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Orientation des oiseaux

La question de l'orientation chez les oiseaux est une énigme majeure chez les scientifiques. En effet, plusieurs théories sur ce sujet se complÚtent et se contredisent : aucune théorie n'a été démontrée à ce jour, mais les expériences réalisées sur les oiseaux ont permis, malgré tout, de se positionner face à ce problÚme.

Il semblerait en effet que les oiseaux utilisent de nombreux sens pour s’orienter, et mĂȘme, que ces capacitĂ©s seraient essentielles pour le bon fonctionnement de leur orientation. Les scientifiques ont alors Ă©mis l’hypothĂšse que les oiseaux se dĂ©placent grĂące Ă  plusieurs types d’orientation :

Migration automnale de Bernaches Nonnette en Finlande
  • L’orientation visuelle : le jour, les oiseaux s’orienteraient grĂące au soleil, mais aussi la nuit grĂące aux Ă©toiles. Les oiseaux s’orienteraient Ă©galement grĂące Ă  la topographie. En effet, ils possĂšdent une mĂ©moire visuelle trĂšs dĂ©veloppĂ©e qui leur permet de se repĂ©rer grĂące aux Ă©lĂ©ments topographiques.
  • L’orientation magnĂ©tique : les oiseaux utiliseraient aussi le champ magnĂ©tique terrestre (CMT) pour s’orienter, ce qui permettrait Ă©galement de prendre le relais lorsque les conditions climatiques ne permettent plus l’orientation visuelle. On parle alors de magnĂ©torĂ©ception.
  • L’orientation olfactive : Les oiseaux possĂšdent une mĂ©moire olfactive. Il semblerait en effet que les oiseaux crĂ©ent au cours de leur vie une « carte odorante » permettant de s'orienter efficacement.

D’aprĂšs les recherches effectuĂ©es sur ces diffĂ©rents phĂ©nomĂšnes, les scientifiques peuvent affirmer que l’orientation chez les oiseaux se base principalement sur leur mĂ©moire : ils enregistrent en effet des donnĂ©es visuelles, des valeurs du champ magnĂ©tique ainsi que des donnĂ©es olfactives, leur permettant de se diriger efficacement.

Utilisation de la vue

Utilisation des astres


Mise en évidence du phénomÚne

En 1952, l'observatoire anglais G.V.T Matthews procĂšde Ă  de nombreuses expĂ©riences de "homing" (dĂ©paysement en français). Des oiseaux sont amenĂ©s Ă  une certaine distance de leur nid, souvent plusieurs centaines de kilomĂštres. Le chercheur Ă©value alors le temps que mettent les oiseaux pour effectuer le trajet de retour et la probabilitĂ© de les voir revenir. L’une des expĂ©riences effectuĂ©es est la suivante : deux groupes de goĂ©lands sont lĂąchĂ©s d’un mĂȘme endroit, l'un par temps couvert, l'autre par temps dĂ©gagĂ©. Pour le premier groupe, seuls 40 % des oiseaux ont retrouvĂ© leurs nids contre 65 % pour le second. Les rĂ©sultats montrent que le soleil joue bien un rĂŽle dans l'orientation des oiseaux.

