Accueil🇫🇷Chercher

Laurent Angliviel de La Beaumelle

Laurent Angliviel de La Beaumelle, né le à Valleraugue en Cévennes et mort le à Paris, est un homme de lettres français.

La Beaumelle
Description de cette image, également commentée ci-après
Portrait de La Beaumelle par Jean-Étienne Liotard en 1771.
Nom de naissance Angliviel
Naissance
Valleraugue
Décès
Paris
Activité principale
Homme de lettres
Auteur
Langue d’écriture Français
Mouvement Lumières, Protestantisme
Signature de La Beaumelle

Valleraugue – Genève – Copenhague

Laurent Angliviel fait de brillantes études au collège de l'Enfance de Jésus d'Alès, créé en 1741 par l'évêque Charles de Bannes d'Avéjan pour ramener au catholicisme les enfants huguenots. Il y passe huit années ( – ) sans jamais revenir à Valleraugue, devient un latiniste accompli, adhère à la foi catholique mais refuse de devenir prêtre. Séduit un moment par le déisme, il retrouve bientôt la religion de ses pères et traverse une crise mystique qui le conduit au « Désert » (). Son père le retient dix-huit mois à la maison, le temps que mûrisse sa résolution de devenir pasteur.

Laurent part clandestinement pour Genève en , prend le nom de La Beaumelle pour déjouer la surveillance des autorités royales et s'immatricule en théologie à l'Académie où il se lie d'amitié avec P.-H. Mallet et J.-E. Roques. En il est initié en Franc-maçonnerie dans la loge de Saint-Jean des Trois Mortiers. Le Journal helvétique publie plusieurs de ses essais littéraires ou moraux, deux odes et une « Lettre sur l'état présent de la religion protestante en France » où il expose les conditions dans lesquelles se déroulent les cultes clandestins au « Désert ».

Décidé à se faire un nom dans les belles-lettres, La Beaumelle part en pour Copenhague comme précepteur du fils du comte de Gram. Il y joue un rôle actif dans la maçonnerie, publie des poèmes, compose une anthologie de Pensées de Sénèque (1752), il défend contre Holberg les calvinistes et les francs-maçons.

L'asiatique tolerant.

Durant l’étĂ© 1748 La Beaumelle Ă©crit un « traitĂ© sur la tolĂ©rance », L'Asiatique tolĂ©rant, ou traitĂ© Ă  l'usage de Zeokinizul, roi des Kofirans, surnommĂ© le ChĂ©ri publiĂ© Ă  Amsterdam en . Sous couvert d'une fiction orientale inspirĂ©e des anagrammes de CrĂ©billon fils (lui-mĂŞme se nomme « le voyageur Bekrinoll »), il s'inscrit dans la perspective historiographique ouverte par Elie Benoist et dans la ligne philosophique de Pierre Bayle pour rĂ©clamer hautement Ă  Louis XV la tolĂ©rance civile en faveur de ses coreligionnaires privĂ©s de libertĂ© religieuse depuis la rĂ©vocation de l’édit de Nantes. En , le Parlement de Grenoble condamnera l'ouvrage Ă  ĂŞtre « lacĂ©rĂ© et brĂ»lĂ© par l’exĂ©cuteur de la haute justice […] comme scandaleux, sĂ©ditieux et tendant Ă  renverser la religion catholique, apostolique et romaine, et les puissances Ă©tablies de Dieu, et Ă  troubler le repos et la tranquillitĂ© publique ».

La Spectatrice danoise : le t. II

En , La Beaumelle lance un périodique, Aspasie, ou la Spectatrice danoise, dont il réunira les feuilles en trois volumes (1749-1750). L’anonymat d’une jeune danoise admiratrice de la France lui permet de brosser une critique sociale et politique du Danemark et de faire connaître à ses lecteurs les ouvrages français comme L’Esprit des Lois.

En , les sollicitations de La Beaumelle aboutissent à sa nomination comme professeur royal de Langue et Belles Lettres françaises. Pour obtenir du roi de France l'autorisation de s'expatrier, il se rend à Paris où il séjourne de juin à novembre. Il y fait la connaissance de Voltaire, de l'abbé d'Olivet et de Montesquieu qui le prend en amitié. Sa Suite de la Défense de l’Esprit des lois est publiée à Amsterdam en .

