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MĂ©thode de la zone fondue

La méthode de la zone fondue (également appelée technique de la zone fondue, fusion de zone ou raffinage par zone fondue et désignée en anglais par les termes zone melting et zone refining) est une technique permettant de purifier des composés cristallisés stables à la fusion. L'avantage de cette technique est qu'elle peut permettre d'obtenir de trÚs hauts degrés de pureté (99,999 % en masse pour le silicium[1], par exemple). Elle a été inventée dans les années 1950 par W. G. Pfann[2].

(Image de gauche) Pfann, Ă  gauche, montrant le premier tube de zone fondue, laboratoires Bell, 1953
(Image de droite) zone fondue vertical, en 1961. la bobine de chauffage par induction est traversée par un courant alternatif à haute fréquences, elle fait fondre une section de la barre de métal dans le tube. La bobine se déplace lentement vers le bas du tube, déplaçant la zone fondue vers l'extrémité de la barre.

La méthode est principalement appliquée aux métaux, semi-conducteurs, ou autres composés inorganiques (oxydes, intermétalliques, etc.)[3]. Quelques applications existent pour les composés organiques[4], mais elles restent toutefois peu nombreuses en raison de leur faible stabilité à l'état fondu.

Le phĂ©nomĂšne physicochimique sur lequel se fonde la mĂ©thode existe dans la nature[5], mais de façon extrĂȘmement limitĂ©e.

Principe de la technique

La zone liquide (melted zone) se déplace de gauche à droite, durant le processus ; les impuretés restent dans la zone fondue et ne vont pas dans la zone qui se recristallise.
Cristal de silicium au début du processus de croissance.
Cristal de silicium en croissance.
Un cristal unique de tantale extrĂȘmement pur (99.999 %), obtenu par la mĂ©thode de la zone fondue (objet cylindrique au centre)

La fusion de zone consiste à générer une zone fondue sur un échantillon de solide à purifier (appelé "lingot"), et à déplacer de façon trÚs lente cette zone d'une extrémité à l'autre du lingot. L'échantillon à purifier présente généralement une géométrie cylindrique ou parallélépipédique.

Selon la diffĂ©rence de solubilitĂ© des impuretĂ©s de l'Ă©chantillon entre la phase fondue et la phase solide, elles peuvent ĂȘtre dĂ©placĂ©es aux diffĂ©rentes extrĂ©mitĂ©s du lingot. À chaque dĂ©placement Ă©lĂ©mentaire de la zone fondue, la fraction Ă©lĂ©mentaire de solide qui recristallise prĂ©sente une concentration en impuretĂ© diffĂ©rente de la phase fondue, d'oĂč la possibilitĂ© de dĂ©placer les impuretĂ©s dans l'Ă©chantillon grĂące au dĂ©placement de la zone liquide.

Généralement, un passage unique de zone fondue ne permet pas d'obtenir une purification intéressante pour les applications visées. Néanmoins, des passages répétés permettent d'accentuer le phénomÚne de concentration des impuretés aux extrémités du lingot, permettant de rendre la partie centrale de l'échantillon beaucoup plus pure.

Dans les échantillons inorganiques, la zone fondue est généralement créée par induction électromagnétique ou chauffage laser/infrarouge. Pour les échantillons organiques, le lingot est généralement fondu et re-solidifié dans un tube cylindrique de verre amorphe ou cristallin. La zone fondue est ainsi souvent générée par une résistance électrique annulaire qui entoure le cylindre.

Thermodynamique et cinétique

Aspect thermodynamique

La thermodynamique, plus particuliĂšrement les diagrammes de phases entre le composĂ© Ă  purifier et ses impuretĂ©s, aide Ă  comprendre le fonctionnement du procĂ©dĂ© et Ă  prĂ©voir son efficacitĂ©. Plusieurs comportements d'impuretĂ©s peuvent ĂȘtre distinguĂ©s.

Impuretés abaissant le point de fusion

Une impureté qui abaisse le point de fusion implique, sur le diagramme de phases entre le composé à purifier et l'impureté, des solidus et liquidus décroissants avec augmentation croissante de l'impureté dans le systÚme. Ainsi, à concentration donnée d'impureté dans la phase liquide, la phase solide qui recristallise présente une concentration plus faible en impureté que la zone fondue.

Ces impuretĂ©s sont donc dĂ©placĂ©es dans le mĂȘme sens que la zone fondue.

Impuretés augmentant le point de fusion

Une impureté qui augmente le point de fusion implique, sur le diagramme de phases entre le composé à purifier et l'impureté, des solidus et liquidus croissants avec augmentation croissante de l'impureté dans le systÚme. Ainsi, à concentration donnée d'impureté dans la phase liquide, la phase solide qui recristallise présente une concentration plus importante en impureté que la zone fondue.