Les expériences de Kramer

Gustav Kramer est un biologiste allemand. En 1952, il entreprend une sĂ©rie d’expĂ©riences sur les Ă©tourneaux. Comme tous les oiseaux migrateurs durant la pĂ©riode migratoire, les Ă©tourneaux enfermĂ©s dans une cage se placent dans le coin qui correspond Ă  la direction dans laquelle ils migreraient s'ils Ă©taient en libertĂ©. Une Ă©tude est donc facilement rĂ©alisable dans ces conditions. L'expĂ©rience la plus connue de Kramer consiste Ă  placer un Ă©tourneau dans une cage oĂč il est privĂ© de la lumiĂšre du soleil. GrĂące Ă  un trou et Ă  un systĂšme de miroir, Kramer dirige les rayons du soleil dans la direction souhaitĂ©e. L’oiseau initialement placĂ© sud-ouest change de direction en fonction de la direction des rayons. Kramer conclut ainsi que le soleil est essentiel Ă  l’orientation des oiseaux. Cependant, le soleil n’est pas toujours visible, ce qui ne permet pas d'arriver Ă  des conclusions dĂ©finitives. Kramer recommence son expĂ©rience en mettant cette fois du papier translucide autour de la cage de l’oiseau. Ainsi il simule un ciel couvert, lorsque l’oiseau ne peut plus localiser le soleil, il se place de façon alĂ©atoire dans la cage. À l’inverse, quand une Ă©claircie est simulĂ©e, l’oiseau se redirige instantanĂ©ment dans la bonne direction. Les oiseaux s’orientent donc grĂące au soleil mais il faut nuancer : les oiseaux utiliseraient le soleil mais aussi d'autres moyens pour trouver leur chemin durant leur migration.

Klaus Schmidt-Koenig et l’horloge biologique

Conscient des travaux rĂ©alisĂ©s par Kramer, ce neurobiologiste amĂ©ricain affirme en 1958 que pour qu’un tel phĂ©nomĂšne soit possible, il faut que les oiseaux utilisent leur horloge biologique pour pouvoir s’orienter au grĂ© du dĂ©placement du soleil. Il enferme alors des oiseaux dans une cage, en l'occurrence des pigeons, et pendant cinq jours crĂ©e artificiellement une alternance de jour et de nuit, dans le but de « dĂ©rĂ©gler » leur horloge interne, supposĂ©e existante. AprĂšs avoir libĂ©rĂ© les pigeons, il observe alors un rĂ©el dĂ©calage entre la direction d’envol de ces pigeons et celle de ceux qui n’ont pas subi ce traitement. Il prouve alors que les oiseaux possĂšdent une horloge interne et s’en servent pour s’orienter.

Principe de l'orientation solaire
Illustration de l'azimut solaire : le point P correspond au soleil et Lambda (angle bleu) Ă  l'azimut.

Les oiseaux utilisent l’azimut solaire : c’est l’angle formĂ© entre la droite en direction du soleil projetĂ©e sur la surface et une direction de rĂ©fĂ©rence. Ils ont donc besoin de la direction du soleil et d’une notion du temps Ă  tout moment de la journĂ©e pour retrouver leur chemin. Des expĂ©riences ont montrĂ© que les oiseaux prennent des directions de vols diffĂ©rentes selon le dĂ©calage horaire imposĂ© : en simulant un dĂ©calage horaire lumineux de 6 heures, les oiseaux modifient leur direction de vol de 90° et si le dĂ©calage est de 12 heures, ils la modifient de 180°. Cependant, cette horloge a besoin d'ĂȘtre constamment calibrĂ©e car lors de longs trajets par exemple, il faut tenir compte du dĂ©calage horaire et des changements de saison. C’est notamment pour cela que les oiseaux ont besoin et utilisent d’autres mĂ©thodes d’orientation.

Mise en évidence du phénomÚne

Frieder Sauer, biologiste allemand, a menĂ© une sĂ©rie d’expĂ©riences en planĂ©tarium dans les annĂ©es 1957. Il recrĂ©e artificiellement le ciel en ne modifiant que son orientation, et place des oiseaux dans cet environnement. Ces derniers ont pris une autre direction de vol, qui semble ĂȘtre en fonction de l’orientation du ciel.

