Joseph Broizat
Joseph Marie Théophane Broizat (né le à Mégevette (Haute-Savoie) - mort le à Terrasson-Lavilledieu) est un officier supérieur français ayant servi dans les tirailleurs algériens, puis dans les unités parachutistes. Il est également connu pour son engagement pour l'Algérie française et sa participation au putsch d'Alger (1961).
Joseph Broizat | ||
Nom de naissance | Joseph Marie Théophane Broizat | |
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Naissance | MĂ©gevette, France |
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Décès | (à 86 ans) Terrasson-Lavilledieu, France |
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Allégeance | France | |
Arme | Armée de terre, Troupes parachutistes | |
Grade | Colonel | |
Commandement | 1er RCP | |
Conflits | Seconde Guerre mondiale Guerre d'Indochine Guerre d'Algérie |
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Autres fonctions | Théoricien de la contre-insurrection Docteur en Théologie catholique |
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Biographie
Premières années
Issu d'une famille de paysans citée dans les registres paroissiaux de Mégevette dès le XVIIe siècle, Joseph Broizat est le fils de François Léon Broizat et de son épouse Marie Bron. Son père mourut durant la Grande Guerre à Vienne le Château le 14 mars 1915. Il a été adopté pupille de la Nation par jugement du tribunal de Thonon du 7 juin 1918.
Il entra au Séminaire des Missions étrangères de Paris, société où son oncle Joseph Broizat était prêtre. En 1932, il était auditeur à la faculté de philosophie scolastique de l'Institut catholique de Paris [1].
Seconde Guerre mondiale
Sergent en 1939 au 19e corps d'armée (France), Joseph Broizat fut admis à l'Ecole d'administration de Vincennes.[2]
Elève officier de l'Ecole militaire d'infanterie et des chars de combat à Saint-Maixent au titre de l'infanterie métropolitaine (intègre 26e sur 326), il fut nommé sous-lieutenant par décret du 22 décembre 1939[3].
Lieutenant en 1943, Joseph Broizat a fait les campagnes de Tunisie, d'Italie, de France et d'Allemagne au 3e Régiment de tirailleurs algériens (3e RTA). Il fut décoré de la Silver Star en février 1944, après la prise du Belvédère lors de la bataille du Mont Cassin, à la tête de ses tirailleurs algériens.
Il participe au débarquement de Provence, en août 1944, et à la libération de Marseille, au cours de laquelle il fit prisonnier 180 soldats allemands.
Après-guerre
En 1947, Ă©tant capitaine d'infanterie, il obtient le diplĂ´me d'Ă©tat-major.
En juin 1948, alors en poste à l'état-major de la 10e Région militaire à Alger, Joseph Broizat est muté au 2e bataillon du 1er Régiment de chasseurs parachutistes à Sétif.
Guerre d'Indochine
Le , le capitaine Broizat prit le commandement du II/1er RCP, Ă la suite du chef d'escadron Mollat.
Guerre d'Algérie
Il est chef d'état-major du général Massu lors du Coup d'Alger du 13 mai 1958[4].
Aux Élections législatives françaises de 1958, il se présente, sans succès, dans la 22e circonscription de la Seine (17e arr., plaine Monceau), sous l'étiquette UNR, contre le CNI Ferri, ancien député RPF, et contre Jean Dutourd[4].
En novembre 1959, il devient chef de corps du 1er régiment de chasseurs parachutistes, basé à Philippeville, avec le grade de lieutenant-colonel. Il participe avec son régiment à l'opération Eugénie (novembre 1960) et à l'opération Vautour (janvier 1960), qui se soldent par des pertes importantes pour le Front de libération nationale[5].
Spécialiste de la guerre subversive, il est un des théoriciens de l'action psychologique[4].
Semaine des barricades
Lors de la semaine des barricades de janvier 1960, il refuse d'envoyer le 1er RCP contre les émeutiers, craignant de faire couler le sang. Les parachutistes de Broizat s'interposent également entre les gendarmes mobiles et les insurgés à la suite d'une fusillade qui fait plusieurs morts. La situation s'enlise et finalement des négociations permettent la reddition des émeutiers et l'incorporation de dizaines d'entre eux dans le commando Alcazar du 1er REP. Ce refus d'employer la force lui est reproché par le pouvoir gaulliste, qui le relève et le mute en métropole[4], comme commandant du groupe de subdivisions de Châlons-sur-Marne[5].
Pour Broizat, il était inconcevable de donner l'ordre à ses hommes de tirer sur les Européens d'Alger favorables à l'Algérie française. En effet, il partage certaines de leurs convictions et considère que l'Algérie est le « dernier bastion de l'Occident chrétien » en Afrique du Nord[5].
Procès des barricades
Il témoigne au procès de la semaine des barricades en janvier 1961. Il y défend le colonel Jean Gardes, seul militaire inculpé à la suite des événements de janvier 1960. Pour justifier l'action du chef du 5e bureau, il expose ses théories à propos de la contre-insurrection que l'armée française mène en Algérie et affirme que l'action psychologique n'a été effectuée qu'avec l'aval du gouvernement[6] :
« Nous avons vu nos dirigeants incapables de gagner [la guerre d'Indochine], une population indifférente, une presse nous accusant de mener une sale guerre. Cela nous a menés à la défaite, non de Dien-Bien-Phu, mais de Genève. Mais nous avons décidé alors que nous ne trahirions plus. Et c'est un maréchal qui nous a guidés : le maréchal Boulganine qui avait dit en 1945 que les conflits étaient tous politico-militaires. Alors nous sommes arrivés à nous intéresser à la politique, non par goût de la politicaille, mais par exigence de notre devoir. Et Mao-Tsé-toung nous a enseigné aussi la guerre révolutionnaire, et M. Khrouchtchev au vingtième congrès de son P.C. nous a expliqué lui-même le processus : une période d'anarchie complète au bout de laquelle se lèverait l'aube du communisme. Le problème d'Algérie a été situé parfaitement par un rapporteur du parti communiste en 1923, cinq ans après la révolution d'Octobre. Première donnée : l'injustice fondamentale de base par le racisme; deuxième donnée : partant de l'injustice, l'exploiter pour que la guerre révolutionnaire puisse se développer.
