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Jeanne-Baptiste d'Albert de Luynes

Jeanne-Baptiste d'Albert de Luynes, comtesse de Verrue, est une aristocrate française née le et morte le .

Jeanne Baptiste d’Albert de Luynes
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  66 ans)
Paris
Nom dans la langue maternelle
Jeanne Baptiste d'Albert de Luynes
Pseudonyme
Comtesse de Verrue
Activités
Période d'activité
Famille
Père
Mère
Anne de Rohan-Montbazon (d)
Fratrie
Conjoint
Joseph Ignace Scaglia, comte de Verrue (d) (Ă  partir de )
Enfants
Marie Victoire de Savoie
Victor-François de Savoie (en)
Autres informations
Propriétaire de

Biographie

Fille de Louis-Charles d'Albert, duc de Luynes, et de sa seconde épouse, Anne de Rohan-Montbazon, elle eut pour parrain, à son baptême en l'église Saint-Sulpice de Paris, Jean-Baptiste Colbert, dont on lui donna les prénoms. Le , après une éducation à Port-Royal, on lui fit épouser à l'âge de treize ans et demi Auguste-Manfroy-Joseph-Hiérosme-Ignace Scaglia, comte de Verua (francisé en Verrue), colonel de dragons et diplomate piémontais qui l'emmena avec lui à la cour de Savoie à Turin et dont elle eut quatre enfants.

Puis le duc de Savoie Victor-Amédée II de Sardaigne tomba follement amoureux d'elle vers 1688. Elle repoussa longtemps ses avances avant de céder, trahie par sa famille et « encouragée » par Louis XIV à devenir sa maîtresse quasi-officielle. Du duc , elle eut deux enfants qui furent tous deux légitimés en 1701 :

Alors qu'elle jouissait d'une réelle influence politique – elle fut sans doute l'instigatrice, avec l'ambassadeur René de Froulay de Tessé du choix de l'épouse du duc de Bourgogne lors du traité de Turin du – elle organisa avec ses deux frères une évasion d'Italie rocambolesque le pour trouver refuge au tout début de 1701 dans le couvent de sa tante, rue du Cherche-Midi. Elle devint veuve lorsque son mari fut tué à la bataille de Hochstädt le .

On raconte que, guérie elle-même d'une tentative d'empoisonnement de la part d'ennemis en Italie, elle en remit le remède à Mme de Ventadour, ce qui contribua à sauver, en 1712, le futur Louis XV de la rougeole qui emporta son frère aîné, le duc de Bretagne. Cet épisode lui valut la reconnaissance et l'amitié de Louis XV. Madame de Verrue devint alors familière de la cour. Elle fut notamment l'amie intime du duc de Bourbon et de sa mère, la princesse douairière de Condé.

Après avoir vécu recluse pendant plus de trois années à la demande de son mari, « L'excentrique comtesse de Verrue réapparut dans le monde et s'éprit alors d'un baron de fraîche date, Jean-Baptiste Glucq dit de Saint Port puissamment enrichi aux Gobelins » dit Saint-Simon, qui avance qu'elle l'épousa secrètement, ce qui n'a jamais été prouvé. Tous les ans, quand la cour était à Fontainebleau, elle séjournait au château de Sainte-Assise, que Glucq possédait à Seine-Port. Elle séjournait également au château de Condé à Condé-en-Brie chez un autre de ses intimes, le marquis Jean-François Leriget de La Faye.

Amie des lettres, des sciences et des arts, elle renoua des liens avec une société choisie d'écrivains et de philosophes français, notamment Voltaire, qu'elle admirait.

Vue de l'emprise de l'Hôtel de la comtesse de Verrue à Paris, d'après le plan de Turgot, début du XVIIIe siècle
Plan de l'Hôtel de la comtesse de Verrue à Paris, première moitié du XVIIIe siècle. Nota : la grande parcelle du "jardin" située en bas à droite n'est peut être pas dans la propriété de la comtesse mais au couvent des Carmes déchaussés

À Paris, elle installa les nombreux cadeaux reçus lorsqu'elle se morfondait en Italie, dans l'hôtel d'Hauterive – détruit depuis par le percement du boulevard Raspail – agrandi pour accueillir une collection de plus en plus étoffée, et acheta aux Carmes voisins des maisons qu'elle loua au fur et à mesure à des relations. Elle y tint un salon où se pressèrent des fidèles comme l'abbé Terrasson, Rothelin, le Garde des sceaux Chauvelin, Jean-François Melon, Jean-Baptiste de Montullé, le marquis de Lassay et son fils Léon de Madaillan de Lesparre, comte de Lassay et bien d'autres qui vinrent se fixer près de chez elle.

Sa fortune ayant été encore accrue par le système de Law, elle projeta en 1719 les plans de deux hôtels jumeaux donnant respectivement sur les rues du Cherche-midi et sur la rue du Regard à faire construire par l'architecte Victor Dailly, dont ne reste de nos jours que le no 1 rue du Regard. Celui ouvrant rue du Cherche-Midi, où se tint le conseil de guerre qui jugea le capitaine Dreyfus en , a été démoli et son portail remonté au parc de Jeurre dans l'Essonne. L'hôtel Verrue que la comtesse n'habita jamais, devait alors se situer au no 8 de la rue d'Assas et sa construction ne commença qu'en 1740 ; de même que le plafond de son hôtel d'Aubeterre (qu'elle avait agrandi d'une galerie pour exposer ses objets), peint par Claude Audran, se trouve aujourd'hui au musée des arts décoratifs de Paris.