Les expĂ©riences d’Emlen

Stephen T.Emlen est un neurobiologiste amĂ©ricain qui a approfondi les Ă©tudes de Sauer dans les annĂ©es soixante. Sauer avait rĂ©ussi Ă  prouver que les oiseaux utilisent les Ă©toiles mais il ne savait pas s'ils utilisent l’intĂ©gralitĂ© du ciel ou juste un repĂšre fixe. Emlen recommence donc les expĂ©riences en planĂ©tarium. Lors de sa premiĂšre expĂ©rience, il a retirĂ© l'Ă©toile polaire, ”le centre de rotation” des Ă©toiles, du planĂ©tarium. Les oiseaux n’ont pas semblĂ© dĂ©rangĂ©s et ont gardĂ© la mĂȘme position d’envol. Puis, il a retirĂ© tour Ă  tour toutes les constellations du ciel artificiel, il n'y a eu aucun changement quant Ă  la direction prise par les oiseaux. Enfin, il a enlevĂ© des parties de ce ciel, et lorsque les oiseaux ne pouvaient plus identifier la rotation des Ă©toiles, ils semblaient s’orienter alĂ©atoirement. Il a donc Ă©mis l'hypothĂšse que les oiseaux devaient au prĂ©alable observer le ciel pour le comprendre et identifier la rotation. Il a rĂ©alisĂ© une derniĂšre expĂ©rience oĂč il a Ă©duquĂ© trois groupes d’oiseaux, le premier n'ayant jamais vu les Ă©toiles, le second ayant grandi sous le ciel habituel, enfin le troisiĂšme, sous un ciel artificiel tournant autour de la BĂ©telgeuse d’Orion. PlacĂ©s dans le planĂ©tarium, les oiseaux du premier groupe ne savaient pas oĂč s’orienter, ceux du second s’orientaient comme Ă  l’habitude, dos Ă  l’étoile polaire, et ceux du troisiĂšme, dos Ă  la BĂ©telgeuse.

Principe de l'orientation stellaire

Certains oiseaux se servent donc des Ă©toiles pour s’orienter mais cela se base sur une Ă©ducation de l’oiseau Ă  comprendre le monde qui l’entoure. L‘orientation stellaire est un complĂ©ment pour l’orientation de certains oiseaux mais elle reste trĂšs minime et seules certaines espĂšces en sont capables. Cependant, ces expĂ©riences, comme celles rĂ©alisĂ©es sur l’orientation solaire, ont mis en Ă©vidence la facultĂ© des oiseaux Ă  utiliser leur mĂ©moire pour s’orienter.

Les premiĂšres thĂ©ories abandonnĂ©es sur l’orientation

Vers le début du XXe siÚcle, les premiÚres hypothÚses sur l'orientation des oiseaux, basées sur des observations et sur quelques expériences, ont vu le jour.
L’une d’entre elles dĂ©coule directement de l’observation des oiseaux. Souvent aprĂšs avoir Ă©tĂ© lĂąchĂ©s, les oiseaux rĂ©alisent de grandes spirales dans le ciel. Les scientifiques ont donc conclu qu’ils exploraient l’horizon. Hodge, en 1894, a mĂȘme affirmĂ© que l’écart entre les spirales est tel que l’oiseau voit tous les environs. Cependant aucune spire assez grande n'a Ă©tĂ© observĂ©e, ce qui contredit cette hypothĂšse, qui n’aura finalement jamais Ă©tĂ© prouvĂ©e.
Une seconde est fondĂ©e sur l’expĂ©rience de Rabaud. En 1928, il lĂąche en mer 1500 pigeons voyageurs au large de la France, Ă  500 km de Croisic en Loire-Atlantique. Sur 1500 sujets, seuls 300 sont retournĂ©s Ă  leur pigeonnier aprĂšs les 48 premiĂšres heures. Les autres se sont perdus, et on les a retrouvĂ©s dans diverses rĂ©gions du globe telles que l’Espagne ou le Caucase. En conclusion, les oiseaux partiraient dans des directions alĂ©atoires jusqu’à retrouver une aire connue. Certains chercheurs ajoutent mĂȘme qu’ils se dĂ©placeraient en zigzag pour augmenter leurs chances. Mais trĂšs vite cette thĂ©orie est aussi abandonnĂ©e.

