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Karl Ludwig von Lecoq

Karl Ludwig von Lecoq, ou Karl Ludwig von Le Coq, est un officier général prussien, né le à Eilenbourg en Saxe et mort le à Berlin. Descendant d'une famille française de confession protestante, il s'engage d'abord dans l'armée de l'électorat de Saxe, puis offre ses services au royaume de Prusse et participe aux guerres de la Révolution française. Décoré pour sa bravoure au combat, il remplit diverses missions militaires et diplomatiques, et devient par ailleurs un cartographe renommé.

Karl Ludwig von Lecoq
Naissance
Eilenbourg, Saxe
DĂ©cès 14 fĂ©vrier 1829 (Ă  74 ans)
Berlin
Allégeance Drapeau de l'Électorat de Saxe Électorat de Saxe
Drapeau de la Prusse Royaume de Prusse
Arme Infanterie
Grade Général-major
Années de service 1770 – 1809
Commandement 6e régiment de grenadiers de la Garde royale
Conflits Guerres de la Révolution française
Guerres napoléoniennes
Faits d'armes Valmy
Mayence
Distinctions Pour le MĂ©rite
Autres fonctions Cartographe

En 1806, il est placé à la tête des forces prussiennes dans le Nord-Ouest de l'Allemagne. Coupé du reste de l'armée après les défaites d'Iéna et d'Auerstaedt, il se réfugie avec ses troupes dans la forteresse de Hamelin : encerclé par un corps français inférieur en nombre, il capitule après seulement deux semaines de siège. Traduit en justice et condamné à l'emprisonnement à vie, le général est finalement gracié par le roi quelques années plus tard et poursuit son travail de cartographe. Il meurt en 1829, complètement aveugle.

Biographie

Du lieutenant au général-major

Karl Ludwig von Lecoq naît le à Eilenbourg, dans l'électorat de Saxe, au sein d'une famille protestante d'ascendance française. Son père, Johann Ludwig von Le Coq (de) (1719-1789), a obtenu le grade de lieutenant-général dans l'armée saxonne. Son frère, Karl Christian Erdmann von Le Coq est également général dans l'armée saxonne. Entré en 1770 au 10e régiment d'infanterie Riedesel en qualité de lieutenant en second, Lecoq est nommé capitaine en 1779. Il passe ensuite dans l'armée prussienne en 1787. Promu au grade de major, il est désigné pour commander le 20e bataillon de fusiliers Legat, en garnison à Magdebourg. En 1792, il est affecté à l'état-major du duc de Brunswick et, pendant la guerre de la Première Coalition, participe à la bataille de Valmy ainsi qu'à plusieurs autres affaires. En récompense de son courage pendant le siège de Mayence, du au , Lecoq est décoré de l'ordre Pour le Mérite[1].

Détail d'une carte de Lecoq représentant l'île de Borkum.

Après la signature du traité de Bâle en , l'armée prussienne est postée à la frontière nationale, dans le nord-ouest de l'Allemagne. Lecoq est fait Oberstleutnant (lieutenant-colonel) et chef du grand quartier-général du duc de Brunswick, l'équivalent de son chef d'état-major. Tout en accomplissant ses obligations militaires, il s'attelle à cartographier la Westphalie[1]. Placé en qualité d'observateur auprès de l'armée française de Sambre-et-Meuse pendant la campagne de 1796, il écrit un rapport au roi Frédéric-Guillaume II le , depuis la ville de Plauen, sur la façon dont le général Jourdan dirige ses troupes. Il remarque que l'armée française est mal équipée et mal vêtue, mais qu'elle peut compter sur des fantassins et des cavaliers robustes et qu'elle dispose de bons chevaux pour traîner ses canons[2]. Fort de l'estime de Frédéric-Guillaume II et de son successeur, le roi Frédéric-Guillaume III, Lecoq est chargé en 1801 d'une mission diplomatique à Saint-Pétersbourg ; l'année suivante, il négocie également le transfert du major Gerhard von Scharnhorst, alors au service du Hanovre, au sein de l'armée prussienne[1].