Elle mourut en 1736. Elle n'oublia personne dans son testament, pas même les oiseaux exotiques de son étonnante volière… On composa pour elle cette épitaphe :

Ci-git, dans une paix profonde,
Cette Dame de Volupté,
Qui, pour plus grande sûreté,
Fit son paradis dans ce monde.

Les collections de la comtesse de Verrue

La comtesse de Verrue possĂ©dait une magnifique collection de tableaux de maĂ®tre, d'objets d'art et de meubles de prix. Elle dĂ©pensait sans compter pour acheter gravures, bijoux, pierres prĂ©cieuses (plus de 8 000), pièces de monnaie, tapisseries, tabatières en or, vĂŞtements… tant et si bien qu'elle dut trouver de la place dans une maison acquise Ă  Meudon le … et le de la mĂŞme annĂ©e, l'architecte Pierre-Nicolas Delespine s'engageait Ă  lui construire une maison attenante d'après les plans de Jean-Baptiste-Alexandre Leblond. Elle commanda des tableaux Ă  de nombreux artistes dont Nicolas Lancret, Alexis Grimou et possĂ©dait des Ĺ“uvres de David Teniers, d'Antoine Watteau, et le fameux Portrait de Charles Ier d'Angleterre de Van Dyck.

Mais la comtesse de Verrue est surtout connue comme l'une des plus grandes bibliophiles de son temps. Elle conservait ses livres dans un grand cabinet prenant jour par deux fenĂŞtres ouvertes sur le jardin de son hĂ´tel, dans des armoires en marqueterie de Boulle aux portes garnies de rideaux de taffetas vert. Elle devait possĂ©der environ 18 000 volumes (Ă  Paris et Ă  Meudon). La partie de sa bibliothèque conservĂ©e Ă  Paris fut dispersĂ©e en 1737 par le libraire Gabriel Martin, dans un catalogue de 3 000 rĂ©fĂ©rences. L'autre partie, restĂ©e sur place Ă  Meudon, fut encore agrandie par ses hĂ©ritiers et passa partiellement dans la bibliothèque du duc et de la duchesse d'Aumont, puis dans celle de leurs hĂ©ritiers le duc et la duchesse de Villeroy, qui fut confisquĂ©e Ă  la RĂ©volution.

Postérité

  • Alexandre Dumas a fait de la comtesse de Verrue l'hĂ©roĂŻne de son roman La Dame de VoluptĂ© : mĂ©moires de Jeanne d'Albert de Luynes, Comtesse de Verrue (1863).
  • Jeanne de Luynes, comtesse de Verue (1984), roman de Jacques Tournier inspirĂ© de la liaison entre la comtesse de Verrue et le duc de Savoie.
  • La Putain du roi, film français d'Axel Corti inspirĂ© du roman de Jacques Tournier, avec Valeria Golino (la comtesse de Verrue) et Timothy Dalton (le duc de Savoie).
  • AndrĂ© Gilbertas, La Contessa, autobiographie imaginaire de la Comtesse de Verrue, Atelier Comp’Act, 2004.
  • une rue portant son nom existe Ă  Saint Vaast la Hougue dans le dĂ©partement de la Manche. Elle en aurait Ă©tĂ© la crĂ©atrice en achetant toutes les vieilles maisons pour les dĂ©truire et faire bâtir de nouvelles plus harmonieuse

Bibliographie

  • *Virginie SpenlĂ©: « Torino – Parigi – Dresda. Le collezioni Verrua e Carignano nella Pinacoteca di Dresda », in: Le raccolte del principe Eugenio condottiero e intellettuale, Milano/Torino: Silvana Editoriale / La Veneria Reale 2012, S. 144-157, (ISBN 978-8-83-662335-8)
  • G. de LĂ©ris, La Comtesse de Verrue
  • NoĂ©mie Wansart, « L'entourage de la comtesse de Verrue : une circulation originale des Ĺ“uvres d'art », Cahier de la SociĂ©tĂ© de Saint-Simon numĂ©ro 37 / JournĂ©e d'Ă©tudes 7 mars 2009 « MĂ©cènes et collectionneurs au temps de Saint-Simon », p. 29-45
  • NoĂ©mie Wansart, « Du cabinet de la comtesse de Verrue aux collections de Glucq de Saint-Port : de nouveaux chefs-d’œuvre identifiĂ©s », Bulletin de la SociĂ©tĂ© d’Histoire de l’Art Français, 2005, p. 131-149
  • BĂ©atrice MairĂ©, « Les livres de la comtesse de Verrue Ă  Meudon ou les pĂ©ripĂ©ties d'une bibliothèque de campagne », Revue de la Bibliothèque nationale de France, 2002, p. 47-52.
  • P. Chazarain, « Au temps de la dame de VoluptĂ© », Bulletin de la sociĂ©tĂ© des amis de Meudon-Bellevue 39-43 (1945-1946), p. 747-763.
  • Cynthia Lawrence et Magdalena Kasman, « Jeanne-Baptiste d’Albert de Luynes, comtesse de Verrue (1670-1736) : an art collector in eighteenth-century Paris », in Women and art in early modern Europe : patrons, collectors and connoisseurs, ed. Cynthia Lawrence (University Park (PA) : Penn State University Press, 1997), p. 207-226.
  • Gaston SchĂ©fer, « L’HĂ´tel des Conseils de guerre rue du Cherche-Midi », Commission municipale du Vieux Paris, 1907, p. 275 et 44 pages d’annexes (sur Gallica)

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