Las Provincias
Las Provincias (en espagnol, littéralement « Les Provinces ») est un quotidien généraliste de diffusion régionale fondé en 1866 et édité à Valence, en Espagne, de tendance régionaliste«_
Depuis la Transition démocratique espagnole, il s’est distingué par sa ligne éditoriale anticatalaniste.
Las Provincias appartient au groupe Vocento depuis 2000.
Histoire
Antécédent : La Opinión
L’antécédent direct de Las Provincias est le journal La Opinión, lancé en 1860 par Luis de Loma et Mariano Carreras, d'orientation progressiste[5].
La Opinión fit immédiatement face à d’importantes difficultés financières et se trouva presque en banqueroute tout juste un an après son lancement[5]. En 1861, José Campo, marquis de Campo, financier et homme politique nouvellement installé à Madrid en fit l'acquisition dans l'objectif « de s’assurer dans son ancienne zone d'influence un moyen de communication favorable à ses intérêts » et confia sa direction au journaliste Teodor Llorente[5].
Première période : direction de Llorente
Las Provincias fut lancé le 31 janvier 1866 — à la fin du règne d'Isabelle II — par Llorente et l’imprimeur Josep Domènech i Taverner[3], qui avaient fait l'acquisition du journal La Opinión, dont le propriétaire José Campo avait conditionné la vente à un changement de titre et de manchette[6].
Llorente se basa sur d’autres titre de presse indépendants, comme l’influent Diario de Barcelona de Joan Mañé[7]. L’une des lignes éditoriales du nouveau journal, héritée de l’étape de Llorente à La Opinión, fut la défense des « provinces », comprise comme la revendication d’une plus grande décentralisation « sociale et morale » de l’État espagnol[7]. Llorente souhaitait que le titre reflète l’aspiration fondamentale du journal d’être le porte-parole dans la presse espagnole de ce qui se passait et de ce que l’on pensait dans les provinces, c’est-à -dire hors de Madrid[7]. Cette ligne éditoriale lui valut les critiques de périodiques madrilènes comme La Época[8]. Une illustration de cette volonté se retrouve dans le sous-titre du journal : Diario de Valencia[9].
Dès le départ, le journal se veut également un relai des intérêts de la bourgeoisie aisée de la capitale valencienne, représentée tout d’abord par le marquis de Campo puis par la famille Domènech[10]. Les objectifs du nouveau périodique reflète les aspirations de cette classe sociale, qu’il résumait en une douzaine de points : apolitisme de parti, libéralisme, défense des droits individuels, pragmatisme politique favorable à l'établissement d’alliance, indépendance des institutions de l’État monarchique ou de l'Église, strict respect de l'ordre légal, décentralisation, intérêt pour la question sociale, défense de la morale traditionnelle, et défense et promotion des intérêts et des cultures des trois provinces valenciennes — Valence, Alicante et Castellón —[11].
La majorité des collaborateurs du journal étaient d’anciens journalistes de La Opinión — dans sa deuxième période — ou d’autres titres de presse valenciens, ou bien des collaborateurs de Campo ou de ses entreprises, dont une bonne part était d’anciens modérés[11].
Le traitement donnĂ© par Las Provincias Ă diffĂ©rentes affaires politiques et sociales confĂ©ra un grand prestige Ă son directeur, Ă tel point que VĂctor Balaguer attribuait la chute du gouvernement de Cánovas del Castillo Ă un article publiĂ© par Llorente le 4 janvier 1881[12].
Le journal fit une grande publicité par la couverture qu’il donna aux convocations des Jeux floraux de Barcelone et de Valence, notamment à travers la publication d’annonces[12]. De façon plus générale, Las Provincias donna de la visibilité à certains thématiques liées au régionalisme, au valencianisme ou à la normalisation de la langue valencienne, en publiant des réflexions sur ces sujets qui suscitèrent parfois la polémique[13]. Il fut de fait le périodique le plus sensible envers le mouvement de « renaissance » littéraire de la langue catalane, la Renaixença[13]. Il conserva cette ligne durant le franquisme, par exemple en faisant l’éloge des initiatives de Lo Rat Penat dès les années 1950[14].