Utilisation de repĂšres visuels

En 1949, Griffin mĂšne une expĂ©rience de dĂ©paysement. Il prit des Fous de Bassan sur l'Ăźle Bonaventure au QuĂ©bec, dans une des plus grandes communautĂ©s existantes. Ces oiseaux non migrateurs ont Ă©tĂ© lĂąchĂ©s depuis diffĂ©rents points allant jusqu'Ă  340 km de distance par rapport Ă  leur nid. Leurs dĂ©placements ont Ă©tĂ© surveillĂ©s depuis un avion. Il a alors observĂ© que les oiseaux lĂąchĂ©s prĂšs des cĂŽtes rentraient plus rapidement que les oiseaux lĂąchĂ©s Ă  des distances plus grandes du littoral. AprĂšs avoir pris soin de bien observer et explorer la rĂ©gion, ceux lĂąchĂ©s Ă  l'intĂ©rieur des terres, ont finalement rĂ©ussi pour la plus grande majoritĂ© Ă  retrouver leur nid, mĂȘme si les trajets ont parfois Ă©tĂ© hĂ©sitants. Ces hĂ©sitations sont, pour certains, la preuve que l'oiseau cherche des points de repĂšre. Chez le pigeon voyageur, la formation qu'il reçoit est primordiale pour qu'il puisse rapidement dĂ©terminer des points de repĂšre et ĂȘtre endurant pendant le vol. D'aprĂšs les expĂ©riences de C.S.Platt et R.S.Dare en 1954 sur ces oiseaux, ces points de repĂšre sont d'autant plus faciles Ă  trouver que le temps est clair. En 1952, Griffin rĂ©itĂšre une expĂ©rience de dĂ©paysement; il constate que les pigeons utilisent la topographie du territoire pour se diriger. Ce type d'orientation est aussi observĂ© chez l’étourneau. Les fleuves, les montagnes et les littoraux sont alors de bons repĂšres permettant aux oiseaux de s'orienter.

L'orientation par magnétoréception

Découverte du phénomÚne chez l'oiseau

L’idĂ©e que les oiseaux puissent s’orienter en fonction du champ magnĂ©tique a Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e pour la premiĂšre fois par Viguier en 1882. Mais ce n’est vraiment qu’en 1947 avec Henry Yeagley que les premiĂšres recherches sur le sujet sont rĂ©alisĂ©es. Ces travaux seront alors repris et modifiĂ©s entre autres par James Gould, Charles Walcott ou alors Bruce Moore.

L'hypothĂšse de Yeagley

Champ magnétique d'un dipÎle semblable à celui de la Terre

Son travail est basĂ© sur trois hypothĂšses : les oiseaux auraient la capacitĂ© d’assimiler une « carte magnĂ©tique » de la Terre, ils seraient sensibles aux variations de la force de Coriolis, enfin ils pourraient Ă©valuer leur vitesse de vol. De ce fait, ils seraient capables de connaitre leur position exacte. En effet, quand un objet se dĂ©place dans un champ magnĂ©tique, un « courant » se crĂ©e. Ce dernier est proportionnel Ă  sa vitesse et Ă  l’intensitĂ© du champ magnĂ©tique. Si ces hypothĂšses sont exactes, les oiseaux auraient accĂšs Ă  l’intensitĂ© du champ magnĂ©tique terrestre et ils pourraient Ă©valuer leur position. Afin de prouver son hypothĂšse, Yeagley met en place une expĂ©rience. Pendant plusieurs semaines, il entraĂźne 1200 pigeons Ă  retrouver le pigeonnier quelle que soit sa position. Celle-ci Ă©tant rĂ©guliĂšrement modifiĂ©e, l’oiseau n’a donc aucun repĂšre visuel. L’entrainement terminĂ©, les pigeons sont placĂ©s Ă  2 200 km du milieu d’entrainement. Yeagley constate que seulement 2 % des pigeons ont retrouvĂ© leur chemin. Ce rĂ©sultat infirme son hypothĂšse Ă©tant donnĂ© que la grande majoritĂ© des pigeons ne sont jamais revenus.