Le , veille de son départ pour Copenhague, La Beaumelle achète à Louis Racine un mémoire et des lettres de Madame de Maintenon dont il envisage d'écrire la vie.

Le , La Beaumelle prononce au palais royal de Copenhague le discours inaugural de sa chaire, qu'il a rédigé avec l'aide de l'abbé de Méhégan et publiera sous le titre Un empire se rend-il plus respectable par les arts qu'il adopte que par ceux qu'il crée ? En mars, avec l'aide de son frère Jean Angliviel qui séjourne alors à Paris, il lance des nouvelles à la main, la Gazette de la Cour, de la Ville et du Parnasse. En juin il correspond avec Voltaire sur un projet d’édition des Classiques français. En août il fait imprimer Mes Pensées ou le Qu'en dira-t-on ?, ouvrage politique dont le sous-titre souligne la hardiesse. Contraint de démissionner de sa chaire le pour s'être permis des privautés avec une dame de la cour, il quitte Copenhague pour Berlin le , de concert avec l’envoyé de Frédéric II rappelé en Prusse.

Berlin – Gotha – Francfort

Au cours de son sĂ©jour Ă  Berlin ( - fin ), La Beaumelle se brouille avec Voltaire : reçu Ă  Potsdam le , il refuse de lui communiquer ses lettres de Mme de Maintenon – comme Voltaire son Siècle de Louis XIV –, mais se rĂ©sout Ă  lui faire passer un exemplaire de Mes PensĂ©es. Le , au cours d'un souper chez le roi, Voltaire dĂ©nonce en la caricaturant la pensĂ©e XLIX qui, tout en cĂ©lĂ©brant l'esprit philosophique de FrĂ©dĂ©ric II, dĂ©crit cruellement la situation de l'homme de lettres auprès de lui : « Qu’on parcoure l’histoire ancienne et moderne, on ne trouvera point d’exemple de prince qui ait donnĂ© sept mille Ă©cus de pension Ă  un homme de lettres, Ă  titre d’homme de lettres. Il y a eu de plus grands poètes que Voltaire. Il n’y en a jamais eu de si bien rĂ©compensĂ©s, parce que le goĂ»t ne mit jamais de bornes Ă  ses rĂ©compenses. Le roi de Prusse comble de bienfaits les hommes Ă  talent, prĂ©cisĂ©ment par les mĂŞmes raisons qui engagent un petit prince d’Allemagne Ă  combler de bienfaits un bouffon ou un nain. » Voltaire s'efforce d'imposer l'idĂ©e selon laquelle cette pensĂ©e porte atteinte Ă  la rĂ©putation du philosophe de Sanssouci. Le 13 ou le , une rencontre orageuse marque la rupture dĂ©finitive avec Voltaire, que La Beaumelle tient pour responsable de ses dĂ©convenues et d'une rumeur sur le prĂ©tendu vol des lettres de Mme de Maintenon. Ce conflit se noue au moment oĂą s'amorce la querelle entre Voltaire et Maupertuis, prĂ©sident de l'AcadĂ©mie royale des sciences de Prusse Ă  Berlin : c'est ce dernier qui raconte Ă  La Beaumelle la conversation du souper et lui conseille de s'adresser directement au roi.

Après une mĂ©saventure galante qui lui vaut quelques jours d'assignation Ă  rĂ©sidence Ă  Spandau avant d'ĂŞtre blanchi, La Beaumelle quitte Berlin, dĂ©cidĂ© Ă  publier une critique du Siècle de Louis XIV. Il sĂ©journe une semaine Ă  Leipzig oĂą il rencontre Baculard d’Arnaud, puis se rend Ă  Gotha oĂą la comtesse Charlotte Sophie Bentinck l'a recommandĂ©. Au cours de son sĂ©jour (mai Ă  ), La Beaumelle est invitĂ© plusieurs fois Ă  la table du duc de Goths. MalgrĂ© les instances de la comtesse Bentinck, il travaille Ă  ses notes sur le Siècle de Louis XIV dont Voltaire a fait paraĂ®tre la première Ă©dition Ă  Berlin fin 1751 (voir ). Il se lie avec la baronne de Norbeck, une mystĂ©rieuse aventurière avec laquelle il partira pour Francfort, puis Paris.