Il s'agit donc bien d'une conquête des populations, ceci ne nous surprend pas car les cadres FLN ont été formés à Prague et leurs subordonnés à Oujda. Que les éléments communistes aient envahi le FLN ne doit pas nous surprendre non plus. Donc, nous sommes bien en situation de guerre révolutionnaire. [...]
Donc ce fut le 13 mai l'arrivée d'un nouveau chef de gouvernement. Nous avions donc la solution du problème. L'armée a suivi les directives du gouvernement. Elle a incité la population à s'engager avec la France et elle l'a invitée à se déterminer. Mais s'ils sont venus à la France avec leurs fleurs, la porte est restée fermée. [...]
[Les insurgés de janvier 1960], sortis du peuple, voulaient donc que l'Algérie reste dans la France. C'étaient des hommes normaux, angoissés, qui avaient compris le problème. Des comploteurs ? Des ambitieux politiques ? Ils ne me sont pas apparus comme tels. Si Gardes a comploté avec eux, je le trouve bien cachottier de ne m'en avoir rien dit. J'aurais pu leur donner un appui, partageant l'essentiel de leurs conceptions. »
Ce témoignage contribue à sa réputation de dialecticien inflexible et au succès du surnom de « templier des temps modernes » dont l'affublent les journalistes[7].
Putsch des généraux
Le lieutenant-colonel Broizat participe à la préparation du putsch dans des réunions au bureau du colonel Charles Lacheroy. Depuis le déclenchement du putsch, le 21 avril 1961, jusqu’à son achèvement le 25 avril, il est chargé par le général Maurice Challe de la réorganisation des services de police d'Alger[8].
À la suite de l'échec du putsch, il passe dans la clandestinité et rejoint l'OAS, dans lequel il ne joue qu'un rôle mineur. Il rédige le journal clandestin Centurions, destiné à l'armée[5]. Il fut condamné à mort par contumace par le Haut Tribunal Militaire le 11 juillet 1961 [9]. En juillet 1962, il part en exil en Espagne.
Amnistie et fin de vie
Joseph Broizat revient en France et se constitua prisonnier le 26 juin 1968[10] ; il bénéficia de la loi d'amnistie concernant les événements de la guerre d'Algérie[11].
Titulaire d'un diplôme en théologie catholique[12], il se convertit au protestantisme vers l'âge de 40 ans[13]. Il se marie deux fois : avec Mauricette Lechevallier (1937, divorce 1949), puis avec Jacqueline Négrinat (1951) (1922-2016), divorcée (1947) de Marcel Xuereb[14].
Références
- « Bulletin de l'Institut catholique de Paris », sur Gallica, (consulté le ).
- J.O. 14 juillet 1939, p. 9030.
- J.O. 28 décembre 1939, p. 14234.
- « De nouvelles biographies », Le Monde,‎ (lire en ligne)
- « Joseph Broizat, docteur en théologie et colonel parachutiste », Troupes d'élites n°17,‎
- J.-M. Théolleyre, « Le colonel Broizat expose sa théorie de la guerre révolutionnaire et relate les événements de janvier de la fusillade à la visite-éclair de M. Michel Debré », Le Monde,‎
- J.-M. Théolleyre, « Un "templier" des temps modernes », Le Monde,‎
- J.-M. Théolleyre, « L'avocat général fait état de nombreux documents établissant la minutieuse préparation du soulèvement », Le Monde,‎
- source : fiche de police : http://deltas-collines.org/galerie/BROIZAT/Joseph_BROIZAT
- « Le Nouvelliste », sur rero.ch (consulté le ).
- « Le colonel Broizat et quatre autres membres de l'O.A.S. sont écroués », Le Monde,‎
- Guy Rolland, qui a bien connu le colonel Broizat, indique que Joseph Broizat a obtenu un doctorat en théologie catholique à Rome, à l'âge de vingt ans. Un tel diplôme à cet âge semble improbable. http://www.seybouse.info/seybouse/infos_diverses/mise_a_jour/maj142.html
- source : https://michelviot.wordpress.com/2018/08/14/les-larmes-de-marie/. Renseignement de provenance familiale
- sources : Ă©tat civil :https://archives.hautesavoie.fr/ark:/67033/a011484207996ax1gVt/daogrp/0/layout:table/idsearch:RECH_48f590936f43d7cca0ea1142fffb5d78#id:1316089124?gallery=true&brightness=100.00&contrast=100.00¢er=862.821,-849.086&zoom=7&rotation=0.000 ,dĂ©cès de son Ă©pouse : https://www.dansnoscoeurs.fr/jacqueline-broizat/1876472, sa gĂ©nĂ©alogie : https://gw.geneanet.org/gxuereb?lang=fr&pz=clement+julien&nz=xuereb&ocz=0&p=jacqueline&n=negrinat)
. C'est à tort qu'un article de presse paru en 1985 (Troupes d'élites no 17, décembre 1985) dit que Broizat est entré dans les ordres, cela ne repose sur rien, et est contraire au fait qu'il se soit marié.