Inspiré par le cartographe français Jean-Dominique Cassini, Lecoq travaille sur sa « grande carte de Westphalie » (Große Karte von Westfalen) entre 1795 et 1805. Déjà reconnu comme un cartographe de talent par ses contemporains[1], il est nommé par le roi commandant en chef du 6e régiment de grenadiers de la Garde royale en 1801. En outre, il intègre le conseil chargé d'examiner les candidatures des officiers souhaitant servir à l'état-major général. En 1803, Lecoq accède au grade de général-major et, l'année suivante, fonde une école militaire destinée à la formation des officiers[3].

Début des opérations

Peu avant le dĂ©clenchement de la guerre de la Quatrième Coalition, d'importantes forces prussiennes sont prĂ©sentes dans le nord-ouest de l'Allemagne : la Westphalie est occupĂ©e par les troupes du gĂ©nĂ©ral BlĂĽcher — 16 bataillons d'infanterie et 17 escadrons de cavalerie — tandis que 20 bataillons et 28 escadrons supplĂ©mentaires sont dĂ©ployĂ©s dans l'Ă©lectorat de Hanovre[4]. Au dĂ©but du mois d', la plus grande partie de ces troupes fait mouvement vers le sud, sous les ordres des gĂ©nĂ©raux BlĂĽcher et RĂĽchel, et vient prendre position près des villes de Gotha et d'Eisenach[5]. Ă€ ce stade, BlĂĽcher se sĂ©pare des brigadiers von Hagken et von Brusewitz qu'il laisse Ă  MĂĽnster pour protĂ©ger la Westphalie d'une incursion française[6]. Quelque temps avant que la guerre ne soit officiellement dĂ©clarĂ©e, Lecoq reçoit le commandement de toutes les forces prussiennes du secteur. Avec les garnisons de Hamelin et de Nienburg, ce sont près de 12 000 Prussiens qui s'apprĂŞtent Ă  dĂ©fendre le Hanovre et la Westphalie[7].

Les deux batailles livrées à Iéna et Auerstaedt le s'achèvent chacune sur une écrasante défaite prussienne. Ici, le duc de Brunswick, mortellement blessé à Auerstaedt, est emmené vers l'arrière par ses soldats. Composition de Richard Knötel.

Face Ă  eux se trouvent le roi Louis Bonaparte, Ă  la tĂŞte de l'armĂ©e du royaume de Hollande, et le marĂ©chal Édouard Mortier, Ă©tabli Ă  Mayence. Louis jette une forte garnison dans la forteresse de Wesel tandis qu'un corps d'environ 6 000 hommes se dirige vers le nord-est. Un contingent similaire stationne Ă  Utrecht[7]. Mortier dispose quant Ă  lui du 8e corps d'armĂ©e, composĂ© d'une division aux ordres du gĂ©nĂ©ral Loison[8]. NapolĂ©on a assignĂ© la tâche Ă  Louis et Mortier d'observer les Prussiens jusqu'Ă  ce que lui-mĂŞme parvienne Ă  dĂ©faire leur armĂ©e principale, puis, ceci fait, d'envahir le nord-ouest de l'Allemagne[7].

Le , plusieurs colonnes prussiennes sous le commandement de Lecoq et Hagken se mettent en marche vers l'ouest, en dépit d'une progression très lente. Dix jours plus tard, la nouvelle des batailles d'Iéna et d'Auerstaedt, catastrophiques pour les armées prussiennes, parvient à Lecoq et celui-ci ordonne immédiatement la retraite. Lorsqu'il apprend que les fuyards se retirent à travers les montagnes du Harz, il règle sa marche en direction de la forteresse de Hamelin. Ses propres forces et celles de Hagken s'y retrouvent le et installent leur campement, tandis qu'il donne des ordres pour acheminer de la nourriture dans la ville en vue de se préparer à un siège. Le jour suivant, il repart vers l'est dans l'espoir de traverser l'Elbe et d'échapper ainsi aux troupes françaises. Toutefois, informé qu'il est à présent coupé du fleuve, il abandonne son projet et retourne à Hamelin, prenant soin de détacher l'Oberst von Osten avec un bataillon d'infanterie et un régiment de dragons pour essayer de prendre contact avec Blücher[9].

Siège de Hamelin

Le maréchal Mortier, commandant en chef le 8e corps d'armée français.