L’expĂ©rience de Lowell Gable

Suite Ă  l’échec de Yeagley, Gable, spĂ©cialiste sur le sujet du « homing » des pigeons, dĂ©cide de rĂ©aliser une autre expĂ©rience. Il constitue deux groupes de pigeons, les oiseaux du premier groupe sont Ă©quipĂ©s d’une barre mĂ©tallique et ceux du second d’un aimant. Un nombre important d’oiseaux Ă©quipĂ©s des barres de mĂ©tal ont retrouvĂ© leur chemin tandis que les oiseaux Ă©quipĂ©s d’aimants ne sont pour la majoritĂ© pas rentrĂ©s. L’aimant perturbe ainsi l’orientation des oiseaux, ceci prouve donc que les oiseaux utilisent le champ magnĂ©tique terrestre afin de s’orienter.

Les travaux de Wolfgang Wiltschko

Wolfgang Wiltschko, scientifique allemand, essaye d’expliquer le fait que les oiseaux peuvent voler par temps couvert. Selon lui, les oiseaux se repĂšrent grĂące au champ magnĂ©tique terrestre, il entreprend ainsi une sĂ©rie d’expĂ©riences sur les rouges-gorges. Ceux-ci semblent dans un premier temps s’orienter en fonction du champ magnĂ©tique environnant, et ce d’ores et dĂ©jĂ  dans la cage. Cela dit, l'oiseau ne distingue pas le Nord du Sud ; il peut cependant diffĂ©rencier la direction de l’équateur Ă  celui de l’un des pĂŽles. Wiltschko dĂ©cide d’aller plus loin, il relĂąche deux groupes de rouges-gorges : un groupe Ă©tant dans une cage normale, l’autre dans une cage avec, Ă  l’intĂ©rieur, un champ magnĂ©tique inversĂ©. RĂ©sultat, le deuxiĂšme groupe emprunte la direction opposĂ©e. Ceci semble expliquer le rĂŽle de la magnĂ©torĂ©ception dans l’orientation des oiseaux.

La magnétite chez les oiseaux

Les cristaux de magnĂ©tite peuvent ĂȘtre assimilĂ©s Ă  des aiguilles de boussoles. Les premiĂšres recherches sur la magnĂ©tite ont commencĂ© avec les bactĂ©ries magnĂ©totactiques. Ces derniĂšres ne sont pourtant pas les seules Ă  en possĂ©der. Des chercheurs amĂ©ricains, en plaçant des dĂ©tecteurs supraconducteurs autour des oiseaux, ont dĂ©couvert des cristaux de magnĂ©tite le long de la zone olfactive dans le cerveau. Il ne peut agir sur l’oiseau qu’à l’échelle microscopique. En effet, les cristaux se dĂ©placeraient non pas individuellement mais par groupe. Ceci provoque des problĂšmes au niveau de certaines cellules qui lanceraient alors des signaux chimiques au cerveau. Une expĂ©rience consistant Ă  appliquer un champ magnĂ©tique intense sur les becs de pigeons montre effectivement qu’il est possible de dĂ©magnĂ©tiser ces cristaux de magnĂ©tite, ce qui aurait pour consĂ©quence de les dĂ©sorienter.

Une théorie réfutée

Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e par David Keays et ses collĂšgues rĂ©fute l’hypothĂšse selon laquelle les oiseaux se servent des magnĂ©tites pour se dĂ©placer. Son expĂ©rience consiste Ă  dĂ©tecter de la magnĂ©tite en utilisant l'Imagerie par RĂ©sonance MagnĂ©tique (IRM) ainsi qu’un colorant bleu capable de rĂ©agir en prĂ©sence de fer. NĂ©anmoins, le dĂ©pĂŽt ferreux qui a pu ĂȘtre dĂ©tectĂ© n’était pas des cristaux de magnĂ©tite mais des cellules du systĂšme immunitaire, appelĂ©es macrophages, et n’ont donc aucun rapport avec une quelconque rĂ©ception sensorielle. Toutefois, cette Ă©tude ne contredit Ă  aucun instant la thĂ©orie sur la magnĂ©torĂ©ception. Il est possible que ces cristaux de magnĂ©tite se localisent ailleurs.

