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Loup de Ferrières

Loup de Ferrières, dit Loup Servat, (v. 805 - 862), est un ecclésiastique franc qui fut abbé de l'abbaye Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Ferrières-en-Gâtinais, dans l'actuel Loiret.

Loup de Ferrières
Fonction
Abbé
Biographie
Naissance
Décès
Activités
Période d'activité
IXe siècle
Autres informations
Ordre religieux
Maître

Il joua un rôle prépondérant comme théologien augustinien et organisateur de l'Église de France, et assista en 853 au concile de Soissons.

Grand lettré féru d'Antiquité, il est souvent considéré comme le précurseur des humanistes de la Renaissance[1]. Contribuant énormément à la copie de textes anciens des auteurs principaux latins et grecs, il a permis de faire revivre les lettres antiques. Il eut comme élève Heiric d'Auxerre[2], un des quatre grands maîtres de l'école monastique de l'abbaye Saint-Germain d'Auxerre.

Biographie

Né vers 805 à Ferrières dans le diocèse de Sens, il est élevé et éduqué à l’école de l’abbaye Saint-Pierre de Ferrières. Sa famille comprend plusieurs membres du haut clergé, dont l’évêque d’Auxerre, Héribold, et Wénilon, archevêque de Sens[3]. À l’âge de 25 ans, l'abbé Aldric l’envoie étudier la théologie outre-Rhin. À l’abbaye de Fulda, tout en étudiant, il donne lui-même des cours de lettres qui lui apportent une grande célébrité. Il y fait aussi la connaissance de Raban Maur et d'Eginhard, savants de grand renom.

Sa bonne réputation, qui a précédé son retour à Ferrières vers le milieu des années 836[4], lui vaut la faveur de l'impératrice Judith de Bavière qui le nomme précepteur du fils de Louis le Pieux, le futur Charles II le Chauve, pour lequel il représenta toujours une certaine autorité.

Après sa désignation comme abbé de Ferrières le 22 novembre 840[4], ce monastère devient un des phares de la science et de la civilisation européenne. Loup de Ferrières développe la copie des textes anciens des principaux auteurs latins et grecs, fait corriger un Pline le Jeune mal transcrit et envoie à Rome des textes traduits de Suétone et de Quinte-Curce. Il développe une bibliothèque importante dans son abbaye en acquérant de nombreux manuscrits originaux, et en copiant ou en corrigeant les manuscrits empruntés à d'autres monastères (Tours, Fulda, et Prüm), à des amis tels qu'Eginhard, Wenilon de Sens, Reginbert de Reichenau et Marcward de Prüm), et aussi à des esprits brillants comme l'abbé Altsigus d'York ou le pape Benoît III.

Il est fait prisonnier[5] le au cours d'une bataille près d'Angoulême, bataille remportée par Pépin II d'Aquitaine contre une armée envoyée en renfort pour soutenir Charles II le Chauve qui assiégeait Toulouse. Tout comme son prédécesseur Odon, Loup de Ferrières envoya une demande pour être retiré du conflit en raison du manque possible de ressources matérielles à Ferrières qui pourrait précéder une famine[6]. Lors de cette bataille, le 14 juin 844, il est fait prisonnier et l'abbaye de Ferrières verse alors une forte rançon afin qu'il puisse retrouver la liberté.

En décembre 844, lors du synode des évêques de Francie occidentale à Ver-sur-Launette, les décisions formulées par l'abbé Loup de Ferrières contre les nobles, pilleurs des biens de l’Église, ne furent pas acceptées par le roi Charles le Chauve, car il les trouvait trop radicales.

À la suite du décès de Loup de Ferrières, des reliques auraient été gardées de celui-ci. Elles ont par la suite été transmise à une église sénonaise par les moines de Ferrières[7].

