Martin Selmayr
Martin Selmayr, né le à Bonn en Allemagne, est un avocat et homme politique allemand.
Secrétaire général Commission européenne | |
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- | |
Alexander Italianer (en) |
Naissance | |
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Nationalité | |
Formation |
Université de Passau (années 1990- Université de GenÚve (- King's College de Londres (- Otto-Hahn Gymnasium, Karlsruhe (d) |
Activités | |
PĂšre |
Gerhard Selmayr (en) |
A travaillé pour |
Commission européenne (depuis ) Université de Passau (depuis ) Université de la Sarre (- Banque centrale européenne (- Université de Passau (- Bertelsmann |
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Parti politique |
Membre du parti belge flamand Christen-Democratisch en Vlaams, occupant différentes fonctions au sein de la Commission européenne à partir de 2004, il organise en 2014 la campagne de Jean-Claude Juncker au poste de président de la Commission européenne, puis devient son directeur de cabinet, une fois l'intéressé élu.
En , Jean-Claude Juncker le nomme secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la Commission dans des conditions controversĂ©es. Au travers de ses diffĂ©rentes fonctions, il exerce une influence de premier plan au sein de la Commission europĂ©enne, au point d'ĂȘtre parfois perçu comme la personnalitĂ© la plus puissante de celle-ci.
Cependant, le Parlement europĂ©en adopte Ă une trĂšs large majoritĂ© une rĂ©solution qui condamne sa nomination, puis exige son dĂ©part immĂ©diat. Il finit par quitter son poste le Ă l'instigation d'Ursula von der Leyen qui vient d'ĂȘtre Ă©lue pour succĂ©der Ă Jean-Claude Juncker Ă la tĂȘte de la Commission. En aoĂ»t 2019, Martin Selmayr est remplacĂ© par Ilze Juhansone.
Biographie
Premiers postes et rattachement partisan
Avocat de formation, il a fait ses études dans les universités de GenÚve et de Passau.
Martin Selmayr a travaillé pour la Banque centrale européenne entre 1998 et 2000 avant de devenir conseiller juridique du groupe de médias allemand Bertelsmann.
Il est membre du parti belge flamand Christen-Democratisch en Vlaams[1].
PremiĂšres fonctions
Depuis 2004, il fait partie du personnel de la Commission europĂ©enne, oĂč il occupe d'abord la fonction de porte-parole.
De 2009 Ă 2014, il est directeur de cabinet de Viviane Reding, commissaire Ă la Justice[2]. Ă ce poste, il est lâun des principaux artisans de la fin des frais dâitinĂ©rance et du rĂšglement gĂ©nĂ©ral sur la protection des donnĂ©es (RGPD), et contribue Ă lancer la crĂ©ation dâun parquet europĂ©en[2].
Directeur de cabinet de Jean-Claude Juncker
En 2014, il organise la campagne de Jean-Claude Juncker pour la prĂ©sidence de la Commission[3]. Une fois celui-ci Ă©lu, il devient son directeur de cabinet, ce qui en fait, pour Contexte, « la piĂšce maĂźtresse du pouvoir » de Jean-Claude Juncker Ă Bruxelles : « câest Ă lui quâil sous-traite entiĂšrement lâexĂ©cution pratique des grandes lignes dĂ©finies ensemble »[2]. Ă ce poste, il est notamment amenĂ© Ă maintenir les propositions sur la taxation des gĂ©ants du Web, contre l'avis des cabinets de la commissaire au Commerce et du vice-prĂ©sident aux Investissements qui rĂ©clament un report[2]. Il contribue Ă©galement Ă faire du marchĂ© unique numĂ©rique une prioritĂ© politique pour la Commission Juncker[2].
Une nomination controversée
En , il est nommĂ© secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la Commission europĂ©enne par Jean-Claude Juncker[4] - [5] - [6], Ă la surprise gĂ©nĂ©rale[2]. Alors qu'il Ă©tait candidat au poste de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral adjoint fin janvier, il bĂ©nĂ©ficie du dĂ©part Ă la retraite surprise, annoncĂ©e en plein collĂšge de la Commission, le , d'Alexander Italianer, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral depuis 2015[7]. Selon Jean Quatremer, c'est lâEspagnol Luis Romero Requena, directeur gĂ©nĂ©ral du service juridique, qui organise sa nomination[8].
Cette nomination au poste administratif le plus prestigieux au sein de lâexĂ©cutif europĂ©en dĂ©clenche une vive polĂ©mique, dĂ©signĂ©e sous le nom de « Selmayrgate »[9]. Elle est contestĂ©e pour son processus opaque, Ă l'insu de la plupart des commissaires europĂ©ens[6], et pour son « mĂ©lange des genres » entre l'administration et l'appareil politique europĂ©ens[2]. Mediapart estime Ă©galement que sa nomination pose des questions « sur lâampleur des rĂ©seaux allemands au cĆur de lâUE »[9]. Des eurodĂ©putĂ©s ont par ailleurs demandĂ© Ă la Commission pourquoi la page WikipĂ©dia de ce politique mentionnait sa nomination avant l'annonce officielle. Il a alors affirmĂ© avoir lui-mĂȘme mis Ă jour la fiche le concernant, niant les accusations qui lui ont fait face[10].