Les cryptochromes

Il existe chez l’oiseau une protĂ©ine appelĂ©e cryptochrome. La relation entre cryptochrome et orientation magnĂ©tique a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© observĂ©e chez certains organismes comme les plantes ou la Drosophila melanogaster. Chez les oiseaux, des Ă©tudes montrent que la fauvette des jardins possĂšde des cryptochromes qui s’activent lorsqu’une onde Ă©lectromagnĂ©tique contenant la longueur d’onde du bleu est prĂ©sente. De cette maniĂšre, les cryptochromes rĂ©agissent selon le champ magnĂ©tique. Pour conforter l’idĂ©e que ces protĂ©ines ont un rapport avec la magnĂ©torĂ©ception, certains chercheurs ont mis en place d’autres Ă©tudes afin de conclure que les cryptochromes sont prĂ©sents chez les oiseaux migrateurs alors qu’ils sont absents chez les oiseaux non migrateurs. Ces cryptochromes semblent ĂȘtre prĂ©sents dans la rĂ©tine de l’Ɠil droit de l’oiseau. Selon une expĂ©rience, l’oiseau privĂ© de son Ɠil gauche peut s’orienter seulement sous la prĂ©sence d’une lumiĂšre bleue, tandis que privĂ© de son Ɠil droit, il est dĂ©sorientĂ© quelle que soit la lumiĂšre prĂ©sente.

RĂŽle de l'odorat dans l'orientation

Principe de l’orientation olfactive

ParallĂšlement aux recherches effectuĂ©es sur l’orientation magnĂ©tique chez les oiseaux, les scientifiques, notamment ceux de l’UniversitĂ© de Pise, ont Ă©mis une nouvelle thĂ©orie : l’orientation olfactive chez les oiseaux. Les oiseaux auraient ainsi la capacitĂ© de s’orienter grĂące Ă  leurs facultĂ©s olfactives. Leur hypothĂšse principale porte sur le fait que les odeurs transportĂ©es par le vent pourraient constituer des repĂšres olfactifs pour les oiseaux qui possĂ©deraient alors une vĂ©ritable « carte odorante ». Ces oiseaux sentiraient ainsi l'air ambiant et pourraient s'orienter grĂące Ă  leur carte basĂ©e sur des souvenirs olfactifs. Il est donc envisageable d'imaginer qu'ils retiennent la sĂ©quence des odeurs sur leur route qui leur permettent de s’orienter grĂące Ă  diffĂ©rents gradients d'odeur dans l'air atmosphĂ©rique. À titre d’exemple, Gabrielle Nevitt, de l'universitĂ© de Californie, a effectuĂ© des recherches permettant de comprendre comment les gradients d’odeurs pouvaient se crĂ©er. Elle Ă©nonce par exemple que le dimethyl sulfide (DMS) qui est un gaz produit par le phytoplancton, est un trĂšs bon repĂšre olfactif. En effet, en zone montagneuse, l’odeur du DMS est importante alors qu’en zone de vallĂ©e elle est assez faible. Cette variation d’environnement constituerait ainsi des repĂšres dans leur orientation.

Importance du bulbe olfactif

Ces facultĂ©s olfactives seraient contrĂŽlĂ©es par le bulbe olfactif qui est de diffĂ©rentes tailles selon l'espĂšce d’oiseaux. Ainsi, Bebsy Bang, une anatomiste amĂ©ricaine, a dĂ©cidĂ© de mesurer ces bulbes chez de nombreuses espĂšces d’oiseaux et de les comparer entre elles. Le pourcentage de place que prend ce bulbe dans le cerveau peut alors ĂȘtre calculĂ©. Cette anatomiste a donc prouvĂ© que le bulbe atteint 36 % chez les pĂ©trels des neiges mais seulement 3 % chez les forestiers. Certaines espĂšces auraient donc plus de facilitĂ©s Ă  s’orienter grĂące Ă  leur sens olfactif. Des chercheurs ont menĂ© des expĂ©riences en Allemagne ou en Italie par exemple. Ces chercheurs ont dans un premier temps sectionnĂ© le nerf olfactif de certains oiseaux, on parle alors d'oiseaux anosmiques : ces oiseaux ont alors Ă©tĂ© incapables de s'orienter et de retrouver leur pigeonnier lorsqu'ils ont Ă©tĂ© transportĂ©s Ă  plusieurs kilomĂštres de leur site. Similairement, on a rendu certains oiseaux anosmiques temporairement Ă  l'aide d'une anesthĂ©sie locale de leur systĂšme olfactif. Ces oiseaux Ă©taient tout d'abord incapables de s'orienter, mais lorsque l'effet de l'anesthĂ©siant s'est dissipĂ©, ils ont pu Ă  nouveau retrouver leur pigeonnier.