À Francfort (juillet à ), La Beaumelle retrouve Roques, son ancien condisciple de Genève. Il fait imprimer une édition remaniée de Mes Pensées ainsi qu'un volume de la Vie de Madame de Maintenon et deux volumes de ses Lettres. Il vend ses notes critiques au libraire Eslinger qui réimprime l’édition du Siècle de Louis XIV donnée par Neaulme à La Haye en 1752.

Paris : première incarcération à la Bastille

Le dĂ©but du sĂ©jour Ă  Paris () est clandestin. Revenu en France avec des ouvrages imprimĂ©s Ă  l'Ă©tranger et non autorisĂ©s, La Beaumelle sait qu'il paraĂ®t suspect aux autoritĂ©s. Il commence Ă  envisager de publier la correspondance de Madame de Maintenon et d'Ă©crire sa vie, comme une sorte de rĂ©plique critique au Siècle de Louis XIV.

Bien qu'il ait obtenu des garanties de Berryer, alors lieutenant gĂ©nĂ©ral de police () et une autorisation tacite de Malesherbes au sujet de la diffusion de ses livres sur Madame de Maintenon, La Beaumelle reste discret. DĂ©but 1753, il est invitĂ© Ă  Saint-Germain-en-Laye par le marĂ©chal de Noailles, apparentĂ© Ă  la marquise de Maintenon par son mariage, en 1698, avec Françoise-Amable d'AubignĂ© (1684-1739), sa nièce et hĂ©ritière. Il entre Ă©galement en relation avec les dames de Saint-Cyr, dont il se fait apprĂ©cier et qui commencent Ă  lui fournir discrètement quelques matĂ©riaux. Elles n'ignorent pas que La Beaumelle est protestant, mais voient dans le jeune auteur de la Vie et Ă©diteur des Lettres de Madame de Maintenon, dont elles apprĂ©cient la plume, l'historien qui pourrait officialiser le mariage entre Louis XIV et la fondatrice de Saint-Cyr, rĂ©habilitant en quelque sorte la mĂ©moire de cette dernière. En fĂ©vrier, La Beaumelle fait la connaissance de La Condamine. Dès cette Ă©poque les deux hommes entretiennent une relation de profonde amitiĂ©, exigeante et complice, qui durera jusqu'Ă  la mort de La Beaumelle.

Voltaire, qui prend connaissance de l'Ă©dition annotĂ©e du Siècle de Louis XIV oĂą ses erreurs historiques ont Ă©tĂ© mises au jour, publie un MĂ©moire dans lequel il reproche Ă  La Beaumelle son ingratitude et le dĂ©nonce comme une crĂ©ature de son ennemi Ă  Berlin, le prĂ©sident Maupertuis. La Beaumelle annote ce MĂ©moire et le publie, puis entreprend d'Ă©crire une Lettre sur [ses] dĂ©mĂŞlĂ©s avec M. de Voltaire. Madame Denis se plaint de ces rĂ©pliques et, en mars, La Beaumelle se fait sermonner par Berryer. Le mois suivant, son domicile est perquisitionnĂ©, il est arrĂŞtĂ© et incarcĂ©rĂ© Ă  la Bastille ( – ). Voltaire n'est pas Ă©tranger Ă  cet embastillement : il est parvenu Ă  accrĂ©diter l'idĂ©e qu'une critique de sa propre mĂ©thode historique Ă©tait en fait une mise en cause du RĂ©gent. Entre-temps, l'auteur du Siècle de Louis XIV publie un SupplĂ©ment dans lequel il repousse les critiques de son jeune et prĂ©somptueux antagoniste.