Jean-Claude Juncker dĂ©clare alors qu'il quitterait la prĂ©sidence de la Commission europĂ©enne si Martin Selmayr venait Ă ĂȘtre forcĂ© de quitter son nouveau poste[11].
En , le Parlement europĂ©en adopte Ă une trĂšs large majoritĂ© une rĂ©solution qui condamne sa nomination : celle-ci appelle lâexĂ©cutif europĂ©en Ă rouvrir le processus de nomination pour que dâautres candidats puissent postuler, demande de reconnaĂźtre que lâaffaire a terni sa rĂ©putation, et exige la fin de cette pratique dans toutes les institutions de lâUE. Le Parlement europĂ©en rejette cependant un amendement dĂ©posĂ© conjointement par les groupes des Verts et de la Gauche unitaire europĂ©enne qui plaide pour une dĂ©mission immĂ©diate de Martin Selmayr, « jusquâĂ ce que la rĂ©Ă©valuation de la procĂ©dure de nomination ait Ă©tĂ© menĂ©e Ă bien »[9].
Dans un communiquĂ©, la Commission rejette l'hypothĂšse de la rĂ©ouverture du processus de nomination et affirme avoir « respectĂ© tant lâesprit que la lettre de toutes les rĂšgles du statut applicable Ă lâensemble des institutions » ; elle propose cependant la tenue dâune « table ronde interinstitutionnelle dans les meilleurs dĂ©lais », afin de rĂ©flĂ©chir à « la façon dont lâapplication des rĂšgles et procĂ©dures actuelles pourrait ĂȘtre amĂ©liorĂ©e »[9]. La mĂ©diatrice europĂ©enne Emily O'Reilly lance une enquĂȘte sur les conditions de la nomination[9].
En , il nomme la Danoise Pia Ahrenkilde Hansen comme secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale adjointe : celle-ci Ă©tait la seule candidate Ă ce poste, tout comme Martin Selmayr au poste de secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral[12]. Jean Quatremer qualifie cette nomination de « nouvelle mascarade » : « Manifestement, personne nâa envie de se suicider en sâopposant Ă la candidate de Selmayr, dĂ©sormais le vrai prĂ©sident de la Commission qui cumule, et câest sans prĂ©cĂ©dent, les fonctions de chef de cabinet et de sherpa »[12].
Dans ses conclusions rendues en , la mĂ©diatrice europĂ©enne estime que « la Commission nâa pas suivi correctement les rĂšgles pertinentes ni dans la lettre ni dans lâesprit », relevant « quatre cas de mauvaise administration »[13]. La Commission rĂ©pond en Ă©voquant une « transparence sans prĂ©cĂ©dent »[14].
Le , approuvant le rapport de la mĂ©diatrice europĂ©enne, le Parlement europĂ©en adopte une rĂ©solution Ă la majoritĂ© (71 %) appelant Ă la dĂ©mission de Martin Selmayr[14]. Le , le Parlement europĂ©en exige par 313 voix contre 246 son dĂ©part immĂ©diat. Selon Jean Quatremer, ce nouveau vote survient alors que la Commission a reconnu que Martin Selmayr avait supervisĂ© ses rĂ©ponses au Parlement sur les circonstances de sa nomination, « ce qui constitue une prise illĂ©gale dâintĂ©rĂȘts »[15].
Exercice de la fonction
Premier fonctionnaire europĂ©en, mais aussi homme de pouvoir, il est admirĂ© par les uns, craint et dĂ©nigrĂ© par les autres qui l'affublent du surnom de « Monstre de la Commission »[16] â Jean-Claude Juncker le surnommant affectueusement « le monstre »[7] â ou « Raspoutine »[17].
Jean Quatremer affirme en que « le collĂšge des 28 commissaires a totalement dĂ©missionnĂ©, terrorisĂ© par ce Raspoutine au petit pied. Câest Selmayr qui gĂšre tout, de la communication aux propositions lĂ©gislatives, une situation sans prĂ©cĂ©dent de mĂ©moire dâeurocrate. Câest ainsi Ă lui seul que lâon doit le trĂšs dĂ©cevant « cadre financier pluriannuel » 2021-2027 qui gĂšle le budget communautaire Ă son niveau actuel ou encore le projet de dĂ©mantĂšlement partiel de la Politique agricole commune »[12].
Contexte indique en qu'il parvient à « se rendre indispensable » au cours de ses premiers mois d'exercice, au point que « plus personne nâaffirme quâil doit partir au terme du mandat de la Commission »[18].