SimultanĂ©ment, NapolĂ©on donne l'ordre Ă  Louis et Mortier de se porter en avant. Les forces franco-hollandaises convergent d'abord sur l'Ă©lectorat de Hesse dont le souverain, Guillaume Ier, bien qu'officiellement neutre, est un fervent soutien de la couronne de Prusse[10]. Les 5 500 soldats de Mortier et les troupes de Louis envahissent le petit État, forcent l'armĂ©e hessoise Ă  mettre bas les armes et contraignent le monarque Ă  prendre le chemin de l'exil. Le , le roi Louis, malade, cède la direction gĂ©nĂ©rale des opĂ©rations Ă  Mortier qui se retrouve Ă  la tĂŞte d'un corps de 12 000 hommes. Dès le , les premiers Ă©lĂ©ments français arrivent Ă  proximitĂ© de Hamelin et le 10, la plus grande partie du corps de Mortier se rassemble sous les murs de la ville[11].

Ă€ cette date, Lecoq a pu remettre les fortifications en Ă©tat et les occupent avec 10 000 hommes environ ; de plus, la citĂ© et la forteresse sont bien approvisionnĂ©es et prĂŞtes Ă  soutenir un siège. Mortier, de son cĂ´tĂ©, laisse 6 000 hommes devant Hamelin et reprend sa marche en direction du Hanovre, qu'il occupe le [12]. Le contingent de siège est commandĂ© par le gĂ©nĂ©ral de division Jean-Baptiste Dumonceau, qui a sous ses ordres une brigade de cavalerie et trois brigades d'infanterie ainsi que 12 canons. Avant de partir, Mortier a fait de son mieux pour convaincre Lecoq de se rendre, mais ses tentatives se sont rĂ©vĂ©lĂ©es infructueuses[13].

Pour rĂ©sister Ă  Dumonceau, Lecoq peut compter sur 10 000 hommes de troupe et 175 canons abritĂ©s dans la place. Ce total inclut notamment la garnison de la ville, forte de 3 058 hommes et dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral-major von Schöler, âgĂ© de 75 ans : elle se compose des 3e bataillons des rĂ©giments prussiens no 9 (de) Schenck (de), no 27 (de) Tschammer, no 44 (de) Hagken (de) et no 48 Hessen. S'y ajoutent Ă©galement deux bataillons du 19e rĂ©giment Oranien. Le reste des forces de Lecoq comprend quatre compagnies d'invalides — formĂ©es Ă  partir des quatre premiers rĂ©giments listĂ©s ci-dessus —, 40 hussards, 181 artilleurs, 1 000 rescapĂ©s des dĂ©sastres d'IĂ©na et d'Auerstaedt ainsi que des recrues tirĂ©es des rĂ©giments d'infanterie no 29 Treuenfels (de) et no 43 Strachwitz (de)[13].

Le général Savary, peint par Robert Lefèvre. Aide de camp de l'Empereur et fin diplomate, il parvient à arracher la capitulation de Hamelin au gouverneur Lecoq.

Alors que les opĂ©rations devant Hamelin suivent leur cours, NapolĂ©on et l'envoyĂ© du roi de Prusse Girolamo Lucchesini concluent un armistice stipulant que les dernières forteresses prussiennes doivent ĂŞtre remises aux Français. FrĂ©dĂ©ric-Guillaume III refuse par la suite de ratifier le document, mais cela n'empĂŞche pas NapolĂ©on d'exploiter la nĂ©gociation en sa faveur. Il charge en effet son aide de camp Savary de se rendre Ă  Hamelin afin d'informer le gouverneur prussien de la tentative d'armistice et de l'inciter Ă  dĂ©poser les armes. Savary arrive Ă  Hamelin le et obtient l'autorisation de parlementer avec Lecoq et ses subordonnĂ©s. Mettant Ă  profit ses talents de diplomate, le gĂ©nĂ©ral français rappelle Ă  ses interlocuteurs qu'il n'existe aucune armĂ©e prussienne prĂŞte Ă  leur porter secours dans un rayon de 400 km. Lorsqu'il rĂ©vèle ensuite les clauses de l'armistice, Lecoq dĂ©cide de capituler. La garnison bĂ©nĂ©ficie des conditions mises en Ĺ“uvre lors de la prĂ©cĂ©dente reddition de Prenzlau, le , Ă  savoir que les officiers sont libĂ©rĂ©s sur parole tandis que les soldats sont emmenĂ©s en captivitĂ©[14].