Ses Ă©crits

Loup est l’un des épistoliers les plus importants de l’époque carolingienne[8]. Ses lettres permettent mieux connaître la vie de Loup de Ferrières et ses relations avec différentes personnes importantes de son époque[9]. Il ne reste qu’un seul manuscrit conservant la correspondance de Loup de Ferrières. Quelques lettres sont manquantes, soit les lettres 72 à 74 et son état général est fragile[10]. Cependant, le manuscrit a été conservé jusqu’au XVIe siècle à Ferrières et il est possible de retracer le chemin qu’il a parcouru jusqu’à aujourd’hui[11]. Quatre ouvrages lui sont aussi attribués : Une vie de saint Wigbert, les canons du concile de Ver, le Liber de tribus quœstionibus et Collectaneum[12]. Leur existence est connue grâce à leur mention dans la correspondance de Loup de Ferrières. Celui-ci a été influencé par les écrits de Saint-Augustin, en particulier par son l’ouvrage La Cité de Dieu[13] - [14]. En lien avec ce texte, Loup de Ferrières développa une réflexion théologique sur la manière de percevoir Dieu, en particulier sur l’idée de l’œil en tant qu’élément charnel pour voir Dieu[13] - [14].

Échanges épistolaires

Grâce à ses échanges épistolaires, il est possible de comprendre que ce sont les textes patristiques qui intéressaient en particulier Loup de Ferrières. Ainsi, le prêt et le recopiage de manuscrits sur les Saints-Pères de l’Église est un sujet récurrent dans ses échanges avec d’autres ecclésiastiques de son époque[15]. Ce sont les écrits de Saint-Jérôme, de Saint-Augustin et de l’ecclésiastique Bède qui intéressaient surtout Loup de Ferrières[15].

Influence politique

En lien avec les écrits bibliques et romains que Loup de Ferrières consulta, il développa un modèle politique et juridique basé sur le principe du consilium et adressé plus particulièrement au roi Charles le Chauve[16]. Le principe du consilium repose sur l’expression latine : « non est consilium contra Dominum », c’est-à-dire qu’il ne faut pas aller à l’encontre de son Seigneur[17]. Plus précisément, il s’agit de montrer sa fidélité envers son seigneur sur deux plans : le premier, sur le plan spirituel et religieux, il s’agit de montrer sa loyauté envers Dieu, et plus largement envers la foi chrétienne; le second, sur le plan temporel et vassalique, car il faut également montrer sa fidélité envers son seigneur en tant que vassal[18]. Dans l’optique de l’exercice du pouvoir royal, le consilium devait se concrétiser sous la forme d’un conseil siégeant auprès du roi, ce conseil devait réunir des conseillers royaux qui respectaient la règle du « non est consilium contra Dominum »[19]. En effet, le roi devait s’entourer des meilleurs et des plus sains conseillers royaux afin de prendre ses décisions dans l’objectif de gouverner efficacement et raisonnablement[20]. Bien qu’il ne soit pas sous-entendu que les meilleurs et les plus sains conseillers royaux soient des ecclésiastiques, Loup de Ferrières construisit le principe du consilium dans le but d’écarter du pouvoir les laïcs et les individus motivés par des ambitions cupides[21]. Plus exactement, pour des raisons propres aux principes chrétiens et pour des raisons personnelles à Loup de Ferrières, ce dernier souhaitait éloigner du pouvoir royal les laïcs qui s’emparaient des biens monastiques afin de constituer des richesses[22].