En 1872, il fusionna avec Diari Mercantil[13]. La même année, il est le journal ayant la plus grande diffusion dans la région, avec 3 000 souscripteurs et un tirage atteignant 3 500 exemplaires[15].
La première ligne téléphonique installée dans la ville de Valence fut celle de la rédaction de Las Provincias, en janvier 1878[15].
Il publie depuis 1880 son almanach.
Au début du XXe siècle, Las Provincias est un média influent avec une grande présence dans la vie locale[16].
En 1904, en raison de problèmes économiques et de santé, Llorente vendit le journal à l’imprimeur Frederic Doménech[13]. Llorente devint directeur honorifique de Las Provincias mais sa direction effective fut assurée par son fils, Teodoro Llorente Falcó[13].
Ă€ la mort de son fondateur en 1911, les Ă©crivains catalans affirmèrent dans l’Annuaire de l’Institut d’Estudis Catalans que Las Provincias avait supposĂ© une transformation de la presse espagnole publiĂ©e hors de Madrid, en la rendant plus autonome, tout en soulignant la justice avec laquelle Llorente et son journal avaient traitĂ© les questions relatives Ă la Catalogne, se faisant le relai de revendications de la culture catalane et en publiant des chroniques favorables envers les Ă©vènements les plus importants du mouvement catalaniste[13]. Le journal fit une importante promotion d’auteurs comme Jacint Verdaguer, VĂctor Balaguer ou Jaume Collell[13].
De la mort de Teodor Llorente Ă la guerre civile
En 1920, le tirage de Las Provincias s’élevait à 10 000 exemplaires, ce qui constitue un net progrès, bien qu’il restât loin derrière son principal rival, El Mercantil Valenciano, et même inférieur à celui du Diario de Valencia[17].
En 1921, le journal fit l’acquisition d’une nouvelle machine rotative, lui permettant de publier quotidiennement dans la rue 8 pages. Cinq ans plus tard, il devint le pionnier de la bande dessinée valencienne en publiant un supplément infantile homonyme à celui qu’éditait alors le journal conservateur madrilène ABC, Gente Menuda (es)[18].
Au cours de la dictature de Primo de Rivera (1923-1930), il dut rapidement faire face à la censure du régime, qui réprimait sa défense de l’instauration d’une mancommunauté valencienne similaire à celle de Catalogne[17].
À la suite du coup d'État de juillet 1936, il se montra fidèle à la République[19]. Sa publication fut néanmoins interrompue durant la guerre civile (1936-1939)[3], ses locaux se trouvant réquisitionnés par les républicains pour publier l’organe d’expression du comité unifié de l’UGT et de la CNT[20].
Le franquisme
Une fois la guerre terminée, la publication de Las Provincias fut de nouveau autorisée à partir le 15 avril 1939 sous la direction de Llorente i Falcó. Il devint le relai contraint de la propagande du régime franquiste, qui réalisa une purge considérable des journalistes de la région[20]. Assez rapidement toutefois, sous l’influence de Teodoro Llorente, le journal défendit « un valencianisme prudent immergé dans un espagnolisme exalté [qui] fut consentit par les autorités »[21].
En 1953, Las Provincias est citĂ©, avec d’autres organisations comme Lo Rat Penat et l’athĂ©nĂ©e mercantile de Valence (es), dans un rapport de la dĂ©lĂ©gation du ministère de l’information et du tourisme (en) pointant du doigt des entitĂ©s rĂ©alisant des activitĂ©s « rĂ©gionalistes », que le rĂ©gime surveillait de près car il les considĂ©rait comme source de possible « sĂ©paratisme » et sur lesquels il exerçait une censure rigoureuse[22]. Les autres piliers idĂ©ologiques du journal, dirigĂ© par MartĂn DomĂnguez, le libĂ©ralisme Ă©conomique et la monarchie, le situent alors dans une position de relative dissidence par rapport au rĂ©gime dans sa première phase[22].