Ă€ sa sortie de la Bastille, La Beaumelle est officiellement exilĂ© de Paris, mais il obtient la permission d'y demeurer s'il se tient tranquille. Il subit une nouvelle perquisition au dĂ©but 1754. Bien que marquĂ©e par de graves problèmes de santĂ©, cette pĂ©riode lui permet de rĂ©diger une vigoureuse RĂ©ponse au SupplĂ©ment du Siècle de Louis XIV, dont la diffusion commence Ă  Paris en . Ses relations s'approfondissent avec le marĂ©chal de Noailles et surtout avec les dames de Saint-Cyr, qui lui fournissent de nombreuses copies de lettres de et Ă  la marquise de Maintenon.

Amsterdam : l'Ă©dition des MĂ©moires et Lettres de Madame de Maintenon

MĂ©moires de Maintenon : Ă©dition d'Amsterdam, 1755

Convaincu qu'il ne sera pas autorisé à imprimer en France, La Beaumelle quitte Paris le pour Amsterdam où il séjourne près d'une année. En octobre il est possible qu'il publie l'Éloge de Montesquieu que lui a envoyé Maupertuis. En novembre il diffuse auprès de libraires étrangers et de quelques particuliers une édition subreptice de La Pucelle de Voltaire en 14 chants. Il participe à la rédaction du Mémoire théologique et politique , un texte élaboré dans l'entourage du pasteur Frédéric Charles Baer, aumônier de l'ambassade de Suède à Paris, qui préconise d'accorder aux protestants français le droit de contracter un mariage civil. L'essentiel de son activité est consacré à réunir à travers l'Europe les souscriptions nécessaires à l'impression des Mémoires pour servir à l'histoire de Mme de Maintenon et à celle du siècle passé, suivis des Lettres de la marquise. Les 6 volumes de Mémoires et les 9 volumes de Lettres – dont celui des Lettres de Mgr Godet des Marais, évêque de Chartres (qui avait été le confesseur de Madame de Maintenon) sous le pseudonyme de l’« abbé Berthier » –, sont saisis le à la suite d'une procédure engagée par le libraire Jolly. Ce contentieux ne trouvera une solution amiable que le . Dans l'intervalle, afin de satisfaire au vif engouement que suscite son ouvrage et de contrer l'intention du libraire Gosse d'en publier sans tarder une contrefaçon, La Beaumelle imprime dès le début septembre une seconde édition remaniée. Avant son départ d'Amsterdam le , La Beaumelle organise l'expédition de Maintenon. Arrivé à Paris le , il distribue la première édition aux souscripteurs et il en retire des fonds considérables.

Paris : seconde incarcération à la Bastille

Le , La Beaumelle est Ă  nouveau arrĂŞtĂ© et incarcĂ©rĂ© Ă  la Bastille : une note oĂą la rĂ©putation de la cour de Vienne est indirectement mise en cause a irritĂ© l'impĂ©ratrice Marie-ThĂ©rèse. Voltaire, qui s'emploie Ă  discrĂ©diter La Beaumelle en le faisant passer pour sĂ©ditieux et en Ă©crivant Ă  tous ceux qui pourraient lui nuire, a obtenu gain de cause. Du reste, le prolongement de son incarcĂ©ration s'explique aussi par la nervositĂ© des autoritĂ©s après l'attentat perpĂ©trĂ© par Damiens sur la personne de Louis XV. La Beaumelle n'est libĂ©rĂ© que le . ExilĂ© en Languedoc, il prend presque immĂ©diatement la route, part pour Valleraugue oĂą il a tout juste le temps de faire ses adieux Ă  son père qui meurt le .

