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Opération PBFortune

L’opĂ©ration PBFortune, Ă©galement appelĂ©e opĂ©ration Fortune, est une opĂ©ration secrĂšte des États-Unis, visant Ă  renverser le prĂ©sident guatĂ©maltĂšque, dĂ©mocratiquement Ă©lu, Jacobo Árbenz GuzmĂĄn, en 1952. L'opĂ©ration est autorisĂ©e par le prĂ©sident amĂ©ricain Harry S. Truman et planifiĂ©e par la Central Intelligence Agency. L'United Fruit Company avait fait un lobbying intensif pour le renversement, parce que la rĂ©forme agraire, initiĂ©e par Árbenz, menaçait ses intĂ©rĂȘts Ă©conomiques. Les États-Unis craignaient Ă©galement que le gouvernement d'Árbenz ne soit influencĂ© par les communistes.

La tentative de coup d'État est planifiĂ©e avec le soutien de l'United Fruit Company et des dictateurs de droite du Nicaragua (Anastasio Somoza GarcĂ­a), de la RĂ©publique dominicaine (Rafael Trujillo) et du Venezuela (Marcos PĂ©rez JimĂ©nez), soutenus par les États-Unis, qui se sentaient menacĂ©s par la rĂ©volution dĂ©mocratique guatĂ©maltĂšque et cherchaient Ă  la miner. Le plan consiste Ă  fournir des armes Ă  l'officier militaire guatĂ©maltĂšque, en exil, Carlos Castillo Armas, qui devait diriger une invasion, depuis le Nicaragua.

Lors de la mise en action de cette opĂ©ration, le dĂ©partement d'État amĂ©ricain dĂ©couvre que les dĂ©tails du plan sont devenus largement connus[1]. Le secrĂ©taire d'État amĂ©ricain Dean Acheson craint que la tentative de coup d'État ne nuise Ă  l'image des États-Unis, engagĂ©s dans une politique de non-intervention, et y met donc fin[2]. L'opĂ©ration PBFortune est suivie deux ans plus tard par l'opĂ©ration PBSuccess, une autre opĂ©ration secrĂšte dans laquelle Castillo Armas joue un rĂŽle important. PBSuccess renverse le gouvernement d'Árbenz et met fin Ă  la rĂ©volution guatĂ©maltĂšque (en)[3].

Contexte

De la fin du XIXe siĂšcle Ă  1944, une sĂ©rie de dirigeants autoritaires gouvernent le Guatemala. Entre 1898 et 1920, Manuel JosĂ© Estrada Cabrera accorde d'importantes concessions Ă  l'United Fruit Company et dĂ©possĂšde de nombreuses populations indigĂšnes de leurs terres communales[4] - [5]. Sous Jorge Ubico Castañeda, qui a rĂ©gnĂ© en dictateur entre 1931 et 1944, ce processus s'est intensifiĂ© avec l'instauration d'une rĂ©glementation du travail brutale et la crĂ©ation d'un État policier[6] - [7].

En , un mouvement populaire pro-dĂ©mocratie, dirigĂ© par des Ă©tudiants universitaires et des organisations syndicales, force Ubico Ă  dĂ©missionner[8]. Ubico remet le pouvoir Ă  une junte militaire[9] qui est renversĂ©e lors d'un coup d'État militaire, dirigĂ© par Jacobo Árbenz GuzmĂĄn, en , un Ă©vĂ©nement connu sous le nom de RĂ©volution d'octobre[10]. Les dirigeants du coup d'État appellent Ă  des Ă©lections ouvertes, qui sont remportĂ©es (en) par Juan JosĂ© ArĂ©valo, un professeur de philosophie progressiste, devenu le visage du mouvement populaire. Il met en Ɠuvre un programme modĂ©rĂ© de rĂ©forme sociale, comprenant une campagne d'alphabĂ©tisation rĂ©ussie et des Ă©lections largement libres, bien que les femmes analphabĂštes n'aient pas eu le droit de vote et que les partis communistes aient Ă©tĂ© interdits[11].