Il soutient la Croatie dans son diffĂ©rend frontalier avec la SlovĂ©nie au sujet de l'accĂšs Ă la baie de Piran, seul endroit permettant Ă la SlovĂ©nie dâavoir accĂšs aux eaux internationales, notamment en cherchant Ă remettre en cause le jugement rendu par la Cour permanente dâarbitrage, favorable Ă la SlovĂ©nie[19].
AprĂšs les Ă©lections europĂ©ennes de 2019, plusieurs chefs dâĂtat et de gouvernement demandent expressĂ©ment son dĂ©part[19]. Il tente en vain de promouvoir la candidature du Premier ministre croate, Andrej PlenkoviÄ, pour la prĂ©sidence de la Commission[19]. ChargĂ© d'assurer la transition entre la commission sortante et Ursula von der Leyen, candidate pressentie pour succĂ©der Ă Jean-Claude Juncker, il monte une Ă©quipe chargĂ©e des auditions de cette derniĂšre auprĂšs des groupes du Parlement europĂ©en. Jean Quatremer attribue ses difficultĂ©s dans cette phase Ă sa volontĂ© d'assurer ses intĂ©rĂȘts personnels avant tout[20] - [21]. Il annonce son prochain dĂ©part de la Commission europĂ©enne le , jour de l'Ă©lection d'Ursula von der Leyen au Parlement europĂ©en[7]. Selon Jean Quatremer c'est Ursula von der Leyen qui aurait exigĂ© et obtenu sa tĂȘte[8]. En aoĂ»t 2019, il est remplacĂ© par Ilze Juhansone, qui devient secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la Commission europĂ©enne[22] - [23], Ă titre intĂ©rimaire dans un premier temps, puis de façon permanente.
Notes et références
- Belga, « Commission europĂ©enne: le controversĂ© Martin Selmayr est membre... du CD&V », La Libre,â (lire en ligne)
- Jean-SĂ©bastien Lefebvre, « Mythes et rĂ©alitĂ©s sur Martin Selmayr, lâombre du prĂ©sident de la Commission europĂ©enne », sur contexte.com, (consultĂ© le ).
- Jean Quatremer, « Martin Selmayr, l'euro fort », LibĂ©ration,â (lire en ligne)
- « Martin Selmayr, un animal politique au cĆur de la Commission europĂ©enne », sur L'Opinion (consultĂ© le ).
- (en) « London worried about promotion for âBerlaymont monsterâ », sur Politico (consultĂ© le ).
- Jean Quatremer, « UE : Martin Selmayr et les comploteurs », sur liberation.fr, (consulté le )
- « Le controversé Martin Selmayr annonce son départ de la Commission européenne », sur lemonde.fr, (consulté le ).
- Jean Quatremer, « Commission europĂ©enne : Ursula von der Leyen fait tomber la tĂȘte de Martin Selmayr », LibĂ©,â (lire en ligne, consultĂ© le ).
- Ludovic Lamant, « Affaire Selmayr: les eurodéputés évitent le choc avec la commission », sur Mediapart, (consulté le ).
- « Le controversĂ© haut fonctionnaire europĂ©en Martin Selmayr est membre du CD&V », RTBF Info,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) Maïa de la Baume et Jacopo Barigazzi, « Juncker: If Martin Selmayr goes, I go », sur politico.eu, (consulté le ).
- Jean Quatremer, « Union européenne : nouvelle mascarade à la « Commission Selmayr », sur liberation.fr, (consulté le ).
- CĂ©cile Ducourtieux, « Affaire Selmayr : « La Commission europĂ©enne nâa pas suivi correctement les rĂšgles pertinentes », sur lemonde.fr, (consultĂ© le ).
- Georgi Gotev, « Le Parlement europĂ©en rĂ©clame la tĂȘte de Martin Selmayr », sur euractiv.fr, (consultĂ© le ).
- « «Selmayrgate»: la faute de la Commission », sur Libération.fr, (consulté le )
- « Présidence de la Commission européenne : «House of Cards» à Bruxelles », sur Libération.fr, (consulté le )
- CĂ©cile Ducourtieux, Martin Selmayr ou l'ivresse du pouvoir Ă Bruxelles dans Le Monde du 14 mars 2018 p. 3
- Luis Grases, « Martin Selmayr, lâhydre de la Commission Juncker », sur Contexte.com, (consultĂ© le ).
- Jean Quatremer, « Martin Selmayr au service du Premier ministre croate, Andrej PlenkoviÄ Â», sur bruxelles.blogs.liberation.fr, (consultĂ© le ).
- Emmanuel Berretta, « Europe : Ursula von der Leyen bousculée par les socialistes et les Verts », sur lepoint.fr, (consulté le ).
- Jean Quatremer, « Commission européenne : comment Selmayr a saboté Von der Leyen », sur liberation.fr, (consulté le ).
- « Ilze Juhansone », sur POLITICO, (consulté le )
- Florian Eder, « POLITICO Brussels Playbook, presented by BP: Selmayrâs head on a platter â VDL goes all in â Romanian reshuffle », sur POLITICO, (consultĂ© le )