En Languedoc

Pendant les annĂ©es suivantes, La Beaumelle partage son temps entre Valleraugue, Montpellier, NĂ®mes et Uzès. Il envisage Ă  plusieurs reprises de se marier et de s'Ă©tablir, nourrit diffĂ©rents projets d'Ă©dition dont celui de Lettres Ă  Mr de Voltaire qu'il fait imprimer Ă  Avignon (elles ne seront diffusĂ©es qu'après avoir Ă©tĂ© remaniĂ©es, en 1763). En , il s'Ă©tablit Ă  Toulouse. En , il fait la connaissance de Rose-Victoire Lavaysse, dont le père, David Lavaysse, est un avocat protestant rĂ©putĂ©, originaire de Castres. Ă€ cette Ă©poque survient Ă  Toulouse un fait divers qui va dĂ©frayer la chronique : la mort par pendaison, au domicile de ses parents, de Marc-Antoine Calas. Son père, Jean Calas, est protestant. Le fils aurait Ă©mis l'intention de se convertir au catholicisme. Le capitoul David de Beaudrigue soupçonne l'entourage familial de meurtre et fait emprisonner toute la famille. Un monitoire est lu dans les Ă©glises toulousaines pour inciter Ă  la dĂ©nonciation des prĂ©sumĂ©s coupables. Une rumeur circule selon laquelle Calvin aurait ordonnĂ© aux parents protestants de tuer leurs enfants s'ils voulaient se convertir au « papisme ». Ainsi commence l'affaire Calas, dont Voltaire va s'emparer et qui lui inspirera son fameux TraitĂ© sur la tolĂ©rance.

Commentaire sur La Henriade de La Beaumelle édité par Fréron (1775)
Commentaire sur La Henriade de La Beaumelle édité par Fréron (1775)

Le soir du drame, Gaubert Lavaysse, le jeune frère de la future femme de La Beaumelle, a Ă©tĂ© invitĂ© chez les Calas. Il est emprisonnĂ© et inculpĂ©. La Beaumelle va seconder David Lavaysse pour organiser la dĂ©fense de son fils jusqu'Ă  ce qu'il soit mis hors de cause. La Beaumelle rĂ©dige aussi, pour le pasteur Paul Rabaut sous le nom duquel il paraĂ®t, un Ă©crit intitulĂ© La Calomnie confondue oĂą est dĂ©montrĂ© le caractère diffamatoire des allĂ©gations lancĂ©es dans le monitoire du clergĂ© toulousain. L'Ă©criture de ce petit pamphlet marque la reprise des activitĂ©s « militantes » de La Beaumelle en faveur de ses coreligionnaires. En 1763 notamment, il rĂ©dige une importante RequĂŞte des protestants français au roi oĂą, approfondissant sur les plans historique et philosophique ses thèses de L'Asiatique tolĂ©rant, il revendique pour eux la « tolĂ©rance civile ». Le synode national des Églises rĂ©formĂ©es de France rĂ©uni en 1763 n'ayant pas agrĂ©Ă© ce texte, il restera inĂ©dit jusqu'en 2012.

La Beaumelle Ă©pouse Rose-Victoire Lavaysse Ă  Toulouse le . Ils partagent l'essentiel de leur temps entre Mazères, oĂą Mme de La Beaumelle possède la propriĂ©tĂ© de la Nogarède, et Toulouse. Le , Rose-Victoire effectue un Ă©change de propriĂ©tĂ©s avec Marc-Guillaume-Alexis Vadier : il apporte la seigneurie du Carla, patrie de Bayle, et elle lui donne le domaine de Nicol[1]. Leur fille AglaĂ© naĂ®t le .

En 1767, à nouveau attaqué par Voltaire, La Beaumelle a décidé de s'atteler à un projet qu'il mûrit depuis longtemps : une édition critique des œuvres de son adversaire, qui commencera par La Henriade. La dégradation de son état de santé ne lui permettra pas de mener à bien cette entreprise, qui au reste était d'une ambition démesurée. Mais son édition annotée de La Henriade – dont Voltaire obtient la première version, imprimée à Toulouse en 1769 avant qu'elle ne soit interdite – sera finalement éditée par Fréron après sa mort. Le frontispice de l'ouvrage inspire un quatrain sarcastique :

Le Jay vient de mettre Voltaire,
Entre La Beaumelle et Fréron ;
Ce serait vraiment un calvaire,
S’il s’y trouvait un bon larron.

