Mère empire

Le mère empire ou, en latin, le merum imperium, est un droit féodal.

La locution mère empire est un emprunt au latin merum imperium, composé de merum, neutre de l'adjectif merus (« mère, pur »)[1], et d'imperium, substantif neutre (« empire, pouvoir suprême »)[2].

Il s'agit d'un droit supérieur au droit seigneurial, qui comprend les treizain et des droits de justice, notamment de justice de sang. Il est détenu souverainement par le comte, et délégué à ses viguiers, ou à certains seigneurs (comme le seigneur de Beuil). C'est l'équivalent pour la Provence du droit de haute justice.

Droit romain

Le merum imperium est une notion de droit romain qui nous est connue grâce à une citation d'Ulpien figurant dans le Digeste§ 53_3-0">[3] :

« Ulpianus, libro secundo de officio quaestoris. Imperium aut merum aut mixtum est. Merum est imperium habere gladii potestatem ad animadvertendum facinorosos homines, quod etiam potestas appellatur. Mixtum est imperium cui etiam jurisdictio inest, quod in danda bonorum possessione consistit. Jurisdictio est etiam judicis dandi licentia. »

— Digeste, II, 1, 3, trad. en français par Blandine Barret-Kriegel

« Ulpien, livre II, sur l'office du questeur. L'imperium est soit simple soit mixte. L'imperium simple consiste à posséder la puissance du glaive afin de réprimer les criminels, ce que l'on appelle la puissance tout court. L'imperium mixte est l'imperium de celui à qui appartient la juridiction qui consiste à remettre en possession des biens. La juridiction est par la même la faculté de rendre les jugements. »

— trad. en français par Blandine Barret-Kriegel

Droit féodal

Le merum imperium réapparaît, au XIII^e siècle, dans le royaume de France. Il est attesté, pour la première fois, dans l'hommage de l'évêque et vicomte d'Agde, Thédise Baldi[4], au comte Raymond VII de Toulouse, prêté à Montpellier le 26 août 1224[5]. En Provence, il est attesté, pour la première fois[6] - § 50_7-0">[7], dans les Statuts de Barcelonnette[6] - § 50_7-1">[7], charte de fondationn. 58_8-0">[8] datée du 21 février 1232[6] - n. 58_8-1">[8]. La même année, trois autres documents en font mention : d'abord deux diplômes de l'empereur Frédéric II en faveur du comte Raimond-Bérenger IV, datés du mois de mars, puis l'assignation de douaire à Béatrice de Savoie, épouse du comte, datée du 18 septembre.

Notes et références

« Mère », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales (sens II, adj.).
« Empire », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales (sens II, 1).
§ 53-3" class="mw-reference-text">Verdon 2010a, § 53.
Chastang 2008, p. 40-42.
Giordanengo 1988, p. 146-147.
Giordanengo 1975, p. 258.
§ 50-7" class="mw-reference-text">Verdon 2010a, § 50.
n. 58-8" class="mw-reference-text">Ripart 2006, n. 58, p. 71-72.

