Orléanisme
L’orléanisme est un mouvement politique français apparu au XIXe siècle et qui se décline sous deux formes, en deux périodes distinctes :
- l'orléanisme pur ou primitif (1830-1883), qui désignait les partisans de la maison d'Orléans et du régime de la monarchie de Juillet et qui s’est parfois appliqué aux courants politiques de la droite modérée ;
- l'orléanisme-fusionniste (depuis 1883), qui désigne les partisans de la maison d'Orléans qui la considèrent comme héritière des rois de France, à la suite du décès du comte de Chambord, dernier représentant de la branche aînée des Bourbons, et des renonciations supposément faites par le duc d'Anjou lors des traités d'Utrecht de 1713, auteur de la deuxième branche des Bourbons toujours subsistante.
Il s'oppose au mouvement légitimiste, partisan des Bourbons, et au bonapartisme, partisan de la maison Bonaparte.
« Orléanisme » sous l'Ancien Régime
Parler d'orléanisme sous l'Ancien Régime est anachronique au sens où la notion n'apparaît qu'en 1830. Cependant, pour certains historiens, l'orléanisme puise ses fondements dans les rapports qu'ont entretenus les ducs d'Orléans, premiers princes du sang, et la haute aristocratie confrontée aux affaires du royaume depuis la Régence. Depuis la mort de Louis XIV en 1715, suivie de la Régence confiée à Philippe, duc d’Orléans, une coterie s’était organisée autour de la branche d’Orléans ; une opposition à l’absolutisme qui réunit alors de grands aristocrates. Le courant « orléaniste » se développa face à la royauté, puis s'estompa.
Durant la Révolution de 1789, le duc d’Orléans, Philippe Égalité, fut même pressenti par certains (Mirabeau, Sieyès, Choderlos de Laclos) pour prendre le pouvoir, dans la mesure où il paraissait constituer un compromis entre l’Ancien Régime et les idées de la Révolution.
Orléanisme sous la Monarchie de Juillet
L'orléanisme est surtout le nom donné au mouvement d'adhésion à Louis-Philippe et à la branche d'Orléans en général. L'idéologie orléaniste est en grande partie théorisée par François Guizot, homme d’État le plus pérenne du régime. Elle correspond à une vision politique intégrant les acquis révolutionnaires de 1789, mais souhaitant l'exercice des libertés et la canalisation réaliste des poussées sociales intempestives dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle. L'orléanisme fut d'abord un courant touchant au libéralisme conservateur. Après 1830, les orléanistes s'opposent donc aux légitimistes, pour lesquels la Révolution a brisé l'ordre monarchique multiséculaire ; c'est l'origine du destin parallèle de deux des droites — la troisième étant la droite bonapartiste — selon René Rémond.
En 1830, le fils de Philippe Égalité, Louis-Philippe, fait figure de dernier recours après le renversement de la branche aînée des Bourbon et fonde la monarchie de Juillet, régime modéré qui permet à la grande bourgeoisie d’accéder enfin au pouvoir.
Le courant politique de l’orléanisme ne saurait se résumer à une sorte de dynastie. L’orléanisme est d’abord une conception assez moderne et laïcisée de la monarchie qui n’est plus de droit divin et qui, ce qui est le plus fondamental, trouve son origine dans la volonté populaire. Le serment prêté à la Charte remplace le sacre. C’est un véritable régime constitutionnel inspiré du modèle anglais (qui a conservé le sacre) et qui remplace un régime dominé par l’autorité du Roi en monarque absolu. L’orléanisme s’appuie dès lors sur le Parlement avec une formation en système bicaméral. Avec les répressions des insurrections ouvrières, comme celle des canuts de Lyon en 1831, et en assurant les intérêts de la bourgeoisie d’affaires, l’orléanisme, alors considéré comme « modéré », glisse vers le conservatisme.
« Orléanisme fusionniste »
Au début de la IIIe République, le duc de Broglie, royaliste orléaniste fusionniste, considérait[1] que « le trône restait vacant » et que le président Mac Mahon était une sorte de « lieutenant-général du royaume », « prêt à céder la place » au comte de Chambord, le prétendant légitimiste (sans enfants et dont le plus proche cousin était le comte de Montizón, un Bourbon-Anjou), accepté par les orléanistes fusionnistes qui espéraient que son héritage politique serait recueilli par le comte de Paris — petit-fils de Louis-Philippe Ier, le roi de la monarchie de Juillet —, un cousin d'une branche cadette éloignée, les Orléans.
Durant les premières années de la IIIe République, les orléanistes jouent un rôle politique important. Ils soutiennent Adolphe Thiers puis le maréchal de Mac-Mahon, comme chef de l'État. Face aux légitimistes, qui soutiennent le comte de Chambord et qui prônaient un retour à l’Ancien Régime, les orléanistes soutenaient le comte de Paris, comme successeur au trône de France.