Levée de la lettre d'exil et séjours parisiens

En , l'exil languedocien est levĂ©. Revenu en grâce par l'intermĂ©diaire du milieu toulousain proche de la comtesse Du Barry, La Beaumelle repart pour Paris oĂą il sĂ©journe de Ă  . Au cours de ce sĂ©jour, il est nommĂ© bibliothĂ©caire de Mlle Du Barry, belle-sĹ“ur de la favorite de Louis XV (), puis homme de lettres attachĂ© Ă  la Bibliothèque du roi (). Il frĂ©quente Ă  nouveau son ami La Condamine et, en disciple convaincu de celui-ci, fait inoculer sa fille AglaĂ© contre la variole (mai-). De retour en Languedoc, il partage son temps entre Mazères et Toulouse, mais son Ă©tat de santĂ© continue de se dĂ©grader. Son fils Victor-MoĂŻse naĂ®t le . La Beaumelle repart pour Paris en : ce dernier sĂ©jour dans la capitale est stĂ©rile : minĂ© par la maladie, l'Ă©crivain prend de l'opium pour attĂ©nuer ses douleurs et n'a guère de forces Ă  consacrer Ă  l'Ă©dition de ses travaux. Mort le , il est inhumĂ© au cimetière du Port-au-Plâtre oĂą sont enterrĂ©s les protestants parisiens.

Ĺ’uvres

  • L'Asiatique tolĂ©rant, ou traitĂ© Ă  l'usage de Zeokinizul, roi des Kofirans, surnommĂ© le ChĂ©ri. Ouvrage traduit de l'arabe du voyageur Bekrinoll par M. de ***, Paris [Amsterdam : Marc-Michel Rey], 1748, in-12°.
  • La Spectatrice danoise, ou l'Aspasie moderne, Copenhague [: Ernst Henrich Berling et Christof Georg Glasing], 1749-1750, 3 tomes.
  • Mes PensĂ©es ou Le qu’en dira-t-on ?, Copenhague, 1751, in-12° ; 2e Ă©d. Londres : Nourse [Francfort], 1752.
  • Suite de la DĂ©fense de l'Esprit des Lois, ou examen de la rĂ©plique du gazetier ecclĂ©siastique Ă  la DĂ©fense de l'Esprit des lois, Berlin [Amsterdam], 1751, in-12°.
  • PensĂ©es de SĂ©nèque […] recueillies […] et traduites en français, Paris : P. G. Le Mercier, Desaint & Saillant, Le Prieur, 1752, 2 vol. in-12°.
  • Lettres de Madame de Maintenon, Nancy : Deilleau [Francfort : Johann Georg Eslinger], 1752, 2 vol. in-12°.
  • Vie de Madame de Maintenon, tome Ier, Nancy : H. Brenneau [Francfort : Johann Georg Eslinger], 1752.
  • Le Siècle de Louis XIV par M. de Voltaire […] nouvelle Ă©dition augmentĂ©e d'un très grand nombre de remarques, par M. de La B***, Francfort : Veuve Knoch & J. G. Eslinger, 1753, in-8°.
  • RĂ©ponse au SupplĂ©ment du Siècle de Louis XIV, Colmar [Paris], 1754, in-12°.
  • MĂ©moires pour servir Ă  l’histoire de Madame de Maintenon et Ă  celle du siècle passĂ©, Amsterdam, 1755-1756, 6 vol. in-12°.
  • Lettres de Madame de Maintenon, Amsterdam, 1755-1756, 8 vol. in-12°.
  • Lettres de Messire Paul Godet des Marais, Ă©vĂŞque de Chartres, Ă  Mme de Maintenon, recueillies par l'abbĂ© Berthier, Bruxelles [Amsterdam], 1755.
  • MĂ©moires pour servir Ă  l’histoire de Madame de Maintenon et Ă  celle du siècle passĂ©, seconde Ă©dition, Amsterdam, 1756, 6 vol. in-12°.
  • Lettres de Madame de Maintenon, seconde Ă©dition, Amsterdam, 1756, 9 vol. in-12°. (N.-B. Dans cette seconde Ă©dition, le volume des lettres de Mgr Godet des Marais est intĂ©grĂ© Ă  la collection avec la mention de tome IX en page de titre, mais l’adresse est « Bruxelles [Amsterdam], 1756 ».)
  • Lettres de M. de La Beaumelle Ă  M. de Voltaire, Londres [Avignon], 1763.
  • PrĂ©servatif contre le dĂ©isme, ou instruction pastorale de M. Dumont, ministre du St Evangile, Ă  son troupeau […] sur le livre de M. Jean-Jacques Rousseau intitulĂ© Emile ou de l'Éducation, Paris [Avignon ?], 1763, in-12°.
  • Lettre Ă  MM. Philibert et Chirol, libraires Ă  Genève, 1770.
Écrits posthumes
  • Commentaire sur La Henriade, revu et corrigĂ© par M. F***, Paris : Le Jay, 1775, 2 vol. in-8°.
  • L'Esprit, Paris, 1802, in-12°.
  • Vie de Maupertuis, Paris : Ledoyen et Ch. Meyrueis & Cie, 1856 .
Participations à des œuvres signées ou attribuées à d'autres auteurs
  • MĂ©moire thĂ©ologique et politique au sujet des mariages clandestins des protestants de France, oĂą l’on fait voir qu’il est de l’intĂ©rĂŞt de l’Église et de l’État de faire cesser ces sortes de mariages, en Ă©tablissant, pour les protestans, une nouvelle forme de se marier qui ne blesse point leur conscience et qui n’intĂ©resse point celle des Ă©vĂŞques et des curĂ©s, [s. l.], 1755. .
  • Lettre du czar Pierre Ă  Voltaire, sur son histoire de Russie, [s. l. (Toulouse)], 1761, in-12 (attribuĂ© Ă  Vacquier-Prouho).
  • La calomnie confondue, ou mĂ©moire dans lequel on rĂ©fute une nouvelle accusation intentĂ©e aux protestants de la province du Languedoc, Ă  l'occasion de l'affaire du sieur Calas dĂ©tenu dans les prisons de Toulouse, Au DĂ©sert, 1762 (signĂ© P. Rabaut).
  • Les Gasconismes corrigĂ©s, Toulouse : J.-J. Robert, 1766, in-8 (signĂ© Desgrouais).
  • Examen de la nouvelle histoire de Henri IV de M. de Bury, Genève : Philibert, 1768 (signĂ© « M. le marq. de B*** » : François de Varagne-Gardouch, marquis de BĂ©lesta).