Importance de la narine droite

TĂȘte d'un Pigeon biset (Columba livia), photographiĂ©e Ă  Santa Barbara, en Californie (États-Unis).
Pigeon biset lors d'une expérience sur l'odorat (en blanc le morceau de cire)

Anna Gagliardo a menĂ© d'autres recherches sur la perception olfactive des oiseaux dans leur orientation, et a remarquĂ© qu'il existe une asymĂ©trie fonctionnelle dans le cortex piriforme, principale structure olfactive corticale. En effet, Gagliardo et son Ă©quipe ont dĂ©couvert que les deux narines ne sont pas utilisĂ©es de la mĂȘme maniĂšre. Ils ont mis un caoutchouc collant dans la narine gauche de dix pigeons voyageurs, et ont fait de mĂȘme en bouchant la narine droite de neuf autres oiseaux.

C'est alors qu'ils ont remarqué que quand la narine droite était obstruée, les pigeons perdaient le sens de l'orientation. Ces oiseaux ont pris plus de voies détournées pour rentrer à leur pigeonnier. Les pigeons avec la narine gauche bouchée se sont orientés normalement. Les chercheurs ne savent pas encore pourquoi, mais ils ont conscience aujourd'hui que les oiseaux ont besoin nécessairement de leur narine droite, et donc du cÎté gauche du cortex piriforme, pour s'orienter.

Modification de l’environnement

Ces scientifiques ont Ă©galement modifiĂ© l’environnement des pigeons afin d’observer leur rĂ©action vis-Ă -vis de leur orientation. L'exposition au flux d'air naturel a ainsi Ă©tĂ© modifiĂ©e par des dĂ©flecteurs. Ils ont alors observĂ© que ces oiseaux s'orientaient vers la dĂ©flexion. De plus, Wallraff et Foa ont prouvĂ© que le filtrage de l'air avec du charbon au cours d'un trajet, empĂȘche l'orientation des pigeons. Les chercheurs ont pu noter aussi que lorsque deux groupes de pigeons ont Ă©tĂ© transportĂ©s dans un mĂȘme site en suivant deux trajets diffĂ©rents et ensuite relĂąchĂ©s, ils ont suivi indĂ©pendamment le trajet qu'ils avaient empruntĂ© Ă  l'aller dans le sens inverse pour retourner au pigeonnier. Cependant, quand ils les ont empĂȘchĂ©s de percevoir l'air ambiant, les deux groupes ont pris la mĂȘme mauvaise direction.

Ces expériences menées directement sur l'animal, c'est-à-dire lorsqu'on les a privés de leur sens olfactif, ont permis de montrer que le pigeon présente une réelle dépendance vis-à-vis de son odorat. De plus, les expériences complémentaires réalisées sur leur milieu de voyage mettent en évidence le fait qu'ils ont besoin de sentir et de reconnaßtre les substances de l'air atmosphérique pour s'orienter convenablement.

Elargissement de ce phénomÚne aux autres espÚces

Aujourd’hui, l’orientation olfactive chez les pigeons voyageurs a clairement Ă©tĂ© prouvĂ©e mais les chercheurs ont du mal Ă  la gĂ©nĂ©raliser chez l’ensemble des oiseaux. En effet, mĂȘme si les expĂ©riences similaires rĂ©alisĂ©es par Grubbs en 1974 sur d'autres espĂšces d'oiseaux ont montrĂ© le mĂȘme genre de rĂ©action, il est encore difficile de prouver que les facultĂ©s olfactives sont la base de l’orientation chez tous les oiseaux. L’importance du bulbe olfactif est donc dĂ©terminante dans cette orientation car il semblerait que les oiseaux possĂ©dant un bulbe olfactif consĂ©quent s’orienteraient principalement grĂące Ă  leur odorat.

