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Livre d'emblĂšmes

Un livre d'emblÚmes est un livre illustré de gravures qui est publié en Europe aux XVIe et XVIIe siÚcles.

La sagesse, (Londres 1635, EmblĂšmes de Withers), gravure de William Marshall.

Chaque gravure sur bois ou sur métal est associée à un titre et un texte.

Les livres d’emblĂšmes, profanes ou religieux, connaissent un succĂšs retentissant Ă  travers l’Europe. AndrĂ© Alciat est l’auteur des Ă©pigrammes du premier et plus important livre d’emblĂšmes : Emblemata, publiĂ© par Heinrich Steyner en 1531 Ă  Augsbourg[1]. Bien qu’il s’écarte de la forme du livre d’emblĂšmes, l’autre ouvrage marquant du genre est l’Iconologia de Cesare Ripa, publiĂ©e pour la premiĂšre fois en 1593.

Un nouveau genre

Les Emblemata rĂ©pondent Ă  l’engouement pour les images Ă©nigmatiques lancĂ© par deux ouvrages cĂ©lĂšbres, qui sont pour leur Ă©poque d’immenses succĂšs de librairie : tout d’abord le Hypnerotomachia Poliphili, ou Songe de Poliphile, attribuĂ© Ă  Francesco Colonna (1467, imprimĂ© en 1499), et deuxiĂšmement les Hieroglyphica d’Horapollon, dont la traduction grecque est publiĂ©e en 1505 Ă  Venise par Alde l'Ancien puis rapidement rĂ©Ă©ditĂ©e et traduite en latin.

En ce qui concerne les textes, ils sont issus d’un genre littĂ©raire populaire, les rĂ©pertoires de maximes, d’aphorismes ou d’adages, tels que les Adages de l’humaniste Érasme, maintes fois rĂ©Ă©ditĂ©s. Ces anthologies de citations des sages antiques, ou de proverbes moraux, permettent d’émailler les textes (et les conversations) de citations savantes.

Le mot « emblĂšme » prend donc le sens d’une synthĂšse entre une image Ă  clef inspirĂ©e des hiĂ©roglyphes Ă©gyptiens, et un adage moral empruntĂ© aux philosophes ou aux sages de l’AntiquitĂ©.

Dans la prĂ©face de l’édition française (1587) des Emblemata d'AndrĂ© Alciat (Andrea Alciato), Claude Mignault dĂ©finit ainsi les emblĂšmes :

« Mais icy, Emblemes ne sont autre chose que quelques peintures ingenieusement inventees par hommes d’esprit, representees, & semblables aux lettres Hieroglyphiques des Egyptiens, qui contenoient les secrets de la sagesse de ces anciens lĂ  par le moyen de certaines devises, & comme pourtraits sacrez: de laquelle doctrine ils ne permettoient que les mysteres fussent communiquez sinon Ă  ceux qui en estoient capables, & qui d’ailleurs estoient bien entendus: & non sans bonne raison en excluoient le vulgaire profane[2]. »

Structure

Emblema triplex

Tous les livres d’emblĂšmes ne comportent pas d’illustrations, et la forme varie quelque peu d’un ouvrage Ă  l’autre, nĂ©anmoins dans les Ă©ditions illustrĂ©es, chaque « emblĂšme » se compose gĂ©nĂ©ralement de trois Ă©lĂ©ments (emblema triplex).

  • Un titre (inscriptio, tĂ­tulus, motto, lemma) assez bref, souvent difficile Ă  dĂ©chiffrer, presque toujours en latin, qui constitue l'« Ăąme » de l’emblĂšme. Il est gĂ©nĂ©ralement placĂ© au-dessus de l’image, ou dans le cadre de celle-ci. Certains auteurs composent eux-mĂȘmes ces titres sous la forme de sentences, mais la plupart se contentent d’emprunter une phrase ou un vers aux auteurs classiques (Ovide, Virgile, SĂ©nĂšque, Tacite, CicĂ©ron, etc.), aux pĂšres de l'Église ou Ă  la bible. Les Ă©noncĂ©s parĂ©miologiques (proverbes, dictons, adages, maximes, etc.) de la culture populaire sont Ă©galement utilisĂ©s.
  • Une image (pictura, icon, imago, symbolon), en gĂ©nĂ©ral une gravure sur bois ou sur mĂ©tal, qui forme le « corps » de l’emblĂšme et joue un rĂŽle mnĂ©motechnique.
  • Un texte explicatif qui Ă©lucide le sens cachĂ© de l’image et de la devise (subscriptio, epigramma, declaratio). Ce texte est en vers, suivi parfois d’une glose en prose et, selon le destinataire, il est rĂ©digĂ© soit dans la langue vernaculaire soit en latin. Dans une premiĂšre partie l’auteur dĂ©crit l’image, dans la seconde il en donne la leçon morale.