Notes et références

  1. Albert Tournier (préf. Jules Claretie), Vadier, président du Comité de sûreté générale sous la Terreur d'après des documents inédits, Paris, Ernest Flammarion, , 348 p. (lire en ligne), p. 42.

Voir aussi

Éditions critiques

  • La Beaumelle, Suite de la DĂ©fense de L'Esprit des lois (1751). Texte Ă©tabli par Claude Lauriol, introduit et annotĂ© par Gilles Susong, dans La Beaumelle et le « montesquieusisme ». Contribution Ă  l’étude de la rĂ©ception de L’Esprit des lois, Naples, Liguori Editore ; Paris, Universitas ; Oxford, Voltaire Foundation, 1996, p. 95-157.
  • La Beaumelle, Mes PensĂ©es ou Le qu’en dira-t-on ? (1751-1752). Édition critique de Claude Lauriol, Genève, 1997.
  • La Beaumelle, Deux traitĂ©s sur la tolĂ©rance : L’Asiatique tolĂ©rant (1748) – RequĂŞte des protestants français au roi (1763). Édition critique de Hubert Bost, Paris, 2012.
  • La Spectatrice danoise de La Beaumelle. Édition commentĂ©e, Ă©d. Klaus-Dieter Ertler, Élisabeth Hobisch et Ellen Kreftling, Berlin, Berne et al. : Peter Lang, 2020.
  • Correspondance gĂ©nĂ©rale de La Beaumelle, Oxford, Voltaire Foundation, 15 volumes parus (voir en ligne sur le site de l'Ă©diteur), t. XVI-XVII parus aux Ă©ditions HonorĂ© Champion.

