc sur sa sĂ©cheresse[17].
Notes et références
Notes
- Le canon coûte environ 42 000 euros. Eric Jadoul, fruiticulteur à Gingelom, dans le Limbourg, explique pourquoi cet investissement est important à ses yeux : "une pomme de premiÚre classe se vend 80 cents par kilo alors que des pommes déclassées ne se vendent plus qu'à 20 ou 30 cents le kilo".
Références
- (en) Stanley A. Changnon Jr. et J. Loreena Ivens, « History Repeated: The Forgotten Hail Cannons of Europe », Bulletin of the American Meteorological Society, Allen Press, vol. 62, no 3,â (DOI 10.1175/1520-0477(1981)062<0368:HRTFHC>2.0.CO;2, lire en ligne [PDF], consultĂ© le ).
- (en) « Cannons both hailed and blasted », Rocky Mountain News, 10 juillet 2006 (version du 26 février 2007 sur Internet Archive)
- Roger F. Favreau et Guy G. Goyer, « The effect of shockwaves on hailstone model », Journal of Applied Meteorology and Climatology, Allen Press, vol. 6, no 2,â , p. 326â335 (DOI 10.1175/1520-0450(1967)006<0326:TEOSWO>2.0.CO;2, lire en ligne [PDF], consultĂ© le ).
- (en) Commission for Atmospheric Sciences management group, « WMO documents on Weather modification », Organisation météorologique mondiale, 24-26 septembre 2007 (version du 9 mars 2012 sur Internet Archive)
- (es) « Acta de entraga de recepcion » [PDF], Gobierno del estado de Puebla, (consulté le ).
- (es) « Alianza para el campo », Gobierno del estado de Sinaloa, (version du 16 juillet 2007 sur Internet Archive).
- « Proposition de loi visant Ă encadrer lâutilisation de dispositifs agricoles engendrant des ondes de choc », AssemblĂ©e nationale (France), (consultĂ© le ).
- LaurĂšne Mainguy, « Une proposition de loi de LR pour encadrer lâutilisation des canons anti-grĂȘle », Agra Presse,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- « Les diffĂ©rents modes de lutte contre la grĂȘle au vignoble », sur www.derenoncourtconsultants.com (consultĂ© le ).
- « Le canon anti-grĂȘle, l'art de maĂźtriser la colĂšre du ciel », sur www.larvf.com (consultĂ© le ).
- « Canons anti-grĂȘle, ballons chargĂ©s de sels⊠Comment les viticulteurs luttent contre les orages », sur www.usinenouvelle.com (consultĂ© le ).
- Isabelle Louette, « Le canon anti-orage fait fureur chez les agriculteurs », RTBF,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- « Nuisances des canons anti-grĂȘle », sur www.change.org (consultĂ© le ).
- Erwan Lecomte, « GĂ©nĂ©rateur de vortex : comment fonctionne l'arme anti-grĂȘlons », Science et Avenir,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- Manon Adoue, « Les riverains exaspĂ©rĂ©s par les canons anti-grĂȘle », ladepeche.fr,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- « Mercurol-Veaunes : un premier silencieux installĂ© sur un canon anti-grĂȘle », Le DauphinĂ©,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- « Le maire de Bussu sâinquiĂšte du rĂŽle des canons anti-grĂȘle sur la sĂ©cheresse », Le Courrier Picarrd,â (lire en ligne, consultĂ© le ).