RĂ©ception

L’engouement pour les livres d’emblĂšmes durera jusqu’au XVIIIe siĂšcle, et leur influence sera particuliĂšrement grande dans le dĂ©veloppement des mises en scĂšne allĂ©goriques qu’affectionnent le XVIe siĂšcle et l’ñge baroque[3].

Les premiers livres d’emblùmes (XVIe siùcle)

Les EmblĂšmes d’Alciat inspirent leurs propres traducteurs ou d’autres Ă©rudits. Le livre d’emblĂšmes, ou les devises illustrĂ©es, deviennent un genre littĂ©raire Ă  la mode dont s’emparent les humanistes, les poĂštes, mais aussi les religieux et les moralistes chrĂ©tiens de toute l’Europe.

Édition de 1550 des Emblesmes de Guillaume GuĂ©roult.

XVIIe siĂšcle

EmblĂšmes tirĂ© de Minerva Britanna, d’Henry Peacham
  • Allemagne :
  • Angleterre :
  • Espagne :
    • Juan Baños de Velasco, L. Anneo SĂ©neca ilustrado en blasones polĂ­ticos y morales (Madrid, 1670) ;
    • SebastiĂĄn Covarrubias y Horozco, Emblemas morales (Madrid, 1610) ;
    • Juan Francisco FernĂĄndez de Heredia, Trabajos y afanes de HĂ©rcules, floresta de sentencias y exemplos (Madrid, 1682) ;
    • Herman Hugo (tr. de Pedro de Salas, s.j.), Affectos divinos con emblemas sagradas (Valladolid, 1658) ;
    • Antonio de Lorea, David pecador y David penitente: empresas morales polĂ­tico-cristianas (Madrid, 1674) ;
    • AndrĂ©s Mendo (s.j.), PrĂ­ncipe perfecto y ministros ajustados, documentos polĂ­ticos y morales (Lyon, 1662) ;
    • Lorenzo Ortiz (s.j.), Memoria, entendimiento y voluntad. Empresas que enseñan y persuaden su buen uso en lo moral y en lo polĂ­tico (Sevilla, 1677) ;
    • Lorenzo Ortiz (s.j.), Ver, oĂ­r, oler, gustar, tocar. Empresas que enseñan y persuaden su buen uso en lo polĂ­tico y en lo moral (Lyon, 1687) ;
    • Antonio PĂ©rez, Retrato al vivo del natural de la fortuna (Rhodanusia [ParĂ­s?], 1625) ;
    • CristĂłbal PĂ©rez de Herrera, Proverbios morales y consejos cristianos (Madrid, 1618) ;
    • Alonso RemĂłn, Discursos elĂłgicos y apologĂ©ticos. Empresas y divisas sobre san Pedro de Nolasco (Madrid, 1627) ;
    • Diego Saavedra Fajardo, Idea de un principe politico christiano : representada en cien empresas (En Monaco [MĂșnich], Nicolao Enrico, 1640).
    • Juan de SolĂłrzano Pereira, Emblemata regio-polĂ­tica in centuriam una redacta (Madrid, 1650) ;
    • Hernando de Soto, Emblemas moralizadas (Madrid, 1599) ;
    • Juan Francisco de Villava, Empresas espirituales y morales (Baeza, 1613).
  • France :
    • Daniel de la Feuille, Devises et emblemes[8] (1691).
  • Italie :
  • Pays-Bas (Provinces-Unies) et Flandre (Pays-Bas mĂ©ridionaux) ;

XVIIIe siĂšcle

L’emblĂ©matique moderne

Depuis la fondation de l’iconologie par Aby Warburg et ses successeurs, de nombreux travaux ont utilisĂ© les livres d’emblĂšmes[9] ou en ont fait l’objet de leur recherche. Certains d’entre eux ont Ă©tĂ© rĂ©Ă©ditĂ©s oĂč sont disponibles en ligne. Cependant, en l’état de la recherche, certains aspects de l’emblĂ©matique, notamment sur l’implication de l’auteur dans l’adjonction de l’image au texte, font l’objet de controverses (voir bibliographie).