En 1962, il participa Ă une campagne de presse menĂ©e contre le livre El PaĂs Valenciano de Joan Fuster[23]. DiffĂ©rents auteurs considèrent que l'origine de la polĂ©mique rĂ©sidait dans la contrariĂ©tĂ© suscitĂ©e par le choix de Fuster comme auteur pour rĂ©aliser le guide auprès de JosĂ© Ombuena, directeur de Las Provincias qui avait ambitionnĂ© d’être sĂ©lectionnĂ© Ă sa place par la maison d’édition Editorial Destino[24] - [25].
Transition et époque démocratique
Il fut durant la transition dĂ©mocratique le principal instrument mĂ©diatique de diffusion du blavĂ©risme[26] - [27] - [28] - [29], s’étant depuis distinguĂ© par sa ligne Ă©ditoriale anticatalaniste et son opposition aux mesures de promotion du valencien[30] - [31] - [32] - [33] - [34] - [35] - [3]. Ce changement de ligne Ă©ditoriale est gĂ©nĂ©ralement attribuĂ© Ă l’influence de MarĂa Consuelo Reyna[36] - [37] - [38] - [39] - [40] - [41] - [42] - [43] - [27][44].
Le 14 septembre 1999 fut annoncée la destitution de Consuelo Reyna, alors que le journal se trouvait dans de graves difficultés financières[45].
Almanach
Depuis 1880, Las Provincias publie un volumineux almanach — Almanaque de las Provincias — regroupant toute sorte de textes littéraires ou historiques, qui n’était au départ pas mis en vente séparément mais offert aux souscripteurs[13].
Il s’agit d’un supplément incluant un calendrier, des tables astronomiques, des prévisions météorologiques, des dates de fêtes et de ferias, ainsi que des guides littéraires et des créations, en prose ou en vers[46] - [3].
Depuis son lancement et jusqu’à la fin du franquisme, l’almanach de Las Provincias « constitua une collection de résumés annuels de nouvelles, de chroniques d’entités et de spectacles, d’articles et de tous les genres littéraires, mais surtout de poésie »[46].
Entre l’édition pour 1942 — publiée en 1941 — et la transition démocratique espagnole, l’Almanach publia de nombreux textes — surtout poétiques — en langue vernaculaire d’auteurs originaires de Catalogne — comme Josep Romeu (ca), Agustà Esclassans, Rosa Leveroni (en), Pere Ribot (ca), Josep Maria López-Picó, Josep Maria Boix (es), Joan Llongueras (es), Roser Matheu, Manel Bertran i Oriola (ca), Maria Teresa Vernet (es), Josep Palau i Fabre — ou des îles Baléares — Miquel Dolç (es), Maria Antònia Salvà , Guillem Colom (es), Miquel Ferrà , Miquel Gayà , Antoni Pons (ca) —[47]. La plupart de ces collaborations furent conclues par l’intermédiaire de Xavier Casp et Miquel Adlert, leaders du groupe Torre, qui maintenaient des contacts assidus avec les milieux littéraires des autres régions du domaine catalanophone[48]. Tous ces auteurs, grâce à la plus grande tolérance du franquisme au Pays valencien, avaient ainsi la possibilité de publier dans l’almanach leurs poèmes qui, bien qu’identiques, étaient censurés dans leurs régions d’origine, surtout dans les premières années du régime[48].
L’almanach représenta l’un des rares espaces de confluence entre la génération des écrivains valenciens d'avant-guerre — Prudenci Alcon i Mateu, Francesc Caballero Muñoz, Pasqual Asins (es), Enric Duran i Tortajada (es), Josep Maria Bayarri, Ramon Andrés (ca), Francesc Almela i Vives, etc. — et celle d’après guerre — Bernat Artola (es), Vicent Casp i Verger (ca), Enric Soler i Godes (es), Matilde Llòria (ca), Josep Mascarell i Gosp (ca), etc. —, ainsi que d’autres intermédiaires comme Carles Salvador[49].