Notes et références

  1. Voir le § Aux environs de Tours
  2. Pellegrin 1957, p. 8
  3. Léon Levillain, « Etude sur les lettres de Loup de Ferrières », Bibliothèque de l'école des chartes, vol. 62, no 1,‎ , p. 448 (ISSN 0373-6237, DOI 10.3406/bec.1901.448075, lire en ligne, consulté le )
  4. Léon Levillain, « Etude sur les lettres de Loup de Ferrières », Bibliothèque de l'école des chartes, vol. 62, no 1,‎ , p. 450 (ISSN 0373-6237, DOI 10.3406/bec.1901.448075, lire en ligne, consulté le )
  5. Laurent Theis, L'héritage des Charles - De la mort de Charlemagne aux environs de l'an mil, 1990, p. 46
  6. Victor Sobreira, « La pénurie comme instrument dans les conflits fonciers : Loup de Ferrières et la celle de Saint-Josse (840-852) », Mélanges de l’École française de Rome - Moyen Âge, nos 131-1,‎ , p. 48 (ISSN 1123-9883, DOI 10.4000/mefrm.5439, lire en ligne, consulté le )
  7. Léon Levillain, « Etude sur les lettres de Loup de Ferrières », Bibliothèque de l'école des chartes, vol. 62, no 1,‎ , p. 452 (ISSN 0373-6237, DOI 10.3406/bec.1901.448075, lire en ligne, consulté le )
  8. Martin Gravel, « Les lettres des autres : correspondances et réseaux en filigrane des grandes collections carolingiennes. », Le Moyen Âge, vol. Tome CXXVI, no 2,‎ , p. 252-253, 258-259,264 et 269 (lire en ligne)
  9. Joël Chandelier, L'Occident médiéval : D'Alaric à Léonard (400 - 1450), Éditions Belin, coll. « Mondes anciens », , 700 p. (ISBN 978-2-7011-8329-9), chap. 3 (« L'imparfaite unification de l'Europe (700-888) »), p. 162 - Carte de la correspondance de Loup, abbé de Ferrières.
  10. Léon Levillain, « Etude sur les lettres de Loup de Ferrières », Bibliothèque de l'école des chartes, vol. 62, no 1,‎ , p. 455 (ISSN 0373-6237, DOI 10.3406/bec.1901.448075, lire en ligne, consulté le )
  11. Léon Levillain, « Etude sur les lettres de Loup de Ferrières », Bibliothèque de l'école des chartes, vol. 62, no 1,‎ , p. 454-455 (ISSN 0373-6237, DOI 10.3406/bec.1901.448075, lire en ligne, consulté le )
  12. Léon Levillain, « Etude sur les lettres de Loup de Ferrières », Bibliothèque de l'école des chartes, vol. 62, no 1,‎ , p. 452-453 (ISSN 0373-6237, DOI 10.3406/bec.1901.448075, lire en ligne, consulté le )
  13. Pierre Richard, « « De ma chair je verrai Dieu » : Relecture contemporaine d’un texte carolingien sur la vision béatifique. », Revue des sciences philosophiques et théologiques, vol. 95, no 2,‎ , p.289-292 (lire en ligne)
  14. Dominique Alibert, « La transmission des textes patristiques à l’époque carolingienne. », Revue des sciences philosophiques et théologiques, vol. 91, no 1,‎ , p.8 et 12 (lire en ligne)
  15. Dominique Alibert, « La transmission des textes patristiques à l’époque carolingienne. », Revue des sciences philosophiques et théologiques, vol. 91, no 1,‎ , p.10-12 (lire en ligne)
  16. Gilduin Davy, « Les enjeux du conseil dans les écrits de Loup de Ferrières : « non est consilium contra dominum ». », Revue française d’histoire des idées politiques, vol. 21, no 1,‎ , p.49-51, 64-65 et 71 (lire en ligne)
  17. Gilduin Davy, « Les enjeux du conseil dans les écrits de loup de ferrières : « non est consilium contra dominum » », Revue française d'histoire des idées politiques, vol. 21, no 1,‎ , p.49-53 et 56 (lire en ligne)
  18. Gilduin Davy, « Les enjeux du conseil dans les écrits de Loup de Ferrières : « non est consilium contra dominum » », Revue française d’histoire des idées politiques, vol. 21, no 1,‎ , p.53-56 (lire en ligne)
  19. Gilduin Davy, « Les enjeux du conseil dans les écrits de Loup de Ferrières : « non est consilium contra dominum » », Revue française d’histoire des idées politiques, vol. 21, no 1,‎ , p.65-70 (lire en ligne)
  20. Gilduin Davy, « Les enjeux du conseil dans les écrits de Loup de Ferrières : « non est consilium contra dominum » », Revue française d’histoire des idées politiques, vol. 21, no 1,‎ , p.49-53 et 63-70 (lire en ligne)
  21. Gilduin Davy, « Les enjeux du conseil dans les écrits de Loup de Ferrières : « non est consilium contra dominum » », Revue française d’histoire des idées politiques, vol. 21, no 1,‎ , p.63-70 (lire en ligne)
  22. Gilduin Davy, « Les enjeux du conseil dans les écrits de Loup de Ferrières : « non est consilium contra dominum » », Revue française d’histoire des idées politiques, vol. 21, no 1,‎ , p.54-58 et 63-70 (lire en ligne)

