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Jean-Joseph de Laborde

Jean-Joseph Laborde, par la suite marquis de Laborde, né près de Jaca en Aragon le et mort guillotiné à Paris le , est un négociant, banquier et esclavagiste français. Responsable d'une société internationale dès l'âge de vingt ans, Laborde fut dix ans plus tard, parmi les hommes les plus riches de France[1].

Jean-Joseph de Laborde
Portrait de Jean-Joseph de Laborde.
Fonction
Fermier général
-
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  70 ans)
Paris
Nationalité
Activités
Période d'activité
Famille
Père
Jean-Pierre Laborde (d)
Mère
Marguerite d'Aleman de Sainte-Croix (d)
Enfants

Biographie

La fortune acquise dans l'import-export

Né en 1724 à Jaca (Espagne), Jean-Joseph Laborde est le dernier des quatre enfants de Marguerite d'Aleman de Sainte-Croix et Jean-Pierre Laborde (1673-1739), citoyen de Bayonne et négociant en laine, installé à Jaca puis à Paris, banquier vers 1717[2], qui ramenait des piastres espagnoles en contrebande[3]. Il rejoint, à l'adolescence, son cousin Joseph Laborde, à la tête d'une compagnie maritime d'import-export à Saint-Jean-de-Luz, lequel est probablement l'un des quinze enfants du banquier Jean-François de La Borde, originaire également de Bayonne et cousin par alliance de la marquise de Pompadour.

Laborde apprend le métier auprès de son cousin, de 1734 à 1739[4], puis prend sa succession quand il décède en 1748. Il contacte alors de nombreux grands négociants et acquiert, en 1751, le monopole de la fourniture de piastres espagnoles à la Compagnie des Indes[5], ce qui est indispensable au commerce des indiennes de coton. Au second semestre de 1758, il rencontre à Paris l'abbé Bernis, chargé de la diplomatie française.

Il devient le chef d'un véritable empire commercial international, ce qui lui permettra de financer presque à lui seul la guerre de Sept Ans et porter au même moment sur ses épaules le ministère de son ami proche, le duc de Choiseul, qui a, lui, épousé l'héritière d'Antoine Crozat, première fortune de France.

Il participe Ă  la traite nĂ©grière, approvisionne les colonies en matières premières et rapporte les produits les plus intĂ©ressants financièrement : fruits tropicaux, arbre d'essence rare. L'un des bâtiments qu'il arme, l'Utile, connaĂ®t un destin tragique en 1761 dans l'OcĂ©an indien. Il possède près de 1 500 hectares de plantations Ă  Saint-Domingue, qu'il fait exploiter pour le sucre[6], et sur lesquelles travaillent 1 400 esclaves[7].

Les placements immobiliers

Devenu conseiller de Louis XV, il acquiert de nombreux domaines outre-mer et sept seigneuries sur le sol français, puis devient fermier général (1759-1767) sur proposition du duc de Choiseul, et enfin banquier de la couronne, succédant ainsi à Jean Pâris de Monmartel[8]. Il excelle dans les spéculations immobilières[9], en province comme à Paris, où il achète le l’hôtel du fermier général Étienne-Michel Bouret, l'un des plus imposants de la capitale[10], et créé dans ses vastes jardins deux rues, la rue Laffitte, d'abord appelée rue d'Artois, et la rue de Provence, revendant le terrain par lots.

Vue du château de la Ferté-Vidame avant sa destruction en 1793.

Il est aussi, par acquisition en 1764, le dernier vidame de Chartres et seigneur de La Ferté-Vidame, installé depuis dans le château de La Ferté-Vidame, qu'il fait reconstruire fastueusement et aménager à son goût, pour la somme de 14 millions de livres, en s'entourant de nombreux artistes. Il y reçoit en 1781 Joseph II, futur empereur d'Autriche ; mais les constructions à peine terminées, il sera contraint en 1784, par un ordre de la Cour, de le céder au duc de Penthièvre qui le convoitait[11]. Très échaudé, il s'achète un château beaucoup plus modeste, Méréville.

Acquisition d'un marquisat

Château La Borde à Meursanges.

Il fait aussi l'acquisition le du domaine de la Borde-au-Château, à Meursanges (Côte-d'Or), un ancien marquisat dont le titre lui est aussitôt confirmé par lettres patentes d', enregistrées à la chambre des comptes de Dijon [12].