Voir aussi

Bibliographie

[Barret-Kriegel 1988] Blandine Barret-Kriegel, Les historiens et la monarchie, t. II : La défaite de l'érudition (texte remanié de la thèse d'État en lettres, soutenue en 1988 à l'université Lyon-III sous le titre La constitution de l'histoire savante aux XVII^e et XVIII^e siècles), Paris, Presses universitaires de France, coll. « Les chemins de l'histoire » (n^o 12), octobre 1988 (réimpr. novembre 1996), 1^re éd., 1 vol., 350, 22 cm (ISBN 2-13-041842-2, EAN 9782130418429, OCLC 462181893, BNF 34989938, SUDOC 001380516, présentation en ligne, lire en ligne).
[Berger 1953] (en) Adolf Berger, Encyclopedic dictionary of Roman law [« Dictionnaire encyclopédique de droit romain »], Philadelphie, American Philosophical Society, coll. « Transactions of the American Philosophical Society, New Series » (n^o 43, 2), 1953 (réimpr. 1968, 1980, 1991 et 2004), 1^re éd., 1 vol., p. 333-809, 30 cm (ISBN 0-87169-435-2, OCLC 420957510, SUDOC 01126778X, lire en ligne), s.v.Imperium merum, p. 494, col. 1 (lire en ligne).
[Busquet 1930] Raoul Busquet, « L'histoire d'une consultation du XIII^e siècle sur le merum imperium et l'origine des cas royaux en Provence », dans Raoul Busquet, Études sur l'ancienne Provence : institutions et points d'histoire, Marseille et Paris, A. Ged et H. Champion, 1930, 1^re éd., 340 p., in-8^o (25 cm) (OCLC 459000071, BNF 31893256, SUDOC 066177057), p. 51-68.
[Chastang 2008] Pierre Chastang, « La donation de la vicomté d'Agde (1187) ou les vicissitudes du vicecomitatus aux XII^e et XIII^e siècles », dans Hélène Débax (éd.), Vicomtes et vicomtés dans l'Occident médiéval (actes du colloque tenu à Albi du 6 au 8 octobre 2006), Toulouse, Presses universitaires du Mirail, coll. « Tempus / médiévale » (n^o 37), mars 2008, 1^re éd., 1 vol., 337, 16 × 24 cm (ISBN 978-2-85816-942-9, EAN 9782858169429, OCLC 471005349, BNF 41168754, SUDOC 127227601, présentation en ligne, lire en ligne), p. 33-46 (lire en ligne).
[Giordanengo 1975] Gérard Giordanengo, « Vocabulaire romanisant et réalité féodale en Provence », Provence historique, t. XXV, fasc. 100,‎ 4^e trimestre 1975, p. I (« Articles »), art. 7, p. 255-273 (résumé, lire en ligne, consulté le 7 juillet 2018).
[Giordanengo 1988] Gérard Giordanengo, Le droit féodal dans les pays de droit écrit : l'exemple de la Provence et du Dauphiné (XII^e – début XIV^e siècle) (texte remanié de la thèse de doctorat en droit, soutenue à l'université Montpellier-I en juin 1981), Rome, École française de Rome, coll. « Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome » (n^o 266), octobre 1988, 1^re éd., 1 vol., XVI-331, 25 cm (ISBN 2-7283-0154-9, EAN 9782728301546, OCLC 461969196, BNF 34947911, DOI 10.3406/befar.1988.1208, SUDOC 001257595, présentation en ligne, lire en ligne).
[Hoke 1978] (de) Rudolf Hoke, « Imperium merum et mixtum », dans Adalbert Erler et Ekkehard Kaufmann, Handwörterbuch zur deutschen Rechtsgeschichte [« Lexique d'histoire du droit allemand »], t. II : Haustür – Lippe, livr. 13 : Herzog, Herzogtum – Insatz, Berlin, E. Schmidt, 1978, 1^re éd., 1 vol., XIX p. – 2048 col. , 26 cm (ISBN 3-503-00015-1, EAN 9783503000159, OCLC 489564004, BNF 35875645, SUDOC 001734849), p. 1195-1196 (lire en ligne).
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[Verdon 2010b] Laure Verdon, « La justice seigneuriale en Provence sous les deux premiers comtes angevins : enjeux et pratiques », dans Jean-Paul Boyer et Thierry Pécout (dir.) (av.-propos de Jean-Marie Guillon), La Provence et Fréjus sous la première maison d'Anjou : 1246-1382 (actes du VII^e Colloque historique de Fréjus, coorganisé par la Société d'histoire de Fréjus et l'association Connaissance du patrimoine de Fréjus, et tenu les 4 et 5 octobre 2008), Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, coll. « Le temps de l'histoire », 4^e trimestre 2010, 1^re éd., 1 vol., 213, 21 cm (ISBN 978-2-85399-761-4, EAN 9782853997614, OCLC 708364598, BNF 42279656, DOI 10.4000/books.pup.7180, SUDOC 147432065, présentation en ligne, lire en ligne), I (« L'emprise seigneuriale »), chap. I-4, p. 71-82 (lire en ligne).