Notes et références

  1. Consultable ici.
  2. PrĂ©face de l’édition française des EmblĂšmes d’Alciat.
  3. Sur les spectacles publics organisĂ©s lors des fĂȘtes dynastiques dans la capitale du PĂ©rou colonial, voir K. PĂ©rissat (2002), p. 116-125.
  4. Dans le cas de l'Iconologia, il s’agit davantage d’un traitĂ© en prose dĂ©crivant des images allĂ©goriques, correspondant chacune Ă  un vice ou Ă  une vertu. On a ainsi pu parler d’un « brĂ©viaire » iconographique du Grand SiĂšcle.
  5. Version consultable en ligne.
  6. Mathieu-Castellani 1990, p. 54
  7. Version consultable en ligne.
  8. Version consultable en ligne.
  9. Par exemple, Saturne ou la mélancolie, de Klibanski, Panofsky et Saxl.

Annexes

Ouvrages

  • (fr) Jean-Marc Chatelain, Livres d’emblĂšmes et de devises : une anthologie (1531-1735), Paris, Klincksieck, 1993 (ISBN 2-252-02917-X).
  • (fr) Michel Orcel, en coll. avec A. PĂ©rĂšs, Dictionnaire raisonnĂ© des devises, tome I, ARCADES AMBO, Nice, 2017.
  • (fr) Anne-Elisabeth Spica, Symbolique humaniste et emblĂ©matique : l'Ă©volution et les genres (1580-1700), HonorĂ© Champion Ă©diteur, Paris, 1966.
  • (en) Alison Adams, Stephen Rawles et Alison Saunders, A Bibliography of French Emblem Books, 2 volumes, Droz, GenĂšve, 1999-2002.
  • (fr) Karine PĂ©rissat, Lima fĂȘte ses rois, (XVIe – XVIIIe siĂšcle) : HispanitĂ© et amĂ©ricanitĂ© dans les cĂ©rĂ©monies royales, L’Harmattan, Paris, 2002 (ISBN 2-7475-3020-5).

Articles

  • (en) Hessel Miedema, « The Term Emblema in Alciati », dans Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 31 (1968), p. 234-250.
  • (fr) Claudie Balavoine, « ArchĂ©ologie de l’emblĂšme littĂ©raire : la DĂ©dicace Ă  Conrad Peutinger des Emblemata d’AndrĂ© Alciat », dans Marie-ThĂ©rĂšse Jones-Davies (dir.), EmblĂšmes et devises au temps de la Renaissance, Jean Touzot, sĂ©rie « Centre de recherches sur la Renaissance, 6 », Paris, 1981 (ISBN 2-86433-007-5), p. 9-21.
  • (fr) Claudie Balavoine, « Les EmblĂšmes d’Alciat : sens et contresens », dans Yves Giraud (dir.), L’EmblĂšme Ă  la Renaissance : Actes de la 1re journĂ©e d'Ă©tudes du , SociĂ©tĂ© d’édition d’enseignement supĂ©rieur (SEDES), Paris, 1982 (ISBN 2-7181-0229-2), p. 49-59.
  • (fr) Denis L. Drysdall, « Alciat et le modĂšle de l’emblĂšme », dans Claudie Balavoine, Jean Lafond et Pierre Laurens (dir.), Le ModĂšle Ă  la Renaissance, Librairie philosophique J. Vrin, coll. « L'oiseau de Minerve Â», Paris, 1986 (ISBN 2-7116-0909-X), p. 169-181.
  • (fr) Pierre Laurens et Florence Vuilleumier, « Entre Histoire et EmblĂšme : le recueil des inscriptions milanaises d’AndrĂ© Alciat », dans Revue des Ă©tudes latines, no 72 (1994), p. 218-237.
  • GisĂšle Mathieu-Castellani, « Le corps de la sentence. Les EmblĂšmes Chrestiens de Georgette de Montenay », LittĂ©rature, no 78 Anatomie de l'emblĂšme,‎ , p. 54-64 (lire en ligne)
  • Pierre Laurens, « L'invention de l'emblĂšme par AndrĂ© Alciat et le modĂšle Ă©pigraphique : le point sur une recherche », Comptes rendus des sĂ©ances de l'AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres, nos 2, 149e annĂ©e,‎ , p. 883-910 (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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