Autres

  • Michel Nicolas, Notice sur la vie et les Ă©crits de Laurent Angliviel de La Beaumelle, Paris, 1852, in-8.
  • Achille Taphanel, La Beaumelle et Saint-Cyr, d’après des correspondances inĂ©dites et des documents nouveaux, Paris, 1898.
  • Michel Sans, « Les Aventures d’un huguenot des CĂ©vennes Ă  Copenhague au XVIIIe siècle, Laurent Angliviel de La Beaumelle », Archistra 6 (1972), p. 123-134 ; « La Beaumelle et la comĂ©die danoise », Archistra 7-8 (1973), p. 10-13 ; « Il y a deux cents ans... un assassinat littĂ©raire de Voltaire », Archistra 11-12 (1973), p. 106-109 ; « Bagatelle pour un Ă©pervier », Archistra 14-15 (1974), p. 35-36 ; « De la Bastille aux CĂ©vennes, un exilĂ© du roi Louis XV : Laurent Angliviel de La Beaumelle », Archistra 19 (1975), p. 57-60.
  • Claude Lauriol, La Beaumelle, un protestant cĂ©venol entre Montesquieu et Voltaire, Genève, 1978.
  • Claude Lauriol, « La Spectatrice danoise », Dictionnaire des journaux (1600-1789) (dir. Jean Sgard), Oxford, 1991, no 1229.
  • Claude Lauriol, « Laurent Angliviel de La Beaumelle (1726-1773) », Dictionnaire des journalistes (1600-1789) (dir. Jean Sgard), Oxford, 1999, no 13.
  • Claude Lauriol (avec la collaboration de Gilles Susong), La Beaumelle et le « montesquieusisme ». Contribution Ă  l’étude de la rĂ©ception de L’Esprit des lois, Naples, Liguori Editore ; Paris, Universitas ; Oxford, Voltaire Foundation, 1996.
  • Claude Lauriol, Études sur La Beaumelle, Paris, 2008.
  • Claude Lauriol, « La Beaumelle », Dictionnaire Ă©lectronique Montesquieu, mis Ă  jour le 13/02/2008. .
  • Hubert Bost – Claude Lauriol â€“ Hubert Angliviel de La Beaumelle (Ă©d.), Correspondance gĂ©nĂ©rale de La Beaumelle (1726-1773), Oxford : Voltaire Foundation: t. I : 1726-1747 (2005) ; t. II : – (2006) ; t. III : – (2007) ; t. IV : – (2008) ; t. V : – (2009) ; t. VI : – (2010) ; t. VII : – (2011) ; t. VIII : – (2012) ; t. IX : – (2013) ; t. X : fĂ©vrier – (2014) ; t. XI : janvier – (2015) ; t. XII : - (2016) ; t. XIII : – (2017) ; t. XIV : – (2018) ; t. XV : janvier 1764 – dĂ©cembre 1766 (2019) (ISBN 978-0-7294-1210-0) [prĂ©sentation en ligne sur le site de l’éditeur] ; t. XVI : janvier 1767 – aoĂ»t 1769, Paris : HonorĂ© Champion, 2021; t. XVII : septembre 1769 – 1er aoĂ»t 1772 (2022); t. XVIII : aoĂ»t 1772 – dĂ©cembre 1778 (Ă  paraĂ®tre en 2024).Cette Ă©dition a reçu le Prix de la Fondation Edouard Bonnefous de l'Institut de France en 2013. Site de l’Institut de France
  • Catherine BerniĂ©-Boissard, Michel Boissard et Serge Velay, Petit dictionnaire des Ă©crivains du Gard, NĂ®mes, Alcide, , 255 p. (prĂ©sentation en ligne), p. 133-134
  • Alain Bellet, "Monsieur de La Beaumelle", Paris, Theolib, 2016.
  • « Laurent Angliviel de La Beaumelle », dans Personnages connus ou mĂ©connus du Gard et des CĂ©vennes, t. I, Brignon, La Fenestrelle, (ISBN 979-1-0928-2666-1), p. 5-11 — ouvrage Ă©ditĂ© par l'AcadĂ©mie cĂ©venole.
  • Hubert Bost, « Dans les coulisses de l’affaire Calas : La Beaumelle et Court de GĂ©belin avant et après Voltaire », Revue d'histoire du protestantisme 7 (2022), p. 193-230.
  • Hubert Bost, « La Beaumelle protestant : un singulier alliage de nicodĂ©misme et de militance », dans : NoĂ©mie Recous et Julien LĂ©onard  (Ă©d.), Un parcours en protestantisme, t. II : Compagnons de route, Lyon : ChrĂ©tiens & SociĂ©tĂ©s, 2023, p. 157-188.

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.