Les spéculations financières

Également dĂ©crit comme faisant « les plus heureuses spĂ©culations dans les finances »[13], il conseille Louis XV, la haute noblesse et mĂŞme Voltaire dans la gestion de leurs portefeuilles financiers. Banquier de la Cour après Paris de Montmartel, de 1759 Ă  1769[14], il est fermier gĂ©nĂ©ral dans le bail PrĂ©vost en 1762, mais se dĂ©met dès au profit de Jean-Marie Darjuzon, son protĂ©gĂ©[15]. Ă€ 45 ans, il est l'un des partisans les plus motivĂ©s de la crĂ©ation de la première Caisse d'escompte, qui sert Ă  partir de 1767 de complĂ©ment Ă  la Bourse de Paris, et tenta de l'installer sur le terrain[16] oĂą sera finalement bâti en 1783 l'OpĂ©ra-Comique. Banquier du roi, il dirige cette Caisse d'escompte, qui fut liquidĂ©e en 1769[17], en mĂŞme temps que la Compagnie des Indes, puis recrĂ©Ă©e en 1776 par Isaac Panchaud et installĂ©e au 8 rue Vivienne, mais sans lui. Lors de la liquidation en 1769 et 1770, Jean-Joseph de Laborde perd 600 000 livres[18] et ne reviendra Ă  la spĂ©culation financière qu'avec l'arrivĂ©e aux finances en 1783 de Charles Alexandre de Calonne.

De la disgrâce à la guillotine

Membre de la commission pour la réforme fiscale dirigée par L'Averdy, l'abbé Terray fut remarqué par René Nicolas de Maupeou, qui le fit nommer contrôleur général des finances en . Terray l'aida à se débarrasser du duc de Choiseul, limogé le , ce qui entraîne le départ des protégés du duc, au premier rang desquels Laborde.

L'abbé Terray fait suspendre le remboursement de 200 millions de rentes, ce qui amène Laborde à se détourner des effets royaux pour réinvestir sa fortune dans l'immobilier parisien. La décision de Terray a fait passer la fortune de Laborde de 13,6 millions à 8,04 millions de livres en seulement une année. Malgré cela, pour conserver la confiance du marché, il rembourse tous ses créanciers. Sa fortune est aussi reportée sur ses plantations de Saint-Domingue à partir de 1770. Ce n'est qu'à compter de 1783, qu'il la replace sur des opérations spéculatives[19], sous le ministère de Calonne, qui souhaite augmenter le nombre d'investisseurs, en raison de la dette héritée de la Guerre d'indépendance américaine.

Lors de la Révolution française, son fils François est l'un des rares députés nobles (du bailliage d'Étampes) à rejoindre le Tiers état, mais Saint-Just fait arrêter le père qui est guillotiné en comme ex-banquier de la Cour et agioteur-spéculateur.

Le château de Méréville

Il achète en 1784 le petit château de Méréville, où 700 ouvriers travaillent dix ans à l'élaboration d'un grand parc paysager, planté d'espèces rares acclimatées, et qualifié d'oasis par Chateaubriand. Parmi les artistes embauchés, François-Joseph Bélanger, qui a construit en deux mois le Bagatelle, Hubert Robert, peintre paysagiste, l'ébéniste Jean-François Leleu, le peintre Claude Joseph Vernet, et Augustin Pajou, qui sculpte un cénotaphe au navigateur James Cook.

En 1786, l'architecte François-Joseph Bélanger est remplacé par Hubert Robert. L'année suivante, une colonne rostrale est bâtie sur une île au cœur du grand lac, en hommage à ses deux fils, Édouard (1762-1786) et Ange Auguste (1766-1786), morts au large de Vancouver, lors de l'expédition La Pérouse. Le temple de la piété filiale fut dédié à sa fille Natalie.

Descendance

Jean-Joseph de Laborde a épousé en 1760 Rosalie de Nettine (1737-1820), sœur cadette de la trésorière de Marie-Thérèse d'Autriche[20] (Dieudonnée Louise Joséphine de Nettine, 1736-1789), et fille de Matthias de Nettine, trésorier du duc de Lorraine, et de Mme de Nettine, née Barbe Louise Josèphe Stoupy (1706-1775)[21]. Du mariage naquirent :

Ses descendants Alexandre et Nathalie ont reçu des indemnités haïtiennes d'une valeur équivalente à 1,7 million de dollars de 2022. C'est l'un des plus importants montants versé à une famille[22].