AprÚs la fin de la trÚs populaire présidence d'Arévalo, en 1951, Árbenz est élu président[12] - [13]. Il poursuit les réformes d'Arévalo et entame également un ambitieux programme de réforme fonciÚre, connu sous le nom de décret 900 (en). Dans ce cadre, les portions non cultivées des grandes propriétés fonciÚres sont expropriées contre compensation[14] et redistribuées aux travailleurs agricoles pauvres[15].

Certains gouvernements d'AmĂ©rique centrale et des CaraĂŻbes sont hostiles Ă  Árbenz et Ă  la rĂ©volution guatĂ©maltĂšque. Anastasio Somoza GarcĂ­a, Rafael Leonidas Trujillo et Marcos PĂ©rez JimĂ©nez, les dictateurs de droite du Nicaragua, de la RĂ©publique dominicaine et du Venezuela, respectivement, soutenus par les États-Unis, se sentent menacĂ©s par les rĂ©formes d'ArĂ©valo. Sous ArĂ©valo, le Guatemala devient un refuge pour les militants pro-dĂ©mocratie de ces trois pays. Somoza, Trujillo et JimĂ©nez soutiennent les exilĂ©s guatĂ©maltĂšques qui travaillent Ă  saper le gouvernement guatĂ©maltĂšque, en plus de rĂ©primer les mouvements populaires dĂ©mocratiques dans leur propre pays[16].

Le climat politique de la guerre froide conduit le gouvernement amĂ©ricain Ă  considĂ©rer les politiques d'ArĂ©valo et d'Árbenz comme communistes[17] - [18]. Cette conception est renforcĂ©e par le soutien d'ArĂ©valo Ă  la lĂ©gion des CaraĂŻbes, et dans les annĂ©es 1950, le gouvernement amĂ©ricain envisage de renverser Árbenz. L'attitude des États-Unis est Ă©galement influencĂ©e par la doctrine Monroe, une philosophie de politique Ă©trangĂšre Ă©noncĂ©e par James Monroe, en 1823[19] - [20], qui justifie le maintien de l'hĂ©gĂ©monie amĂ©ricaine dans la rĂ©gion[21]. L'objectif dĂ©clarĂ© de la doctrine est de maintenir l'ordre et la stabilitĂ©, de limiter l'influence des puissances de l'Ancien Monde, et de faire en sorte que l'accĂšs aux ressources et aux marchĂ©s ne soit pas limitĂ©[22]. L'historien Mark Gilderhus estime que la doctrine contient Ă©galement un langage raciste condescendant, qui compare les pays d'AmĂ©rique latine Ă  des enfants combattants[23]. Avant 1944, le gouvernement amĂ©ricain n'avait pas eu besoin de s'engager dans des interventions militaires au Guatemala pour faire respecter cette hĂ©gĂ©monie, Ă©tant donnĂ© la prĂ©sence de dirigeants militaires amis des États-Unis[21].

Planification

Walter B. Smith, le directeur de la CIA, durant l'opération.
Allen Dulles, le directeur de la CIA, durant l'opération.

La visite de Somoza

En , Árbenz promulgue le dĂ©cret 900, titre officiel de la loi de rĂ©forme agraire guatĂ©maltĂšque[24]. Environ 500 000 personnes bĂ©nĂ©ficient de ce dĂ©cret[25]. L'United Fruit Company a perdu plusieurs centaines de milliers d'acres de ses terres non cultivĂ©es Ă  cause de cette loi, et l'indemnisation qu'elle reçoit est basĂ©e sur le prix sous-Ă©valuĂ© qu'elle a prĂ©sentĂ© au gouvernement guatĂ©maltĂšque Ă  des fins fiscales[17]. L'entreprise intensifie donc son lobbying, Ă  Washington D.C. contre le gouvernement guatĂ©maltĂšque[17]. Cette loi convainc le gouvernement amĂ©ricain que le gouvernement guatĂ©maltĂšque est influencĂ© par les communistes[24].

L'Agence centrale de renseignement (CIA) du gouvernement américain commence à explorer la notion de soutien aux détracteurs et opposants d'Árbenz. Walter Bedell Smith, le directeur de la Central Intelligence, ordonne à J. C. King (en), le chef de la division de l'hémisphÚre occidental, d'examiner si les GuatémaltÚques dissidents peuvent renverser le gouvernement Árbenz, s'ils ont le soutien des dictatures d'Amérique centrale[26].