Cependant, le manque de connaissances sur la distribution et la nature chimique des substances odorantes ne permettent pas la comprĂ©hension totale du systĂšme de guidage des oiseaux. Il est alors nĂ©cessaire de s'attarder sur celles-ci pour comprendre vraiment comment les odeurs peuvent ĂȘtre la base de l'orientation chez ces oiseaux. De plus, des recherches dans le domaine de la neurobiologie ont permis de voir que certaines rĂ©gions tĂ©lencĂ©phaliques sont impliquĂ©es dans l'orientation olfactive.

Confrontation des différentes théories

Albatros Ă  sourcils noirs

Bien que ces trois thĂ©ories soient lĂ©gitimes, des scientifiques ont cherchĂ© Ă  connaitre l’orientation qui prime sur les autres. La prĂ©dominance de l’orientation visuelle Ă©tant vĂ©rifiĂ©e, Francesco Bonadonna et son Ă©quipe ont dĂ©localisĂ© les recherches en Antarctique. En effet, lĂ -bas les repĂšres visuels sont rĂ©duits, ce qui permet d’opposer l’orientation olfactive et l’orientation par champ magnĂ©tique. Des expĂ©riences menĂ©es sur des albatros et des pĂ©trels montrent l’importance de l’orientation olfactive. En effet, en plaçant un aimant sur leur bec, les oiseaux ont rĂ©ussi Ă  retrouver le chemin de leur nid. En revanche, les oiseaux privĂ©s de leur odorat n’ont pas su s’orienter. NĂ©anmoins, cette expĂ©rience peut ĂȘtre critiquĂ©e, Ă©tant donnĂ© que les albatros sont les oiseaux possĂ©dant l'un des meilleurs odorat.

De mĂȘme, les scientifiques de l’UniversitĂ© de Pise, plus particuliĂšrement Anna Gagliardo, ont effectuĂ© diffĂ©rentes expĂ©riences sur des pigeons voyageurs. Elle a aussi dĂ©cidĂ© plus particuliĂšrement d’opposer les thĂ©ories sur l’orientation olfactive et celle sur l’orientation magnĂ©tique. Pour cela, elle a rĂ©alisĂ© une sĂ©rie de tests sur des pigeons dont la moitiĂ© Ă©tait dĂ©pourvue d'odorat, et l'autre moitiĂ© ne pouvait plus percevoir le champ magnĂ©tique terrestre. Les rĂ©sultats de cette expĂ©rience montrent que les pigeons ne peuvent pas se passer de leur sens olfactif pour s’orienter alors que ceux privĂ©s du champ magnĂ©tique n’ont pas Ă©tĂ© complĂštement dĂ©sorientĂ©s.

Par la suite, d'autres expériences ont été réalisées afin de montrer l'importance majeure de l'odorat de ces oiseaux face à leur magnétoréception. Cordula Mora, chercheur de l'Université d'Auckland en Nouvelle-Zélande a démontré que les pigeons peuvent détecter des anomalies artificielles du champ magnétique au niveau de la partie supérieure du bec, prÚs du nerf trijumeau, le plus grand nerf crùnien. Mais lorsque l'on sectionne le nerf olfactif des oiseaux et que le champ magnétique ne présente pas d'anomalie artificielle, les oiseaux sont incapables de s'orienter. Il semble donc y avoir une prédominance du sens olfactif, vis-à-vis de la magnétoréception, chez les oiseaux, dans l'orientation de ces derniers. Cependant, il semble raisonnable de penser que tous ces sens sont impliqués dans leur orientation et qu'il ne faut alors pas tirer de conclusions trop hùtives sur ces expériences pourtant trÚs prometteuses, d'autant plus que chaque espÚce a ses spécificités.

Voir aussi

Bibliographie

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Articles connexes

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