Bibliographie

  • Correspondance (2 vol., 1927, rĂ©Ă©d. 1935, 1964), trad. de L. Levillain, Ă©d. Les Belles Lettres, coll. Classiques français du Moyen Ă‚ge, (ISBN 2-251-34012-2) et (ISBN 2-251-34021-1)
  • Dominique Alibert, « La transmission des textes patristiques Ă  l'Ă©poque carolingienne », Revue des sciences philosophiques et thĂ©ologiques, vol. 91, no 1, 2007, p.7-21. (https://doi.org/10.3917/rspt.911.0007)
  • Gilduin Davy, « Les enjeux du conseil dans les Ă©crits de Loup de Ferrières (805-862): non est consilium contra dominum», Revue française d’histoire des idĂ©es politiques, vol. 21, no 1, 2005, p.49-71. (https://doi.org/10.3917/rfhip.021.0049)
  • Lettres de Servat Loup abbĂ© de Ferrières. Texte, notes & introduction par Georges Desdevises du DĂ©zert. Paris, Vieweg, 1888.
  • Vie de saint Maximin de Trèves
  • Livre sur les trois questions
  • LĂ©on Levillain, « Étude sur les lettres de Loup de Ferrières », Bibliothèque de l'Ă©cole des chartes, vol. 62, no 1, 1901, p. 445-509. (ISSN 0373-6237) (DOI https://doi.org/10.3406/bec.1901.448075)
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  • Jeanine Pingot Bonnefoy, Jean Vezin, Loup de Ferrières, personnage Ă©nigmatique, Ă©ditions Paradigme, 1993.
  • (de) Oliver MĂĽnsch, Der Liber legum des Lupus von Ferrières, Peter Lang, Francfort, 2001.
  • Elisabeth Pellegrin, « Les manuscrits de Loup de Ferrières », Bibliothèque de l'Ă©cole des chartes, vol. 115,‎ , p. 5-31 (lire en ligne)
  • Laurent Theis, Nouvelle histoire de la France mĂ©diĂ©vale, vol. 2 : L'hĂ©ritage des Charles : de la mort de Charlemagne aux environs de l'an mil, Paris, Seuil, coll. « Points. Histoire » (no 202), , 280 p. (ISBN 978-2-02-011553-7).
  • Martin Gravel, « Les lettres des autres: correspondances et rĂ©seaux en filigrane des grandes collections carolingiennes », Le Moyen Ă‚ge, vol. Tome CXXVI, no 2, 2020, p. 243-271. (https://doi.org/10.3917/rma.262.0243)
  • Pierre Richard, « De ma char je verrai Dieu : Relecture contemporaine d'un texte carolingien sur la vision bĂ©atifique », Revue des sciences philosophiques et thĂ©ologiques, vol. 95, no 2, 2011, p.287-301. (https://doi.org/10.3917/rspt.952.0287)
  • Victor Sobreira, « La pĂ©nurie comme instrument dans les conflits fonciers: Loup de Ferrières et la celle de Saint-Josse (840-852) », MĂ©langes de l’École française de Rome - Moyen Ă‚ge, nos 131-1, 1er janvier 2019, p. 45-53. (ISSN 1123-9883) (DOI https://doi.org/10.4000/mefrm.5439)

Voir aussi

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