À ce moment, le gouvernement amĂ©ricain est approchĂ© par le leader nicaraguayen Somoza, qui se rend aux États-Unis, en visite privĂ©e, au cours de laquelle il prononce des discours publics, faisant l'Ă©loge des États-Unis, et se voit mĂȘme dĂ©cerner une mĂ©daille par la ville de New York[27] - [28]. Lors d'une rĂ©union avec Truman et son Ă©tat-major, Somoza dĂ©clare que si on lui donne les armes, il « nettoierait le Guatemala »[27]. Le conseiller militaire personnel de Truman, le major gĂ©nĂ©ral Harry H. Vaughan (en), persuade Truman d'explorer davantage l'opportunitĂ©, et Truman demande Ă  Smith d'assurer le suivi[28].

Carlos Castillo Armas

Bien que la proposition n'est pas prise au sĂ©rieux, Ă  l'Ă©poque, le colonel amĂ©ricain Cornelius Mara retourne au Nicaragua, avec Somoza pour approfondir l'idĂ©e[27]. Somoza persuade Mara que le plan est rĂ©alisable, celui-ci retourne aux États-Unis et remet Ă  Truman un rapport favorable[29]. Smith envoie Ă©galement un ingĂ©nieur hispanophoneSecret_History'',_de_[[Nick_Cullather]],_est_basĂ©_sur_des_documents_dĂ©classifiĂ©s_de_l'Agence_centrale_de_renseignement_amĂ©ricaine._Plusieurs_de_ces_documents_sont_caviardĂ©s,_laissant_de_cĂŽtĂ©_certains_dĂ©tails._Ces_expurgations_ont_Ă©tĂ©_reproduites_dans_le_texte_de_Cullather_30-0">[30] - [31], sous le nom de code Seekford[32], pour contacter l'officier de l'armĂ©e guatĂ©maltĂšque en exil, Carlos Castillo Armas et ses collĂšgues dissidents, qui se trouvent alors au Honduras et au Guatemala[28].

Francisco Javier Arana (en) avait dĂ©jĂ  lancĂ© une tentative de coup d'État malheureuse, contre ArĂ©valo, en 1949[33]. Castillo Armas avait Ă©tĂ© un protĂ©gĂ© d'Arana, et s'Ă©tait Ă©levĂ© dans l'armĂ©e pour devenir le chef de l'acadĂ©mie militaire du Guatemala, en 1949[34]. Les historiens divergent sur ce qui est arrivĂ© Ă  Castillo Armas, aprĂšs la tentative de coup d'État. Piero Gleijeses (en) Ă©crit que Castillo Armas a Ă©tĂ© expulsĂ© du pays[35]. Nick Cullather et Andrew Fraser, en revanche, affirment que Castillo Armas a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©, en [34], qu'Árbenz l'a fait emprisonner sous des accusations douteuses, jusqu'en et qu'il s'Ă©tait retrouvĂ© au Honduras, un mois plus tard[34] - [36].