Notes et références

  1. François d'Ormesson & Jean-Pierre Thomas, Jean-Joseph de Laborde, banquier de Louis XV, mécène des Lumières, Paris, Éditions Perrin, 2002.
  2. François d'Ormesson & Jean-Pierre Thomas, op. cit..
  3. M. Bruguière, L'aristocratique descendance des affairistes de la Révolution, p. 106.
  4. Yves Durand et Jean-Pierre Bardet, État et société en France aux XVIIe et XVIIIe siècles : Mélanges offerts à Yves Durand, Presses Paris Sorbonne, 2000, p. 182.
  5. Thierry Claeys, Les Institutions financières en France au XVIIIe siècle, vol. 1, p. 684.
  6. Erick Noël, Beauharnais : une fortune antillaise, 1756-1796, p. 66.
  7. Bernard Foubert, « L’origine des esclaves des habitations Laborde », dans L'esclave et les plantations : de l'établissement de la servitude à son abolition. Hommage à Pierre Pluchon, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-6637-8, lire en ligne), p. 103–123
  8. Jean-François Delmas, « Jean-Joseph de Laborde et le domaine de Méréville », État et société en France aux XVIIe et XVIIIe siècles : Mélanges offerts à Yves Durand, p. 182.
  9. Jean-François Delmas, « Jean-Joseph de Laborde et le domaine de Méréville », État et société en France aux XVIIe et XVIIIe siècles... op. cit., p. 182.
  10. Paris démoli, par Édouard Fournier, Aubry, 1855, p. 297.
  11. Adolphe Chéruel, Notice sur la vie et les mémoires du duc de Saint-Simon, 1876, p. lxxii.
  12. Fournier (L.), le Château de Laborde et ses Seigneurs, Beaune, Libr. Antonin Devis, 1886, p. 47 et 56.
  13. Paris démoli, p. 298.
  14. Claeys (Thierry), Les Institutions financières... (op cit.), vol 2, p 306.
  15. Claeys (Thierry), Les Institutions financières en France au XVIIIe siècle, Paris, Ed SPM, , To 2, p 393b, et note 1968.
  16. Paris démoli, p. 296.
  17. P. Harsin, Crédit public et Banque d’État en France au XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1933, p. 170-221.
  18. Les institutions financières en France au XVIIIe siècle, vol. 1, par Thierry Claeys, p. 778 .
  19. Thierry Claeys, Les Institutions financières en France au XVIIIe siècle", vol. 1, p. 778 .
  20. "Dictionnaire de la noblesse, contenant les généalogies", par François-Alexandre Aubert de La Chesnaye, page 163 .
  21. État et société en France aux XVIIe et XVIIIe siècles : mélanges offerts à Yves Durand, par Yves Durand et Jean-Pierre Bardet Presses Paris Sorbonne, 2000, page 183 .
  22. « Comment la France a riposté aux demandes de réparations d’Haïti », The New York Times,‎ (lire en ligne).

Bibliographie

  • Flore de Bergerin, Les jardins de Jean-Joseph de Laborde. Le parc de MĂ©rĂ©ville au XVIIIe siècle, 1994.
  • Ferdinand Boyer, « Jean Joseph de Laborde, protecteur de F.X. Fabre et sa collection confisquĂ©e en 1794 Â», Bulletin de la sociĂ©tĂ© d'histoire de l'art français, 1954.
  • Carlo Bronne, « Un couple brillant, les Laborde Â», La Revue de Paris, 1968-69.
  • Jean-François Delmas, Le MĂ©cĂ©nat des financiers au XVIIIe siècle. Les collections de peinture de Jean-Joseph, marquis de Laborde, sous la direction d'Yves Durand, Paris, Paris-Sorbonne, mĂ©moire de maĂ®trise, 1988-1989.
  • Jean-François Delmas, « Jean-Joseph de Laborde et le domaine de MĂ©rĂ©ville Â», État et sociĂ©tĂ© en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, mĂ©langes Yves Durand, Paris, PUPS, 2000, p. 181-193.
  • Yves Durand, « MĂ©moires de Jean Joseph de Laborde, banquier de la cour et fermier gĂ©nĂ©ral Â», Bulletin de la sociĂ©tĂ© d'histoire de France, 1968-69.
  • A. J. Dussau, « Jean Joseph Laborde, nĂ©gociant bourgeois bayonnais, banquier du roy, victime de la Terreur Â», Bulletin de la sociĂ©tĂ© des sciences, lettres et arts de Bayonne, 1967.
  • Charles Lansel, MĂ©rĂ©ville, son château et son parc, Paris, J. Dumaine, 1877.
  • François d'Ormesson, Jean-Pierre Thomas, Jean-Joseph de La Borde : banquier de Louis XV, mĂ©cène des Lumières, Paris, Perrin, 2002, 380 p., (ISBN 978-2-26201-820-7).

Voir aussi

Liens externes

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