Ces impuretés sont donc déplacées dans le sens inverse du sens de déplacement de la zone fondue.

Impuretés indifférentes vis-à-vis du point de fusion du solide à purifier

Il peut arriver que certaines impuretés n'abaissent, ni n'augmentent le point de fusion du composé à purifier. Ce cas de figure est relativement restreint : il peut par exemple concerner un systÚme contenant deux énantiomÚres en solution solide totale et idéale, ou un solide à purifier dont la composition est celle d'un composé à fusion congruente.

Dans ce cas, Ă  chaque dĂ©placement Ă©lĂ©mentaire de zone fondue, la fraction recristallisĂ©e prĂ©sente la mĂȘme concentration en impuretĂ© que la zone. La fusion de zone devient ainsi une technique non-pertinente pour purifier le solide considĂ©rĂ©.

Bien qu'il soit rare de trouver de tels cas de figure, il est possible de trouver des situations qui s'en rapprochent. Si une impureté abaisse ou augmente le point de fusion du composé à purifier, mais que les courbes de liquidus et de solidus sont trÚs proches l'une de l'autre, la fusion de zone n'est pas la technique la plus adaptée à la purification du composé.

Aspect cinétique

La vitesse de dĂ©placement de la zone fondue prĂ©sente une importance notable pour l'efficacitĂ© du procĂ©dĂ©. L'efficacitĂ© maximale thĂ©orique de la technique est obtenue pour une vitesse de dĂ©placement qui tend vers zĂ©ro. À l'inverse, plus la vitesse est rapide, moins l'efficacitĂ© est bonne (jusqu'Ă  devenir nulle).

ModĂ©lisation de la redistribution d’une impuretĂ© par fusion de zone

Il est possible de prĂ©dire le profil de distribution d’une impuretĂ© aprĂšs fusion de zone moyennant quelques hypothĂšses. Toutefois, les Ă©quations diffĂ©rentielles permettant cela ne prĂ©sentent pas toutes des solutions analytiques ; il est donc nĂ©cessaire d’employer des mĂ©thodes graphiques ou numĂ©riques afin de les rĂ©soudre.

Notations et hypothĂšses

Coupe transversale schématique d'un lingot

On considÚre un lingot cylindrique droit de solide impur présentant une teneur massique en impureté. Sa longueur vaut et sa section droite, supposée constante, . Le lingot est raffiné avec une zone cylindrique droite de longueur maintenue constante, à vitesse de translation constante (voir schéma ci-dessus). On désigne par :

  • : la position du front de solidification dans le lingot ().
  • : la teneur massique fractionnaire en impuretĂ© dans la tranche de solide redĂ©posĂ©e Ă  la position aprĂšs le passage de zone fondue de rang ().
  • : la teneur massique fractionnaire en impuretĂ© dans la zone fondue lorsque le front de solidification se trouve Ă  la position au passage de rang ().
  • et : les masses volumiques des phases solide et liquide (fondue).

On cherche Ă  exprimer , la teneur du lingot en impuretĂ© quels que soient la position dans le lingot et le rang du passage de zone fondue. Pour cela, on introduit une grandeur utile : le coefficient de sĂ©grĂ©gation de l’impuretĂ©, qu’on peut supposer dĂ©pendre, dans un cas gĂ©nĂ©ral, de la composition de la zone fondue (donc, de la position de la zone et du rang du passage), et qu’on note par consĂ©quent . Ce coefficient traduit le rapport entre la composition de la tranche de solide dĂ©posĂ©e au front de solidification de la zone Ă  un instant donnĂ©, et celle de la zone : .

Pour rĂ©soudre ce problĂšme, il est nĂ©cessaire de rĂ©aliser deux bilans de matiĂšre distincts : en effet, tant que le front de fusion n’a pas atteint l’extrĂ©mitĂ© finale du lingot (), la zone subit une entrĂ©e de matiĂšre permanente puisqu’elle incorpore une tranche de solide au front de fusion Ă  chacun de ses dĂ©placements Ă©lĂ©mentaires. Ceci n’est en revanche plus vrai lorsque le front de fusion a atteint la longueur du lingot ().