Au dĂ©but de 1950, un officier de la CIA retrouve Castillo Armas qui tente d'obtenir des armes de la part de Somoza et Trujillo[34]. Il rencontre la CIA Ă  plusieurs reprises, avant , lorsqu'il lance une attaque contre Matamoros, la plus grande forteresse de la capitale, et est emprisonnĂ© pour cela, avant d'acheter sa sortie de prison[37]. Castillo Armas dĂ©clare Ă  la CIA qu'il avait le soutien de la Guardia Civil (Garde civile), de la garnison de Quetzaltenango, la deuxiĂšme ville du Guatemala, et du commandant de Matamoros[34]. L'ingĂ©nieur envoyĂ© par la CIA leur indique Ă©galement que Castillo Armas avait le soutien financier de Somoza et Trujillo[28]. Sur la base de ces rapports, Truman autorise l'opĂ©ration PBFortune. Selon Gleijeses, il n'informe pas le dĂ©partement d'État amĂ©ricain, ni le secrĂ©taire d'État, Dean Acheson, du plan[29]. Toutefois, sur la base d'un examen de documents dĂ©classifiĂ©s, Cullather affirme que la CIA avait en fait demandĂ© l'approbation du dĂ©partement d'État avant d'autoriser le plan, et que le sous-secrĂ©taire d'État David K. E. Bruce l'avait expressĂ©ment approuvĂ©[38]. Le directeur adjoint de la CIA, Allen Dulles, avait auparavant contactĂ© le fonctionnaire du dĂ©partement d'État Thomas Mann et le secrĂ©taire d'État adjoint aux affaires interamĂ©ricaines Edward G. Miller Jr. (en) Tous deux avaient dĂ©clarĂ© qu'ils souhaitaient un nouveau gouvernement au Guatemala, mĂȘme si cela impliquait le recours Ă  la force, mais, lorsqu'on leur a posĂ© la question, ils n'approuvent pas explicitement l'action visant Ă  renverser Árbenz. Dulles suppose que leurs rĂ©ponses vagues impliquent un soutien, mais qu'il a obtenu l'assentiment explicite de Bruce avant de poursuivre[38].

Le complot

Les détails du complot sont finalisés, au cours des semaines suivantes, par la CIA, l'United Fruit Company et Somoza[29]. Les putschistes contactent Trujillo et Jiménez qui, avec Somoza et Juan Manuel Gålvez, le président de droite du Honduras, avaient déjà échangé des renseignements sur le gouvernement Árbenz et avaient envisagé la possibilité de soutenir une invasion, par des exilés guatémaltÚques[29] - [39]. Les deux dictateurs soutiennent le plan et acceptent de contribuer à son financement[40].

Bien que PBFortune ait Ă©tĂ© officiellement approuvĂ© le , la planification avait commencĂ© plus tĂŽt dans l'annĂ©e. En , des agents de la Direction des plans de la CIA dressent une liste des « communistes de haut niveau que le nouveau gouvernement souhaiterait Ă©liminer immĂ©diatement en cas de succĂšs d'un coup d'État anticommuniste »[41]. Les plans d'assassinat constituent la premiĂšre fois que les États-Unis envisagent un assassinat au Guatemala[42]. La liste des cibles est Ă©tablie par la CIA avant mĂȘme que l'opĂ©ration n'ait Ă©tĂ© officiellement autorisĂ©e. Elle est Ă©tablie Ă  partir d'une liste de communistes que l'armĂ©e guatĂ©maltĂšque avait Ă©tablie en 1949, ainsi que de ses propres renseignements[32]. Neuf mois plus tard, la CIA reçoit Ă©galement, par l'intermĂ©diaire de Seekford, une liste de 58 GuatĂ©maltĂšques que Castillo Armas voulait faire tuer, en plus des 74 autres qu'il voulait dĂ©jĂ  faire arrĂȘter ou exiler[32]. Selon Seekford, le soutien de Trujillo est Ă©galement conditionnĂ© Ă  l'assassinat de quatre personnes de Saint-Domingue qui vivent alors au Guatemala[32]. Le plan doit ĂȘtre exĂ©cutĂ© par Castillo Armas et n'implique aucune intervention directe des États-Unis[29].

Lorsqu'il est contactĂ© par l'agent de la CIA, dĂ©pĂȘchĂ© par Smith, Castillo Armas avait proposĂ© un plan de bataille pour obtenir le soutien de la CIA. Ce plan prĂ©voyait l'invasion du Guatemala par trois Ă©lĂ©ments en provenance du Mexique, du Honduras et du Salvador[28]. Ces invasions sont censĂ©es ĂȘtre soutenues par des rĂ©bellions internes[28] - [43]. King formule un plan pour fournir Ă  Castillo Armas 225 000 dollars ainsi que des armes et des moyens de transport. Son plan suggĂšre Ă©galement de persuader Somoza et GĂĄlvez de fournir un soutien aĂ©rien, en plus d'autres aides[38].

La proposition est transmise à Dulles. Elle souligne le rÎle relativement restreint que la CIA était censée jouer, et affirme que sans le soutien de la CIA, le complot se poursuivrait probablement, mais échouerait probablement et conduirait à une répression des forces anticommunistes[38].