Le ralliement, en 1883, de la majeure partie des royalistes français au comte de Paris, fit s'estomper la notion primitive d'orléanisme qui continua cependant à désigner, au sein du royalisme français, les partisans de la maison d'Orléans (descendant du deuxième fils de Louis XIII), à côté des légitimistes, partisans de la nouvelle branche aînée des Bourbons, les Bourbon-Anjou (ou Bourbons « d'Espagne », descendant du deuxième petit-fils de Louis XIV). Après 1883, la doctrine orléaniste évolue vers le nationalisme intégral de Maurras, à la fois résultante et moteur de la quête orléaniste d'une dynastie qui soit toujours restée française et n'ait jamais régné à l'étranger. Toutefois, le positionnement très marqué à droite de l'Action française amènera une partie des orléanistes à se détourner de ce mouvement, pour fonder en 1971 la Nouvelle Action française (devenue en 1978 la Nouvelle Action royaliste) dont le chef de file, Bertrand Renouvin, sera candidat à l'élection présidentielle de 1974, où il n'obtiendra que 0,17 % des suffrages exprimés.
« Orléanisme » et droite libérale
Sous la Ve République, l’historien René Rémond plaça le président Valéry Giscard d'Estaing dans la tradition orléaniste, au premier sens du terme (le bonapartisme et le légitimisme étant les deux autres traditions)[2].
Plus généralement, dans son ouvrage Les Droites en France, René Rémond a considéré que la droite libérale était une héritière idéologique de l'orléanisme[3].
Le parlementarisme orléaniste est également un terme employé par le constitutionnaliste Maurice Duverger pour qualifier le régime politique de la Ve République. Il se réfère ainsi à un régime qui, bien que parlementaire, offre un « grand pouvoir réel » au chef de l’État[4].
En 1971 est fondé la Nouvelle Action française, devenue la Nouvelle Action royaliste en 1976. Elle défend la monarchie constitutionnelle.
Succession orléaniste depuis l'abdication de Louis-Philippe Ier
« Orléanistes purs »
- 1848-1883 : « Louis-Philippe II » petit-fils de Louis-Philippe Ier
« Orléanistes-fusionnistes »
- 1883-1894 : « Philippe VII » précédent
- 1894-1926 : « Philippe VIII » fils aîné du précédent
- 1926-1940 : « Jean III » cousin germain et beau-frère du précédent
- 1940-1999 : « Henri VI » fils du précédent
- 1999-2019 : « Henri VII » fils aîné du précédent
- depuis 2019 : « Jean IV », fils du précédent
Notes et références
- « Le septennat du maréchal de Mac-Mahon, constitué au lendemain de l'échec de la fusion, nous donnait un délai de quelques années pendant lesquelles la porte restait ouverte à la monarchie : le comte de Chambord pouvait réfléchir et revenir sur ses prétentions, ou la France se résigner à les accepter. Nous donnions ainsi du temps et en quelque sorte de la marge aux événements. Le trône restait vacant et j'avais réussi à y faire asseoir, sous le nom de président, un véritable lieutenant-général du Royaume, prêt à céder la place, le jour où le Roi aurait été en mesure de la prendre », de Broglie, « Mémoires, IIIe partie, l'avènement de la République (II) », in La Revue des Deux Mondes, tome LIV, 1er décembre 1929, p. 594.
- Alain-Gérard Slama, « Vous avez dit bonapartiste ? », in L'Histoire no 313, octobre 2006, p. 60-63.
- « Les trois droites de René Rémond, de l’Académie française, et leur pertinence aujourd’hui (Entretien avec l’historien Michel Winock par Damien Le Guay) », sur canalacademie.com
- Maurice Duverger, « Les institutions de la Ve République », Revue française de science politique, no 1, 1959.
Voir aussi
Bibliographie
- Guy Augé, Succession de France et règle de nationalité, Paris, La Légitimité/Diffusion DUC, 1979.
- Dominique Barjot, Jean-Pierre Chaline et André Encrevé, La France au XIXe siècle, 1814-1914, PUF, 2011.
- Gabriel de Broglie, L'Orléanisme : la ressource libérale de la France, Perrin, 2003 (ISBN 2262002169)
- Jacques Crétineau-Joly, Histoire de Louis-Philippe d'Orléans et de l'Orléanisme, 2 vol., 1862-1895.
- Jérôme Grondeux, Histoires des idées politique en France au XIXe siècle, La Découverte, 1998, 122 p.
- Henri de Lourdoueix, La Révolution c'est l'orléanisme, Chez Dentu. (ASIN B0000DR8U1)
- Hubert Néant, La Politique en France. XIXe et XXe siècles, Paris, Hachette, 1991, 222 p.
- Lucien-Anatole Prévost-Paradol, La France nouvelle (1865 ; référence majeure de l'orléanisme).
- Hervé Robert, L'Orléanisme, Presses universitaires de France (PUF), coll. Que sais-je ?, 1992 (ISBN 2130450350)
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :