Kaska Dena
Les Kaska Dena ou Kaska (ou Dene K’éh) sont un peuple nord-américain des Premières nations parlant le kaska (du groupe ethnolinguistique athapascan) qui vit principalement dans des régions subarctiques du nord de la Colombie-Britannique et du sud-est du Yukon, au Canada, un territoire qu'ils nommaient le Dene Kēyeh, une expression signifiant en kaska « le pays des peuples » correspondant aujourd'hui en partie à un parc paysager d'environ 6,4 millions d'hectares, sans route et considéré comme une des zones parmi les plus sauvages des montagnes Rocheuses (parfois présenté comme un « Serengeti du Nord » par les environnementalistes)[1].
Colombie-Britannique (Canada) | 400 (2006)[1] |
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Yukon (Canada) | 1 240 (2006)[1] |
Population totale | 1 435 (2016)[2] |
Régions d’origine | Athabaskans |
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Langues | Anglais et kaska |
Religions | Animisme, christianisme |
Communautés
Parmi les Premières nations, les communautés des Kaska Dena comprennent :
- Ross River (Yukon) (Ross River Dena Council)
- Watson Lake (Yukon) et Upper Liard (Yukon) (Liard River First Nation)
- Good Hope Lake (Colombie-Britannique) (Dease River First Nation)
- Lower Post (Colombie-Britannique) près du Lac Watson (Lower Post First Nation)
- Fort Ware (Colombie-Britannique) (Kwadacha First Nation)
Des Kaska Dena vivent également dans les communautés de Fireside et de Muncho Lake en Colombie-Britannique, entre le Lac Watson et Fort Nelson, en Colombie-Britannique, le long de la route de l'Alaska.
Comme chez les autres Dénés du Nord, les Kaska vivaient encore en petits groupes familiaux, même après l'arrivée des premiers commerçants de la baie d'Hudson[3].
Territoire
Les communautés kaska sont aujourd'hui artificiellement divisées par une territorialisation qui leur a été imposée, via les frontières coloniales, qui les obligent encore à négocier séparément avec un état central et deux autorités provinciales/territoriales, chacune d'entre elles souhaitant un « règlement foncier permettant de cadrer leur futur développement, économique notamment.
Le peu de terres qui leur sont officiellement reconnu par la Couronne est contesté car il cette surface est sans comparaison avec les 240 000 km2 de leurs traditionnelles, telles que défini par leur conseil (Kaska Dena Council 2013)[4].
Les Kaska Dene n'ont donc toujours pas signé de traité territorial, ni dans le Yukon, ni en Colombie-Britannique en raison de « revendications territoriales non réglées » liées à des « terres mises de côté » en vertu de la Loi sur les Indiens[1].
Jusque dans les années 1960, ils vivaient en petites communautés très dispersées se déplaçant dans le paysage pour pêcher, piéger, chasser et récolter des baies en fonction de la saison[3].
Culture et histoire
Historiquement, les Kaska Dena, animistes, entretenaient une relation respectueuse avec la terre et l'environnement, tout en pêchant et prenant part aux chasses traditionnelles saisonnières (caribou notamment) et ils récoltaient, également saisonnièrement, d'autres aliments comme des baies.
Ils utilisaient autrefois les cours d'eau (comme les rivières Liard et Frances, pour se rendre du lac Dease au lac Frances, dans le Yukon).
Ils entretenaient aussi des réseaux de chemins et sentiers pour se déplacer, chasser, pêcher[1].
Après l'arrivée des colons européens dans le Yukon, la construction de la route de l'Alaska, ainsi que les tentatives d'assimilation coloniale ou culturelle menées par le gouvernement, ont fait que les Kaska ont perdu une grande partie de leur culture, incluant pour beaucoup leur langue (le kaska).
Lower Post, en Colombie-Britannique, abritait l'un des pensionnats indiens où les Kaska avaient obligation d'envoyer leurs enfants, jusqu'à sa fermeture en 1975[6] (Une thèse universitaire récente en ethnologie, intitulée « The Kaska Dene : a study of colonialism, trauma and healing in Dene Kēyeh »[1] étudie comment ces pensionnats ont contribué à un trauma plurigénérationnel, à la perte de l'identité culturelle et à la contestation des perceptions du territoire Dene Kēyeh dans le paysage actuel.
Les enfants Kaska ont durant plusieurs générations (comme ceux d'autres peuples autochtones dans d'autres régions du monde), subi une scolarisation forcée (dans les "pensionnats d'indiens" dans ce cas), loin de leur communauté. D Chansonneuve affirme que les problèmes sanitaires et sociaux urgents de nombreux autochtones au Canada, aujourd’hui, sont directement liés à ce fait ; ils y ont en outre souvent été maltraités et c'est le lieu qui enseignait le plus aux enfants autochtones à ressentir de la honte vis-à -vis de leur patrimoine, leur langue, leurs coutumes et traditions spirituelles[5]. Et on sait aujourd'hui que les traumatismes importants et longs (même s'ils n'ont pas été racontés aux enfants) peuvent avoir des conséquences épigénétiques négatives pouvant perdurer sur plusieurs générations[7]
Ce peuple a en effet été confronté à l'arrivée des trappeurs et d'autres colons, à la scolarité forcée en pensionnat et à l'industrie de l'amiante (qui est restée particulièrement longtemps florissante au Canada, bien après que la dangerosité de ce minéral ait été démontrée) et à l'industrie papetière et sylvicole.
Une partie des Kaska Dena vivent encore de la chasse et de la pêche. Leur territoires est encore riche en forêts anciennes de pins, d'épinette et de sapin baumier ; il abrite aussi du gibier et une grande faune ailleurs souvent relictuelle ou disparue (grizzly notamment) ; mais la forêt y est de plus en plus soumise à de vastes coupes rases de la part d'entreprises forestières, surtout utilisée pour la fabrication de papier via une usine appartenant à Abitibi Consolidated Ltd (leader mondial pour la fabrication de papier journal, à destination des États-Unis notamment).
Des conflits entre communautés autochtones et entreprises forestières et papetières sont fréquents au Canada. Abitibi dit travailler avec les Kaska Dena pour développer des formes d'exploitation forestière plus respectueuses de l'environnement. L'Abitibi a aidé les Kaska Dena à créer leur propre entreprise forestière.
En 2004, des communautés relativement isolées ne disposaient encore que de groupes diesels tombant parfois en panne en plein hiver comme source d'électricité, alors que leurs ressources forestières (y compris autres que le bois) sont mises en péril par les coupes rases sources d'érosion et de dégradation des cours d'eau et des eaux de surface et par les plantations artificielles, en rapportant des millions de dollars à d'autres, notait Dave Porter (chef du Conseil des Kaska Dena), qui engage les consommateurs américains à se poser des questions sur les impacts de l'exploitation forestière au Canada[8]. Tous les peuples autochtones et toutes les ONG environnementales protestent contre les immenses coupes à blanc qui continuent à se faire au Canada, mais au même moment, à Montréal, Marc Osborne (porte-parole de l’entreprise Abitibi) défend son entreprise en déclarant qu'elle adhère « à la durabilité ». Répondant à la demande de bois en hausse, le Canada a intensifié ses coupes rases (passées de 1,6 million d'acres en 1970 à 2,5 millions d'acres en 2001), souvent au détriment de populations autochtones. Au début des années 2000, cet afflux de bois/papier vers les États-Unis, a suscité un différend commercial (Cf. droit de douane de 27% sur les importations de bois d’œuvre canadien vers les États-Unis) et les environnementalistes protestent contre ce qu'ils estiment être un saccage des sols et écosystèmes forestiers, alors qu'il existerait des méthodes de gestion plus douces et plus soutenables (de type prosilva par exemple). Selon certaines sources, en 2004, les autorités canadiennes sont encore dans le déni concernant ces impacts : « Un porte-parole du ministère des Richesses naturelles de l'Ontario, qui loue des forêts provinciales à des entreprises de transformation du bois, a déclaré que l'exploitation forestière à la canadienne est en bonne santé, car elle imite la force de régénération naturelle des feux de forêt. "Une coupe à blanc n'est pas la fin de la forêt", a déclaré Joe Churcher, responsable de la politique forestière du ministère. "C'est le début." Beaucoup de membres de l'industrie disent que les préoccupations concernant les coupes sont exagérées. "Nous ne sommes certainement pas à court d'arbres", a déclaré Ed Greenberg, porte-parole de l'Alberta Forest Products Association, un groupe de commerce. "Nous sommes aussi préoccupés par l'environnement que quiconque..." » [9].
En 2005, le film One of Many de la réalisatrice française Jo Béranger (titre français : Voyage en mémoires indiennes, 2004) décrit Sally Tisiga, une Kaska, à la recherche de son identité culturelle[10].
En 2017, après des études sur le potentiel géothermique dans le sud-est du Yukon S'appuyant sur les travaux du Barkley Project Group et de Mira Geosciences dans l'évaluation des ressources géothermiques le long de la zone de faille Tintina, une évaluation faite en lien avec les Kaska Dene « dans le but de sensibiliser et d’éduquer la communauté » sur ce sujet, il est suggéré que les ressources géothermiques pourraient aussi être exploitées dans ce territoire pour la nation Kaska ; un rapport a été publié sur ces ressources géothermiques, leurs implications sociales et environnementales potentielles ; avec une évaluation économique de préfaisabilité du remplacement du diesel polluant par la géothermie qui pourrait alors produire chaleur et d’électricité tout en servant des objectifs socio-économiques à long terme pour les communautés nordiques isolées dans le Yukon[11].
Protection d'une zone au nord de la Colombie-Britannique
Ce projet est porté par la communauté Kaska, via l'Institut Dena Kayeh, depuis plusieurs années.
Après qu'une étude publiée en par l’Université de la Colombie-Britannique, ait confirmé que la biodiversité des terres gérées ou cogérées par les communautés autochtones était plus élevée que celle des parcs ou des réserves fauniques existantes, en soulignant le rôle important des communautés autochtones dans la protection des espèces et de leurs habitats, le gouvernement fédéral canadien a annoncé en août 2019 qu'il allait le financer (via le Programme de conservation du patrimoine naturel canadien qui est doté de 100 millions de dollars et qui implique aussi la participation du gouvernement de Colombie-Britannique et des ONG telles que Conservation de la nature Canada).
L'aire protégée couvre environ 40 000 km2 (plus que la taille de l'île de Vancouver), englobant plusieurs bassins versants et des habitats de nombreuses espèces menacées dont le caribou[12].
Divers
Une hypothèse est que le nom de la ville fantôme Cassiar, construite autour de sites d'extraction d'amiante, serait une variante du nom Kaska, la ville étant nommée d'après le peuple Kaska qui habitait cette région ; Une autre hypothèse est que Cassiar vient du mot kaska qui désignant soit un oiseau noir, soit le minerai d’amiante fibreux sur lequel la ville a été construite.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Kaska Dena Council
- News, sur le site du Conseil des Kaska Dena
Bibliographie
- BC Treaty Commission. Statement of Intent: Traditional Territory Boundary: Kaska Dena Council.
- Dreyer D (2002) Economic development for Kaska Dena communities: Improving impact and benefits agreements in order to increase benefits from mining projects. MA diss., Univ. of Northern British Columbia.
- Farnell G (2014) The Kaska Dene : A study of Colonialism, Trauma and Healing in Dene Kēyeh ; Thèse en anthropologie, Université de Colombie-Britannique
- Johnson L.M (2008) Plants and habitats—a consideration of Dene ethnoecology in northwestern Canada. Botany, 86(2), 146-156 (résumé) ; Université de Colombie-Britannique
- Montagnais C.A Council for Yukon Indians, Dene Nation, Metis Association of the NWT, Kaska-Dena Labrador Inuit Association, Nishga Tribal Council, Taku River Tlingit, and Tungavik Federal of Nunavut. 1987." Components of a New Federal Policy for Comprehensive Land Claims. Northern Perspectives, 15(1).
- Noel Dyck, James B. Waldram (1993) Anthropology, Public Policy, and Native Peoples in Canada ; McGill-Queen's Press - MQUP, - 368 pages (voir p 253, 257-258, 261, 263)
- Sharma P (1998) Aboriginal Fishing Rights: Laws, Courts, and Politics. Halifax, NS: Fernwood.
- Swaak N.D (2008) Forest Tenures and their Implications for Exercising Aboriginal and Treaty Rights on the Kaska Traditional Territory (Doctoral dissertation).
- Weinstein M (1996) The Ross River Dena: A Yukon Aboriginal Economy. Ottawa: Royal Commission on Aboriginal Peoples.
- Woods A & Branch F (2001) Additional historical fisheries information from the Muskwa-Kechika management area. Tech. Report for Fisheries Branch, Ministry of Environment, Lands and Parks Fort St. John, BC.
Notes et références
- Farnell G (2014) The Kaska Dene : A study of Colonialism, Trauma and Healing in Dene Kēyeh ; Thèse en anthropologie, Université de Colombie-Britannique
- (en) « Aboriginal Ancestry Responses (73), Single and Multiple Aboriginal Responses (4), Residence on or off reserve (3), Residence inside or outside Inuit Nunangat (7), Age (8A) and Sex (3) for the Population in Private Households of Canada, Provinces and Territories, 2016 Census - 25% Sample Data », sur statcan.gc.ca, Government of Canada (consulté le ).
- Johnson, Leslie (2010) « Trail of Story, Traveller’s Path » : Reflections of Ethnoecology and Landscape . AU Press, Athabasca University. , voir p95
- voir le plan présenté en Figure 1: Région Dene Keyeh (Conseil des Kaska Dene, 2013) dans la thèse figurant dans la bibliographie du présent article
- Chansonneuve, Deborah (2005) reclaiming Connections: Understanding Residential School Trauma among Aboriginal People. Aboriginal Healing Foundation, Ottawa |see p40)
- Meek A.B (2010) We Are Our Language. An Ethnography of Language Revitalization in a Northern Athabaskan Community. Tucson, Az.: The University of Arizona Press. pp. 1–40.
- Dans sa thèse relative aux Kaska Dene Farel cite aussi le travail sur la mémoire post-holocauste de Marianne Hirsch, où elle montre comment des souvenirs d'événements traumatiques peuvent être transmis à ceux qui n'étaient pas là (Hirsch, M. (2008). The generation of postmemory. Poetics today, 29(1), 103-128. See p110).
- « The road to the outside world is one of the worst excuses for a road anywhere," he said. "We're hooked up to diesel generators with a history of blackouts and shutdowns - in the winter. "How many millions of dollars are taken out in profits and how much is put back into indigenous communities?" he said. "A pittance." Speaking broadly, Porter said U.S. consumers "have an inherent responsibility to ask questions" about forest products from Canada. "This is not just about the environment. It's about people. Aboriginal people and their cultures (in Canada) are as endangered as endangered species. And that should be known." » Source : Knudson T (2001) State of Denial, article publié par le journal Sacramento Bee.
- Knudson T (2001) State of Denial (État de déni), article publié par le journal Sacramento Bee.
- "One of Many". Catalogue de Films. Doc Alliance Films. consulté le 14 Avril 2013.
- Harbottle K (2017) Energy Opportunities For The Kaska Nation In The Yukon.
- Cox, Sarah (2019) We have a biodiversity crisis’: feds announce $175 million for new conservation projects ;Twenty-seven initiatives to create new Indigenous protected and conserved areas are among the projects set to receive unprecedented federal funds as Canada strives to meet 2020 biodiversity targets, journal The Narwhal ; publié le 19 aout 2019