Exécution et fin

Le secrĂ©taire d'État Dean Acheson, dont l'intervention met fin Ă  l'opĂ©ration.

Ce plan est mis en Ɠuvre, Ă  l'automne 1952, par la CIA[44]. King avait obtenu des armes du stock de celles confisquĂ©es par les autoritĂ©s portuaires de la ville de New York. Il s'agit de 250 fusils, 380 pistolets, 64 mitrailleuses et 4 500 grenades[45] - [46]. L'United Fruit Company prĂȘte un de ses cargos Ă  la CIA. Le cargo est spĂ©cialement rĂ©amĂ©nagĂ© Ă  La Nouvelle-OrlĂ©ans et chargĂ© d'armes sous forme de machines agricoles[44]. Il doit se rendre au Nicaragua, au dĂ©but du mois d'[2].

La CIA avait encouragĂ© Somoza et GĂĄlvez Ă  apporter leur soutien aux forces de Castillo Armas. Somoza, cependant, informe plusieurs responsables gouvernementaux d'AmĂ©rique centrale, du rĂŽle de la CIA dans la tentative de coup d'État. Le fils de Somoza, Tacho, a par exemple demandĂ© Ă  Miller si « la machine » Ă©tait en route, lors d'une rĂ©union au Panama[2].

Les comptes rendus de la fin de l'opĂ©ration varient selon les historiens. Gleijeses dĂ©clare que pendant que le cargo Ă©tait en route pour le Nicaragua, un employĂ© de la CIA s'est rendu chez Miller, et lui demande de signer un document au nom du dĂ©partement des munitions[29]. Miller refuse et montre le document Ă  ses supĂ©rieurs, qui en informent Acheson[29]. Gleijeses Ă©crit qu'Acheson a immĂ©diatement parlĂ© Ă  Truman, Ă  la suite de ce document et que l'opĂ©ration a Ă©tĂ© interrompue[29]. Nick Cullather Ă©crit que, parce que Somoza avait fait passer le mot sur le coup d'État, le dĂ©partement d'État a estimĂ© que la couverture de l'opĂ©ration avait Ă©tĂ© compromise[2]. D'autres diplomates commencent Ă  apprendre l'existence de l'opĂ©ration, et le , Acheson convoque Smith et l'annule[2].

Acheson craignait particuliĂšrement que le fait de rendre publics les dĂ©tails du coup d'État ne nuise Ă  l'image des États-Unis. En vertu du Pacte de Rio, de 1947, l'Organisation des États amĂ©ricains (OEA) avait obtenu des Nations unies la compĂ©tence pour les diffĂ©rends rĂ©gionaux[2]. Pour y parvenir, les États-Unis s'Ă©taient Ă©galement engagĂ©s Ă  mener une politique de non-intervention dans les affaires intĂ©rieures d'autres pays. Si PBFortune avait Ă©tĂ© rendu public, le fait que les États-Unis soutenaient l'invasion d'un membre de l'OEA aurait reprĂ©sentĂ© un Ă©norme revers pour la politique amĂ©ricaine[2], ce qui aurait incitĂ© le dĂ©partement d'État Ă  mettre fin Ă  l'opĂ©ration lorsqu'il a appris que sa couverture avait Ă©tĂ© dĂ©couverte[2].

Conséquences

La fin de l'opĂ©ration prend la CIA par surprise, et King tente rapidement de sauver ce qu'il peut[2]. Le cargo est redirigĂ© vers le Panama, oĂč les armes sont dĂ©chargĂ©es[29]. King y conserve les armes dans l'espoir que le projet puisse ĂȘtre relancĂ©[2]. Castillo Armas reçoit une provision de 3 000 dollars par semaine, ce qui lui permet de maintenir une petite force. La CIA reste en contact avec lui et continue Ă  fournir un soutien aux rebelles[47]. La CIA a du mal Ă  mettre fin Ă  l'opĂ©ration sans attirer l'attention[48].

PerĂ©z Jimenez ouvre une ligne de crĂ©dit qui permet Ă  Castillo Armas d'acheter des avions et Trujillo ainsi que Somoza continuent Ă  soutenir l'opĂ©ration, tout en reconnaissant qu'elle devrait ĂȘtre reportĂ©e[49]. L'argent versĂ© Ă  Castillo Armas est dĂ©crit comme un moyen de s'assurer qu'il n'a pas tentĂ© d'agir prĂ©maturĂ©ment[49]. MĂȘme aprĂšs la fin de l'opĂ©ration, la CIA continue de recevoir des informations de Seekford, selon lesquelles les rebelles guatĂ©maltĂšques planifient des assassinats. Castillo Armas prĂ©voit d'utiliser des groupes de soldats en civil du Nicaragua, du Honduras et du Salvador, pour tuer des dirigeants communistes au Guatemala[50]. King continue Ă  explorer la capacitĂ© de la CIA, Ă  importer des armes en AmĂ©rique centrale, sans l'approbation du DĂ©partement d'État[47].

En , Dwight D. Eisenhower est Ă©lu prĂ©sident des États-Unis, aprĂšs une campagne promettant une position plus belliciste contre le communisme. De nombreuses personnalitĂ©s de son cabinet, dont John Foster Dulles et son frĂšre Allen, ont des liens Ă©troits avec l'United Fruit Company, ce qui prĂ©dispose Eisenhower, plus fortement que Truman, Ă  soutenir le renversement d'Árbenz[47] - [51]. En , les États-Unis forment et financent une force d'invasion, dirigĂ©e par Castillo Armas, soutenue par une intense campagne de guerre psychologique de la CIA[52]. GĂĄlvez, Somoza, JimĂ©nez et Trujillo offrent de nouveau, Ă  la CIA, leur soutien pour prĂ©parer cette opĂ©ration[53]. Árbenz dĂ©missionne le , mettant ainsi fin Ă  la rĂ©volution guatĂ©maltĂšque[54] - [55]. AprĂšs sa dĂ©mission, la CIA lance l'opĂ©ration PBHistory (en), une tentative d'utilisation des documents du gouvernement d'Árbenz et d'ailleurs pour justifier le coup d'État, en rĂ©ponse aux rĂ©actions internationales nĂ©gatives qu'il a suscitĂ©es[56].

À partir de 1954, le Guatemala est dirigĂ© par une sĂ©rie de dictateurs militaires, soutenus par les États-Unis, ce qui conduit Ă  la guerre civile guatĂ©maltĂšque, qui dure jusqu'en 1996[57]. Environ 200 000 civils sont tuĂ©s dans cette guerre et de nombreuses violations des droits de l'homme sont commises, notamment des massacres de populations civiles, des viols, des bombardements aĂ©riens et des disparitions forcĂ©es[58]. Parmi ces violations, 93 % ont Ă©tĂ© commises par l'armĂ©e soutenue par les États-Unis, qui a notamment menĂ© une campagne de terre brĂ»lĂ©e gĂ©nocidaire contre la population indigĂšne maya, dans les annĂ©es 1980[59].

Références

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  30. Secret_History'',_de_[[Nick_Cullather]],_est_basé_sur_des_documents_déclassifiés_de_l'Agence_centrale_de_renseignement_américaine._Plusieurs_de_ces_documents_sont_caviardés,_laissant_de_cÎté_certains_détails._Ces_expurgations_ont_été_reproduites_dans_le_texte_de_Cullather-30" class="mw-reference-text">Cullather 1999, p. 2 (citation1). Le livre Secret History, de Nick Cullather, est basé sur des documents déclassifiés de l'Agence centrale de renseignement américaine. Plusieurs de ces documents sont caviardés, laissant de cÎté certains détails. Ces expurgations ont été reproduites dans le texte de Cullather
  31. Cullather 1999, p. 28 (citation2). Le nom de l'ingénieur envoyé au Guatemala a été expurgé
  32. HanhimÀki et Westad 2004, p. 456.
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  46. Cullather 1999, p. 29 (citation4). Des détails sur d'autres types d'armes ont été supprimés dans les documents de la CIA
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Voir aussi

Bibliographie

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