Ă€ l'annonce de la capitulation, les troupes de Lecoq s'insurgent et de nombreux soldats envahissent les dĂ©bits de vin jusqu'Ă  devenir ivres. Des scènes de vols et de pillages s'ensuivent. Pour leur part, les officiers demandent Ă  ĂŞtre payĂ©s et exigent que leurs troupes soient Ă©galement libĂ©rĂ©es. Deux versions se contredisent quant Ă  la suite des Ă©vĂ©nements : dans ses Ă©crits, Savary rapporte que sa cavalerie parcourt les rues de la ville afin d'en chasser les Prussiens qui, une fois au dehors, sont encerclĂ©s et dĂ©sarmĂ©s[12]. Une seconde version indique que 9 000 soldats de la garnison se dispersent en dĂ©sordre dans la campagne environnante, ce qui fait que seulement 600 hommes prennent le chemin de la captivitĂ© après la reddition du [8] - [13] - [15]. Le 26 du mĂŞme mois, la forteresse de Nienburg se rend Ă  son tour avec les 2 911 hommes de sa garnison[16].

L'historien britannique Digby Smith juge la capitulation de Hamelin « honteuse »[16]. Francis Loraine Petre estime quant à lui que la situation de Lecoq était sans espoir, mais qu'il était de sa responsabilité de tenir le plus longtemps possible ; un long siège aurait en effet eu l'avantage de fixer des forces françaises qui seraient ainsi devenues inutilisables pour la campagne de Pologne[14].

Fin de carrière

En 1809, Lecoq fait l'objet d'une enquête pour déterminer les mobiles de sa reddition à Hamelin. Condamné à la prison à vie, il est conduit à Spandau mais il lui est accordé de vivre en ville plutôt que dans une cellule. Le roi refuse sa demande de grâce en 1812, mais lui offre cependant la possibilité de visiter sa propriété de Pichelsdorf, près de Berlin. Après l'entrée en guerre de la Prusse en 1813, il est autorisé à se retirer à Oranienbourg. Le général est finalement gracié l'année suivante et s'installe à Berlin, où il continue à travailler sur ses chères cartes malgré le déclin progressif de sa vue. Son épouse, Marie Charlotte Lautier, né en 1760, décède en 1826 après avoir donné à son mari quatre enfants, dont deux filles qui atteignent plus tard l'âge adulte. Complètement aveugle, Lecoq meurt le à Berlin et est enterré dans le cimetière français[3].

Famille

Le Coq est marié avec Marie Charlotte Lautier (1760-1826). Le couple a quatre enfants, dont deux filles atteignent l'âge adulte :

  • Pauline Amalie (1787-1863) mariĂ©e en 1809 avec Ludwig von Below (de) (1779-1859), lieutenant-gĂ©nĂ©ral prussien.
  • Ulrike (1792-1882) mariĂ©e en 1818 avec August von Winterfeldt (de) (1789-1864), conseiller de la cour de chambre prussienne, conseiller de la chevalerie

Notes et références

  1. (de) Georg Krauss, « 150 Jahre preußische Meßtischblätter », Zeitschrift für Vermessungswesen, Stuttgart, Verlag Konrad Wittwer, no 94,‎ , p. 125.
  2. Phipps 2011, p. 304 et 305.
  3. (de) Grand état-major général, 1806. Das Preussische Offizierkorps und die Untersuchung der Kriegsereignisse, Berlin, E. S. Mittler und sohn, , 387 p. (lire en ligne), p. 46.
  4. Petre 1993, p. 64.
  5. Petre 1993, p. 68.
  6. Petre 1993, p. 291.
  7. Petre 1993, p. 292.
  8. Pigeard 2004, p. 269.
  9. Petre 1993, p. 292 et 293.
  10. Petre 1993, p. 293 et 294.
  11. Petre 1993, p. 297.
  12. Petre 1993, p. 298 et 299.
  13. Smith 1998, p. 233.
  14. Petre 1993, p. 298.
  15. (de) Bernhard von Poten, « Lecoq, Karl Ludwig Edler von », dans Allgemeine Deutsche Biographie (ADB), vol. 18, Leipzig, Duncker & Humblot, , p. 108 f
  16. Smith 1998, p. 233 et 234.

Bibliographie

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