Dans la région

À chaque dĂ©placement Ă©lĂ©mentaire de la zone, la masse d’impuretĂ© incorporĂ©e Ă  la zone au front de fusion est . La masse d’impuretĂ© rejetĂ©e dans la tranche de solide redĂ©posĂ©e au front de solidification est . La masse d’impuretĂ© accumulĂ©e dans la zone s’écrit quant Ă  elle . En supposant que les densitĂ©s des phases liquide et solide sont identiques, le principe de conservation de la matiĂšre implique l’égalitĂ© suivante :

On peut alors utiliser la dĂ©finition du coefficient de sĂ©grĂ©gation, , pour rĂ©exprimer en fonction de . On obtient alors , ce qui aboutit Ă  l’équation diffĂ©rentielle suivante :

Pour chaque passage de zone de rang , la condition initiale est donnée par :

Si le coefficient de sĂ©grĂ©gation et la longueur de zone sont supposĂ©s constants tout le long du procĂ©dĂ© (on note ainsi ), il existe alors des expressions analytiques de la condition initiale et du profil de distribution de l’impuretĂ© dans la rĂ©gion pour le premier passage de zone fondue :

Dans la région

Lorsque le front de fusion atteint le haut du lingot, il n’y a plus d’entrĂ©e de matiĂšre dans la zone et la longueur de cette derniĂšre diminue au fur et Ă  mesure qu’elle avance (). À chaque dĂ©placement de la zone, une tranche de liquide contenant d’impuretĂ© en masse se scinde en deux parties : l’une s’incorpore Ă  la tranche de solide dĂ©posĂ©e au front de solidification et contient en masse d’impuretĂ©, et l’autre contribue Ă  l’accumulation d’impuretĂ© dans la zone Ă  hauteur d’une masse de . En supposant que , la conservation de la matiĂšre donne donc l’égalitĂ© qui suit :

En utilisant la définition du coefficient de ségrégation, cette équation devient :

La condition initiale de cette Ă©quation est la valeur de la teneur du lingot en impuretĂ© en , qu’on calcule Ă  l’aide de l’équation diffĂ©rentielle Ă©tablie dans la partie prĂ©cĂ©dente. Si le coefficient de sĂ©grĂ©gation est supposĂ© constant, l’équation prĂ©sente une solution analytique valable quel que soit le rang du passage de zone :

Résolution numérique des équations différentielles

L’une des mĂ©thodes consistant Ă  rĂ©soudre numĂ©riquement les Ă©quations diffĂ©rentielles permettant de dĂ©terminer le profil de distribution d’une impuretĂ© aprĂšs raffinage par zone fondue est de discrĂ©tiser le lingot en intervalles les plus petits possibles.

Pour chaque passage de rang , la teneur en impuretĂ© du lingot en se calcule grĂące Ă  l’équation suivante :

Pour le premier passage de zone fondue, .

Pour chaque passage, la composition de la tranche déposée en vaut :

Ces calculs peuvent ĂȘtre mis en Ɠuvre grĂące Ă  un simple tableur, ou un logiciel de calcul type Scilab/Matlab/GNU Octave.

Limites de la technique

La fusion de zone ne peut ĂȘtre utilisĂ©e dans les cas suivants :

  • ImpuretĂ© Ă  retirer indiffĂ©rente vis-Ă -vis du point de fusion du composĂ© Ă  purifier
  • ComposĂ© Ă  purifier instable Ă  la fusion (ce qui concerne principalement les composĂ©s organiques, ou les composĂ©s intermĂ©talliques Ă  fusion non-congruente).

Applications

La méthode est utilisée pour produire des quantités relativement faibles de métaux ultra-purs : fer, titane, zirconium, wafer de silicium destiné à l'industrie électronique, et pour des utilisations principalement en:

Notes et références

  1. P. R. Mei, S. P. Moreira, E. Cardoso et A. D. S. CĂŽrtes, « Purification of metallurgical silicon by horizontal zone melting », Solar Energy Materials and Solar Cells, vol. 98,‎ , p. 233-239 (DOI 10.1016/j.solmat.2011.11.014, lire en ligne, consultĂ© le )
  2. « US2739088.pdf », sur docs.google.com (consulté le )
  3. (en) Peter O. Hahn, « Sand and Silicon. Science that Changed the World. By Denis McWhan. », Angewandte Chemie International Edition, vol. 51,‎ , p. 12164-12165 (ISSN 1521-3773, DOI 10.1002/anie.201207329, lire en ligne, consultĂ© le )
  4. (en) William R. Wilcox, Robert Friedenberg et Nathan Back, « Zone Melting of Organic Compounds », Chemical Reviews, vol. 64,‎ , p. 187-220 (DOI 10.1021/cr60228a006, lire en ligne, consultĂ© le )
  5. (en) Pierre Schiano, Ariel Provost, Roberto Clocchiatti et François Faure, « Transcrystalline Melt Migration and Earth’s Mantle », Science, vol. 314,‎ , p. 970-974 (DOI 10.1126/science.1132485)

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