C’est dans l’almanach de Las Provincias que le jeune Joan Fuster — qui devint la figure phare du nationalisme valencien, défenseur de la promotion du valencien et des resserrements des liens culturels et politiques avec les autres régions de langue catalane — publia son premier texte en valencien, «Vint-i-cinc anys de poesia valenciana»[50] - [51] - [52].
Directeurs du journal
- Teodor Llorente Olivares (1866-1904)
- Teodoro Llorente FalcĂł (1904-1936 et 1939-1949) (publication interrompue durant la Guerre civile)
- MartĂn DomĂnguez Barberá (1949-1958)
- José Ombuena Antiñolo (1958-1992)
- MarĂa Consuelo Reyna (1992-1999).
- Francisco PĂ©rez Puche (1999-2002)
- Pedro Ortiz Simarro (2002-2009)
- Julián Quirós (2009-)
Notes et références
- (ca) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en catalan intitulé « Las Provincias » (voir la liste des auteurs).
- «_
Regionalismo,_liberalismo_econĂłmico_y_monarquĂa._Estos_fueron_los_pilares_de_la_''disidencia''_de_''Las_Provincias''_en_la_etapa_en_que_MartĂn_DomĂnguez_estuvo_al_frente_del_periĂłdico _»-1" class="mw-reference-text">Cervera Sánchez 2020, p. 58. « Regionalismo, liberalismo econĂłmico y monarquĂa. Estos fueron los pilares de la disidencia de Las Provincias en la etapa en que MartĂn DomĂnguez estuvo al frente del periĂłdico » - Cervera Sánchez 2020, p. 185.
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- toutefois, selon Francesc MoragĂłn, « Bien il y eĂ»t qu’indubitablement dans l'affrontement et la persĂ©cution [contre El PaĂs Valenciano] des facteurs personnels, l’importance du facteur politique comme dĂ©clencheur de l'attaque Ă©tait dĂ©cisive » (PĂ©rez MoragĂłn et Ortells 2022, p. 275)
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- « La decisiĂłn del Consell de conceder a Reyna la distinciĂłn que antes recibieran Joan Fuster, Juan Gil-Albert o Vicent AndrĂ©s EstellĂ©s, entre otros, desencadenĂł reacciones de toda Ăndole. La periodista, condecorada por ser "referente de las inquietudes y aspiraciones de la sociedad valenciana", fue apartada de la direcciĂłn del rotativo valenciano hace pocos dĂas por su consejo de administraciĂłn. Desde entonces, Reyna, defensora del secesionismo lingĂĽĂstico, contrario a la normativa acadĂ©mica, es comentarista polĂtica en la cadena alegal Valencia Te Ve, de la que es copropietaria.Su designaciĂłn causĂł perplejidad. "El señor Zaplana sigue teniendo una chistera excesivamente grande. Le he visto hacer cosas peores, pero lo de hoy ha sido muy fuerte", opinaba el portavoz del PSPV en las Cortes Valencianas, Antonio Moreno. El coordinador general de Esquerra Unida, Joan RibĂł, prefiriĂł no pronunciarse y los polĂticos de Nova Esquerra presentes en el SalĂłn de Corts de la Generalitat abandonaron el acto en señal de protesta. », (es) Cristina Vásquez, « El rector evita coger la distinciĂłn a la Universitat de València por discrepar del premio a Reyna », El PaĂs,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
- « Los accionistas vinculados a la familia Zarranz se habĂan mostrado en repetidas ocasiones reticentes con la lĂnea de anticatalanismo impulsada por la directora del periĂłdico, pese a que el comunicado hecho pĂşblico ayer para anunciar el relevo destacaba la "tarea Ămproba" de Consuelo Reyna "a la hora de definir y sostener los signos que proclaman la inequĂvoca personalidad valenciana". […] El cambio de tendencia de personajes pĂşblicos de la transiciĂłn valenciana, entre ellos Manuel Broseta, arrastrĂł a Reyna hacia una lĂnea marcadamente conservadora y de postulados de un anticatalanismo radical. », (es) « MarĂa Consuelo Reyna, destituida como directora de "Las Provincias" », El PaĂs,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
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Voir aussi
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